Il fait chaud et on va tous crever

Ici on discute de thèmes environnementaux : écologie scientifique et/ou écologie politique, décroissance, etc.

Modérateurs : drÖne, LLB

staivair
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Message par staivair »

drÖne a écrit : Ben concrètement, comme tu le dis toi-même, c'est pas évident de faire quelque chose de réellement marquant. ... . Genre des gens de la confédération paysanne : on n'était pas obligé d'inviter Kastler, mais on l'a fait. ... vantant les mérites des nanotechnologies ou des OGM devant des publics d'ingénieurs de Monsanto. ... Résister, même de manière micro, c'est déjà résister. A chacun de le faire là où il est, à son niveau de responsabilité et avec ses armes. Parce que si on attend la révolution globale, on n'est pas sorti de l'auberge. Mais bon, je le concède, ce n'est pas toujours excitant de résister au quotidien.
en fait je pensait pas à des choses marquantes, ni à la révolution globale qui est une illusion, on est pas des Gandhi ou autres c'est clair, mais ce que vous faites à la fac (???) c'est très bien, d'inviter des gens qui pensent autrement et donc qui distille dans les cerveaux d'autres idées, donc bravo pour ça.
Pour ma part si révolution il y as, elle doit être individuelle, c'est un problème avec soi.
Ce que je trouve interessant c'est aussi de résister dans le quotidien, de changer ses habitudes et apparemment pour toi c'est pas là où tu te penche, mais la pression social est très forte aussi souvent, j'ai flanché sur quelques points à cause de cela, mais si demain on doit se priver de pas mal du petit confort moderne et devenir tous petits paysans/artisans ça me pause pas de problèmes.
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Message par LLB »

En effet, on ne fait pas qu'inviter des gens, là, c'est quand on veut donner un accès à l'espace d'expression publique qu'est une fac.

Qu'est ce qu'on fait concrètement à la fac? Je ne sais pas si je comprend bien la question.
On peut répondre de plusieurs façons
- on fait de la recherche (questions, choix de terrains, construction d'une démarche, recueil de données, analyse, publication, échanges et discussions) de l'enseignement, des tâches administratives....
- on arrive le matin, on est dans des bureaux ou des salles de réunion ou de cours, ou bien on va dans des endroits où on collecte des choses, on interroge des gens, on photographie des trucs....on lit et on écrit, on parle, on projette des transparents, on distribue des textes, on les surligne....on va chercher des café à la machine à café de temps en temps, on remplit des formulaires, on compte, on fait des rapports, on établit des dossiers adminstratifs....on acepte, on refuse, on propose, on renonce, on retourne à la machine à café.

- on essaie de construire des savoirs et des dispositifs de circulation et de partage des savoirs qui répondent aux normes classiques du savoir académique professionalisé : autonomie des intérêts et des questions par rapport à des enjeux de production marchande ou de propagande idéologique, démarche raisonnée et systématique, soumise à évaluation et à critique, mise en public et en débat , discussion diffusion, transmission...

- on essaie de défendre cette conception des savoirs contre une idéologie libéral-marchande obscurantiste qui gagne du terrain : conversion systématique des savoirs en outils de gestion du social ou en innovation marchande, mépris pour les activités non rentables, mépris pour le questionnement, etc etc. Cette dernière catégorie d'activités passe par différents choix et décisions dans la conduite de toutes les autres activités énumérées aux paragraphes précédents

- on se justifie de faire ce métier ou d'avoir cette vocation : je ne sais pas si c'est pareil pour les artistes, agriculteurs, musiciens, hôteliers, chauffeurs de taxi, informaticiens!
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Message par drÖne »

Y'a aussi un truc qui vient de me sauter à l'esprit, à propos des métiers intellectuels, et qui est important dans le cadre du sujetd e cette discussion : notre travail est non poluant et ne consomme que très peu de ressources énergétiques. On ne peut pas dire ça à propos des agriculteurs, des chauffeurs de taxi, des plombiers, etc., bref de la quasi totalité des métiers de la production artisanale, industrielle ou agricole.

Ca devrait être mis au crédit des professions intellectuelles, ça, mais on l'oublie toujours : penser ne pollue pas la planète. Du moins, très peu.

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Message par charlie »

drÖne a écrit :Ca devrait être mis au crédit des professions intellectuelles, ça, mais on l'oublie toujours : penser ne pollue pas la planète. Du moins, très peu.
M'enfin les applications techniques de la pensée polluent la planète ou d'autres esprits (fin du sarcasme matinal)...
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Message par drÖne »

charlie a écrit :
drÖne a écrit :Ca devrait être mis au crédit des professions intellectuelles, ça, mais on l'oublie toujours : penser ne pollue pas la planète. Du moins, très peu.
M'enfin les applications techniques de la pensée polluent la planète ou d'autres esprits (fin du sarcasme matinal)...
Oui, bien sûr, mais nettement moins pour les sciences humaines et sociales que pour la biologie ou la physique nucléaire par exemple, en ce qui concerne la pollution industrielle. Je ne "prêche" que pour ma paroisse ici. Pour la métaphore de la "pollution mentale", c'est en effet plus discutable. Mais ça reste une métaphore. Si on pousse la métaphore un peu loin, alors je te rappelle que la Gare XP a été évacuée en partie pour cause de "nuisance sonores" : attention où conduisent les métaphores, donc.

N'empêche qu'il y a un truc qui me choque souvent dans les sempiternelles attaques contre les millieux intellectuels sur le mode du "à quoi ça sert ?", c'est que je ne sais pas, a priori, comme me le disait récemment LLB, à quoi sert un artiste, ni à quoi sert un plombier, ni un terrassier, ni un boulanger, ni un ingénieur des Mines, etc., mais qu'on ne les interroge que très rarement sur leur utilité sociale qui semble aller de soi, et qu'on pourrait pourtant contester (on peut tous faire notre pain nous-mêmes,, ou construire soi-même des fondations pour sa maison, etc.), alors qu'en réalité (à part les artistes, et encore), ils sont tous de très gros pollueurs de la planète dans le cadre de leur métier, au quotidien. Mais les métiers intellectuels, eux, suscitent la suspicion : "est-ce bien utile ?", "est-ce bien normal ?" ou "que faites-vous concrètement contre la pollution, vous qui ne faites rien finalement de vos mains ?". Je tenais à le signaler. Et je tiens à signaler que, en dépit de ma propre méfiance envers les professions universitaires en raison de leur abandon des principes fondateurs issus des Lumières au XVIIIème siècle, toutes les périodes historiques qui ont mis les intellectuels en position de devoir justifier de leur utilité sociale, et qui l'ont donc contestée a priori, ont été des périodes de barbarie : Chine communiste, Stalinisme, fascisme, nazisme, etc. Ca devrait tout de même nous inciter à ne pas enfoncer le clou de la critique anti-intellectuels trop loin. Car sinon, gare aux autodafés et à leurs conséquences :

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Message par charlie »

drÖne a écrit :Pour la métaphore de la "pollution mentale", c'est en effet plus discutable. Mais ça reste une métaphore. Si on pousse la métaphore un peu loin, alors je te rappelle que la Gare XP a été évacuée en partie pour cause de "nuisance sonores" : attention où conduisent les métaphores, donc.
Tout de même, c' est assez "lié" : l'évolution de la pensée se nourrit de l'univers qui l'entoure (évolution techniques, politiques) sans verser dans le matérialisme à outrance.
J'admets que certains voyaient l'activité comme "pollution", du moins ça serait se voiler la face que de le renier.



drÖne a écrit :N'empêche qu'il y a un truc qui me choque souvent dans les sempiternelles attaques contre les millieux intellectuels sur le mode du "à quoi ça sert ?", c'est que je ne sais pas, a priori, comme me le disait récemment LLB, à quoi sert un artiste, ni à quoi sert un plombier, ni un terrassier, ni un boulanger, ni un ingénieur des Mines, etc., mais qu'on ne les interroge que très rarement sur leur utilité sociale qui semble aller de soi, et qu'on pourrait pourtant contester (on peut tous faire notre pain nous-mêmes,, ou construire soi-même des fondations pour sa maison, etc.), alors qu'en réalité (à part les artistes, et encore), ils sont tous de très gros pollueurs de la planète dans le cadre de leur métier, au quotidien. Mais les métiers intellectuels, eux, suscitent la suspicion : "est-ce bien utile ?", "est-ce bien normal ?" ou "que faites-vous concrètement contre la pollution, vous qui ne faites rien finalement de vos mains ?". Je tenais à le signaler. Et je tiens à signaler que, en dépit de ma propre méfiance envers les professions universitaires en raison de leur abandon des principes fondateurs issus des Lumières au XVIIIème siècle, toutes les périodes historiques qui ont mis les intellectuels en position de devoir justifier de leur utilité sociale, et qui l'ont donc contestée a priori, ont été des périodes de barbarie : Chine communiste, Stalinisme, fascisme, nazisme, etc. Ca devrait tout de même nous inciter à ne pas enfoncer le clou de la critique anti-intellectuels trop loin. Car sinon, gare aux autodafés et à leurs conséquences :

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C'est vrai que le métier d'intellectuel est souvent mis en question... ça me rappelle une phrase une phrase de Bourdieu qui disait en substance que les intellectuels masquaient par leur langage le savoir des autres gens et l'accaparait en quelque sorte, une attitude invitant au doute (dont on ferait bien de se douter).
Le problème je pense est celui de la visibilité dans une époque matérialiste... l'instantané au problème du longterme (sic le développement durable...), jouer sur la corde sensible et délaisser le fond des problèmes (rôle des media...)... bref l'intello, c'est pas bandant ! Parce qu'encore l'artiste lui, on voit ses croûtes ;)
Intéressant rapprochement avec les époques sombres du 20ème siècle... Ce qui est scandaleux c'est que la recherche fondamentale est délaissée au profit de recherche ayant une application directement pratique... c'est ce problème de l'immédiateté qui organise ma métaphore pas terrible de "pollution mentale", c'est à dire d'instrumentaliser la pensée au service du pouvoir, pensées préfabriquées en somme, il n'y a plus qu'à ouvrir son crâne pour les recueillir...

Est-ce que vous avez organisé LLB et toi d'autres café philo ? Et est-ce que (nous en avions discuté la première fois où vous étiez passez à feu la gare) vous avez pu un tant soit peu permettre au rapport "nous on sait / eux ils croient" de s'assouplir (sans pour autant verser dans le relativisme à outrance ?)

Et le café HoBo, toujours dans les pensées ?
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Message par drÖne »

charlie a écrit :
Intéressant rapprochement avec les époques sombres du 20ème siècle... Ce qui est scandaleux c'est que la recherche fondamentale est délaissée au profit de recherche ayant une application directement pratique... c'est ce problème de l'immédiateté qui organise ma métaphore pas terrible de "pollution mentale", c'est à dire d'instrumentaliser la pensée au service du pouvoir, pensées préfabriquées en somme, il n'y a plus qu'à ouvrir son crâne pour les recueillir...
Et les sciences de la nature participent bien souvent de ce processus de délégitimation des formes de questionnement critiques héritées de la philosophie des Lumières. A mon avis, c'est même ce qui pourrait caractériser, globalement, la période qui court de la première moitié du XXème au début du XXIème : le retour de la barbarie, ou du moins ses prémisses, sous la forme de la haine du questionnement critique, haine partagée par énormément de secteurs sociaux et culturels en ce moment. Et pas forcément là où on l'attendrait le plus : ce ne sont pas forcément les ouvriers ou les paysans qui critiquent les intellectuels et le questionnement critique (l'exemple de la Confédération paysanne plaide même pour le contraire). C'est en fait au coeur même des lieux du savoir que la haine des questions est la plus forte...
Est-ce que vous avez organisé LLB et toi d'autres café philo ? Et est-ce que (nous en avions discuté la première fois où vous étiez passez à feu la gare) vous avez pu un tant soit peu permettre au rapport "nous on sait / eux ils croient" de s'assouplir (sans pour autant verser dans le relativisme à outrance ?)
Bah, pas facile de te répondre. En ce moment, j'ai surtout envie de quitter mon métier, et de quitter l'Europe. J'avoue que je n'ai plus du tout envie de me mobiliser pour les autres : les gens en général, les grandes idées, tout ça je m'en fous un peu maintenant. Je pense qu'on a perdu un combat, que l'adversaire est trop puissant, trop nombreux, et qu'il faut juste sauver les meubles, en pensant d'abord à soi, de manière très égoïste, et j'assume cet égoïsme (qui n'est pas du cynisme, ceci dit). On doit participer à la fête de la science, des conférences de vulgarisation, mais bon, je n'en attends rien : coups d'épés dans l'eau, objectifs ambigus, rien de passionnant à l'horizon.
Et le café HoBo, toujours dans les pensées ?
Je laisse LLB répondre, c'était son idée.

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Message par LLB »

Oui j'ai fait ça je n'arrête pas d'essayer de dialoguer partout, tout le temps, mais je suis fatiguée en vérité. Je pense qu'il y a incohérence, on appelle de ses voeux des implications plus fortes des chercheurs dans de multiples espaces et lieux de dialogue pour finir par se référer à la parole autorité.
A vrai dire je suis très fatiguée de ces efforts qui me paraissent vains et qui sont peu finalement gratifiants en général, ce qui n'empêche pas d'y croire tout le temps sans arrêt et de repiquer.
Modifié en dernier par LLB le 08 oct. 2006, 20:45, modifié 1 fois.
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Message par drÖne »

Y'a un truc aussi qui renforce l'effet de fatigue et de dégout : c'est que l'investissement dans les collectifs et l'aide qu'on apporte aux autre se retourne finalement systématiquement contre celui qui aide. Si tu veux être aidé, soutenu, pris en compte, il faut être brutal, mépriser les autres et les traiter comme de la merde. Regarde : depuis des années je me casse le cul pour le forum et je me suis encore plus cassé le cul pour participer et faire exister (sur mon temps de vacances, avec mon fric perso, etc.), nos fameuses "alternatives" : Nuit des meutes, Karnageval, etc. Qu'est-ce que j'en ai tiré au bout du compte ? D'être pris pour un con. Dans la recherche, c'est la même chose : s'engager pour des collectifs est nettement moins rentable (et à la finale moins utile) que de se focaliser égoistement sur sa carrière et ses rentes. Mais comme on est de gros naïfs, comme tu le dis, on se fait à chaque fois avoir au sentiment : on repique au truc, on y croit...

C'est peut-être ce que ressentent les chercheurs climatologues qui lancent en ce moment des alertes face au réchaffement de la planète (pour revenir tout de même au sujet de cette discussion) : la sensation d'être bien seuls, faces à l'incurie des politiques et des industriels, à vouloir lutter pour le plus grand collectif qui soit, à savoir l'avenir de l'humanité. Car en fin de compte, qui écoute-t-on ? Les économistes, les industriels, les libéraux : ceux qui nous prennent tous pour de la merde. Pas les climatologues.

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Message par drÖne »

Et pour revenir encore plus sur le thème, voici un lien : http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim/ ... igbsom.htm

Il s'agit de la "Lettre du changement global", une revue du CNRS traitant entre autre du thème du changement climatique. Le lien pointe sur une bibliographie de base avec des données scientifiques en ligne et des textes résumés accessibles au commun des mortels. Tout ça est utile et plutôt bien foutu.

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