Le truc que j'ai trouvé le plus étrange, c'est qu'en dépit de tous mes efforts pour regrouper des sensations visuelles, tactiles et auditives à peu près cohérentes, et d'un équilibre assez instable pour me demander si je réussirai à descendre dans la gadoue glissante, je ne suis jamais tombé une seule fois, pas plus que je n'ai trébuché. Ça, ça m'a sérieusement intrigué. J'avais adopté la technique, pas forcément élégante mais efficace, consistant à s'accrocher à chaque branche pour assurer chaque pas. Et à laisser faire mes pieds sans y réfléchir : ça a marché. Comme quoi, le corps est doté d'automatismes assez efficaces qui font qu'on peut le laisser fonctionner seul, et garder son cerveau occupé à de plus complexes besognes...
Enfin, bref, j'ai quand même chaleureusement remercié mes copains les arbres de m'avoir aidé aussi généreusement durant cette heure assez étrange passée en leur compagnie. Parce que, quand même, on a beau être un rationaliste, passer une heure à avoir un contact avec chaque arbre rencontré, ça finit par vous mettre sur la piste de conceptions du rapport à la nature assez intéressantes. Pas le trip un peu niais de l'harmonie cosmique ou du partage mystique, mais un truc plus distant et plus austère qu'évidement on ne peut plus ressentir ni réussir à expliquer une fois redevenu sobre.
Une fois la forêt dépassée, je me suis posé au calme durant une petite heure sur un banc sous un kiosque, parce que je ne me sentais pas de conduire dans cet état. Moralité : le zamal, "faut quand même admettre, c'est plutôt une boisson d'homme !"
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