Blogs de Gaza, pour donner la parole à des humains

Désobéissances et micro-résistances.

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drÖne
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Blogs de Gaza, pour donner la parole à des humains

Message par drÖne »

Habituellement, je n'aime pas les blogs : marre du e-nombrilisme ! Mais là, un site fait une revue des blogs de Gaza sous les bombes. Je ne sais pas dans quelle mesure tout cela n'entre pas dans le système de la propagande, et je crois que d'une certaine manière on peut s'en foutre : à Gaza, il n'y a pas des "terroristes", ni "le Hamas", mais des GENS en train de se faire massacrer par une armée de salauds. C'est la voix de ces GENS, qu'on ne peut pas confondre avec des abstractions ("terroristes", "palestiniens", "martyrs du Hamas", "ONG", etc.) qu'il faut arriver à entendre. Faute de quoi, on serait complice de l'horreur en cours.

http://fr.globalvoicesonline.org/2009/01/15/1533/

Quelques extraits :
Blogs de Gaza : “S'il te plaît, mon Dieu, dis-moi que cela va finir bientôt” (mardi 13 janvier)


[Traduction française mise en ligne à 2h00 le mercredi 14 janvier] A Gaza, les raids aériens israéliens se poursuivent sans relâche, et des combats de rue ont actuellement lieu à Gaza-Ville. Dans cette revue des blogs de Gaza qui ont été mis à jour le lundi 12 et le mardi 13 janvier, les blogueurs décrivent la peur ressentie quand les soldats israéliens arrivent dans leur quartier et soulignent la nécessité de continuer à informer le monde de ce qui se déroule [à Gaza].

Le Professeur Saïd Abdelwahed, qui enseigne l'anglais à l'université Al-Azhar (voir nos précédentes éditions), explique sur le blog Moments of Gaza [en anglais] comment il réussit à envoyer des information:

Un de mes amis m'a envoyé [un message] d'Europe, me demandant comme je réussissais à envoyer des e-mails au milieu de cette situation et des combats incessants. Je suis d'abord resté quinze jours sans électricité et avec peu d'eau potable. Le réseau de téléphonie mobile ne marchait pas, sauf pour envoyer des textos, et à peine. Les lignes de téléphones fixes ont toujours fonctionné, mais il y avait de la friture sur les lignes à certains moments. Durant ces journées, j'ai utilisé un petit groupe électrogène pour faire fonctionner mon ordinateur portable. Il y a trois jours, la compagnie d'électricité a réparé des transformateurs et des lignes et nous avons à nouveau eu de l'électricité. Nous avons pompé de l'eau dans le réservoir là-haut ! Cependant, il est encore fréquent que le courant électrique s'arrête par moments ; à d'autres moments, nous avons de l'électricité pendant 2-3 heures, et à d'autres moments encore, il y a du courant pendant dix heures ou plus. Voilà comment j'envoie mes e-mails…Ma priorité est de saisir toutes les occasions de contacter le monde [extérieur].

Dans une autre mise à jour de son blog, il nous informe de la situation :

Ma famille et moi sommes ok, mais stressés. Les attaques aériennes et terrestres de hier matin dans notre quartier ont été très dures. La bataille a duré cinq heures ! L'armée israélienne a tué quatorze personnes, dont deux enfants, a démoli avec ses bulldozers une maison, celle de la famille Sweerky, a détruit les cultures et les arbres dans une ferme proche, a détruit le minaret d'une mosquée, a brulé une maison, celle de la famille al-Jarwsha. Mes enfants étaient terrorisés : ils hurlaient et se sont terrés les uns contre les autres dans une pièce. Je m'attendais à ce que les tanks israéliens s'enfoncent plus profondément dans le quartier : des tanks de l'armée et des forces spéciales étaient à deux rues de moi ! L'électricité était coupée et les maisons et les rues étaient dans l'obscurité totale ! Des dizaines de famille ont quitté leur appartements dans la panique. Ils sont partis par les rues de derrière ! Parce que je n'étais pas sûr de quoi faire - dans de telles situations, personne ne peut dire comment les soldats vont se conduire quand ils arrivent! - alors, comme préparatif, et pour calmer mes enfants, j'ai détruit tous mes messages à mes amis sur la situation à Gaza ! Quarante personnes sont mortes avant hier. La nuit dernière a été une nuit de bombardements des tanks et de l'artillerie : cela a continué ce matin aussi. Les téléphones mobiles arrivent à peine à fonctionner, mais quelquefois nous pouvons envoyer des textos courts pour nous informer sur notre sécurité les uns les autres. […] Je viens juste de recevoir un texto de mon voisin qui vit au cinquième étage (je vis au quatrième), dans lequel il me souhaite, à moi et à ma famille, d'être en sécurité! Pour vous dire la vérité, j'ai été si peiné de perdre mon journal des événement à Gaza, mais ce matin, avec le retour de l'électricité, j'ai vu que mes messages étaient [publiés] sur des blogs sur Internet.[…]. Dans un sens, c'est un témoignage historique !

Laila El-Haddad [aux Etats-Unis], dont les parents sont à Gaza, écrit sur son blog Raising Yousuf and Noor [en anglais]:

J'ai reçu l'appel si redouté de 21h de mon père. Mon coeur s'est arrêté de battre un instant - les appels tard le soir signifient de mauvaises nouvelles. […] J'apprends que le beau-père de mon cousin a été blessé. Sa maison, dans le nord de Gaza, a été frappée par les forces israéliennes, puis rasée au bulldozer jusqu'au sol. Il a été arrêté, ils lui ont mis un bandeau et l'ont torturé - il a aussi été jeté du haut des escaliers, il s'est cassé plusieurs côtes. Il a du ensuite marcher pendant une heure jusqu'au quartier de Sheikh Ijleen à Gaza-Ville. Sa femme a aussi été forcée de partir au milieu de la nuit, en pyjama, et de marcher seule jusqu'à la ville.

J'ai parlé à mon père jusqu'à ce que les bombardements s'atténuent -une heure plus tard. Parfois, nous ne disions rien du tout. Nous tenions juste le combiné contre nos oreilles respectives et parlions en silence, comme si c'était une technologie inconnue. Comme si je peux le protéger de l'enfer que l'on déchaîne autour de lui pendant ces quelques minutes. Aussi absurde que cela semble, nous nous sentons en sécurité d'une certaine façon : rassurés, parce que si quelque chose arrive, cela arrivera pendant que nous sommes ensemble.

Dans une autre mise à jour, elle écrit que les habitants de Gaza n'ont plus rien, à part la prière :

La peur est immense ; elle est suffocante : elle est dans l'air, disent les amis, et personne ne sait ce qui va se passer ensuite, et il n'y a nulle part où aller, sauf au ciel au-dessus. Et tant de gens à Gaza ont commencé à faire précisément ça : ils se réveillent pour les prières spéciales d'avant l'aube, qiyam il layl , dans le “dernier tiers de la nuit” – une fenêtre dans le temps où les croyants se sentent particulièrement proches de Dieu et où il est dit que Dieu est particulièrement sensible aux appels que nous lui envoyons, où les supplications et les prières seront entendues. Et alors ils tremblent, et ils attendent, et ils prient, par cette petite fenêtre vers le ciel, pour que les portes de l'enfer se referment. Et ensuite, c'est une fois de plus l'aube.

Le photo-reporter palestinien Sameh Habeeb, sur son blog Gaza Strip, The Untold Story [en anglais]:

Plusieurs histoires encore non racontées sous les ruines de Gaza dévastée. Plus cette guerre dure, plus nombreuses seront les victimes, leurs histoires enterrées avec elle. La plus grande partie de la bande de Gaza est plongée dans l'obscurité depuis le début de cette guerre. J'ai recontré plusieurs problèmes pour envoyer ces nouvelles, à cause du manque d'électricité. Aujourd'hui, une roquette a ciblé la maison de mon oncle. Ma maison a plusieurs [nouvelles] fissures et a reçu du schrapnel de roquette.

Louisa Waugh, qui était à Gaza jusqu'à récemment, écrit pour le New Internationalist sur le Gaza Blog [en anglais]:

Pour ceux d'entre vous qui sont à l'extérieur et regardent vers l'intérieur, il est impossible de comprendre ce que c'est que de vivre à Gaza en ce moment. Mes amis de Gaza me disent au téléphone qu'ils sont en enfer. ‘Dis-moi ce qui se passe, que font les gens pour nous aider ?” me demande mon ami Mohammed, quand je réussis finalement à le joindre à Gaza-Ville. “Je n'ai plus d'eau et d'électricité à la maison et aucun moyen de me tenir au courant des nouvelles. Dis-moi que quelque chose a été fait. Dis-moi, s'il te plaît mon Dieu, dis-moi que cela va finir bientôt”.

Dina Hazem, une étudiante, écrit sur le blog collectif Moments of Gaza [en anglais]:

Les troupes d'occupation encerclent ma ville. Ils sont à une rue de mon quartier. Dans les deux dernières semaines, les gens avaient l'habitude de sortir dans les rues, même si ce n'était que pour un petit moment. Mais ces deux derniers jours, je n'ai vu rien ni personne, sauf des ambulances qui foncent. Mon coeur souffre en voyant comment ma ville, autrefois prospère, vibrante, riche, se transforme lentement en une cité encerclée par la mort, le danger, les ravages et les maisons hantées…

Ce à quoi les Palestiniens de Gaza s'habituent au quotidien sont des choses comme : :
…l'odeur de la poudre dans l'air
…la sirène des ambulances ici et là
…le bruit des avions de chasse et des hélicoptères dans le ciel…le bruit sourd, terrifiant, des bombes proches ou lointaines…
…les cris des bébés
…l'annonce des personnes mortes, blessées, disparues ou qui n'ont plus de maison

Voila ce que nous encaissons chaque jour, et même chaque heure…depuis les deux dernières semaines. Pour moi, ce n'est pas la vie. C'est la mort qui se prépare.

Mohammed Ali, qui travaille pour l'ONG Oxfam, écrit sur le blog d'Oxfam [en anglais]:

La situation est maintenant si critique que les médecins sont souvent confrontés aux dilemnes suivants : soigner l'enfant qui saigne à mort ou le bébé qui a des blessures graves à la tête ? Tandis que les médecins se posent ces questions difficiles, des politiciens continuent à débattre pour savoir si nous affrontons une crise humanitaire ou pas. Depuis que les attaques militaires de l'armée israélienne ont commencé à Gaza, aucun salaire n'a été versé et presque personne n'a pu travailler. Beaucoup de gens ici dépendent de l'agriculture pour vivre, et la population de Gaza dépend de ces agriculteurs pour pouvoir manger des légumes ; le blocus ne laisse presque rien rentrer. Aucun fermier ne va aux champs ces jours-ci, comme nous tous, ils ont peur d'être tués s'il sortent de chez eux, et même s'ils y restent. […] L'occupation a placé Gaza sous perfusion : nous avons juste assez pour survivre mais pas assez pour avoir l'impression de vivre vraiment… et maintenant, ça. Si je survis à la fin de ce conflit, je veux partir à la minute même où il me sera possible de le faire. Je ne veux pas que mes enfants grandissent dans cet environnement, étranglés par l'occupation, familiers du bruit des avions de chasse F16, incapable de quitter le pays s'ils ont besoin d'un traitement médical qui leur sauvera la vie.

Sharyn Lock, une activiste australienne, écrit sur Tales to Tell [en anglais]:

Ce soir, il y a trois nouveaux bébés très petits à l'hôpital, des triplés. Ils dorment profondément dans leurs couveuses, en dépit des tirs des chars qui s'approchent toujours plus. Pour eux seuls, je ne veux pas quitter l'hôpital maintenant : nous avons entendu des rumeurs horribles sur ce qui a été fait aux bébés, délibérément, il semble, et il y a des photos terribles. […] Quelqu'un disait l'autre jour que le taux de natalité chez les Palestiniens inquiète vraiment les Israéliens sionistes qui ont très peur d'être mis en minorité dans cette région. J'ai fait un commentaire sur le fait que les familles n'ont pas seulement perdu un, mais plusieurs enfants, à cause des maisons bombardées, etc. Et soudain, j'ai pensé : et si cette guerre était particulièrement destinée à tuer le plus d'enfants possible ? Est-il possible que quelqu'un, en Israël, se soit assis pour calculer comment faire ça ? Je ne peux même pas supporter de commencer à y réfléchir.

J'ai bien plus peur d'être arrêtée que tuée. J'aimerais penser que je ne suis pas assez importante pour que l'armée [israélienne] se préoccupe de moi, et que s'il viennent à l'hôpital, je pourrais contrôler, documenter et m'opposer à leur comportement, si c'est nécessaire.. (parce qu'un tas de types armés vont naturellement m'écouter, n'est-ce pas ?). Mais je ne supporterais pas d'être arrachée de ce petit endroit assiégé, et si l'occupation dure longemps, une étrangère à l'intérieur est à long terme plus utile qu'une étrangère arrêtée cinq minutes après l'arrivée des soldats.

Eva Bartlett, une activiste canadienne, écrit sur le blog In Gaza [en anglais]. Elle décrit comment, alors qu'elle et Alberto Arce, un autre militant, accompagnaient deux secouristes palestiniens partis chercher un mort, on a tiré sur ces secouristes, et que l'un d'eux a été blessé par balles à la jambe :

Alberto Arce a filmé l'incident, et c'est un témoignage de ce que nous avons vus, de ce que les secouristes nous ont dit endurer depuis longtemps, et de ce que les autorités israéliennes continuent à nier avec hargne : Israël cible le personnel médical, tout comme Ies forces israéliennes ciblent les journalistes, et, ces jours-ci à Gaza, tout ce qui bouge. Pas de refuge, pas de sécurité, pas de garantie d'un secours médical.
Blogs de Gaza : “Je n'ai pas d'armes. Je me bats en disant la vérité” (mercredi 14 janvier)

2009-01-15 @ 2:56 EST · Billet d'origine publié par Ayesha Saldanha
Traduit par Claire Ulrich


[Traduction française mise en ligne jeudi 15 janvier à 03h00]. Dans cette revue des blogs de Gaza du 14 janvier, nous écoutons un chauffeur d'ambulance évoquer ses peurs, nous découvrons l'effet produit par les avertissements diffusés par l'IDF [armée israélienne] sur les stations locales de radio et de télévision - et celui de la perspective de quitter la bande de Gaza, la seule chose qui permette à un travailleur d'une organisation humanitaire de tenir.

Sharyn Lock, une activiste australienne présente à Gaza, écrit sur son blog Tales to Tell [en anglais] :

Ce soir, mardi, j'ai pu me faire conduire par l'ambulance de S. pour prendre mon tour de garde, mais le trajet s'est transformé de façon inattendue en convoyage du corps d'un résistant mort. C'était en fait la première fois, durant toutes ses journées, depuis que j'ai commencé à accompagner les ambulanciers, que je voyais un résistant dans mon ambulance. Comme nous n'étions que deux, j'ai aidé S. à charger ce qui restait du corps sur le brancard - et cela ne comprenait pas une tête ou le haut de son torse. J'était contente qu'il fasse sombre, l'obscurité gommait les détails, mais cela m'a aussi rendue très consciente que chacun de nos mouvements dans ce terrain vague, apparemment vide, était surveillé. […] Plus tard dans la nuit, le secouriste E. m'a demandé plus précisément ce que j'avais ressenti en voyant le résistant chahid (martyr). […] Il a commencé à me parler de ses propres sentiments. Il a 36 ans, il est secouriste depuis dix ans. Il a une femme et quatre enfants. Il dit qu'il n'a jamais vu rien d'aussi terrible que ces jours-ci, en tout ce temps. Et il dit que la plupart du temps, il a très peur. Tellement peur, parfois, si la zone est dangereuse, qu'il ne peut presque pas s'obliger à continuer à conduire vers le lieu de l'appel. Il a parlé d'une sortie, durant la nuit où nous avons travaillé ensemble (peut-être croyait-il que j'avais remarqué son hésitation), en disant qu'il a d'abord pensé qu'il n'allait pas y arriver ; il a du s'arrêter, se raisonner pour calmer la peur, puis continuer avec le ramassage, en s'attendant à ce qu'une roquette le fasse exploser à tout moment. Il semble qu'avec la technologie des drônes de surveillance, ils peuvent vraiment vous adresser des roquettes avec votre nom écrit dessus.
[…]
Ce soir, nous sommes allés chercher deux hommes, portant une petite fille de 13 mois. Elle était encore chaude, mais E.B. n'a trouvé aucun poul. Si j'ai bien compris, elle avait des difficultés respiratoires depuis sa naissance, et dans l'attaque à la roquette qui vient d'avoir lieu, sa mère l'a serrée si fort contre elle qu'elle n'a pas pu trouver assez d'air. Je demande plusieurs fois que l'on clarifie cette histoire, car je veux penser que j'ai mal compris.

Le professeur Saïd Abdelwahed, qui enseigne l'anglais à l'université Al-Azhar, (voir nos éditions précédentes) écrit sur le blog Moments of Gaza [en anglais]:

Un médecin m'a dit que des centaines de blessés ne se remettraient jamais et n'auraient jamais une vie normale ! J'ai vu une vidéo qu'une adolescente de 15 ans, les jambes mutilées à partir des genoux, et une autre, avec une seule jambe, et d'autres…La situation sanitaire se détériore, avec la capacité limitée des blocs opératoires et les moyens très limités. Environ 60-70 docteurs des pays arabes et quelques Européens, pour aider les chirurgiens palestiniens, c'est une aide, mais cela n'empêche pas que certains blessés ne peuvent pas être soignés à Gaza, même si on le voulait.… Et treize secouristes et ambulanciers ont perdu la vie durant leur travail : beaucoup d'ambulances ont été visées et touchées, alors qu'ils voulaient sauver les blessés et évacuer les morts ! Ce n'est qu'une suite de points d'exclamation !

Nous reproduisons des extraits des chroniques de Safa Joudeh (voir quelques informations sur Safa Joudeh ici), publiées sur le blog collectif Lamentations-Gaza ; certaines de ses chroniques quotidiennes ont également été publiées sur le blog Syria Comment [en anglais]:

L'armée israélienne (IDF) a infiltré les ondes des radios et télévisions locales. Alors que nous regardons les informations, tout à coup, l'écran devient noir et un message de l'IDF apparaît : “Vous serez témoins du déferlement de notre colère!!”.Nous éteignons la télé et allumons la radio, quelques instants plus tard, le programme est interrompu et une voix dure sort des haut-parleurs : “Quittez votre quartier et rassemblez-vous au centre de votre ville ! Nous vous avertissons pour votre propre sécurité ! Ceci est l'IDF”. Où les gens sont-ils supposés aller ? Ceux qui sont dans le centre d'une agglomération, comme ma famille, sont déjà bombardés, et chaque foyer héberge déjà une ou deux familles qui ont fui leur quartier. Les refuges de l'UNRWA (ONU) sont déjà pleins et les rues ne sont pas sûres. Donc, nous sommes ceux qui sont prévenus, quand, en réalité, nous n'avons pas d'autre choix que de rester là où nous sommes. Beaucoup de gens trouvent qu'il serait plus charitable de ne pas être avertis des morts imminentes.
[…]
Chez moi, nous accueillons autant de nos parents que possible, qui vivent dans des zones plus dangereuses que la nôtre, comme on peut. Au moment des repas, plusieurs personnes se rassemblent en deux cercles, autour de deux tables, pour manger, tandis que les autres attendent leur tour. Nous mangeons en trois services. Quand il est temps de dormir, certains dorment sur les divans, d'autres sur des chaises et d'autres sur des couvertures, par terre. Au cours des seize derniers jours, comme tous les habitants de Gaza, nous avons appris à vivre avec le confort le plus minimal, et nous avons connu les duretés d'une vie de pauvreté dans toute ses dimensions. Quand les lignes électriques ont été réparées, il y a deux jours, l'électricité et l'eau sont revenus dans nos appartements pendant six heures par jour. A l'instant où l'électricité est revenue dans notre quartier, on pouvait entendre les cris de joie et de réjouissances sortir de chaque maison et appartement à portée d'oreilles, malgré le bombardement en cours.

Mohammed Ali, qui travaille pour l'ONG Oxfam, écrit sur le blog d'Oxfam depuis son domicile à Gaza-ville [en anglais]:

Ce matin, j'ai entendu des gens chanter à l'extérieur, je me suis demandé ce que c'était et puis, les lumières se sont allumées - l'électricité était revenue, hourra ! J'ai immédiatement allumé la télévision, mis mon téléphone portable en charge, lu mes e-mails. Pendant un moment, je me suis senti presque libéré. Ces choses que nous prenons souvent pour dûes sont devenues précieuses dernièrement. Nous n'avons plus d'eau propre. Notre réservoir d'eau est vide. Mon père ne pouvait pas fermer la porte devant le nombre grandissant de personnes qui frappaient avec des jerricans vides. Les magasins n'ont presque plus d'eau : nous n'avons pas pu en trouver dans notre quartier. Nous pouvons utiliser l'eau non potable, mais il faudrait la faire bouillir avant, pour ne pas tomber malade, et là, nous nous trouvons devant un nouvel obstacle : nous n'avons plus que très peu de gaz. Il nous faudra boire de l'eau non potable pour économiser ce qui reste de gaz, pour cuisiner. A propos, si vous avez jamais cuisiné sur un réchaud à gaz, je peux vous dire que la nourriture prend un gout d'essence, le café a le gout d'essence, même nous, nous sentons maintenant l'essence. […] J'ai fait une demande pour une bourse en Grande-Bretagne, il y a plusieurs mois. J'attendais de savoir fin janvier si ma candidature était retenue ou non. J'attends avec impatience, depuis des jours. […] La perspective de pouvoir aller au Royaume-Uni me donne l'espoir dont j'ai besoin pour vivre. Ma femme pense que je suis fou, car je lui parle comme s'il était sûr que nous partions ; je décris les amis que nous aurons, les restaurants où nous irons manger, les promenades autour des parcs…au moins, si je meurs, je mourrai avec un peu d'espoir, l'espoir de la chance d'avoir une meilleure vie, même si pour l'instant, ce n'est qu'un rêve.

Adham Khalil, du camp de réfugiés de Jabaliya, qui écrit sur le blog Free Palestine, a publié un article, d'abord paru sur le blog Electronic Intifada, rassemblant les transcriptions de ses textos et appels téléphoniques [en anglais]:

La plupart du temps, nous n'avons pas de courant chez nous. Alors, quand l'électricité revient pendant une heure ou deux, toute la famille s'affaire. Nous rechargeons les téléphones protables, pompons de l'eau pour le réservoir, faisons du pain. Mais j'ai vu tant de choses horribles à la télé que quelquefois, je préfèrerais ne pas avoir d'électricité. Jusqu'ici, ma propre famille est ok, mais cela m'embête de dire ma famille. Tout Gaza est ma famille. Nous souffrons collectivement tandis que nous sommes punis et oubliés collectivement, et tandis que nous mourons. […] Ce n'est pas vrai de dire qu'il s'agit d'une guerre entre le Hamas et Israël. Je suis un témoin à Gaza, et même si vous pensez que Gaza est un pays et le Hamas une grande et puissante armée, ce sont des mensonges. Les factions palestiniennes ne possèdent pas de tanks, d'avions de guerre, ou de bateaux de guerre. Ils ont des roquettes fabriquées à la maison, des armes rudimentaires. Il ne peuvent rien contre la grande et puissante armée d'Israël. Nous vivons sous un siège complet, avec des meurtres quotidiens, et nos maisons détruites. Le Hamas et les autres factions palestiniennes essaient de défendre les Palestiniens des massacres continus, des invasions et des raids aériens. L'occupation israélienne et ses agissements à Gaza sont des actes de terrorisme, comme beaucoups de ses actes et de ses politiques, depuis sa campagne de nettoyage ethnique en 1948. Je n'ai pas d'armes. Je me bats en disant simplement la vérité”.
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
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