rap et musique industrielle

Réflexions sur la création musicale et graphique, et sur leur symbiose : mix, Vjing, lives machines, etc.

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konsstrukt
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rap et musique industrielle

Message par konsstrukt »

un peu d'histoire récente de la musique.

la musique moderne commence après la shoah. comme il faut un temps de digestion, ça nous emmène au milieu des années 70.

la musique moderne met en scène le totalitarisme, la torture mentale, et l'asservissement de l'homme par l'homme.

on trouve différentes tendance, représentées par des groupes phares :

l'utilisation de l'esthétique et des méthodes totalitaires pour produire une musique de stricte dénonciation, violente, insupportable, et sans discours : throbbing gristle (et la descendance : psychic tv, spk, coil, les premiers current 93, etc.) ; famille fondatrice de la musique dite industrielle, au sens strict : musique produite à la chaîne, pour des gens formatés comme des produits d'usine. la violence contre la violence.

l'utilisation de l'esthétique totalitaire poussée à l'extrème, dans le but de faire souffrir physiquement l'auditeur : whitehouse. cette musique hurle et grince si fort qu'on est plongé dans un tourbillon de peur. la douleur contre la douleur.

l'esthétique totalitaire parodiée au service d'un discours plus ouvert et plus esthétique, et un militantisme politique sous-jacent. bérurier noir (bin oui, où vous avez vus qu'ils sont punks, ça va pas non ?). l'anarchisme contre le fascisme.

enfin, la recherche de traces totalitarisantes dans toutes les domaines de la vie courante, musique pop, art contemporain, etc, et détournement par le ridicule. the residents. assassiner le fascisme par le ridicule.

les choses évoluent.

une deuxième génération débarque, et assouvit sa fascination pour l'esthétique de ces groupes. il y a un premier glissment, au cours duquel la dénonciation et l'esthétique ne sont plus liées. ce sont des groupes d'extrème gauche, qui utilisent les attributs du nazisme (et autres systèmes totalitaires) par simple fascination esthétique : death in june, joy division, laibach, etc.

la troisième génération, c'est le rap : l'esthétique "industrielle" est utilisée à fond les ballons (postures de guerriers, slogans ambigus, musique minimale violente, parôles concises, communication axée sur le thème secte/guérilla/terrorisme ; mais : plus aucun lien avec la dénonciation des premières générations. simple attrait esthétique pour ces formes, assimillés à de simples codes, vidés de substance. un peu comme des films de guerre. un peu comme si on samplait plein de fims de baston, et au milieu, sans saisir la différence, des plans issus de nuit et brouillard.

alors, quoi, où je veux en venir ? nulle part. la conclusion n'est pas que les rappeurs sont des cons. la conclusion est que les rappeurs la ramènent avec james brown, alors que leur réelle racine, c'est throbbing gristle et the residents. du coup, cette musique coupée de son histoire est passionnante à regarder courir dans tous les sens.
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drÖne
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Re: rap et musique industrielle

Message par drÖne »

Hello,

Quelques remarques, car c'est un thème très intéressant, mais qu'on pourrait traiter un peu différemment :

- l'esthétique industrielle débute bien avant la Shoah, en particulier avec le futurisme italien (1918...). Si "événement fondateur" il y a, je le situerais volontier dans les charniers de la guerre de 14. Mais en même temps, je me méfie de la désignation des "événements fondateurs" comme mécanisme explicatif. En tout cas, les futuristes étaient sans doute à la fois critiques et déjà fasciné par la vitesse et le machinisme industriel : la critique cotoyait déjà la fascination.

- on pourait résumer, à la hache, l'histoire des tématiques des musiques populaires depuis les années 50 en disant que le rock'n'roll c'était la dénonciation du pouvoir parental (révolution générationnelle), et que la pop c'était la dénonciation du capitalisme (révolution politique de 68). Mais la dénonciation de la Shoah, on n'a pas vu grand monde s'y atteler concrètement. A partir des années 80 et de l'émergence de l'electro-indus puis de la techno, il y a eu, explicitement, un renouveau de la caricature du machinisme (les DJ de Detroit, tout comme l'EBM européen, se retrouvaient sur ce thème de l'industrie qui consistait leur bain culturel, et leur monde de proximité). Mais toute caricature, comme toute métaphore, peut être amenée à être vidée de son sens originel... y compris dès l'origine, et c'est ça le problème : "avant", c'était pas mieux. Disons que les origines ne nous paraissent être des origines - avec toutes leurs connotations de "pureté" - que parce que nous en héritons : on ne trouve une logique à l'histoire que rétrospectivement, en fait. En gros, je ne suis même pas sûr que tout le monde ait réellement assumé une position politique dans le courant indus des débuts : il y avait peut-être autant d'opportunisme que de "conscience" politique. En tout cas, dès les années 80, des DJ blacks de Detroit thématisaient cette critique de l'industrie, alors qu'ils n'avaient pas forcément entendu parler de TG : ils arrivaient à cette thématique par d'autres chemins que ceux des blancs européens plus directement marqués par la Shoah et la brutalité "rationnelle", organisée, des nazis.

- le rap. Il ne faut pas oublier le mouvement rap-indus des années 80 justement : Consolidated, les premiers Meat Beat Manifesto s'inscrivaient résolument dans une esthétique industrielle, et pourtant c'était du rap, sans conteste. James Brown comme référence ? Je dirais plutôt Kraftwerk, et ce même aujourd'hui. Ou alors la soul des 60's (Motown) et le jazz.

Les musiques dites "populaires" sont des lieux de croisement, et rendent très difficiles les recherches en paternité idéologique. Sans ressortir le cliché du "melting-pot", toutes les musiques que nous écoutons proviennent d'emprunts variés, parfois contradictoires, et de fusions : à la fois au plan esthétique (le sampling a bien aidé, mais n'a rien inventé de ce point de vue), au plan sociologique (on voit certains musiciens/DJ évoluer dans des communautés de référence extrèmement hétérogènes), et au plan des publics qui évoluent eux aussi dans des sens parfois surprenants : par exemple, que les goths contemporains frayent avec le metal et les bikers est pour moi un mystère incompréhensible car pour ma génération, le mouvement punk puis cold wave dont est issu le gothique s'est construit par opposition radicale à tous ces chevelus qu'on haissait réellement.

Enfin, il ne faut pas oublier que toutes ces intentions critiques sont dépendantes du marché pour exister et circuler largement : là est la contradiction ultime. Et quand on voit ce que devient la techno, on ne peut qu'être frappé par son incohérence idéologique, qui ressemble étonnement à celle des punks endimanchés de Carnaby Street...

+A+
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Message par konsstrukt »

(je répondrai sur le fond plus tard, mais là je voulais juste préciser que je ne parle pas de techno parce que, d'abord, je connais mal son histoire, ensuite, parce que elle ne me semble pas dériver aussi étroitement, sur le fond, de la première génération de musique industrielle (elle dérive peut-être sur un plan formel : recherche de bruitisme, de boucles, de récupération sonore, mais c'est secondaire je pense) ; et enfin parce qu'elle constitue, selon moi, une avancée musicale aussi forte que la musique industrielle, au aussi orpheline : orpheline pourquoi ? parce la techno, comme la musique industrielle, sont des commentaires du monde, et pas des évolutions d'un genre musical préexistant. la techno n'a pas de parent théorique, hormis le regard porté sur le monde par ceux qui l'ont "inventée")
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kickblaster
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Message par kickblaster »

Je dirais pour parler de la Techno qu'il ne faut pas oublier que c'est surtout avec l'évolution des machines ( pas d'acid music sans TB 303 par exemple) qu'elle est apparue. Tout dépend après de quel continent elle a émergé : Si on prend les états-unis par exemple, son influence disco est évidente, puisque c'était avant tout une musique appréciée des clubbeurs et des gays, la House en étant la preuve. L'Europe plus froide et plus blanche ( loin de moi la connotation raciste ) évoluera plus dans un style industriel déja présent dans la musique....
Rien n'est vrai, tout est permis.
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drÖne
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Message par drÖne »

kickblaster a écrit :Je dirais pour parler de la Techno qu'il ne faut pas oublier que c'est surtout avec l'évolution des machines ( pas d'acid music sans TB 303 par exemple) qu'elle est apparue. Tout dépend après de quel continent elle a émergé : Si on prend les états-unis par exemple, son influence disco est évidente, puisque c'était avant tout une musique appréciée des clubbeurs et des gays, la House en étant la preuve. L'Europe plus froide et plus blanche ( loin de moi la connotation raciste ) évoluera plus dans un style industriel déja présent dans la musique....
Oui, mais si tu prends tous le courant electro-indus canadien et nord américain (de Skinny Puppy à Ministry, en passant par Numb, FLA, Hilt, etc.), on ne peut pas nier qu'il soit très nettement indus, et pas franchement clubbing. Ca correspond à la période entre 1981 et 1995, en gros. Et les gays ne sont pas nécessairement des amateurs de house, vu par exemple le courant là encore electro-indus yougoslave des années mi-80, avec les gays de Borghesia, qui pratiquaient une musique très dure.

+A+
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