La gauche radicale et le problème juif

Ici, on discute des sciences de la nature, mais aussi des sciences humaines et sociales.

Modérateurs : drÖne, LLB

Avatar du membre
Chaosmose
'tit cake !
Messages : 200
Enregistré le : 05 nov. 2004, 20:43

La gauche radicale et le problème juif

Message par Chaosmose »

Danny Trom
La promesse et l'obstacle : la gauche radicale et le problème juif
Cerf - 13 septembre 2007

Image

« Passages »

Depuis une dizaine d'années, la gauche radicale, après une longue éclipse, a fait sa réapparition sur la scène publique française. Longtemps empêtrée dans une crise théorique profonde, elle construit un dispositif susceptible de fonder une critique radicale sur de nouvelles bases et d'impulser un enthousiasme militant qui puisse s'y adosser. Ce texte explore les opérations théoriques au travers desquelles la gauche radicale accomplit cette tâche. Il distingue deux manières, parallèles et contradictoires, de surmonter la crise de la critique : la première voie est empruntée par une gauche radicale appelée « sociale » qui redéfinit une nouvelle question sociale autour de la figure de la victime souffrante, tandis que la seconde voie est empruntée par une gauche radicale appelée « politique » qui veut marquer une ligne de front et les lieux d'une subjectivisation subversive qui lui soit ajustée. Et sur ces chemins d'une critique radicale régénérée, chacune rencontre un obstacle appelé à être levé. Cet obstacle, les deux critiques radicales confondues tentent de le cerner dans les termes déterminés par le chemin qu'elles se sont choisi. Et elles le nomment. En identifiant, de manière tâtonnante, ce qui à chaque fois fait obstacle à la relance de la critique, elles formulent un « problème juif ». Absolument incompatibles entre elles, les deux gauches radicales semblent néanmoins confluer à ce point d'intersection. Les sempiternelles accusations d'antisémitisme sont ici impuissantes à saisir ce qui est en jeu. Car la critique radicale ne préjuge pas, ni ne se trompe : en faisant pivoter la critique radicale autour d'une humanité souffrante ou en traquant un agent responsable de la dépolitisation, elle fait surgir les juifs au coeur de son dispositif théorique en voie d'édification. La promesse de la gauche radicale française s'actualise alors toujours davantage comme une menace adressée aux juifs. Tel est le fait dont ce texte veut restituer la logique.

- 4ème de couverture -

Passé sur France Culture, que l'on peut écouter ici :
http://www.radiofrance.fr/chaines/franc ... /index.php

Je l'ai enregistré au besoin...
Avatar du membre
drÖne
Présidictateur
Messages : 7766
Enregistré le : 05 oct. 2002, 22:35
Localisation : Présidictature de Drönésie Orientale
Contact :

Message par drÖne »

Même si le problème "rouge-brun" est réel, est-ce que ce n'est pas réducteur de positionner l'enemble de la gauche radicale sur ce thème du "problème juif" ? Je trouve ça étrange. T'as lu le bouquin ?

+A+
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
Avatar du membre
Chaosmose
'tit cake !
Messages : 200
Enregistré le : 05 nov. 2004, 20:43

Message par Chaosmose »

drÖne a écrit :Même si le problème "rouge-brun" est réel, est-ce que ce n'est pas réducteur de positionner l'enemble de la gauche radicale sur ce thème du "problème juif" ? Je trouve ça étrange. T'as lu le bouquin ?

+A+
Non, je ne l'ai pas encore lu. Mais de ce que j'en ai entendu dans l'émission sus-citée, ce livre ne s'embourbe pas du tout dans un tel réductionnisme.
Disons que son explicitation sert davantage à mettre en lumière ce qui entrave fondamentalement toute possibilité d'existence d'une gauche critique radicale.

Un livre qui n'a pas fini d'en prendre plein la gueule, parce que la thèse comme le procédé sont déroutants, mais je trouve qu'il remplit plutôt bien son office de lanceur d'alerte, non pas sur le problème rouge-brun, mais bien sur la nécessité de refonder la critique (radicale & de gauche), tant du point de vue théorique que du point de vue de ses "objets".
Avatar du membre
drÖne
Présidictateur
Messages : 7766
Enregistré le : 05 oct. 2002, 22:35
Localisation : Présidictature de Drönésie Orientale
Contact :

Message par drÖne »

Disons que c'est le lexique du "problème juif" qui fait un peu froid dans le dos... Qu'il y ait des liens entre des intellectuels juifs et la théorie critique c'est une évidence, ou du moins une réalité historique et sociologique. Je suis en train de lire un bouquin sur l'histoire de l'Ecole de Francfort, donc Ok pour ce lien là. Mais sa nature en tant que "problème" à dépasser pour refonder une critique, là ça m'échappe. Je veux dire au plan logique : je ne vois rien de logiquement acceptable dans ce genre de thèse. Soit on se place dans une frange un peu extrême, celle des rouge-bruns, et on en mène l'analyse idéologique et sociologique, pourquoi pas, mais où est le lien entre un corpus théorique comme celui de la théorie critique et le "problème juif" à dépasser ? J'ai pas mal lu l'Ecole de Francfort, et j'y vois plus des interrogations sociales et philosophiques d'ailleurs trop hétérogènes pour qu'on puisse légitimement parler d'UNE théorie critique ou d'une "Ecole". Et imaginer que ce qui donnerait son unité à ce courant qui existe depuis plus de 50 ans ce serait le fait qu'il y ait eu des juifs en son sein, ça me paraît douteux.
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
Avatar du membre
Chaosmose
'tit cake !
Messages : 200
Enregistré le : 05 nov. 2004, 20:43

Message par Chaosmose »

drÖne a écrit :Disons que c'est le lexique du "problème juif" qui fait un peu froid dans le dos... Qu'il y ait des liens entre des intellectuels juifs et la théorie critique c'est une évidence, ou du moins une réalité historique et sociologique. Je suis en train de lire un bouquin sur l'histoire de l'Ecole de Francfort, donc Ok pour ce lien là. Mais sa nature en tant que "problème" à dépasser pour refonder une critique, là ça m'échappe. Je veux dire au plan logique : je ne vois rien de logiquement acceptable dans ce genre de thèse. Soit on se place dans une frange un peu extrême, celle des rouge-bruns, et on en mène l'analyse idéologique et sociologique, pourquoi pas, mais où est le lien entre un corpus théorique comme celui de la théorie critique et le "problème juif" à dépasser ? J'ai pas mal lu l'Ecole de Francfort, et j'y vois plus des interrogations sociales et philosophiques d'ailleurs trop hétérogènes pour qu'on puisse légitimement parler d'UNE théorie critique ou d'une "Ecole". Et imaginer que ce qui donnerait son unité à ce courant qui existe depuis plus de 50 ans ce serait le fait qu'il y ait eu des juifs en son sein, ça me paraît douteux.
Disons que la manière dont est configuré par les deux "ensembles" de gauche radicale un "problème juif" est symptomatique (ou exemplaire) de son incapacité critique globale, c'est-à-dire de trouver une posture critique radicale de gauche à l'heure actuelle. L'ouvrage ne se veut en rien décontextualisé, mais se situe sur les 10-15 dernières années.
Je cerne tout à fait ce que tu dis sur l'école de Francfort (et je suis d'accord), mais ce n'est pas, me semble-t-il l'objet de ce livre. Il ne met pas en cause l'école de Francfort, mais peut-être davantage un usage "dévoyé" de ce courant qui sera de fonder toute possibilité d'une critique politique à partir de la shoah.

La quatrième de couv' n'est sans doute pas des plus claire sur l'intention de ce livre. Tu as écouté l'émission de France cu ? Je pense que ça clarifierait un peu les choses pour pouvoir en discuter (et peut-être me fourvoie-je totalement !!).
Modifié en dernier par Chaosmose le 12 oct. 2007, 22:12, modifié 1 fois.
Avatar du membre
drÖne
Présidictateur
Messages : 7766
Enregistré le : 05 oct. 2002, 22:35
Localisation : Présidictature de Drönésie Orientale
Contact :

Message par drÖne »

Je vais écouter pour essayer de comprendre.
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
Avatar du membre
drÖne
Présidictateur
Messages : 7766
Enregistré le : 05 oct. 2002, 22:35
Localisation : Présidictature de Drönésie Orientale
Contact :

Message par drÖne »

J'ai un peu écouté le début (20 minutes). Je trouve tout ça très impressioniste : aucun acteur n'est précisé ni situé, on ne sait jamais de quels discours il parle, quand il évoque ses deux "constellations" discursives. C'est la traditionnelle confusion entre les "épistemè" (univers d'idées et de discours idealtypiques généralement abordées à partir de texte théoriques) et le discours attesté des acteurs du champ politique ou de la pratique (pratique de la critique, pratiques politiques non professionnelles, ou quotidiennes, etc.). Ce positionnement est d'ailleurs assumé comme tel "il s'agit d'un travail dans la théorie", mais pas de "faits attestés". Aveu atterrant pour un sociologue qui mobilise alors un amalgame entre "gauche radicale" et "théorie critique contemporaine"... Ce manque de précision entretient volontairement le flou : l'auteur joue sur l'intérêt public pour les questions politiques (on parle de "gauche radicale" et non de "théorie critique contemporaine", ce qui serait moins vendeur) alors que son objet est tout autre, pusiqu'il ne se situe qu'au sein d'une certaine théorie (dont le corpus semble tout à fait bricolé, et dont on ne sait pas, tant les jugements de valeur abondent dans son discours, quel signification il a).

Franchement, je trouve ça très paresseux comme propos, justement quand il se contente de critiquer la gauche radicale en en gommant toute la diversité. Même ce clivage droite/gauche n'est pas interrogé, naturalisé alors qu'il est de plus en plus à interroger, ce qui était déjà le cas entre 2001 et 2003 (période qu'il couvre dans son livre). Quant à l'utilisation super rapide de l'argument de l'absence de travaux empiriques pour justifier l'essayisme, ça ne passe pas : on ne me fera pas croire qu'en cherchant bien, il n'aurait pas pu mettre un thésard sur un sujet comme ça. Surtout avec les moyens du CNRS et de l'EHESS.

En plus, le journaliste accuse un fois de plus Glotz (Le film "La question humaine") de faire un amalgame entre nazisme et travail, ce qui est idiot et dénote une incompréhension du statut de l'analogie en sciences humaines ou dans les raisonnements historiques et sociologiques.

En fait, y'a tout ce que je déteste chez les politistes de médias dans cette émission :-)
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
Avatar du membre
Chaosmose
'tit cake !
Messages : 200
Enregistré le : 05 nov. 2004, 20:43

Message par Chaosmose »

drÖne a écrit : En fait, y'a tout ce que je déteste chez les politistes de médias dans cette émission :-)
Pliée de rire !! et dans l'ensemble totalement d'accord d'ailleurs.

Bon, c'est certes un tout petit paresseux d'écouter 20 minutes d'une émission "grand public" avant de se faire une idée sur une thèse, mais je cerne assez bien ce qui te dérange et rend l'audition insupportable.

Je le lis et j'en dirai un peu plus, mais il n'en demeure pas moins que la thèse me semble assez juste (par ex : il me suffit d'aller trainer épisodiquement sur indymédia pour que son discours soit évocateur pour moi)
Avatar du membre
drÖne
Présidictateur
Messages : 7766
Enregistré le : 05 oct. 2002, 22:35
Localisation : Présidictature de Drönésie Orientale
Contact :

Message par drÖne »

Oui, mais justement, c'est pas de ça dont il parle, et ça ne résume pas tout ce qu'on peut qualifier de "gauche radicale". Mais bien entendu, autour de Indymedia et du Réseau Voltaire, y'a un foyer d'expression des rouges-bruns. Mais là encore, rien à voir avec la théorie critique type "Ecole de Francfort". Reste l' "événement" qui aurait eu lieu en France, entre 2001 et 2003, une crise d'antisémitisme de gauche avec des agressions physiques, etc. Gni ? T'as vu des pogroms à cette époque, toi ?
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
Avatar du membre
Chaosmose
'tit cake !
Messages : 200
Enregistré le : 05 nov. 2004, 20:43

Message par Chaosmose »

drÖne a écrit :Oui, mais justement, c'est pas de ça dont il parle, et ça ne résume pas tout ce qu'on peut qualifier de "gauche radicale". Mais bien entendu, autour de Indymedia et du Réseau Voltaire, y'a un foyer d'expression des rouges-bruns. Mais là encore, rien à voir avec la théorie critique type "Ecole de Francfort". Reste l' "événement" qui aurait eu lieu en France, entre 2001 et 2003, une crise d'antisémitisme de gauche avec des agressions physiques, etc. Gni ? T'as vu des pogroms à cette époque, toi ?
Non, je n'ai pas croisé de Progrom en cours de route. Davantage de "Oui, mais quand même..." Des dénonciations du "lobby juif" à toutes les sauces, un positionnement pro-palestinien envers et contre tout d'une stupidité historique sans nom et qui confine à la connerie tout court, toute forme de défense ou d'explicitation des positions israélienne qui devient du "sionisme". Ca, c'est pour le vernis de surface des transformations de discours de gens "de gauche" bienheureux, car enfin débarrassés de l'horrible politiquement correct. C'est cool, ils sont décomplexés.

Mais plus profondément, cela révèle une incapacité radicale à désigner un véritable ennemi politique : dans le meilleur des cas, agiter un "capitalisme" ou des "patrons" à peu près aussi saisissables que de la gelly avec une pince à épiler. Point d'ennemi donc, mais des figures de victime ou de bourreau, auxquelles on ne saurait assigner le statut d'ennemi politique en raison d'un bienveillant et salvateur relativisme des points de vue (C. Browning).
Et, symétriquement, une hantise des idéologies = il faut être "pragmatique", l'idéologie c'est le mal, c'est le nazisme. Tout affichage d'un discours idéologique s'expose à une disqualification immédiate (principe de précaution oblige... ;-)).

Le "problème juif" ne sert que de support à l'exemplification de ce double mouvement, lequel témoignerait de l'incapacité d'une critique de gauche radicale à s'énoncer et à porter.
La seule réduction, assumée, c'est celle de la pluralité - reconnue - de la gauche radicale à ces deux types psycho-sociaux, que je trouve assez parlants au demeurant.

Après, si tu connais des pans de ladite gauche "radicale" qui portent publiquement, actuellement, une forme de critique sociale qui tienne la route, je veux bien faire semblant de re-militer... :roll: :arf: :arf:
Répondre