Quitter les licences libres ?

Discussions sur les enjeux politiques et socio-culturels des musiques populaires ou savantes.

Modérateur : drÖne

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drÖne
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Quitter les licences libres ?

Message par drÖne »

Salut,

Ca fait un moment que je me pose la question de quitter ou non les licences libres, comme d'autres se posent celle de quitter la Sacem.

En effet, je produis bien souvent ma musique à base de samples trouvés sur le net, dont des samples de dialogues de films. En faisant cela, je suis dans l'illégalité ou du moins dans le flou juridique totale car le droit de citation limité n'est pas clairement établi (ni interdit) en ce qui concerne la musique. On a déjà eu une intéressante discussion à ce sujet sur ML.org

Dans le cas de certains samples, il serait tout simplement inenvisageable de contacter les auteurs ou ayant droit pour obtenir une autorisation. Si je prends l'exemple de mon dernier morceau (Insultronic), c'est Robert de Niro, Dany de Vito, Martin Scorsese qu'il me faudrait contacter ! Pour d'autre, ce serait Nina Hagen et Sony/BMG, ou encore un obscurs groupe de musique tantrique indoue dont j'avais trouvé un sample sur soulseek, sans mention de l'éditeur...

Autrement-dit, pour réellement respecter le droit, je devrais supprimer presque tout mon répertoire, ou engager une ribambelle d'avocats...

La question se repose depuis que j'ai déposé 2 "albums" chez jamendo : comme ils ont l'air assez stricts sur le respect du droit d'auteur, je ne sais pas si mes albums pourront y être publiés.

Plus généralement, je m'interroge à nouveau sur le juridisme envahissant qui détermine le contexte intellectuel des licences libres, et qui conduit soit à des formes d'autocensure (je n'ai pas déposé "Syntaxe du mal sur ML.org n'ayant pas réussi à contacter l'auteur d'un solo de flute traversière contemporaine que j'utilise, et je n'envisageais pas d'éditer ce titre si un jour je devais avoir un label), soit à une régression dans nos pratiques musicales par rapport aux marges de liberté qu'on pouvait avoir avant l'émergence des licences libres. Ainsi, si on s'était posé ces questions de droit de citation dans les années 80, la techno n'aurait tous simplement pas existé et c'est le fondement pratique (les pratiques des DJ) de ces mêmes licences qui aurait été compromis. Sans les marges de jeu avec le droit prises par les DJ ou par des gens comme Front 242, qui samplaient à tort et à travers les radios, dans une belle insolence indifférente au droit, les juristes contemporains n'auraient sans doute même pas imaginé appliquer le principe des licences libres à la musique.

Que serait aujourd'hui la musique classique ou contemporaine sans la pratique de la citation ? Sans le collage ? Que seraient l'ensemble des pratiques de l'art moderne et/ou contemporain sans le détournement d'oeuvres originales à des fins de critique, d'humour, ou de réappropriation de la culture ? Sans la citation ? Qu'auraient fait Dali, Duchamp ou Wharol ? Le jazz aurait-(il pu se développer sans la pratique des "standards" ? Et le rock ? où va-t-on aujourd'hui avec cet hyperjuridisme castrateur des licences libres d'un côté, des lois DADVSI de l'autre ?


Donc, que faire ?

S'inscrire dans une vision de plus en plus procédurière et tatillonne du droit en croyant faire usage d'une liberté placée sous le signe de la remise en cause du pouvoir des Majors ? Ou refuser tout bonnement d'utiliser des licences et assumer qu'on joue avec des marges de liberté que le juridique ne pourrait que compromettre ? Quelle place pour une certaine éthique personnelle là-dedans : ne pas faire subir à autrui ce qu'on ne souhaiterais pas subir ?

J'imaginerais bien une pseudo-licence du type "No licence" ou "Musique 100% pirate" pour remplacer les références aux Creative Commons et autres licences art libre...

+A+
drÖne
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Zed
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Message par Zed »

Hum ... comme disait Nietzsche, l'etat est l'ennemie de la culture et de l'art. Voici encore un cas d'école.

Où se situe la limite entre le plagiat et la citation ? Je n'en sait fichtre rien.

Vous voilà artistes "citateurs" : face à un cruel dilemne : soit devenir "populaires" et vous faire un max de tunes histoire de payer les droits d'auteurs des samples mais bon la drone-zone c po la star ac' non plus :arf: . Soit rester "pauvre" mais créatif ( à croire que les 2 vont ensemble) et être dans une relative illégalité au risque qu'un jour ou l'autre vous soyez victimes de procès tels ceux dont sont victimes certains auteurs de logiciels libres.

Existe-t-il 3° voie ? J'allait dire rester "underground" histoire que les majors n'entendent pas parler de vous tout en pouvant toucher un public restreint mais averti.
Modifié en dernier par Zed le 10 avr. 2007, 20:23, modifié 1 fois.
dana
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Message par dana »

si je peux me permettre..

le problème que tu poses (l'impossibilité de rendre juridiquement licite la musique que tu produis à partir de samples dont les sources sont sous copyright classique), aucune licence ne saurait le résoudre pour le moment.
Pratiquement, cela te conduit effectivement à garder une certaine discrétion dans la diffusion de tes oeuvres - et l'impossibilité d'utiliser des licences libres pour accompagner cette diffusion.

Les licences de libre diffusion ne sauraient résoudre ce problème. Elles ne concernent que des sources dont les auteurs ont souhaité une diffusion moins restrictives que dans le copyright classique.

Mais la question de la licité du sample n'est pas nouvelle, comme tu dis. Bizarrement, ce sont les musiciens utlisant des samples qui les premiers ont été intéressés par cette histoire de licence de libre diffusion : ils ont inventé un système permettant d'assurer une diffusion non restreinte de leurs oeuvres "en amont", si je puis dire, mais en aucun cas la question de l'usage d'extraits de musiques "protégées" par le copyright classique n'a été réglé.

Ton travail demeure donc de facto dans un flou juridique. Mais ça n'a rien à voir je crois avec les licences dites libres (auxquelles effectivement tu n'as pas accès).

(un de mes album, Architectonic#33, things gone away, a été refusé sur jamendo à l'époque pour ces raisons (et à raison), mais je l'ai glissé sur archive.org sous licence CC nc.
http://www.archive.org/details/danahill ... gsgoneaway
Franchement, c'est totalement illicite vu que 3/4 du disque est fait à partir de samples, dont certains sont reconnaissables. Bon.. On a fait zéro promo dessus, on a du vendre quinze exemplaires.. donc.. ça reste discret)

Deux remarques également :

1° sur l'assimilation de l'usage des samples à la tradition musicale dans son ensemble (l'usage de thème dans le jazz, de collages, d'influence plus ou moins explicites, de citations etc..), je suis tout à fait d'accord. La frontière est souvent très mince entre cs différents modes d' "influences" (mot qui reste à réétudier de près à mon avis). Dans un contexte où les ayant-droits s'arcqueboutent sur la défense de leurs oeuvres, il est certain que la situation n'est pas prêt de se decrisper dans les années qui viennent, j'en ai peur.

2° tu écris :
S'inscrire dans une vision de plus en plus procédurière et tatillonne du droit en croyant faire usage d'une liberté placée sous le signe de la remise en cause du pouvoir des Majors ?
je ne vois vraiment pas que les licences de libre diffusion soient dirigées contre les majors. Enfin, c'est un discours qu'on entend ici et là je te l'accorde. mais c'est un discours qui de mon point de vue (et les gens de mlo sont d'accord là dessus en majorité, à part les nouveaux qui montent sur leurs grands chevaux un peu vite), est non-pertinent.
Les licences de libre diffusion sont une manière de contracter avec l'humanité toute entière en accordant a priori des droits d'usage là où la version classique du droit d'auteur restreient drastiquement les dits usages.
C'est juste une manière pour l'auteur de reprendre le contrôle de la cicrulation de ses oeuvres, de s'adresser directement à l'humanité (on dirait du Kant :) , sans passer par des intermédiaires essayant de se rémunérer au passage.

C'est plutôt une subversion assez fine de la loi (je l'ai montré dans la dissémination de la musique, en expliquant que les licences libres s'autorisent de ce "petit" mot de consentement que le, legislateur a glissé dans le droit.
Les majors, on s'en foutait royalement, jusqu'à ce que qu'un projet de loi récent, initié par elles, viennent compliquer notre action sur le net.
(pareil pour le ministère du Cul, je m'en fous, tant qu'il vient pas nous rogner les ailes, empêcher nos pratiques : exemple, l'avant projet de loi très inquiétant auquel tu as fait référence dans ce forum et que j'ai repris un peu partout (l'interdiction de l'amateurisme en art)

Bref
ça résoud évidemment pas ton problème, ni celui des musiciens qui utilisent des saples de musiques copyrightées.

De fait, dans ce cas précis, les licneces libres ne te sont pas accessibles, et tu es forcément dans l'illicité.
donc : prendre le maquis !
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drÖne
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Message par drÖne »

Oui, en effet, les licences ne règlent pas mon problème mais il reste le maquis des flous juridiques. Reste que finalement jamendo a passé mes albums dans la partie publique, et que dans la mesure où je n'étais pas au courant de cette absence de droit de citation en musique il y a encore quelques semaines, j'ai une partie de ma production qui ne devrait pas être sous licence libre... mais qui y est. Finalement, c'est peut-être ça la réponse adéquate : utiliser les marges et le flous des pratiques dans une relative discrétion. Et aussi : faire ces entorses au droit de manière "honnête", c'est à dire que c'est possible parce que je ne suis pas, justement, dans le plagiat, mais bien dans la référence ou la citation limitée aux oeuvres.

+A+
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Message par monsieur.connard »

je suis en train de relire votre forum et j'avoue ma grande stupéfaction!
Dröne tu diffuses des albums sur jamendo?
on a eu un énorme débat au sein de notre collectif pour savoir si oui ou non pourrions nous poser 1 ou 2 albums la dessus.
On a décidé finalement NON à cause des publicités et d'un tas d'autres choses.(possible dérives mercantiles, vulgarisation de nos albums etc etc...)
mais nos avis étaient super partagés, vu les réactions que ca a crée on a préféré ne pas tenter la chose.

Questions :

Pour quels raisons diffuse tu tes oeuvres par cette voie?
Quels avantages en as tu tiré?
As tu eu plus d'auditeurs en utilisant cette voie?

désolé pour la séance d'archéologie forumienne mais ce sujet m'intéresse particulièrement.
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Message par TouF »

monsieur.connard a écrit :désolé pour la séance d'archéologie forumienn
au contraire, c'est bien là tout l'intérêt d'un forum!
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Message par drÖne »

Oula, tu exhumes un vieux post là ! Je ne suis plus chez Jamendo depuis qu'ils ont mis des pubs partout. Mon bref passage chez eux ne m'a de toute manière pas apporté grand chose. Le seul truc un peu intéressant qu'il y avait dans le dispositif de Jamendo, c'est les critiques liées aux albums : de temps en temps, il y avait un retour, du moins au début, quand Jamendo n'était pas encore l'usine à gaz mercantile que c'est devenu. Mais c'est rapidement devenu le même type d'usage que Myspace : copinage et auto-promotion à gogo... plus toutes les engueulades entre musiciens vexés ou à l'ego surdimensionné. Bref, entre ça et la pub, j'ai rapidement effacé tous mes albums de ce site peu recommandable qui n'est qu'une sorte de start up montée sur une base de licence libre.

En fait, depuis le début de mon site (2000), je m'auto-héberge. Donc, que ce soit Dogmazic au début, puis Jamendo durant quelques semaines, c'était en parallèle à ma pratique d'auto-hébergement, pour optimiser les chances d'écoutes et de retours critiques.
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Message par monsieur.connard »

drÖne a écrit :Bref, entre ça et la pub, j'ai rapidement effacé tous mes albums de ce site peu recommandable qui n'est qu'une sorte de start up montée sur une base de licence libre.
tu me rassure ça m'a vraiment étonné que tu puisse utiliser ce genre de trucs, donc nos conclusions sont les mêmes.
Ça a tout l'air du start up.....
monsieur.connard
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Message par monsieur.connard »

machin a écrit :oh on fait le difficile sur les pubs de jamendo ( que je n'aime pas hein) alors que la pub sur myspace c'est bien pareil
impossible de passer outre !!!
vrai.
d'ailleurs j'ai mis longtemps a m'intéresser à myspace, je m y suis mis sous la préSSion des salles de concert lors de mes démarchages.je n y ai pas gagné grand chose, voir même rien, a part 2 3 personnes qui addoooorent ce que je fais mais qui ne m ont pas ecouté
machin a écrit : et les histoires de license je leur pisse a la raie
de plus en plus moi aussi...je fais du son et du son avec ou sans licence ca ne change finalement pas grand chose, je serais né 15 ans plutôt je polluerai les shops de disque et les salles de concert avec des tapes pochette a la photocopieuse le tout sans aucune license, le resultat serait le même
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Message par drÖne »

monsieur.connard a écrit :
machin a écrit : et les histoires de license je leur pisse a la raie
de plus en plus moi aussi...je fais du son et du son avec ou sans licence ca ne change finalement pas grand chose, je serais né 15 ans plutôt je polluerai les shops de disque et les salles de concert avec des tapes pochette a la photocopieuse le tout sans aucune license, le resultat serait le même
je reviens sur mon cheval de bataille habituel ici : pour les avoir pratiquées, ces licences, et avec elles pour avoir pratiqué leurs acteurs, je peux dire que je n'ai pas vu changer grand chose au niveau des pratiques. or, c'est ça qu'il aurait fallu réussir à changer : pas seulement que chacun affiche son logo copyleft sur son site (on s'en fout tous de ce logo !), mais que, par exemple, certains labels s'engagent à modifier leur rapport aux musiciens, ou que les salles qui, quand ça a commencé, ont fait dans le copyleft parce que c'était la mode, changent aussi leurs pratiques d'explotation des artistes. Et même qu'au sein des acteurs du copyleft (je ne parle pas ici de l'ami Bituur, mais de certains chez musique-libre ou chez Artlibre.org...) un minimum d'intercomréhension et de respect mutuel se développe. voire un certain humanisme....

Sur tous ces points, je n'ai rien vu de très différent de ce que le marché pratique.

Donc, le libre : foutaise !
drÖne
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