Que faire contre la conjuration des imbéciles ?

Désobéissances et micro-résistances.

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drÖne
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Message par drÖne »

miss_yl a écrit :
Je travaille dans la pub. Houuuuuuuuuuh, la vilaine !!!! En tout cas, j'y ais travaillé longtemps...
Pareil... En tout cas, ici on est entre nous, et on connait tous tes engagements : pas besoin, donc, de t'excuser de bosser pour l'ennemi ! J'ai bossé 6 ans dans la pub, et je n'ai pas l'impression que ça a fait de moi un adepte de l'audimat, de la Star Ac' ou de TF1, bien au contraire : connaître son ennemi, de l'intérieur, c'est avoir un avantage sur lui.
Bah, c'est un peu ça le truc. Il faut savoir s'adresser aux individus en tant qu'individus et non en tant que masse.
Il faudrait même réussir à s'adresser aux individus au nom d'une idée de la collectivité qui ne serait pas celle de la masse : les valeurs du collectif, je ne trouve pas ça négatif, car c'est ce qui est en train de disparaître sous les coups de boutoir du libéralisme et de l'hyper-individualisme des libéraux. On a souvent tendance à amalgammer "collectif" et "masse". Du coup, le risque c'est de survaloriser l'individu sans prendre le temps de distinguer l'individu (au sens positif) de l'individualisme libéral. L'équilibre n'est pas facile !

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Message par miss_yl »

drÖne a écrit : Il faudrait même réussir à s'adresser aux individus au nom d'une idée de la collectivité qui ne serait pas celle de la masse : les valeurs du collectif, je ne trouve pas ça négatif, car c'est ce qui est en train de disparaître sous les coups de boutoir du libéralisme et de l'hyper-individualisme des libéraux. On a souvent tendance à amalgammer "collectif" et "masse". Du coup, le risque c'est de survaloriser l'individu sans prendre le temps de distinguer l'individu (au sens positif) de l'individualisme libéral. L'équilibre n'est pas facile !

+A+
Tout à fait, c'est là que se trouve toute la nuance ! Un collectif est construit d'individus qui apportent chacun leur "savoir-faire" et leur personnalité pour des idées communes. On parle de groupe. On peut le déterminer, il est formel. C'est un terme qualitatif.

Une masse, c'est un peu l'inverse ! C'est informel, indetéreminé. On parle plus d'ensemble. Tout est basé sur la quantité. C'est une sorte de généralisation.

Et aujourd'hui, dans l'ensemble, on connaît bien plus une communication de masse, plus facile à mettre en place, moins onéreuse (soi-disant), et sans doute bien moins fatiguante pour les neuronnes. Et comme une grande majorité de la population s'en satisfait (à en croire le succès de la real TV), tous persistent dans cette voie !

Seulement, voilà, nous, ça ne nous touche pas (en tout cas, pas comme le voudrait les émetteurs), tout simplement parce que nous ne nous identifions pas à cette mascarade. "Je suis un individu unique et je souhaite qu'on me prenne en tant que tel...". C'est un peu égocentrique, mais se sentir considéré est l'une des caractéristiques de la contruction d'un individu au sein d'une société telle que la nôtre.

C'est un peu ce que disait LLB, ci-dessus. Nous ne sommes pas d'accord avec ce qui nous est proposé, et c'est le regroupement de ces mécontents qui peut être facteur de changement, tout simplement via une évolution et une ouverture de leurs aspirations à d'autres domaines que les leurs.
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Chaosmose
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Message par Chaosmose »

C'est plutôt drôle de voir à quel point ressurgissent ici, et de manière tout à fait légitime, l'une des angoisses fondactrices des "science humaines" (wou, quelle prétention!!!), celui du rapport individu/collectif. Je suis parfaitement d'accord avec toi Miss_yl sur la distinction à opérer entre masse et collectif, dès lors que l'on considère le collectif comme collecte, comme assemblage d'hétérogénéités par opposition à une masse informe, à traiter quantitativement sans finalement aucune préoccupation pour l'être. Tiens, ça me remet en mémoire un petit passage de l'intro de l'homme unidimensionnel de Marcuse (et là, vu que je suis autorisée à citer des trucs, j'en profite...):
"Si nous cherchons à tracer un lien entre les causes du danger et l'organisation de la société, il nous faut bien reconnaître que la société industrielle avancée, tout en entretenant le danger, n'en devient pas moins plus riche, plus vaste et plus agréable. L'économie adaptée aux exigences militaire rend la vie plus aisée pour un nombre toujours plus grand de personnes et elle étend la maîtrise de l'homme sur la nature. Dans de telles conditions, les communications de masse on peu de mal à faire passer des intérêts particuliers pour ceux de tous les hommes de bon sens. Les besoins politiques de la société deviennent des aspirations et des besoins individuels, leur satisfaction favorise la marche des affaires et le bien public et le tout semble être l'expression même de la raison. Et pourtant cette société dans son ensemble est irrationnelle. Sa productivité détruit le libre développement des besoins et des facultés humaines, sa paix n'est maintenue que par la constante menace de la guerre, si elle s''accroît, c'est en réprimant les possibilités qui permettraient de pacifier la lutte pour l'existence. Cette répression, si différente de celle qui caractérisait les phases antérieures, moins avancées, de notre société, s'effectue aujourd'hui non pas à partir d'un stade d'immaturité naturelle et technique, mais plutôt à partir d'une position de force. Les capacités (intellectuelles et matérielles) de la société contemporaine sont infiniment plus grandes que jamais, ce qui signifie que la domination de la société sur l'individu est infiniment plus grande que jamais. L'originalité de la société réside dans l'utilisation de la technologie, plutôt que de la terreur, pour obtenir la cohésion des forces sociales dans un mouvement double, un fonctionnalisme écrasant et une amélioration constante du standard de vie".
Non, je ne vais pas me lancer dans une apologie de Marcuse, que je ne saurais cautionner pleinement, mais ce texte de 1964 me semble constituer un témoignage à la fois pleinement historique et ancré dans une certaine actualité.
J'en reviens au sujet de départ, celui de la dialectique individu/société, qui à la lumière de texte de ce type ne me semble pas intéressante en tant que telle (d'un point de vue strictement théorique, chacun a sa trajectoire de résolution de ce problème - détours par le structuralisme, afinement bourdieusien, atterrissage dans une certaine socio pragmatique en ce qui me concerne). Bien au contraire, un morceau de texte comme celui de Marcuse (mais il y en avait évidemment beaucoup d'autres à évoquer) traduit bien la nécessité de concevoir ce rapport dans un ici et maintenant qui ne signifie en aucun cas oubli des épisodes antérieurs, mais attention à la superposition des formes de ce rapport.
Nous avons là un témoignage, un format d'appréhension et de description du rapport de ce qu'il appelle la "société industrielle" comme instrument de domination de masse des masses, par un travail d'uniformisation insidieux des aspirations individuelles. Faire en sorte que l'on se sente libre d'avoir des désirs conformes, que toute forme d'aspérité soit perçue comme déviance.
Actualisation... Les techniques du pouvoir sont devenues moins "lourdaudes", la société industrielle n'est plus, elle est parvenue à absorber sa critique pour se déployer comme epistemè libérale (le terme d'epistemè est peut-être un peu exagéré, mais c'est ce que j'ai trouvé de mieux pour traduire un sentiment, pfff... faudrait des notes de bas de pages dans les posts, *Je n'ai d'autre alternative que de m'effondrer sur le sol, pris d'un rire hystérique*!!!). Ce n'est plus un processus matériel-concret centré sur l'agir, le produire qui gouverne, mais bien une idéologie dont la force est de refuser de se nommer comme tel, un esprit du capitalisme dont la force est de se constituer en évidence absolue. Capable de formater les désirs de nos désirs, de conférer l'illusion d'une existence et d'une spécificité individuelle tout comme les traits d'une appartenance à un groupe. Elle satisfait aussi bien l'aspiration à l'individualité, l'unicité que la constitution de groupes fondés sur des valeurs partagées, traite aussi bien le conformiste que l'anti-conformiste (ou prétendu tel). Bien loin de ne faire qu'uniformiser, elle s'attaque désormais à la pluralité, grignote les formes d'existence qui se voulaient récalcitrantes (l'évolution que rappelait dröne des mouvements alternatifs me semble en constituer une triste preuve).
Non, je ne suis pas non plus dans un plaidoyer nihiliste. Mais cela me permet d'éclaircir l'appréhension du rapport individu/collectif dans un état mental qui est celui d'un certain individualisme forcené au sein de collectifs pré-formatés, ayant par trop perdu de leur pouvoir critique car déjà absorbés. Bref, penser un collectif un peu autrement (idée que me semble-t-il nous partageons tous), un collectif qui comme je le disais plus haut soit une collecte d'hétérogénéités, ne recherche pas l'harmonie factice d'une identité commune et ne soit pas l'apologie d'un absolu de la différence, mais dont la non-fin est la convergence. Qui soit le lieu d'une poursuite de l'individuation (et non pas individualisation), insouciant de sa productivité sociale tout comme d'une fausse homogénéité qui serait la recherche d'un "faire groupe". (en ce sens, je ne suis pas tout à fait d'accord avec miss-yl sur le regroupement des mécontents, mais je joue sans doute un peu sur les mots, je suppose que l'on esst d'accord là dessus, donc je m'étale pas dans une controverse stérile). Cette idée traine assez souvent, pour des raisons diverses (et souvent l'angoisse de formes d'illégitimités à parler), en filigrane dans nos posts, mais il me semble que conférer une vraie valeur à un collectif attaché à la récalcitrance passe tout à la fois par des critiques/valeurs partagées, des formes d'appréhension du monde à discuter, la préservation des processus d'individuation et surtout celle certaine schizophrénie. C'est peut-être là que se joue là récalcitrance, dans la constitution de collectif schizophrènes...

Tout ça pour ça... "d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit me semble on ne peut plus approprié :*Je n'ai d'autre alternative que de m'effondrer sur le sol, pris d'un rire hystérique*: Bon, ben c'était ma séance psychiatrie du jour... :roll: .
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drÖne
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Message par drÖne »

Avec LLB, on "rumine" également ces questions de l'individuel et du collectif, du libéralisme comme norme implicite, discursive et plus largement communicationnelle : idéologie forte et dominante car implicite, naturalisée. On se pose également la question du rôle potentiel des sciences humaines et sociales (SHS) dans la description historique de ces mouvements de fond, et dans leur critique.

Je crois que LLb reste optimiste sur la possibilité de mener cette critique du point de vue des SHS, alors que j'ai perdu toute illusion sur l'appui que ces disciplines pourraient nous apporter. Sans doute parce que j'ai fini par distinguer de manière très nette entre les SHS comme champ de savoirs, et les SHS comme métier, comme pratique professionnelle.

Pour moi, les SHS sont ce qu'elles font : rien, ou si peu. Qui parle en leur nom, dans les débris d'espace public qui nous restent ? Qui les mobilise pour autre chose que pour adhérer aux principes du libéralisme ? Pour autre chose que pour conforter une position mandarinale ? Pour autre chose que pour accéder à des ressources et à des financements pour son labo, pour ses doctorants ? Qui les mobilise, comme le faisaient les auteurs de l'époque des années 60, comme Marcuse, à des fins ouvertement critiques, voire militantes ?

La professionalisation des SHS, qui s'est accompagnée ces 50 dernières années de leur spécialisation et de l'augmentation du nombre des chercheurs, a conduit à constituer les SHS comme un champ de concurrence : certes, ça a toujours été le cas. Mais à ce point ? Et en période de raréfaction des ressources et des crédits, la concurrence au sens trivial, marchand, est tout ce qui reste de l'idée du débat critique dans nos professions.

Si tel n'était pas le cas, on verrait forcément ré-emerger la figure de l'intellectuel porte-parole-engagé comme à l'époque de Bourdieu. En lieu et place de cela, on a une sociologie "attentive-aux-z'acteurs" qui n'a de cesse de chercher des positions de force sur le marché des privilèges symboliques et économiques (subsides européens : "croissez et grossissez pour perdurer" ; logiques de mise en concurrence et "pôles d'excellence" : "croissez ou disparaissez"). Les SHS, au delà des disciplines qui les composent (la socio n'est pas la seule en cause), n'a de cesse d'adhérer à l'idéologie libérale que nous combattons. Ca et là, bien entendu, il reste des poches de résistance (dont j'estime que nous faisons partie) : sensation d'être devenus des dinosaures, et de nous carricaturer nous-mêmes dans la position du dernier village gaulois résistant à la colonisation romaine... Les José Bové des sciences humaines : arf !

Alors, du coup, je suis très mal à l'aise dans ma propre culture SHS. Je la vomis pour ce qu'elle fait : la manière dont, en tant que profession, elle structure des rapports de brutalité dans ses propres institutions, m'écoeure. La manière dont ses éminents représentants, auteurs par ailleurs de bouquins à tonalité "humaniste", se comportent comme de véritables nazis de couloirs dans les lieux dont ils ont la charge, la manière dont ceux qui s'appitoient à longueur de textes sur le sort des "pôvres z'acteurs" n'ont pas d'autres action que de prendre le risque d'en pousser certains au suicide (je pense à certaines discussions avec des Iatos, placardisés...), avec des techniques de harcellement moral et de management qui n'ont rien de différent de celles en vigueur dans l'entreprise, mais qui y seraient dénoncées, là, alors qu'elles persistent et détruisent les gens chez nous...

Les SHS, comme je le dis souvent, sont finalement le dernier espace où la classe moyenne finissante peut exercer des rapports de domination qui relèvent plus du féodalisme que de la Raison...

Bon... là, c'était mon quart d'heure dépressif... Tout ça pour dire qu'il me semble plus que jamais urgent de ne pas constituer les SHS en pôle d'extériorité : pas de neutralité axiologique possible. On se bat dans la même merde que les acteurs, avec les mêmes armes, sans avoir aucune garantie d'une meilleure compréhension des phénomènes qu'eux, car nous sommes soumis exactement aux mêmes forces. Les scientifiques des sciences naturelles ne savent pas à quel point leur position épistémologique est confortable, saine, gratifiante par rapport à la notre... La paillasse comme "tribunal des faits" : pratique ! Du coup, j'en arriverais presque, en ce moment, à une position très schyzo, qui consisterait à bannir toute référence aux SHS tant l'action "pure", que je critique si souvent, m'apparaît conformtable elle-aussi... Peut-être que le militantisme et les sciences naturelles reposent sur le même socle idéologique : action-réaction ! Action (empirisme) -> vérification (contrôle social des effets de l'action par les masses réunies dans la rue, ou par le vote, comme équivalent du contrôle scientifique des "manips" en laboratoire).

Peut-être qu'entre l'individu et le collectif, il y a tout ça : les normes empiriques de la vérification et les techniques de communication qui les accompagnent, qui constituent à la finale des passages entre le registre de l'individuel et celui du collectif.

Bref...

+A+
drÖne
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Chaosmose
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Message par Chaosmose »

J'ai effectivement tendance à partager ton point de vue sur les SHS, en tant que champ ou discipline. Mais j'ai la chance (comique, non?) de n'être pour l'instant que reléguée au rang de prétendante pas pressée du tout, assez rétive aux points de passages obligés et autres injonctions abjectes de ce qui est "métier" (les colloques, doses de publi, écoles et autres mandarinades), ce qui participe et participera sans doute de mon éviction (si elle n'est déjà opérée) de ce tout petit monde.
Je ne crois pas non plus à la réémergence de l'intellectuel engagé, ce n'est sans doute pas pour rien si l'on ressucite en permanence des Foucault et des Bourdieu, dans ce qui n'est plus qu'un désert de luttes entre mandarins. Reste des Stengers, des Starhawk (tiens, des femmes?), mais pour quel public ?
Subsiste alors le confortable inconfort des SHS pour appréhender son environnement, disposer d'outils descriptifs pour témoigner, non en lieu et place, non pour dire mieux ou plus vrai que les z'acteurs z'eux mêmes, mais tout simplement pour rajouter une strate, contribuer à sa manière aux empilages, compositions de la récalcitrance.
Ta mise en perspective au regard des sciences dites naturelles (action/réaction) me semble particulièrement intéressante, même si je ne suis pas sûre de l'avoir pleinement saisie (si tu pouvais la développer à l'occasion...). En gros, je ne sais pas exactement où tu places les frontières de l'action empirique, notamment au regard de la performativité (certes toute relative) des SHS.

Un petit exemple, en guise de quasi-aveu des errements de ma prime jeunesse militante...: gentille petite syndicaliste anarcho-gauchiste en pleine découverte (post-)adolescente de Bourdieu, j'ai pondu avec quelques amis bon nombres de dossiers et autres tracts sur la reproduction sociale des dites "elites" à sciences po, avec toute la joie narcissique et illusoire du vilain petit canard dans la mare. Avec force mobilisation, réitération etc..., tout ceci a abouti... au fameux système permettant à quelques lycéens des ZEP de pénétrer dans l'auguste institution. Je porte une part de responsabilité, avec l'appui gourouesque de Bourdieu, dans cette mascarade. Le sujet en tant que tel n'est sans doute pas très intéressant, mais porte malgré tout à réfléchir sur le rôle social de nos orgueilleuses disciplines....

Désolée si j'ai été un peu à côté de la plaque par rapport au sujet initial.... encore un truc cathartique??? :oops:
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drÖne
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Message par drÖne »

Chaosmose a écrit :J'ai effectivement tendance à partager ton point de vue sur les SHS, en tant que champ ou discipline. Mais j'ai la chance (comique, non?) de n'être pour l'instant que reléguée au rang de prétendante pas pressée du tout, assez rétive aux points de passages obligés et autres injonctions abjectes de ce qui est "métier" (les colloques, doses de publi, écoles et autres mandarinades), ce qui participe et participera sans doute de mon éviction (si elle n'est déjà opérée) de ce tout petit monde.
On en revient au sujet initial : que faire contre la conjuration des imbéciles ? Sans doute entrer en résistance "passive", ce qui signifie, comme tu l'as visiblement compris, d'entrer dans une logique de sacrifice... Pour la résistance "active", ce que tu raccontes de ton expérience avec Science Po en montre bien les limites. Autre clé, peut-être, ne jamais céder à l'urgence, ne pas être pressé d'agir, ni même de ne pas agir : l'urgence est le mode de management numéro un de ceux qui ont envie de tout contrôler et d'établir un rapport de domination. Y compris les militants, voire surtout eux...
[...]
Ta mise en perspective au regard des sciences dites naturelles (action/réaction) me semble particulièrement intéressante, même si je ne suis pas sûre de l'avoir pleinement saisie (si tu pouvais la développer à l'occasion...). En gros, je ne sais pas exactement où tu places les frontières de l'action empirique, notamment au regard de la performativité (certes toute relative) des SHS.
Pfiou ! Ca nous amènerait loin, et je ne suis pas sûr d'être sûr de ce que je veux dire à ce propos. C'est vrai que la performativité des SHS, ce qu'elles font "réellement", comme ce que fait tout discours sur la réalité qu'il décrit et conforme en la décrivant, c'est peut-être ce qui rapproche l'empirisme des sciences naturelles de celui des SHS. Sauf que les SHS ne peuvent même pas avoir le confort de la coupure nature/culture : on travaille à même la bête ! On se charcute en charcutant le social : les naturalistes ne charcutent "que" la nature, eux. Quoique... Même cette distinction a tendance à exploser...
Désolée si j'ai été un peu à côté de la plaque par rapport au sujet initial.... encore un truc cathartique??? :oops:
Bah, peut-être faut-il avoir une stratégie de l'errement récalcitrant pour ne pas céder non plus à la rhétorique de l'uniformité. De toute manière, je déteste les forums où on t'oblige à discuter d'un thème précis, et d'un seul, comme si dans la vie courante on ne s'égarait pas dans les associations plus ou moins hasardeuses d'idées.

Hum, si on se résume, pour lutter contre la conjuration des imbéciles (vaste projet !), il faut, a minima :

- du sacrifice
- de la lenteur
- des errements
- de la réflexivité

Ca fait pas lourd comme armement pour lutter contre les forces conjurées de l'imbécilité libérale. Quoique si tout le monde s'appliquait, au quotidien, ce type d'éthique, par exemple sur son lieu de travail, je suis persuadé que le monde changerait, et pas en pire. C'est peut-être bien la recette d'un cocktail molotov finalement !

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LLB
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Message par LLB »

Je ne sais trop que dire à ce point de la discussion, je pense qu'on peut difficilement nier le fait que quelque chose nous a attirés dans les SHS, qui persiste au-delà des désillusions....personnellement j'ai fait les deux, de la paillasse et des instruments pendant deux ans dans la solitude véritable du labo et le travail fort peu réflexif en effet, et ensuite, découverte éblouie des SHS, du monde, de la lumière, des discussions, de la communication, du public, le tout grâce évidemment à des rencontres, ce sont elles qui sonnent le sens des engagements, qu'elles se fassent avec des êtres imaginaires (les zauteurs) ou des créatures vivantes animées, formidable.
On devient alors, qu'on le veuille ou non, un héritier. Mais pas du tout au sens que Bourdieu donne au terme. Et s'il y a du symbolique dans l'héritage, il ne s'agit pas du tout de capital symbolique ou de biens symboliques. On est héritier au sens de dépositaire d'un don qu'on doit garder et transmettre, au sens Maussien. Et la dimension symbolique, elle est dans le fait que ce processus n'est en rien un modèle de circulation et d'échanges de "choses" (sur le modèle presque libéral capitaliste du ridicule don-contre don qui ne garde plus rien de ce que Mauss a décrit) mais un modèle de création et de destruction dont on ne peut pas savoir a priori ce que c'est.
J'ai peur qun ue notre grande désillusion vienne du gouffre entre le fait d'être des héritiers au sens maussien, en étant absolument pas des héritiers au sens bourdieusien, et de constater que ce qui a rendu consistante et vivante pour nous la dimension symbolique du don,qui nous a engagés profondément, est déséspérément absente de nos environnements de travail. Nous avons bien hérité de quelque chose, mais au moment où ce qui domine totalement les SHS c'est une conception de l'héritage réduite à héritier de mandarin, héritier des privilèges et du prestiges d'institutions, héritiers de droits de citations, c'est à dire exactement tout ce qui s'oppose à cet conception du lien symbolique. Or dans bien des cas, la superposition des deux héritages fait qu'on peut prendre hélàs l'un pour l'autre : un héritier mandarinal qui se croirait dépositaire de valeurs symboliques et qui serait vu et reconnu comme tel alors qu'il ne serait que rentier.
Nous sommes peut-être comme les Baruyas avec leurs objets symboliques hérités, trois cailloux et une feuille, que les certains anhropologues font parfois semblant de reconnaître comme étant des vérités, pour accéder à des mécanismes sous-jacents dont les acteurs seraient inconscients. Nous sommes des Baruyas, des gros naïfs qui avons cru aux objets symboliques que nous sont transmis des hommes et des zauteurs, et qui nous apercevons que plus personne n'y croit dans la tribu (maintenant qu'onest dans le régime des capitaux symboliques). Et pourtant, nous sommes convaincus que la réduction qu'ils opèrent ne rend pas compte de dimensions multiples de la culture et de la socviété, et c'est pourquoi nous continuons de croire. Mais le gros problème avec les SHS, c'est que lorsqu'on dit "Mais les liens sociaux ne fonctionnent pas comme ça! le système (social, politique) mis en place ne marchera jamais, et ce sera la preuve qu'il n'était pas pertinent" on voudrait appliquer le modèle de l'administration de la preuve là où il n'y a pas un mécanisme, une loi, une logique, mais où les choses peuvent être tout simplement contraintes, et détruites précisément parce qu'on est pas dans des modèles au sens des sciences de la nature. Reste que de toutes façons, et toujours pour cette raison, je ne suis pas sûre que nous devions être si pessimistes parce qu'on ne peut pas fonctonner sur un modèle déterministe qu'on critique par ailleurs. Je pense qu'un peu partout, ailleurs que dans les SHS mais aussi dedans, il y a des gens qui sont dépositaires de dons sans pouvoir se constituer en héritiers (capitalistes) ce qui leur permet de croire et de transmettre à leur tour. C'était le quart d'heure messianique, désolée, je m'égare aussi.
Le Lion Bleuflorophage
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Message par drÖne »

J'aime bien la distinction que tu fais, entre l'héritage au sens de Bourdieu et la notion de don chez Mauss. Mais en ce qui me concere, je ne suis pas sûr que ce soit ça qui me pose problème, quand j'analyse ma désillusion. J'en suis peut-être arrivé à penser qu'au delà de cette distinction, qui se situe à lune échelle d'appréhension humaine, perceptible dans le cadre d'un parcours individuel, il y a un cadre idéologique historique qui fait que la science, qu'elle soit humaine et sociale ou naturelle, est avant tout un projet de domination du monde, plus qu'un projet de compréhension. C'est un peu le trip "à la Marcuse", certes...

Du coup, avec mon petit bagage de pragmaticien (en gros, qui consiste à penser que ce qui permet de trancher entre des idées dont on ne sait pas si elles sont distinctes, c'est les actes et les pratiques qu'elles déterminent etqui sont nos seuls observables), je ne peux plus m'empêcher de me dire que les sciences, ce n'est pas l'idée de la science, mais c'est ce que les sciences réalisent là où elles peuvent agir : dans les institutions qu'elles déterminent, et où on voit bien peu d'autres réalisations concrètes que la brutalité quotidienne de l'héritage au sens capitaliste/bourdivin du mandarinat, du mépris des petits et des humbles par les forts, et de la violence que les nantis font subir à leurs administrés. Car, fondamentalement, la science serait avant tout un projet d'ascension sociale de la classe moyenne (anciennement bourgeoise), mené dès le XVIIème siècle : un rapport de force à la fois avec le mode matériel (qu'il faut plier à la volonté d'accumulation des biens) et avec le monde social (lui aussi, à faire plier). On a pu croire qu'il se serait agit d'un projet global d'émancipation (des pouvoirs féodaux, de la religion, etc.) et de démocratisation, mais je n'arrive plus à y croire : où sont les actes ? Les réalisations positives ? Les émancipations effectives ? Quand je vois ce qui se passe dans les universités, là où la science existe et a instauré sa pleine et entière effectivité, qu'a-t-elle réalisé de si enviable, qu'on aurait envie de prendre pour modèle ? On a un principe de démocratie scientifique absolument fantastique sur le papier (la régulation par les pairs, les jurys collectifs, etc.), mais vois à quel point la réalité quotidienne est différente du projet théorique ! Et où sont les récalcitrants-universitaires ? Même quand leur monde s'effondre, et qu'on a toutes les raisons de penser que dans moins de 10 ans notre métier sera totalement bouleversé dans le sens de la violence et de l'inégalité libérale, la majoprité de nos collègues ne bougent pas : presque rien n'est sorti des luttes contre le LMD, le mouvement Sauver la Recherche a été la plus grande arnaque intellectuelle de ces 10 dernières années, la récupération syndicale et mandarinale a tué toute utopie, et tous ceux qui finissent par s'accorder sur notre diagnostic pessimiste (généralement avec un retard de 6 mois à un an, après nous avoir critiqué au motif qu'on "caricaturerait" la situation, qu'on serait pessimistes...) sont tellement ramollis du bulbe qu'ils n'en tirent aucune conclusion de peur d'avoir à se mettre à penser de manière autonome et à changer leurs habitudes.

Bref... on s'est un peu éloigné du sujet initial non ? J'aime bien quand un sujet dérive : c'est essentiel à la vie d'un forum, en particulier pour lutter contre les cadrages et les illusions selon lesquelles une bonne discussion serait une discussion centrée sur un thème unique. Au contraire ! Dérivons, dérivons...

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LLB
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Message par LLB »

Mais justement, au nom de cette même position de pragmaticien, grâce à laquelle tu décides du sens des choses à partir des actions et des effets de ces actions, tu ne trouves pas qu'on ne peut pas dire que le projet général de la science serait avant tout un projet de domination du monde et d'ascension de la classe moyenne ? Je suis très sensible à ce que tu dis et en ce moment mon pessimisme me fait penser que tu as peut-être raison, mais n'empêche, on est là à une échelle d'appréhension qui échappe à la possibilité de pouvoir le décider si nettement. Je suis d'accord avec toi sur le fait qu'au quotidien, on ne voit pas de subtilité particulière mais des rapports de force brutaux, dela lâcheté et des stratégies gros doigts. Mais comment savoir si ce n'est pas lié à une imposition de logiques externes plutôt qu'interne, et peu à peu complètement incorporée? En fait je n'en sais strictement rien, je ne peux suivre dans ce domaine que l'intuition, les expériences fondatrices, les sentiments, tout le ce qui est soit dévolu dans l'en-deça du "fatras irrationnel", soit remonté au-delà de 'histoire des idées. En clair un baril du chercheur Dröne vaut dix barils de chercheurs SHS déprimants et a plus d'effets sur mes décisions que ces dix barils, mais si ce sont ces dix barils de chercheurs déprimants qui ont le plus d'influence sur mon moral.
Parfois je pense que le dilemne et la folie dans lesquels nous sommes plongés viennent du fait que nous sommes sans arrêt sommés de relier ce que nous pensons et faisons au quotidien ou même à l'échelle de quelques années de notre vie, à des cadres généraux écrasants, mondiaux, historiques. Comme si toute autre échelle inférieure, locale, humaine, disparaissait parce qu'elle serait sans cesse relativisée et engloutie, contaminée par la force des cadres plus généraux qui deviennent non plus des abstractions, mais des contraintes et des conditions très réelles. D'où l'envie de mouvements rapides et masifs proportionnés à ces échelles qui cadrent désormais le sens de l'action, le reste étant relegué dans le registre de ces poétiques logiques barbares jolies mais sans portée. Or peut-être que ce n'est pas vrai, peut-être que ce n'est qu'un effet de cadrage. Quand on est parfaitement heureux (par exemple quand on est amoureux) le fait de traverser une rue acheter le pain est une action riche et belle. Mais si nous incorporons des représentations qui renvoient cette action à gigantesque mécanique générale (l'évolution circuits marchands, les comportements intégrés, etc. ) à laquelle nous ne pouvons rien, nous sommes broyés et malheureux. Or, je pense que peut-être la plus terrible menace qui pèse sur nous est l'incorporation de cadres qui vont empêcher de ressentir ces états de liberté et de création de cadres autonomes. Je pense que notre société s'attaquera un jour à l'amour parce que ce sera la seule poche d'échanges totalement non marchands et hors hiérarchie. Car pour les raisons que je disais dans le post précédent, liées à la nature du symbolique, rien ne dit que les sentiments ne se transformeront pas un jour sous l'effet de l'incorporation de cadres d'interprétation. Rien ne permet de dire que nous ressentirons toujours de la même manière des dimensions de l'être pour lesquelles le rapport d'altérité devient absolument fondamental... Mais bon, je me contredis complètement parce que c'est hors de portée de toute possibilite de le vérifier. Mais en clair ce que je ressens dans la tension actuelle en sciences, c'était que c'était un domaine qui m'apparaissait pouvoir explicitement admettre l'amour d'autrui comme moteur utopique et aussi concrètement opérateur d'organisation collective (les équipes de gens heureux de travailler ensemble et qui se regroupent sur des critères d'élection mutuelle, l'admiration, la confiance, les mythes du désintéressement qui reposent nécessairement sur le partage avec des gens concrets) et que c'est presque totalement gestionnarisé, entreprenarisé, industrialisé, patronisé, compétitivisé, etc. On va trouver cette vision grotesquement naïve mais au fond, pourquoi on ne trouverait pas également naïves des visions fonctionnelles des rapports sociaux qui ont pour elles la respectabilité et le sérieux de l'allure rationaliste. Et puis le problème comme tu disais Dröne c'est que je suis presque en passe de trouver ça grotesquement naïf en effet....J'en profite pour l'exprimer quand même puisque ce n'est pas complètement évacué.
Le Lion Bleuflorophage
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drÖne
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Message par drÖne »

LLB a écrit :Mais justement, au nom de cette même position de pragmaticien, grâce à laquelle tu décides du sens des choses à partir des actions et des effets de ces actions, tu ne trouves pas qu'on ne peut pas dire que le projet général de la science serait avant tout un projet de domination du monde et d'ascension de la classe moyenne ? Je suis très sensible à ce que tu dis et en ce moment mon pessimisme me fait penser que tu as peut-être raison, mais n'empêche, on est là à une échelle d'appréhension qui échappe à la possibilité de pouvoir le décider si nettement. Je suis d'accord avec toi sur le fait qu'au quotidien, on ne voit pas de subtilité particulière mais des rapports de force brutaux, dela lâcheté et des stratégies gros doigts. Mais comment savoir si ce n'est pas lié à une imposition de logiques externes plutôt qu'interne, et peu à peu complètement incorporée? En fait je n'en sais strictement rien, je ne peux suivre dans ce domaine que l'intuition, les expériences fondatrices, les sentiments, tout le ce qui est soit dévolu dans l'en-deça du "fatras irrationnel", soit remonté au-delà de 'histoire des idées. En clair un baril du chercheur Dröne vaut dix barils de chercheurs SHS déprimants et a plus d'effets sur mes décisions que ces dix barils, mais si ce sont ces dix barils de chercheurs déprimants qui ont le plus d'influence sur mon moral.
Oui, tu as raison : je devrais me méfier de ma tendance à être plus intéressé par les grands cadres interprétatifs macro que par les cadres plus micro, qui sont tout aussi légitimes, mais dont au moins on peut dire quelque chose (ce qui n'est pas le cas des cadres macro qu'on peut tout au plus inférer, en singeant les historiens, ou pire, les philosophes). Intellectuellement, je sais que les approches philosophisantes sont des impasses, des pièges à gogos, mais bon... difficile de ne pas être rattrapé par son propre sens commun... On devrait aussi arriver à faire abstraction des connards qui nous entourent et à ne fonctionner qu'avec ceux qui nous intéressent comme "témoins" de nos actions : mais tu sais aussi bien que moi que c'est très difficile ! Je ressens la même chose avec la musique : je devrais arriver à me contenter de savoir qu'il y a des gens pour qui les soirées privées totalement auto-organisées sont le quotidien, etqu'on adhère donc aux mêmes valeurs, mais je ne peux m'empêcher de râler contre la masse des connards qui font l'apologie des grands teknivals. On devrait pouvoir se dire "après tout : live & let die !". Mais je n'y arrive pas en fait... Je crois (peut être par déformation de mes organes de perception du social ?) que rien n'est anodin : ce qui existe au delà de mon expérience individuelle a un effet sur elle, et il est vain d'en faire abstraction. Je ne peux pas me contenter d'être heureux de ce qui marche bien, dans les SHS comme dans la musique, parce que je pense fondamentalement que les grands cadres organisateurs ont des effets de destruction d'autres possibles.
[...] Or peut-être que ce n'est pas vrai, peut-être que ce n'est qu'un effet de cadrage. Quand on est parfaitement heureux (par exemple quand on est amoureux) le fait de traverser une rue acheter le pain est une action riche et belle.
Oui !!!

Mais en même temps, ce n'est pas à toi que je vais apprendre que les effets de cadrages, les représentations, celles des acteurs comme celles de ceux qui font profession de les étudier, constituent notre seule réalité perceptive. Le problème, c'est d'arriver à articuler entre eux les cadres micro et macro (et éventuellement de cerner les gradations entre ces cadres), et ce à la fois intellectuellement (en termes de recherche) et "pragmatiquement" (dans notre vie quotidienne, quand on quitte son labo). Mais, si on en croit certains analystes, le propre de la structure du capitalisme (on peut bien le rebaptiser pudiquement "libéralisme", ne soyons pas naïfs : c'est de la même merde qu'on parle) c'est de se constituer comme un système d'extension illimité (géographiquement) et infini (temporellement et structurellement) des activités rationelles par rapport à une fin (le travail, la production de biens et de services, la publicité, la consommation, l'innovation technique, etc.). Du coup, les cadres qui accompagnent cette extension indéfinie et illimitée des systèmes d'action sur le monde sont nécessairement "macro". Et ces cadres se constituent, par force, comme "nos" cadres : c'est bien ça le problème. Alors, on pourra bien entendu démontrer à quel point tout cadre est susceptible de ré-interprétations, certes... m'enfin, je te fais pas un dessin : on s'adapte, c'est tout. Ou alors on fait la révolution. Mais entre ces deux pôles ?
Mais si nous incorporons des représentations qui renvoient cette action à gigantesque mécanique générale (l'évolution circuits marchands, les comportements intégrés, etc. ) à laquelle nous ne pouvons rien, nous sommes broyés et malheureux. Or, je pense que peut-être la plus terrible menace qui pèse sur nous est l'incorporation de cadres qui vont empêcher de ressentir ces états de liberté et de création de cadres autonomes. Je pense que notre société s'attaquera un jour à l'amour parce que ce sera la seule poche d'échanges totalement non marchands et hors hiérarchie. [...]
C'est en effet un risque. Mais nous avons une garantie contre ça : le corps. hé hé hé... Ca, les religions à tendance oppressives l'ont bien compris, quand elles stigmatisent le corps comme facteur de subersion des ordres moraux totalitaires. Le capitalisme également, au passage : tous ces corps modèles étalés à longueur de vitrine, dans le seul but de vendre, surtout le coprs féminin, c'est bien une tentative de cadrer le corps dans le secteur de la consommation, alors qu'il ne peut l'être que dans le sexe, dans l'agitation de la danse, dans le refus (en principe), de la position immobile et assise devant son écran... enfin, ça devrait être ça... peut-être que je suis un peu trop dans un trip "écolo-romantique" sur ce coup ? Après ma période keupon (haine du corps), ça me fait bizarre, mais bon... En tout cas, pour boucler de manière "convergente" avec la techno, je crois que les musiques populaires ont ça de commun avec les bacchanales, les carnavals, etc. : permettre de replacer le corps en dehors des systèmes de normes, d'où sans doute une des raisons de l'oppression policières qui est si virulente à l'égard de la techno : trop de corps, pas assez de marché. Là où c'est un peu inabouti, comme démarche, de la part de la techno, c'est son caractère prude qui contraste avec le côté "du cul du cul du cul" qui était la norme avec les hippies. Mais on est, à mon avis, dans un parfait centre de gravité entre les années 60 (apologie du corps et libération sexuelle) et les années 77/80 (le punk comme déclaration de haine au corps et au sexe) : la techno, c'est l'entre deux médian, un peu tristounet je trouve, entre ces deux pôles extrêmes.

Bon, on a encore bien dérivé là... Interprétation libre quand tu nous tiens !

+A+
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
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