Murray bookchin - De désillusion en désillusion

Désobéissances et micro-résistances.

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drÖne
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Murray bookchin - De désillusion en désillusion

Message par drÖne »

Grand penseur américain de la nouvelle gauche témoignant de son long parcours idéologique à travers ses désillusions: Du stalinisme à l'anarchisme en passant par le trotskisme, le marxisme et le léninisme. Témoignage tiré du documentaire "Anarchism in America".
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chris
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Re: Murray bookchin - De désillusion en désillusion

Message par chris »

Vraiment super intéressant son parcours ! En sens inverse des nombreux anars qui avec l'âge virent vers la gauche
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drÖne
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Re: Murray bookchin - De désillusion en désillusion

Message par drÖne »

J'ai lu sa biographie, rédigée par sa veuve, qui est vraiment intéressante pour comprendre de l'intérieur l'émergence du mouvement écologiste, à un niveau mondial (même si c'est quand même bien focalisé sur les USA, mais Bookchin a été plus ou moins impliqué dans la création de tous les mouvements écologistes en Europe).

Image

http://www.amourier.com/666-ecologie-ou ... okchin.php
Propos du livre

Ce livre retrace, en nous faisant voyager dans l’histoire mondiale de l’écologie, la vie de Murray Bookchin, philosophe et sociologue, critique anticapitaliste américain et fondateur de l’Écologie Sociale.
Aux antipodes des courants métaphysiques de type "Écologie Profonde" et des approches environnementalistes qui ne peuvent conduire qu'à un aménagement du désastre, l'Écologie Sociale est une théorie radicale qui considère comme révolus le système actuel et les rapports de domination qu'il engendre : Son message qui veut que les êtres humains soient capables de réorganiser leurs sociétés afin de les créer écologiques, est un message d’espoir. Son utopie nous donne à voir ce que pourrait être une société juste et la générosité sociale dont les êtres humains peuvent faire preuve. Ce projet créateur pourrait non seulement préserver l’ensemble du vivant mais aussi conférer un sens à nos vies à travers une action éthique qui redonne à l’être humain son libre arbitre. (extrait de l’épilogue de Janet Biehl)

Ce livre est traduit de l’anglais (USA) par Élise Gaignebet, sa version française est préfacée par Pinar Selek. Le portrait de couverture est une création d’Ernest Pignon-Ernest.


Extrait

Pendant que le public s’installe, l’étudiant qui avait organisé la conférence monte sur l’estrade. L’intervenant de ce soir, dit-il, écrit sur l’écologie depuis les années cinquante. Son livre, Our Synthetic Environment (Notre environnement synthétique) – paru au printemps 1962, quelques mois avant Printemps silencieux de Rachel Carson –, alertait déjà sur les dangers des pesticides et de l’agriculture industrielle, l’appauvrissement des sols, la pollution de l’air et de l’eau, la déforestation et le nucléaire. Dans son livre suivant, Crisis in Our Cities (Crise dans nos villes), il lançait un sérieux avertissement contre le réchauffement climatique: pour éviter une catastrophe écologique, il nous faut nous sevrer des combustibles fossiles, apprendre à utiliser les énergies renouvelables et privilégier une agriculture biologique et une alimentation locale. Il est le fondateur de l’Écologie Sociale, à ne pas confondre avec l’environnementalisme, et encore moins avec le conservation­nis­me: nous parlons ici de l’écologie politique et sociale radicale. L’étudiant présentateur conclut: “Je vous remercie d’accueillir… Murray Bookchin !”
D’une démarche arthritique, le conférencier se dirige vers l’estrade. Saisissant le pupitre par les bords, il scrute la foule de ses grands yeux brûlants.
Avec un accent new-yorkais grondant, il se lance: “Mes amis, la puissance destructrice du capitalisme est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Il impacte directement l’environnement, menace l’air et l’eau, la flore et la faune, les cycles naturels dont dépend toute vie. Il sape la diversité, appauvrit la nature, trans­forme les forêts en déserts, la terre en sable et l’eau claire en égouts. Il inverse le processus de l’Évolution, en défaisant des millénaires d’évolution biotique.”
Son visage buriné s’anime, ses mots tombent au rythme d’un orateur de rue. Ses impressionnants sourcils frémissent comme ceux de John L. Lewis, l’ancien syndicaliste des années trente, que Bookchin – je l’apprendrais plus tard – avait beaucoup admiré.
“Non seulement le capitalisme menace l’intégrité de toute vie sur terre, mais en plus il nous transforme en marchandises. Il nous inonde de publicité, nous faisant croire que nous avons besoin de choses inutiles. Il altère nos relations sociales, les réduisant à des relations acheteurs-vendeurs. Il transforme les liens dans nos quartiers et nos communautés en rapports d’ar­gent, en les absorbant dans la logique exponentielle du marché.”
Pour qui écoute attentivement ses inflexions de baryton, il y a dans sa voix quelque chose des chants populaires russes, des prophètes de l’Ancien Testament, de l’agit-prop de la Vieille gauche et le défi narquois d’un Dead End Kid, un gamin sans avenir.
“Soit nous laissons l’économie de marché fondée sur le “marche ou crève” ravager massivement la planète – ses mains fendirent l’air d’un geste ample – soit nous reconstruisons complètement la société. Si nous voulons vivre en harmonie avec la nature, nous devons changer le système social.”
“Par le passé, les sociétés étaient moins grandes plus communales: les hommes, responsables d’eux-mêmes et les uns des autres, avaient la confiance nécessaire pour se défendre. Je ne dis pas qu’il faudrait remonter le temps. Mais nous avons beaucoup à apprendre de certaines vieilles coutumes d’interdépendance, de coopération et d’entraide.”
Le voilà qui s’agite comme un samovar en ébullition.
“Nous devons organiser un mouvement qui créera une société écologique, décentralisée, démocratique et humaniste. Nous devons commencer par revitaliser et renforcer nos communautés et nos quartiers, inventer une nouvelle politique à l’échelon local.”
Bien plus qu’un discours, c’est une performance qui pousse les auditeurs à agir.
“Mes critiques vous diront que je suis un utopiste qui rêve les yeux grands ouverts. Mais je peux vous assurer que tout ce que je propose est parfaitement réaliste. Plus nous essayons, dans une prétendue perspective pragmatique, de changer la société par de petits rafistolages, plus nous perdons de vue l’ensemble de la société. La seule solution vraiment pragmatique est la solution à long terme : celle qui s’attaque aux causes profondes de la crise écologique.”
À présent, les auditeurs, tendus en avant, se cramponnent à leurs sièges. “Mes amis! Soit nous créons une écotopie fondée sur des principes écologiques, soit nous régresserons en tant qu’espèce. Il est temps: soyons réalistes et faisons l’impossible… car sinon, nous aurons l’impensable !”
drÖne
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