A Chartreux et a Celestins,
A Mendians et a Devotes,
A musars et claquepatins,
A servans et filles mignotes
Portans surcotz et justes cotes,
A cuidereaux d'amours transsis,
Chaussans sans meshaing fauves botes,
Je crie a toutes gens mercis!
A filletes monstrans tetins
Pour avoir plus largement d'ostes,
A ribleurs, mouveurs de hutircs,
A bateleurs traynans marmotes,
A folz, folles, a sotz et sotes,
Qui s'en vont siflant six a six,
A marmosetz et a mariotes,
Je crie a toutes gens mercis!
Sinon aux traistres chiens mastins,
Qui m'ont f ait chier dures crostes
Maschier mains soirs et mains matins,
Qu'ores je ne crains pas trois crotes.
Je feisse pour eulx petz et rotes;
Je ne puis, car je suis assis.
Au fort, pour eviter riotes,
Je crie a toutes gens mercis!
Qu'on leur froisse les quinze costes
De gros mailletz, fors et massis,
De plombees et telz pelottes.
Je crie a toutes gens mercis!
++
BALLADE DE MERCY
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Je n'ai pas lu le bouquin d'Aristophane dont la référence suit, mais dans le genre salace, la Grèce antique n'était pas triste non plus !
Lysistrata d'Aristophane
Traduit du grec par Raphaël Meltz et Laetitia Bianchi
Si le célèbre "Faites l’amour, pas la guerre" est un plaidoyer pour la paix, il n'a sûrement pas le pouvoir de mettre un terme à une guerre, ni la force de convaincre des guerriers en campagne. En 411 avant J.-C., dans Lysistrata, Aristophane, lui, a imaginé pour les femmes un mot d’ordre plus efficace : "Pour arrêter la guerre, refusez-vous à vos maris." Alors qu’Athènes et Sparte sont en guerre, Lysistrata, belle Athénienne, aussi rusée qu'audacieuse, convainc les femmes de toutes les cités grecques de déclencher et de poursuivre une grève totale du sexe, jusqu'à ce que les hommes reviennent à la raison et cessent le combat.. Dans Lysistrata, Aristophane se plaît à mêler les conflits de l’État aux détails les plus intimes de la vie quotidienne, résolvant une crise politique des plus graves par la comédie la plus licencieuse, et usant avec bonheur de tous les clichés de la guerre des sexes. Aujourd'hui, Aristophane passe bien souvent pour un auteur vulgaire, et la plupart des traductions de ses comédies tentent d’atténuer ses inventions audacieuses, ses jeux de mots obscènes, les édulcorant, les reléguant même parfois en notes de bas de page, voire ne les proposant que traduites en latin. Cette traduction nouvelle restitue la vivacité d’une pièce dont la justesse et la crudité étonneront bien des lecteurs contemporains.
Editions Arléa, Paris, 01/2003, 112 pages, 250 grammes.
ISBN 2869595999
Lysistrata d'Aristophane
Traduit du grec par Raphaël Meltz et Laetitia Bianchi
Si le célèbre "Faites l’amour, pas la guerre" est un plaidoyer pour la paix, il n'a sûrement pas le pouvoir de mettre un terme à une guerre, ni la force de convaincre des guerriers en campagne. En 411 avant J.-C., dans Lysistrata, Aristophane, lui, a imaginé pour les femmes un mot d’ordre plus efficace : "Pour arrêter la guerre, refusez-vous à vos maris." Alors qu’Athènes et Sparte sont en guerre, Lysistrata, belle Athénienne, aussi rusée qu'audacieuse, convainc les femmes de toutes les cités grecques de déclencher et de poursuivre une grève totale du sexe, jusqu'à ce que les hommes reviennent à la raison et cessent le combat.. Dans Lysistrata, Aristophane se plaît à mêler les conflits de l’État aux détails les plus intimes de la vie quotidienne, résolvant une crise politique des plus graves par la comédie la plus licencieuse, et usant avec bonheur de tous les clichés de la guerre des sexes. Aujourd'hui, Aristophane passe bien souvent pour un auteur vulgaire, et la plupart des traductions de ses comédies tentent d’atténuer ses inventions audacieuses, ses jeux de mots obscènes, les édulcorant, les reléguant même parfois en notes de bas de page, voire ne les proposant que traduites en latin. Cette traduction nouvelle restitue la vivacité d’une pièce dont la justesse et la crudité étonneront bien des lecteurs contemporains.
Editions Arléa, Paris, 01/2003, 112 pages, 250 grammes.
ISBN 2869595999
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
- patman
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- Localisation : Cannot find MySQL header files under yes.
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ce texte est tiré du lay, po trop sur de l'orto, traduction "le testament" de villon (poète des désespérés par excellence pour ceux ki savent pas), et c un de ces plus bos poèmes...
allez je vous le met dans son intégralité (c seulement pour les courageux
) :
I
En l'an de mon trentiesme aage,
Que toutes mes hontes j'eus beues,
Ne du tout fol, ne du tout sage,
N on obstant maintes peines eues,
Lesquelles j'ay toutes receues
Soubz la main Thibault d'Aussigny... (pour l'histoire : il l'a butté !! )
S'evesque il est, seignant les rues,
Qu'il soit le mien je le regny!
II
Mon seigneur n'est ne mon evesque;
Soubz luy ne tiens, s'il n'est en friche;
Foy ne luy doy n'hommage avecque;
Je ne suis son serf ne sa biche.
Peu m'a d'une petite miche
Et de froide eaue tout ung esté.
Large ou estroit, moult me fut chiche:
Tel luy soit Dieu qu'il m'a esté!
III
Et, s'aucun me vouloit reprendre
Et dire que je le mauldis,
Non fais, se bien le scet comprendre,
En riens de luy je ne mesdis.
Veci tout le mal que j'en dis:
S'il m'a esté misericors,
Jhesus, le roy de Paradis,
Tel luy soit a l'ame et au corps!
IV
Et s'esté m'a dur et cruel
Trop plus que cy ne le raconte,
Je vueil que le Dieu eternel
Luy soit donc semblable, a ce compte!
Et l'Eglise nous dit et compte
Que prions pour noz ennemis!
Je vous diray. "J'ay tort et honte,
Quoy qu'il m'ait lait, a Dieu remis!"
V
Si prieray pour luy de bon cuer,
Et pour l'ame de feu Cotart.
Mais quoy! ce sera donc par cuer,
Car de lire je suis fetart.
Priere en leray de Picart;
S'il ne la scet, voise l'aprendre,
S'il m'en croit, ains qu'il soit plus tart,
A Douai ou a l'Isle en Flandre!
VI
Combien, se oyr veult qu'on prie
Pour luy, foy que doy mon baptesme!
Obstant qu'a chascun ne le crye,
Il ne fauldra pas a son esme.
Ou Psaultier prens, quant suis a mesme,
Qui n'est de beuf ne cordouen,
Le verselet escript septiesme
Du psìaulme Deus laudem.
VII
Si prie au benoist fils de Dieu,
Qu'a tous mes besoings je reclame,
Que ma povre priere ait lieu
Vers luy, de qui tiens corps et ame,
Qui m'a preservé de maint blasme
Et franchy de ville puissance.
Loué soit il, et Nostre Dame,
Et Loys, le bon roy de France!
VIII
Auquel doint Dieu l'eur de Jacob
Et de Salmon l'onneur et gloire,
(Quant de proesse, il en a trop,
De force aussi, par m'ame! voire),
En ce monde cy transitoire.
Tant qu'il a de long et de lé,
Affin que de luy soit memoire
Vivre autant que Mathusalé!
IX
Et douze beaux enfans, tous masles,
Voire de son chier sang royal,
Aussi preux que fut le grant Charles,
Conceus en ventre nupcial,
Bons comme fut sainct Marcial!
Ainsi en preigne au feu Dauphin!
Je ne luy souhaitte autre mal,
Et puis Paradis en la fin.
X
Pour ce que foible je me sens
Trop plus de biens que de santé,
Tant que je suis en mon plain sens,
Si peu que Dieu m'en a presté,
Car d'autre ne l'ay emprunté,
J'ay ce Testament tres estable
Faict, de derniere voulenté,
Seul pour tout et irrevocable.
XI
Escript l'ay l'an soixante et ung,
Que le bon roy me delivra
De la dure prison de Mehun,
Et que vie me recouvra,
Dont suis, tant que mon cuer vivra,
Tenu vers luy m'humilier,
Ce que feray tant qu'il mourra:
Bienfait ne se doit oublier.
XII
Or est vray qu'aprés plainz et pleurs
Et angoisseux gemissemens,
Apres tristesses et douleurs,
Labeurs et griefz cheminemens,
Travail mes lubres sentemens,
Esguisez comme une pelote.
M'ouvrit plus que tous les Commens
D'Averroys sur Aristote.
XIII
Combien qu'au plus fort de mes maulx,
En cheminant sans croix ne pille,
Dieu, qui les pelerins d'Esmaus
Conforta, ce dit l'Evangille,
Me monstra une bonne ville
Et pourveut du don d'esperance;
Combien que le pecheur soit ville,
Riens ne hayt que perseverance.
XIV
Je suys pecheur, je le sçay bien;
Pourtant ne veult pas Dieu ma mort,
Mais convertisse et vive en bien,
Et tout autre que pechié mort.
Combien qu'en pechié soye mort,
Dieu vit, et sa misericorde
Se conscience me remort
Par sa grace pardon m'accorde.
XV
Et, comme le noble Rommant
De la Rose dit et confesse
En son premier commencement
Qu'on doit jeune cuer en jeunesse,
Quant on le voit viel en viellesse,
Excuser, hela! il dit voir;
Ceulx donc qui me font telle presse
En meurté ne me vouldroient veoir.
XVI
Se, pour ma mort, le bien publique
D'aucune chose vaulsist mieulx,
A mourir comme ung homme inique
Je me jujasse, ainsi m'aist Dieux!
Griefz ne faiz a jeunes n'a vieulx,
Soie sur piez ou soie en biere:
Les mons ne bougent de leurs lieux,
Pour ung povre, n'avant n'arriere.
XVII
Ou temps qu'Alixandre regna,
Ung homs nommé Diomedes
Devant luy on luy amena,
Emgrillonné poulces et des
Comme ung larron, car il fut des
Escumeurs que voions courir;
Si fut mis devant ce cades,
Pour estre jugié a mourir.
XVIII
L'empereur si l'araisonna:
"Pourquoi es tu larron en mer ?"
L'autre responce luy donna:
"Pourquoi larron me faiz nommer?
Pour ce qu'on me voit escumer
En une petiote fuste?
Se comme toy me peusse armer,
Comme toy empereur je feusse."
XIX
"Mais que veux-tu? De ma fortune,
Contre qui ne puis bonnement,
Qui si faulcement me fortune,
Me vient tout ce gouvernement.
Excuse moy aucunement
Et saiche qu'en grant povreté
Ce mot dit on communement
Ne gist pas trop grant loyauté."
XX
Quant l'empereur ot remiré
De Diomedés tout le dit:
"Ta fortune je te mueray,
Mauvaise en bonne!" si luy dit.
Si fist il. Onc puis ne mesdit
A personne, mais fut vray homme;
Valere pour vray le bandit,
Qui fut nommé le Grant a Romme.
XXI
Se Dieu m'eust donné rencontrer
Ung autre piteux Alixandre.
Qui m'eust fait en bon eur entrer,
Et lors qui m'eust veu condescendre
A mal, estre ars et mis en cendre
Jugié me feusse de ma voix.
Necessité fait gens mesprendre
Et faim saillir le loup du bois.
XXII
Je plains le temps de ma jeunesse,
(Ouquel j'ay plus qu'autre gallé
Jusques a l'entree de viellesse),
Qui son partement m'a celé.
Il ne s'en est a pié allé
N'a cheval: helas! comment don?
Soudainement s'en est vollé
Et ne m'a laissié quelque don.
XXIII
Allé s'en est, et je demeure,
Povre de sens et de savoir,
Triste, failly, plus noir que meure,
Qui n'ay ne cens, rente, n'avoir;
Des miens le mendre, je dis voir,
De me desavouer s'avance,
Oubliant naturel devoir
Par faulte d'ung peu de chevance.
XXIV
Si ne crains avoir despendu,
Par friander ne par leschier;
Par trop amer n'ay riens vendu
Qu'amis me puissent reprouchier,
Au moins qui leur couste moult chier.
Je le dy et ne croy mesdire;
De ce je me puis revenchier:
Qui n'a mesfait ne le doit dire.
XXV
Bien est verté que j'ay amé
Et ameroie voulentiers;
Mais triste cuer, ventre affamé
Qui n'est rassasié au tiers
M'oste des amoureux sentiers.
Au fort, quelqu'ung s'en recompence,
Qui est ramply sur les chantiers!
Car la dance vient de la pance.
XXVI
Hé! Dieu, se j'eusse estudié
Ou temps de ma jeunesse folle
Et a bonnes meurs dedié,
J'eusse maison et couche molle!
Mais quoy? je fuyoie l'escolle,
Comme fait le mauvais enfant...
En escripvant ceste parolle,
A peu que le cuer ne me fent.
XXVII
Le dit du Saige trop luy feiz
Favorable (bien n'en puis mais!)
Qui dit: "Esjoys toy, mon filz,
En ton adolescence"; mais
Ailleurs sert bien d'ung autre mes,
Car "Jeunesse et adolescence",
C'est son parler, ne moins ne mais,
"Ne sont qu'abus et ignorance."
XXVIII
Mes jours s'en sont allez errant
Comme, dit Job, d'une touaille
Font les filetz, quant tisserant
En son poing tient ardente paille:
Lors, s'il y a nul bout qui saille,
Soudainement il le ravit.
Si ne crains plus que rien m'assaille,
Car a la mort tout s'assouvit.
XXIX
Ou sont les gracieux gallans
Que je suivoye ou temps jadis,
Si bien chantans, si bien parlans,
Si plaisans en faiz et en dis?
Les aucuns sont mort et roidis,
D'eulx n'est il plus riens maintenant:
Repos aient en paradis,
Et Dieu saulve le remenant!
XXX
Et les autres sont devenus,
Dieu mercy! grans seigneurs et maistres;
Les autres mendient tous nus
Et pain ne voient qu'aux fenestres;
Les autres sont entrez en cloistres
De Celestins et de Chartreux,
Botez, housez, com pescheurs d'oistres.
Voyez l'estat divers d'entre eux!
XXXI
Aux grans maistres Dieu doint bien faire,
Vivans en paix et en requoy;
En eulx il n'y a que refaire,
Si s'en fait bon taire tout quoy.
Mais aux povres qui n'ont de quoy,
Comme moy, Dieu doint patience!
Aux autres ne fault qui ne quoy,
Car assez ont pain et pitance!
XXXII
Bons vins ont, souvent embrochiez,
Saulces, brouetz et gros poissons,
Tartes, flans, oefz fritz et pochiez,
Perdus et en toutes façons.
Pas ne ressemblent les maçons,
Que servir fault a si grant peine:
Ils ne veulent nuls eschançons,
De soy verser chascun se peine!
XXXIII
En cest incident me suis mis
Qui de riens ne sert a mon fait;
Je ne suis juge, ne commis
Pour pugnir n'absoudre mesfait:
De tout suis le plus imparfait,
Loué soit le doulx Jhesu Crist!
Que par moy leur soit satisfait!
Ce que j'ay escript est escript.
XXXIV
Laissons le moustier ou il est;
Parlons de chose plus plaisante:
Ceste matiere a tous ne plaist,
Ennuyeuse es t et desplaisante.
Povreté, chagrine, dolente,
Tousjours, despiteuse et rebelle.
Dit quelque parolle cuisante;
S'elle n'ose, si la pense elle.
XXXV
Povre je suis de ma jeunesse,
De povre et de petite extrace.
Mon pere n'eust oncq grant richesse,
Ne son ayeul, nommé Orace.
Povreté tous nous suit et trace.
Sur les tombeaulx de mes ancestres,
Les ames desquelz Dieu embrasse!
On n'y voit couronnes ne ceptres.
XXXVI
De povreté me garmentant,
Souventesfois me dit le cuer:
"Homme, ne te doulouse tant
Et ne demaine tel douleur,
Se tu n'as tant qu'eust Jaques Cuer:
Mieulx vault vivre soubz gros bureau
Povre, qu'avoir esté seigneur
Et pourrir soubz riche tombeau!"
XXXVII
Qu'avoir esté seigneur!... Que dis?
Seigneur, las! et ne l'est il mais?
Selon les davitiques dis,
Son lieu ne congnoistras jamais.
Quant du surplus, je m'en desmetz:
Il n'appartient a moy, pecheur;
Aux theologiens le remetz,
Car c'est office de prescheur.
XXXVIII
Si ne suis, bien le considere,
Filz d'ange portant dyademe
D'estoille ne d'autre sidere.
Mon pere est mort, Dieu en ait l'ame!
Quant est du corps, il gist soubz lame.
J'entens que ma mere mourra,
Et le scet bien, la povre femme,
Et le filz pas ne demourra.
XXXIX
Je congnois que povres et riches,
Sages et folz, prestres et laiz,
Nobles, villains, larges et chiches,
Petiz et grans, et beaulx et laiz,
Dames a rebrassez colletz,
De quelconque condicion,
Portans atours et bourreletz,
Mort saisit sans excepcion.
XL
Et meure Paris ou Helaine,
Quinconque meurt, meurt a douleur
Telle qu'il pert vent et alaine;
Son fiel se creve sur son cuer,
Puis sue, Dieu scet quel sueur!
Et n'est qui de ses maux l'alege:
Car enfant n'a, frere ne seur,
Qui lors voulsist estre son plege.
XLI
La mort le fait fremir, pallir,
Le nez courber, les vaines tendre,
Le col enfler, la chair mollir,
Joinctes et nerfs croistre et estendre.
Corps femenin, qui tant est tendre,
Poly, souef, si precieux,
Te fauldra il ces maux attendre?
Oy, ou tout vif aller es cieulx.
BALLADE DES DAMES DU TEMPS JADIS
Dictes moy ou, n'en quel pays,
Est Flora la belle Rommaine;
Archipiades, ne Thais,
Qui fut sa cousine germaine,
Echo parlant quant bruyt on maine
Dessus riviere ou sus estan,
Qui beaulté ot trop plus qu'humaine.
Mais ou sont les neiges d'antan?
Ou est la tres sage Hellois,
Pour qui chastré fut et puis moyne
Pierre Esbaillart a Saint Denis?
Pour son amour ot ceste essoyne.
Semblablement, ou est la royne
Qui commanda que Buridan
Fust geté en ung sac en Saine?
Mais ou sont les neiges d'antan?
La royne Blanche comme lis
Qui chantoit a voix de seraine,
Berte au grant pié, Bietris, Alis,
Haremburgis qui tint le Maine,
Et Jehanne la bonne Lorraine
Qu'Englois brulerent a Rouan;
Ou sont ilz, ou, Vierge souvraine?
Mais ou sont les neiges d'antan?
Prince, n'enquerez de sepmaine
Ou elles sont, ne de cest an,
Qu'a ce reffrain ne vous remaine:
Mais ou sont les neiges d'antan?
BALLADE DES SEIGNEURS DU TEMPS JADIS
Qui plus, ou est le tiers Calixte,
Dernier decedé de ce nom,
Qui quatre ans tint le papaliste?
Alphonce, le roy d'Arragon,
Le gracieux duc de Bourbon,
Et Artus, le duc de Bretaigne,
Et Charles septiesme, le Bon?
Mais ou est le preux Charlemaigne?
Semblablement, le roy Scotiste
Qui demy face ot, ce dit on,
Vermeille comme une amatiste
Depuis le front jusqu'au menton?
Le roy de Chippre, de renon,
Helas! et le bon roy d'Espaigne
Duquel je ne sçay pas le nom?
Mais ou est le preux Charlemaigne?
D'en plus parler je me desiste;
Le monde n'est qu'abusion.
Il n'est qui contre mort resiste
Ne qui treuve provision.
Encor fais une question:
Lancelot, le roy de Behaigne,
Ou est il? Ou est son tayon?
Mais ou est le preux Charlemaigne?
Ou est Claquin, le bon Breton?
Ou le conte Daulphin d'Auvergne
Et le bon feu duc d'Alençon?
Mais ou est le preux Charlemaigne?
BALLADE EN VIEIL LANGAGE FRANÇOYS
Car, ou soit ly sains apostolles,
D'aubes vestus, d'amys soeffez,
Qui ne saint fors saintes estolles
Dont par le col prent ly mauffez
De mal talant tout eschauffez,
Aussi bien meurt filz que servans,
De ceste vie cy bouffez:
Autant en emporte ly vens.
Voire, ou soit de Constantinobles
L'emperieres au poing dorez,
Ou de France ly roy tres nobles
Sur tous autres roy decorez,
Qui, pour ly grans Dieux aourez
Bastist eglises et couvens,
S'en son temps il fut honnorez,
Autant en emporte ly vens.
Ou soit de Vienne et de Grenobles
Ly Dauphins, ly preux, ly senez,
Ou de Dijon, Salins et Doles
Ly sires et ly lilz ainsnez,
Ou autant de leurs gens privez,
Heraulx, trompetes, poursuivans,
Ont ilz bien bouté soubz le nez?
Autant en emporte ly vens.
Princes a mort sont destinez,
Et tous autres qui sont vivans.
S'ilz en sont courciez n'ataynez,
Autant en emporte ly vens.
XLII
Puis que papes, roys, filz de roys
Et conceus en ventres de roynes,
Sont ensevelis, mors et frois,
En autruy mains passent leurs regnes,
Moy, povre mercerot de Renes,
Mourray je pas? Oy, se Dieu plaist;
Mais que j'aye fait mes estrenes,
Honneste mort ne me desplaist.
XLIII
Ce monde n'est perpetuel,
Quoy que pense riche pillart;
Tous sommes soubz mortel coutel.
Ce confort prens, povre viellart,
Lequel d'estre plaisant raillart
Ot le bruit, lorsque jeune estoit,
Qu'on tiendroit a fol et paillart,
Se, viel, a railler se mettoit.
XLIV
Or luy convient il mendier,
Car a ce force le contraint.
Regrete huy sa mort et hier;
Tristesse son cuer si estraint,
Se souvent n'estoit Dieu qu'il craint
Il feroit ung orrible fait.
Et advient qu'en ce Dieu enfraint
Et que luy mesmes se desfait.
XLV
Car, s'en jeunesse il fut plaisant,
Ores plus riens ne dit qui plaise:
Tousjours viel cinge est desplaisant,
Moue ne fait qui ne desplaise;
S'il se taist, affin qu'il complaise,
Il est tenu pour fol recreu;
S'il parle, on luy dit qu'il se taise,
Et qu'en son prunier n'a pas creu.
XLVI
Aussi ces povres fameletes
Qui vielles sont et n'ont de quoy,
Quant ilz voient ces pucellettes
Emprunter elles, à requoy
Ilz demandent a Dieu pourquoy
Si tost naquirent, n'a quel droit.
Nostre Seigneur se taist tout quoy,
Car au tancer il le perdroit.
LES REGRETS DE LA BELLE HEAULMIERE
Advis m'est que j'oy regreter
La belle qui fut heaulmiere,
Soy jeune fille soushaitter
Et parler en telle maniere:
"Ha! vieillesse felonne et fiere,
Pourquoy m'as si tost abatue?
Qui me tient, qui, que ne me fiere,
Et qu'a ce coup je ne me tue?
"Tollu m'as la haulte franchise
Que beaulté m'avoit ordonné
Sur clers, marchans et gens d'Eglise:
Car lors il n'estoit homme né
Qui tout le sien ne m'eust donné,
Quoy qu'il en fust des repentailles,
Mais que luy eusse habandonné
Ce que reffusent truandailles.
"A maint homme l'ay reffusé,
Qui n'estoit a moy grant sagesse,
Pour l'amour d'ung garson rusé,
Auquel j'en feiz grande largesse.
A qui que je feisse finesse,
Par m'ame, je l'amoye bien!
Or ne me faisoit que rudesse,
Et ne m'amoit que pour le mien.
"Si ne me sceut tant detrayner,
Fouler aux piez, que ne l'aymasse,
Et m'eust il fait les rains trayner,
Si m'eust dit que je le baisasse,
Que tous mes maulx je n'oubliasse.
Le glouton, de mal entechié,
M'embrassoit... J'en suis bien plus grasse
Que m'en reste il? Honte et pechié.
"Or est il mort, passé trente ans,
Et je remains vielle, chenue.
Quant je pense, lasse! au bon temps,
Quelle fus, quelle devenue;
Quant me regarde toute nue,
Et je me voy si tres changiee,
Povre, seiche, megre, menue,
Je suis presque toute enragiee.
"Qu'est devenu ce front poly,
Cheveulx blons, ces sourcils voultiz,
Grant entroeil, ce regart joly,
Dont prenoie les plus soubtilz;
Ce beau nez droit, grant ne petiz,
Ces petites joinctes oreilles,
Menton fourchu, cler vis traictiz,
Et ces belles levres vermeilles?
"Ces gentes espaulles menues,
Ces bras longs et ces mains traictisses;
Petiz tetins, hanches charnues,
Eslevees, propres, faictisses
A tenir amoureuses lisses;
Ces larges rains, ce sadinet
Assis sur grosses fermes cuisses,
Dedens son petit jardinet?
"Le front ridé, les cheveux gris,
Les sourcilz cheus, les yeulx estains,
Qui faisoient regars et ris
Dont mains marchans furent attains;
Nez courbes, de beaulté loingtains,
Oreilles pendantes, moussues,
Le vis pally, mort et destains,
Menton froncé, levres peaussues:
"C'est d'umaine beaulté l'issue!
Les bras cours et les mains contraites,
Les espaulles toutes bossues;
Mamelles, quoy! toutes retraites;
Telles les hanchez ue les tetes;
Du sadinet, fy! Quant des cuisses,
Cuisses ne sont plus, mais cuissetes
Grivelees comme saulcisses.
"Ainsi le bon temps regretons
Entre nous, povres vielles sotes
Assises bas, a crouppetons,
Tout en ung tas comme pelotes,
A petit feu de chenevotes
Tost allumees, tost estaintes;
Et jadis fusmes si mignotes!...
Ainsi en prent a mains et maintes."
LA BELLE HEAULMIERE AUX FILLES DE JOIE
"Or y pensez, belle Gantiere
Qui m'escoliere souliez estre
Et vous, Blanche la Savetiere,
Or est il temps de vous congnoistre.
Prenez a destre et a senestre;
N'espargnez homme, je vous prie:
Car vielles n'ont ne cours ne estre
Ne que monnoye qu'on descrie.
"Et vous, la gente Saulciciere,
Qui de dancier estes adestre,
Guillemete la Tappiciere,
Ne mesprenez vers vostre maistre:
Tost vous fauldra clorre fenestre,
Quant deviendrez vielle, flestrie;
Plus ne servirez qu'ung viel prestre,
Ne que monnoye qu'on descrie.
"Jehanneton la Chapperonniere,
Gardez qu'amy ne vous empestre;
Et, Katherine la Bourciere,
N'envoyez plus les hommes paistre:
Car qui belle n'est, ne perpetre
Leur male grace, mais leur rie.
Laide viellesse amour n'empestre
Ne que monnoye qu'on descrie.
"Filles, vueillez vous entremettre
D'escouter pourquoy pleure et crie:
Pour ce que je ne me puis mettre,
Ne que monnoye qu'on descrie."
XLVII
Ceste leçon icy leur baille
La belle et bonne de jadis;
Bien dit ou mal, vaille que vaille,
Enregistrer j'ay faict ces dis
Par mon clerc Fremin l'estourdis,
Aussi rassis que je puis estre.
S'il me desment, je le mauldis:
Selon le clerc est deu le maistre.
XLVIII
Si aperçoy le grant dangier
Ouquel homme amoureux se buote...
Et qui me vouldroit laidangier
De ce mot, en disant: "Escoute!
Se d'amer t'estrange et reboute
Le barat de celles nommees,
Tu fais une bien folle doubte,
Car ce sont femmes diffamees.
XLIX
"S'ilz n'ayment fors que pour l'argent,
On ne les ayme que pour l'eure;
Rondement ayment toute gent,
Et rient lors que bource pleure.
De celles cy n'est qui ne queure;
Mais en femmes d'onneur et nom
Franc homme, se Dieu me sequeure,
Se doit emploier; ailleurs, non."
L
Je prends qu'aucun dye cecy,
Si ne me contente il en rien.
En effect il conclut ainsy,
Et je le cuide entendre bien,
Qu'on doit amer en lieu de bien:
Assavoir mon se ces filletes
Qu'en parolles toute jour tien
Ne furent ilz femmes honnestes?
LI
Honnestes furent vraiement,
Sans avoir reproches ne blasmes.
Si est vray qu'au commencement
Une chascune de ces femmes,
Lors prindrent, ains qu'eussent diffames
L'une ung clerc, ung lay, l'autre ung moine,
Pour estaindre d'amours les flammes
Plus chauldes que feu Sainct Antoine.
LII
Or firent selon le Decret
Leurs amys, et bien y appert;
Ilz amoient en lieu secret,
Car autre d'eulx n'y avoit part.
Toutesfois, ceste amour se part:
Car celle qui n'en aimoit qu'un
De celuy s'eslongne et despart
Et aime mieulx amer chascun.
LIII
Qui les meut a ce? J'ymagine,
Sans l'onneur des dames blasmer,
Que c'est nature femenine
Qui tout vivement veult amer.
Autre chose n'y sçay rimer;
Fors qu'on dit, a Rains et a Troys,
Voire a l'Isle et a Saint Omer,
Que six ouvriers font plus que trois.
LIV
Or ont ces folz amans le bont
Et les dames prins la vollee;
C'est le droit loyer qu'amans ont:
Toute foy y est viollee,
Quelque doulx baisier n'acollee.
"De chiens, d'oyseaulx, d'armes, d'amours,"
Chascun le dit a la vollee,
"Pour ung plaisir mille doulours."
DOUBLE BALLADE
Pour ce, amez tant que vouldrez,
Suyvez assemblees et festes,
En la fin ,ja mieulx n'en vauldrez
Et si n'y romprez que vos testes:
Folles amours font les gens bestes:
Salmon en ydolatria;
Samson en perdit ses lunetes.
Bien est eureux qui riens n'y a!
Orpheüs, le doux menestrier,
Jouant de fleustes et musetes,
En fut en danger d'un murtrier
Chien Cerberus a quatre testes;
Et Narcisus, le bel honnestes,
En ung par font puis se noya,
Pour l'amour de ses amouretes.
Bien est eureux qui riens n'y a!
Sardana; le preux chevalier,
Qui conquist le regne de Cretes,
En voulut devenir moullier
Et filler entre pucellettes;
David le roy, sage prophetes,
Crainte de Dieu en oublia,
Voyant laver cuisses bien faites.
Bien est eureux qui riens n'y a!
Amon en voult deshonnourer,
Faignant de menger tarteletes,
Sa seur Thamar et desflourer,
Qui fut inceste deshonnestes;
Herodes, pas ne sont sornetes,
Saint Jehan Baptiste en decola
Pour dances, saulx et chansonnetes.
Bien est eureux qui riens n'y a!
De moy, povre, je vueil parler:
J'en fus batu comme a ru telles,
Tout nu, ja ne le quiers celer.
Qui me feist maschier ces groselles,
Fors Katherine de Vausselles?
Noel le tiers est, qui fut la.
Mitaines a ces nopces telles,
Bien est eureux qui riens n'y a!
Mais que ce jeune bacheler
Laissast ces jeunes bacheletes?
Non! et le deust on vif brusler
Comme ung chevaucheur d'escouvetes.
Plus doulces luy sont que civetes.
Mais toutesfoys fol s'y f ya:
Soient blanches, soient brunetes,
Bien est eureux qui riens n'y a!
LV
Se celle que jadis servoie
De si bon cuer et loyaument,
Dont tant de maulx et griefz j'avoie
Et souffroie tant de torment,
Se dist m'eust, au commencement,
Sa voulenté (mais nennil, las!)
J'eusse mis paine aucunement
De moy retraire de ses las.
LVI
Quoy que je luy voulsisse dire,
Elle estoit preste d'escouter,
Sans m'acorder ne contredire;
Qui plus, me souffroit acouter,
Joignant d'elle, pres m'accouter,
Et ainsi m'aloit amusant,
Et me souffroit tout raconter,
Mais ce n'estoit qu'en m'abusant.
LVII
Abusé m'a et fait entendre
Tousjours d'ung que ce fust ung aultre;
De farine, que ce fust cendre;
D'ung mortier, ung chappeau de faultre;
De viel machefer, que fust peaultre;
D'ambesars, que ce fussent ternes;
(Toujours trompeur autruy enjaultre
Et rent vecies pour lanternes.)
LVIII
Du ciel, une poille d'arain;
Des nues, une peau de veau;
Du matin, qu'estoit le serain;
D'ung trongnon de chou, ung naveau;
D'orde cervoise, vin nouveau;
D'une truie, ung molin a vent;
Et d'une hart, ung escheveau;
D'ung gras abbé; ung poursuyvant.
LIX
Ainsi m'ont Amours abusé
Et pourmené de l'uys au pesle.
Je croy qu'homme n'est si rusé,
Fust fin comme argent de coepelle,
Qui n'y laissast linge, drappelle,
Mais qu'il fust ainsi manyé
Comme moy, qui partout m'appelle:
L'amant remys et regnyé.
LX
Je regnie Amours et despite;
Et deffie a feu et a sang.
Mort par elles me precipite,
Et ne leur en chault pas d'ung blanc.
Ma vielle ay mys soubz le banc.
Amans je ne suyvray jamais:
Se jadis je fus de leur ranc,
Je desclare que n'en suis mais.
LXI
Car j'ay mys le plumail au vent:
Or le suyve qui a attente.
De ce me tais doresnavant,
Car poursuivre vueil mon entente.
Et s'aucun m'interroge ou tente
Comment d'Amours j'ose mesdire,
Ceste parolle le contente:
Qui meurt, a ses loix de tout dire."
LXII
Je congnois approcher ma seuf;
Je crache, blanc comme coton,
Jacoppins gros comme ung esteuf:
Qu'esse a dire? que Jehanneton
Plus ne me tient pour valeton,
Mais pour ung viel usé roquart.
De viel porte voix et le ton,
Et ne suys qu'ung jeune coquart.
LXIII
Dieu mercy et Tacque Thibault,
Qui tant d'eau froide m'a fait boire,
Mis en bas lieu, non pas en hault,
Mengier d'angoisse mainte poire,
Enferré... Quant j'en ay memoire,
Je pry pour luy et reliqua,
Que Dieu luy doint, et voire, voire,
Ce que je pense... et cetera.
LXIV
Toutesfois, je n'y pense mal,
Pour luy, ne pour son lieutenant,
Aussi pour son official,
Qui est plaisant et advenant;
Que faire n'ay du remenant.
Mais du petit maistre Robert? ...
Je les ayme, tout d'ung tenant,
Ainsi que fait Dieu le Lombart.
LXV
Si me souvient bien, Dieu mercis,
Que je feis, a mon partement,
Certains laiz, l'an cinquante six,
Qu'aucuns, sans mon consentement,
Voulurent nommer Testament;
Leur plaisir fut, et non le mien.
Mais quoy? on dit communement,
Qu'ung chascun n'est maistre du sien.
LXVI
Pour les revoquer ne le dis,
Et y courust toute ma terre,
De pitié ne suis refroidis
Envers le Bastart de la Barre:
Parmi ses trois gluyons de fuerre,
Te luy donne mes vieilles nates;
Bonnes seront pour tenir serre,
Et soy soustenir sur les pates.
LXVII
S'ainsi estoit qu'aucun n'eust pas
Receu les laiz que je luy mande,
J'ordonne qu'aprés mon trespas
A mes hoirs en face demande.
Mais qui sont ils? S'on le demande:
Moreau, Provins, Robin Turgis.
De moy, dictes que je leur mande,
Ont eu jusqu'au lit ou je gis.
LXVIII
Somme, plus ne diray qu'ung mot
Car commencer veuil a tester:
Devant mon clerc Fremin, qui m'ot,
S'il ne dort, je vueil protester
Que n'entens homme detester
En ceste presente ordonnance,
Et ne la vueil magni fester
Sinon ou royaume de France.
LXIX
Je sens mon cuer qui s'affoiblit
Et plus je ne puis papier.
Fremin, sié toy pres de mon lit,
Que l'on ne me viengne espier;
Prens ancre tost, plume et papier;
Ce que nomme escry vistement,
Puys fay le partout coppier;
Et vecy le commancement.
LXX
Ou nom de Dieu, Pere eternel,
Et du Filz que Vierge parit,
Dieu au Pere coeternel,
Ensemble le Saint Esperit,
Qui sauva ce qu'Adam perit
Et du pery pare les cieulx...
Qui bien ce croit, peu ne merit,
Gens mors estre faiz petiz dieux.
LXXI
Mors estoient, et corps et ames,
En dampnee perdicion;
Corps pourris et ames en flammes,
De quelconque condicion.
Toutesfois, fais excepcion
Des patriarches et prophetes;
Car, selon ma concepcion,
Oncques n'eurent grant chault aux fesses.
LXXII
Qui me diroit: "Qui vous f ait metre
Si tres avant ceste parolle,
Qui n'estes en theologie maistre?
A vous est presumpcion folle."
C'est de Jhesus la parabolle
Touchant du Riche ensevely
En feu, non pas en couche molle,
Et du Ladre de dessus ly.
LXXIII
Se du Ladre eust veu le doit ardre,
Ja n'en eust requis refrigere,
N'au bout d'icelluy doit aherdre,
Pour rafreschir sa maschouere.
Pyons y feront mate chiere,
Qui boyvent pourpoint et chemise.
Puis que boiture y est si chiere,
Dieu nous en gart! bourde jus mise.
LXXIV
Ou nom de Dieu, comme j'ay dit,
Et de sa glorieuse Mere,
Sans pechié soit par fait ce dit
Par moy, plus megre que chimere;
Se je n'ay eu fievre eufumere,
Ce m'a fait divine clemence;
Mais d'autre dueil et perte amere
Je me tais, et ainsi commence:
LXXV
Premier, je donne ma povre ame
A la benoiste Trinité,
Et la commande a Nostre Dame,
Chambre de la divinité,
Priant toute la charité
Des dignes neuf Ordres des cieulx
Que par eulx soit ce don porté
Devant le Trosne precieux.
LXXVI
Item, mon corps j'ordonne et laisse
A nostre grant mere la terre;
Les vers n'y trouveront grant gresse,
Trop luy a fait fain dure guerre.
Or luy soit delivré grant erre:
De terre vint, en terre tourne;
Toute chose, se par trop n'erre
Voulentiers en son lieu retourne.
LXXVII
Item, et a mon plus que pere,
Maistre Guillaume de Villon
Qui esté m'a plus doulx que mere
A enfant levé de maillon:
Degeté m'a de maint bouillon,
Et de cestuy pas ne s'esjoye,
Si luy requier a genouillon
Qu'il m'en laisse toute la joye;
LXXVIII
Je luy donne ma librairie,
Et le Rommant du Pet au Deable,
Lequel maistre Guy Tabarie
Grossa, qui est homs veritable.
Par cayers est soubz une table;
Combien qu'il soit rudement fait,
La matiere est si tres notable,
Qu'elle amende tout le mesf ait.
LXXIX
Item, donne a ma povre mere
Pour saluer nostre Maistresse,
(Qui pour moy ot douleur amere,
Dieu le scet, et mainte tristesse),
Autre chastel n'ay, ne fortresse,
Ou me retraye corps et ame,
Quant sur moy court malle destresse,
Ne ma mere, la povre femme!
BALLADE POUR PRIER NOSTRE DAME
Dame du ciel, regente terrienne,
Emperiere des infernaux palus,
Recevez moy, vostre humble chrestiénne,
Que comprinse soye entre vos esleus,
Ce non obstant qu'oncques rien ne valus.
Les biens de vous, ma Dame et ma Maistresse,
Sont trop plus grans que ne suis pecheresse,
Sans lesquelz biens ame ne peut merir
N'avoir les cieulx, je n'en suis jangleresse.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.
A vosre Filz dictes que je suis sienne;
De luy soyent mes pechiez abolus;
Pardonne moy comme a l'Egipcienne,
Ou comme il feist au clerc Theophilus,
Lequel par vous fut quitte et absolus,
Combien qu'il eust au deable fait promesse.
Preservez moy de faire jamais ce,
Vierge portant, sans rompure encourir,
Le sacrement qu'on celebre a la messe.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.
Femme je suis povrette et ancienne,
Qui riens ne sçay; onques lettre ne lus.
Au moustier voy dont suis paroissienne
Paradis paint, ou sont harpes et lus,
Et ung enfer ou dampnez sont boullus:
L'ung me fait paour, l'autre joye et liesse.
La joye avoir me fay, haulte Deesse,
A qui pecheurs doivent tous recourir,
Comblez de foy, sans fainte ne paresse.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.
Vous portastes, digne Vierge, princesse,
Iesus regnant, qui n'a ne fin ne cesse.
Le Tout Puissant, prenant nostre foiblesse,
Laissa les cieulx et nous vint secourir,
Offrit a mort sa tres chiere jeunesse.
Nostre Seigneur tel est, tel le confesse,
En ceste foy je vueil vivre et mourir.
LXXX
Item, m'amour, ma chiere Rose,
Ne luy laisse ne cuer ne foye:
Elle aimeroit mieulx autre chose,
Combien qu'elle ait assez monnoye.
Quoy? une grant bource de soye,
Plaine d'escuz, par fonde et large:
Mais pendu soit il, que je soye,
Qui luy laira escu ne targe.
LXXXI
Car elle en a, sans moy, assez,
Mais de cela il ne m'en chault;
Mes plus grans dueilz en sont passez,
Plus n'en ay le croppion chault.
Si m'en desmetz aux hoirs Michault,
Qui fut nommé le Bon Fouterre,
Priez pour luy, faictes ung sault:
A Saint Satur gist, soubz Sancerre.
LXXXII
Ce non obstant, pour m'acquitter
Envers Amours, plus qu'envers elle,
Car onques n'y peuz acquester
D'espoir une seule estincelle;
(Je ne sçay s'a tous si rebelle
A esté: ce m'est grant esmoy;
Mais, par sainte Marie la belle!
Je n'y voy que rire pour moy),
LXXXIII
Ceste ballade luy envoye,
Qui se termine tout par R.
Qui luy portera? Que je voye:
Ce sera Pernet de la Barre,
Pourveu, s'il rencontre en son erre
Ma damoiselle au nez tortu,
Il luy dira, sans plus enquerre:
"Orde paillarde, dont viens tu?"
BALLADE A S'AMYE
Faulse beaulté, qui tant me couste chier,
Rude en effect, ypocrite doulceur;
Amour dure plus que fer a maschier,
Nommer qui puis de ma des façon seur,
Cherme felon, la mort d'ung povre cuer,
Orgueil mussié, qui gens met au mourir,
Yeulx sans pitié! ne veult Droit Rigueur,
Sans empirer, ung povre secourir
Mieulx m'eust valu avoir esté serchier
Ailleurs secours, c'eust esté mon onneur.
Riens ne m'eust sceu lors de ce fait hachier
Trotter m'en fault en fuyte et deshonneur.
Haro, haro, le grant et le mineur!
Et qu'esse cy? Mourray sans coup ferir?
Ou Pitié veult, selon ceste teneur,
Sans empirer, ung povre secourir.
Ung temps viendra, qui fera dessechier,
Jaunir, flestrir, vostre espanye fleur;
Je m'en risse, se tant peusse maschier
Lors; mais nennil, ce seroit donc foleur:
Viel seray; vous, laide, sans couleur,
Or, beuvez fort, tant que ru peut courir.
Ne donnez pas a tous ceste douleur,
Sans empirer, ung povre secourir.
Prince amoureux, des amans le greigneur
Vostre mal gré ne vouldroye encourir;
Mais tout franc cuer doit pour Nostre Seigneur
Sans empirer, ung povre secourir.
LXXXIV
Item, a maistre Ythier Marchant,
Auquel mon branc laissai jadis,
Donne, mais qu'il le mette en chant,
Ce lay contenant des vers dix;
Et, au luz, ung De profundis
Pour ses anciennes amours,
Desquelles le nom je ne dis,
Car il me hairoit a tous jours.
LAY
Mort, j'appelle de ta rigueur,
Qui m'as ma maistresse ravie
Et n'es pas encore assouvie,
Se tu ne me tiens en langueur:
Onc puis n'eus force ne vigueur;
Mais que te nuysoit elle en vie,
Mort?
Deux estions et n'avions qu'ung cuer;
S'il est mort, force est que devie,
Voire, ou que je vive sans vie
Comme les images, par cuer,
Mort!
LXXXV
Item, a maistre Jehan Cornu
Autre nouveau laiz lui vueil faire,
Car il m'a tous jours secouru
A mon grant besoing et affaire:
Pour ce, le jardin luy transfere,
Que maistre Pierre Bobignon
M'arenta, en faisant refaire
L'uys et redrecier le pignon.
LXXXVI
Par faulte d'ung uys, j'y perdis
Ung grez et ung manche de houe.
Alors, huit faulcons, non pas dix,
N'y eussent pas prins une aloue.
L'ostel est seur, mais qu'on le cloue.
Pour enseigne y mis ung havet;
Qui que l'ait prins, point ne l'en loue:
Sanglante nuyt et bas chevet!
LXXXVII
Item, et pour ce que la femme
De maistre Pierre Saint Amant
(Combien, se coulpe y a a l'ame,
Dieu luy pardonne doulcement!)
Me mist ou renc de cayemant,
Pour le Cheval Blanc qui, ne bouge,
Luy chanjay a une jument,
Et la Mulle a ung asne rouge.
LXXXVIII
Item, donne a sire Denis
Hesselin, esleu de Paris,
Quatorzé muys de vin d'Aulnis
Prins sur Turgis a mes perilz.
S'il en buvoit tant que peris
En fust son sens et sa raison,
Qu'on mette de l'eau es barilz:
Vin pert mainte bonne maison.
LXXXIX
Item, donne a mon advocat,
Maistre Guillaume Charruau,
Qyoy qu'il marchande ou ait estat,
Mon branc... je me tais du fourreau.
Il aura avec ung reau
En change, aff n que sa bource enfle,
Prins sur la chaussee et carreau
De la grant cousture du Temple.
XC
Item, mon procureur Fournier
Aura pour toutes ses corvees
(Simple sera de l'espargnier)
En ma bource quatre havees,
Car maintes causes m'a sauvees
Justes, ainsi Jhesus Crist m'aide!
Comme telles sent so trouvees;
Mais bon droit a bon mestier d'aide.
XCI
Item, je donne a maistre Jaques
Raguier le Grant Godet de Greve,
Pourveu qu'il paiera quatre plaques
(Deust il vendre, quoy qu'il luy griefve,
Ce dont on cueuvre mol et greve,
Aller sans chausse, en eschappin),
Se sans moy boit, assiet ne lieve,
Au trou de la Pomme de Pin.
XCII
Item, quant est de Merebeuf
Et de Nicolas de Louviers,
Vache ne leur donne ne beuf,
Car vachiers ne sont, ne bouviers,
Mais gens a porter esperviers,
Ne cuidez pas que je me joue,
Et pour prendre perdris, plouviers,
Sans faillir, sur la Machecoue.
XCIII
Item, viengne Robin Turgis
A moy, je luy paieray son vin,
Combien, s'il treuve mon logis,
Plus fort sera que le devin.
Le droit luy donne d'eschevin,
Que j'ay comme enfant de Paris:
Se je parle ung peu poictevin,
Ice m'ont deux dames apris.
XCIV
Elles sont trés belles et gentes,
Demourans a Saint Generou
Pres Saint Julien de Voventes,
Marche de Bretaigne ou Poictou.
Mais i ne di proprement ou
Yquelles passent tous les jours;
M'arme! i ne seu mie si fou.
Car i vueil celer mes amours.
XCV
Item, a Jehan Raguier je donne,
Qui est sergent, voire des Douze,
Tant qu'il vivra, ainsi l'ordonne,
Tous les jours une tallemouse,
Pour bouter et fourrer sa mouse,
Prinse a la table de Bailly;
A Maubué sa gorge arrouse,
Car au mengier n'a pas failly.
XCVI
Item, et au Prince des Sotz
Pour ung bon sot Michault du Four,
Qui a la fois dit de bons motz
Et chante bien: "Ma doulce amour!"
Je lui donne, avec le bonjour;
Brief , mais qu'il fust ung peu en point,
Il est ung droit sot de sejour,
Et est plaisant ou il n'est point.
XCVII
Item, aux Unze Vingtz Sergens
Donne, car leur fait est honneste
Et sont bonnes et doulces gens,
Denis Richier et Jehan Vallette,
A chascun une grant cornete,
Pour pendre a leurs chappeaulx de faultre.
J'entens a ceulx a pié, hohete!
Car je n'ay que faire des autres:
XCVIII
De rechief donne a Perrenet,
J'entens le Bastart de la Barre,
Pour ce qu'il est beau filz et net,
En son escu, en lieu de barre,
Trois dez plombez, de bonne carre,
Ou ung beau joly jeu de cartes...
Mais quoy! s'on l'oyt vessir ne poirre,
En oultre aura les fievres quartes.
XCIX
Item, ne vueil plus que Cholet
Dolle, trenche, douve ne boise,
Relie broc ne tonnelet,
Mais tous ses houstilz changier voise
A une espee lyonnoise,
Et retiengne le hutinet:
Combien qu'il n'ayme bruyt ne noise,
Si luy plaist il ung tantinet.
C
Item, je donne a Jehan le Lou,
Homme de bien et bon marchant,
Pour ce qu'il est linget et flou,
Et que Chodet est mal serchant,
Ung beau petit chiennet couchant
Qui ne laira poullaille en voye,
Ung long tabart et bien cachant
Pour les musier, qu'on ne les voye.
CI
Item, a l'Orfevre de Bois,
Donne cent clouz, queues et testes,
De gingembre sarrazinois,
Non pas pour acouppler ses boetes,
Mais pour conjoindre culz et coetes,
Et couldre jambons et andoulles,
Tant que le lait en monteaux tetes
Et le sang en devalle aux coulles.
CII
Au cappitaine Jehan Riou,
Tant pour luy que pour ses archiers,
Je donne six hures de lou,
Qui n'est pas viande a porchiers,
Prinses a gros mastins de bouchiers,
Et cuites en vin de buffet.
Pour mengier de ces morceaulx chiers,
On en feroit bien ung mal fait.
CIII
C'est viande ung peu plus pesante
Que duvet n'est plume, ne liege.
Elle est bonne a porter en tente,
Ou pour user en quelque siege.
S'ilz estoient prins a un piege,
Que ces mastins ne sceussent courre,
J'ordonne, moy qui suis son miege,
Que des peaulx, sur l'iver, se fourre.
CIV
Item, a Robinet Trascaille,
Qui en service (s'est bien fait)
A pié ne va comme une caille,
Mais sur roncin gras et reffait,
Je luy donne, de mon buffet,
Une jatte qu'emprunter n'ose;
Si aura mesnage parfait:
Plus ne luy failloit autre chose.
CV
Item, donne a Perrot Girart,
Barbier juré du Bourg la Royne,
Deux bacins et ung coquemart,
Puis qu'a gaignier met telle paine.
Des ans y a demie douzaine,
Qu'en son hostel de cochons gras
M'apatella une sepmaine,
Tesmoing l'abesse de Pourras.
CVI
Item, aux Freres mendians,
Aux Devotes et aux Beguines,
Tant de Paris que d'Orleans,
Tant Turlupins que Turlupines,
De grasses souppes jacoppines
Et flans leur fais oblacion;
Et puis apres, soubz ces courtines,
Parler de contemplacion.
CVII
Si ne suis je pas qui leur donne,
Mais de tous enffans sont les meres,
Et Dieu, qui ainsi les guerdonne,
Pour qui seuffrent paines ameres.
Il faut qu'ilz vivent, les beaulx peres,
Et mesmement ceulx de Paris.
S'ilz f ont plaisir a nos commeres,
Ilz ayment ainsi leurs maris.
CVIII
Quoy que maistre Jehan de Poullieu
En voulsist dire, et reliqua,
Contraint et en publique lieu,
Honteusement s'en revoqua.
Maistre Jehan de Mehun s'en moqua.
De leur facon si fist Mathieu.
Mais on doit honnorer ce qu'a
Honnoré l'Eglise de Dieu.
CIX
Si me soubmectz, leur serviteur
En tout ce que puis faire et dire,
A les honnorer de bon cuer
Et obeir, sans contredire;
L'homme bien fol est d'en mesdire
Car, soit a part ou en preschier,
Ou ailleurs, il ne fault pas dire
Se gens sont pour eux revenchier.
CX
Item, je donne a frere Baude,
Demourant en l'ostel des Carmes
Portant chiere hardie et baude,
Une sallade et deux guysarmes,
Que Detusca et ses gens d'armes
Ne lui riblent sa caige vert.
Viel est: s'il ne se rent aux armes,
C'est bien le deable de Vauvert.
CXI
Item, pour ce que le Scelleur
Maint estront de mouche a maschié,
Donne, car homme est de valeur,
Son seau davantage craché,
Et qu'il ait le poulce escachié,
Pour tout empreindre a une voye;
J'entens celluy de l'Eveschié,
Car les autres, Dieu les pourvoye!
CXII
Quant des auditeurs messeigneurs,
Leur granche ilz auront lambroissee;
Et ceulx qui ont les culz rongneux,
Chascun une chaire percee;
Mais qu'a la petite Macee
D'Orleans, qui ot ma sainture,
L'amende soit bien hault tauxee:
Elle est une mauvaise ordure.
CXIII
Item, donne a maistre Françoys,
Promoteur, de la Vacquerie,
Ung hault gorgerin d'Escossoys,
Toutesfois sans orfaverie;
Car, quant receut chevallerie,
Il maugrea Dieu et saint George.
Parler n'en oit qui ne s'en rie,
Comme enragié, a plaine gorge.
CXIV
Item a maistre Jehan Laurens,
Qui a les povres yeulx si rouges
Pour le pechié de ses parens
Qui burent en barilz et courges,
Je donne l'envers de mes bouges
Pour tous les matins les torchier;
S'il fust arcevesque de Bourges,
Du sendail eust, mais il est chier.
CXV
Item, a maistre Jehan Cotart,
Mon procureur en court d'Eglise,
Devoye environ ung patart,
(Car a present bien m'en advise)
Quant chicaner me feist Denise,
Disant que l'avoye mauldite;
Pour son ame, qu'es cieulx soit mise
Ceste oroison j'ay cy escripte.
BALLADE ET OROISON
Pere Noé, qui plantastes la vigne,
Vous aussi, Loth, qui beustes ou rochier,
Par tel party qu'Amours, qui gens engigne,
De vos filles si vous feist approuchier
(Pas ne le dy pour vous le reprouchier,)
Archetriclin, qui bien sceustes cest art,
Tous trois vous pry qu'o vous vueillez perchier
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart!
Jadis extraict il fut de vostre ligne,
Luy qui buvoit du meilleur et plus chier;
Et ne deust il avoir vaillant ung pigne,
Certes, sur tous, c'estoit ung bon archier;
On ne luy sceut pot des mains arrachier;
De bien boire ne fut oncques fetart.
Nobles seigneurs, ne souffrez empeschier
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart!
Comme homme beu qui chancelle et trepigne;
L'ay veu souvent, quand il s'alloit couchier
Et une fois il se feist une bigne,
Bien m'en souvient, a l'estal d'ung bouchier
Brief, on n'eust sceu en ce monde serchier
Meilleur pyon, pour boire tost et tart.
Faictes entrer quant vous orrez huchier
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart!
Prince, il n'eust sceu jusqu'a terre crachier
Tousjours crioit: "Haro, la gorge m'art!"
Et si ne sceust oncq sa seuf estanchier
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart.
CXVI
Item, vueil que le jeune Merle
Desormais gouverne mon change,
Car de changier envys me mesle,
Pourveu que tousjours baille en change,
Soit a privé soit a estrange,
Pour trois escus six brettes targes,
Pour deux angelotz ung grant ange:
Car amans doivent estre larges.
CXVII
Item, j'ay sceu, en ce voyage,
Que mes trois povres orphelins
Sont creus et deviennent en aage
Et n'ont pas testes de belins,
Et qu'enfans d'icy a Salins
N'a mieulx sachans leur tour d'escolle.
Or, par l'ordre des Mathelins,
Telle jeunesse n'est pas folle.
CXVIII
Si vueil qu'ilz voisent a l'estude
Ou? sur maistre Pierre Richier.
Le Donat est pour eulx trop rude:
Ja ne les y vueil em.peschier.
Ils sauront, je l'ayme plus chier:
Ave salus, tibi decus,
Sans plus grans lettres enserchier:
Tousjours n'ont pas clers l'au dessus.
CXIX
Cecy estudient, et ho!
Plus proceder je leur deffens.
Quant d'entendre le grant Credo,
Trop forte elle est pour telz enfans.
Mon long tabart en deux je fens:
Si vueil que la moitié s'en vende
Pour leur en acheter des flans,
Car jeunesse est ung peu friande.
CXX
Et vueil qu'ilz soient informez
En meurs, quoy que couste bature;
Chaperons auront enformez
Et les poulces sur la sainture;
Humbles a toute creature,
Disans: "Han? Quoy? Il n'en est rien!"
Si diront gens, par adventure:
"Vecy enfans de lieu de bien!"
CXXI
Item, et mes povres clerjons,
Auxquelz mes tiltres resigné:
Beaulx enfans et droiz comme jons
Les voyant, m'en dessaisiné
Cens recevoir leur assigné,
Seur comme qui l'auroit en paulme
A ung certain jour consigné,
Sur l'ostel de Gueuldry Guillaume.
CXXII
Quoy que jeunes et esbatans
Soient; en riens ne me desplaist;
Dedens trente ans ou quarante ans
Bien autres seront, se Dieu plaist.
Il fait mal qui ne leur complaist;
Ilz sont tres beaulx enfans et gens;
Et qui les bat ne fiert, fol est,
Car enfans si deviennent gens.
CXXIII
Les bources des Dix et Huit
Clers Auront; je m'y vueil travaillier:
Pas ilz ne dorment comme loirs,
Qui trois mois sont sans resveillier.
Au fort, triste est le sommeillier
Qui fait aisier jeune en jeunesse,
Tant qu'en fin lui faille veillier,
Quant reposer deust en viellesse.
CXXIV
Si en escrips au collateur
Lettres semblables et pareilles:
Or prient pour leur bien faicteur,
Ou qu'on leur tire les oreilles.
Aucunes gens ont grans merveilles
Que tant m'encline vers ces deux:
Mais, foy que doy festes et veilles,
Oncques ne vy les meres d'eulx!
CXXV
Item, donne a Michault Cul d'Oue
Et a sire Charlot Taranne,
Cent solz (s'ilx demandent: "Prins ou?"
Ne leur chaille; ils vendront de manne)
Et unes houses de basanne,
Autant empeigne que semelle;
Pourveu qu'ilx me salueront Jehanne,
Et autant une autre comme elle.
CXXVI
Item, au seigneur de Grigny,
Auquel jadis laissay Vicestre,
Je donne la tour de Billy
Pourveu, s'uys y a ne fenestre
Qui soit ne debout ne en estre,
Qu'il mette tres bien tout a point.
Face argen a destre et a senestre:
Il m'en fault, et il n'en a point.
CXXVII
Item, a Thibault de la Garde...
Thibault? je mens, il a nom Jehan;
Que luy donray je, que ne perde?
(Assez ay perdu tout cest an;
Dieu y vueille pourveoir, amen!)
Le Barillet, par m'ame, voire!
Genevoys est plus ancien
Et a plus beau nez pour y boire.
CXXVIII
Item, je donne a Basennier,
Notaire et greffier criminel,
De giroffle plain ung pannier,
Prins sur maistre Jehan de Ruel.
Tant a Mautaint, tant a Rosnel;
Et, avec ce don de giroffle,
Servir de cuer gent et ysnel
Le seigneur qui sert saint Cristofle.
CXXIX
Auquel ceste ballade donne,
Pour sa dame, qui tous biens a.
S'Amour ainsi tous ne guerdonne,
Je ne m'esbays de cela;
Car au pas conquester l'ala
Que tint Regnier, roy de Cecille,
Ou si bien fist et peu parla
Qu'oncques Hector fist ne Troille.
BALLADE POUR ROBERT D'ESTOUTEVILLE
Au point du jour, que l'esprevier s'esbat,
Meu de plaisir et par noble coustume,
Bruit la maulvis et de joye s'esbat,
Recoit son per et se joingt a sa plume,
Offrir vous vueil, a ce desir m'alume,
Ioyeusement ce qu'aux amans bon semble.
Sachez qu'Amour l'escript en son volume.
Et c'est la fin pour quoy sommes ensemble.
Dame serez de mon cuer sans debat,
Entierement, jusques mort me consume.
Lorier souef qui pour mon droit combat,
Olivier franc, m'ostant toute amertume,
Raison ne veult que je desacoustume,
Et en ce vueil avec elle m'assemble,
De vous servir, mais que m'y acoustume;
Et c'est la fin pour quoy sommes ensemble.
Et qui plus est, quant dueil sur moy s'embat,
Par Fortune qui souvent si se fume,
Vostre doulx oeil sa malice rabat,
Ne mais ne moins que le vent fait la plume.
Si ne pers pas la graine que je sume
En vostre champ, quant le fruit me ressemble.
Dieu m'ordonne que le fouysse et fume;
Et c'est la fin pour quoy sommes ensemble.
Princesse, oyez ce que cy vous resume:
Que le mien cuer du vostre desassemble
Ja ne sera; tant de vous en presume;
Et c'est la fin pour quoy sommes ensemble.
CXXX
Item, a sire Jehan Perdrier,
Riens, n'a Françoys, son secont frere.
Si m'ont voulu tous jours aidier,
Et de leurs biens faire con frere;
Combien que Françoys, mon compere,
Langues cuisant, flambans et rouges,
My commandement my priere,
Me recommanda fort a Bourges.
CXXXI
Si allé veoir en Taillevent.
Ou chappitre de fricassure,
Tout au long, derriere et devant,
Lequel n'en parle jus ne sure.
Mais Macquaire, je vous asseure,
A tout le poil cuisant ung deable,
Affin que sentist bon l'arsure,
Ce recipe m'escript, sans fable.
BALLADE
En reagal, en arcenic rochier;
En orpiment, en salpestre et chaulx vive;
En plomb boullant, pour mieulx les esmorchier;
En suif et poix, destrempez de lessive
Faicte d'estrons et de pissat de juifve;
En lavaille de jambes a meseaulx;
En racleure de piez et vielz houseaulx;
En sang d'aspic et drogues venimeuses;
En fiel de loups, de regnars et blereaulx,
Soient frittes ces langues envieuses!
En cervelle de chat qui hayt peschier,
Noir, et si viel qu'il n'ait dent en gencive;
D'ung viel mastin, qui vault bien aussi chier,
Tout enragié, en sa bave et salive;
En l'escume d'une mulle poussive,
Detrenchiee menu a bons ciseaulx;
En eaue ou ratz plongent groings et museaulx,
Raines, crappaulx et bestes dangereuses,
Serpens, lesars et telz nobles oyseaulx,
Soient frittes ces langues envieuses!
En sublimé, dangereux a touchier,
Et ou nombril d'une couleuvre vive;
En sang qu'on voit es palletes sechier
Sur ces barbiers, quant plaine lune arrive,
Dont l'ung est noir, l'autre plus vert que cive,
En chancre et fiz, et en ces ors cuveaulx
Ou nourrisses essangent leurs drappeaulx;
En petiz baings de f illes amoureuses
(Qui ne m'entent n'a suivy les bordeaulx)
Soient frittes ces langues envieuses!
Prince, passez tous ces frians morceaulx,
S'estamine n'avez, sacs ne bluteaulx,
Parmy le fons d'unes brayes breneuses;
Mais, par avant en estrons de pourceaulx
Soient frittes ces langues envieuses!
CXXXII
Item, a maistre Andry Courault,
"Les Contrediz Franc Gontier" mande:
Quant du tirant seant en hault,
A cestuy la riens ne demande.
Le Saige ne veult que contende
Contre puissant povre bomme las,
Affin que ses fillez ne tende
Et qu'il ne trebuche en ses las.
CXXXIII
Gontier ne crains: il n'a nuls hommes
Et mieulx que moy n'est herité;
Mais en ce debat cy nous sommes,
Car il loue sa povreté,
Estre povre, yver et esté,
Et a felicité repute
Ce que tiens a maleureté.
Lequel a tort? Or en dispute.
LES CONTREDIZ DE FRANC GONTIER
Sur mol duvet assis, ung gras chanoine,
Lez ung brasier, en chambre bien natee,
A son costé gisant dame Sidoine,
Blanche, tendre, polie et attintee:
Boire ypocras, a jour et a nuytee,
Rire, jouer, mignonner et baisier,
Et nu a nu, pour mieulx des corps s'aisier,
Les vy tous deux, par ung trou de mortaise:
Lors je congneus que, pour dueil appaisier,
Il n'est tresor que de vivre a son aise.
Se Franc Gontier et sa compaigne Helaine
Eussent ceste doulce vie hantee,
D'oignons, civotz, qui causent fort alaine,
N'acontassent une bise tostee.
Tout leur mathon, ne toute leur potee,
Ne prise ung ail, je le dy sans noysier.
S'ilz se vantent couchier soubz le rosier,
Lequel vault mieulx: Lict costoyé de chaise?
Qu'en dites-vous? Faut-il a ce musier?
Il n'est tresor que de vivre a son aise.
De gros pain bis vivent, d'orge, d'avoine,
Et boivent eaue, tout au long de l'anee.
Tous les oyseaulx d'icy en Babiloine
A tel escot une seule journee
Ne me tendroient, non une matinee.
Or s'esbate, de par Dieu, Franc Gontier,
Helaine o luy, soubz le bel esglantier;
Se bien leur est, n'ay cause qu'il me poise:
Mais, quoy que soit du laboureux mestier,
Il n'est tresor que de vivre a son aise.
Prince, jugiez, pour tous nous accorder.
Quant est a moy, mais qu'a nul n'en desplaise,
Petit enfant, j'ay oy recorder:
Il n'est tresor que de vivre a son aise.
CXXXIV
Item, pour ce que scet sa Bible
Ma damoiselle de Bruyeres,
Donne preschier, hors l'Evangille,
A elle et a ses bachelieres,
Pour retraire ces villotieres
Qui ont le bec si affillé,
Mais que ce soit hors cymetieres,
Trop bien au Marchié au fillé.
BALLADE DES FEMMES DE PARIS
Quoy qu'on tient belles langagieres
Florentines, Veniciennes,
Assez pour estre messagieres,
Et mesmement les anciennes;
Mais, soient Lombardes, Rommaines,
Genevoises, a mes perilz,
Pimontoises, Savoisiennes,
Il n'est bon bec que de Paris.
De tres beau parler tiennent chaieres,
Ce dit on, les Neapolitaines,
Et sont tres bonnes caquetieres
Allemandes et Pruciennes;
Soien Grecques, Egipciennes,
De Hongrie ou d'autre pays
Espaignolles ou Cathelennes,
Il n'est bon bec que de Paris.
Brettes, Suysses, n'y sçavent guieres,
Gasconnes, n'aussi Toulousaines;
De Petit Pont deux haranguieres
Les concluront; et les Lorraines,
Engloises et Calaisiennes,
(Ay je beaucoup de lieux compris?)
Picardes de Valenciennes;
Il n'est bon bec que de Paris.
Prince, aux dames Parisiennes
De beau parler donnez le pris;
Quoy qu'on die d'Italiennes
Il n'est bon bec que de Paris.
CXXXV
Regarde m'en deux, trois, assises
Sur le bas du ply de leurs robes,
En ces moustiers, en ces eglises;
Tire toy pres, et ne te hobes;
Tu trouveras la que Macrobes
Oncques ne fist tels jugemens!
Entens: quelque chose en desrobes;
Ce sont tres beaulx enseignemens.
CXXXVI
Item, et au mont de Montmartre,
Qui est ung lieu moult ancien,
Je luy donne et adjoings le tertre
Qu'on dit le mont Valerien;
Et, oultre plus, ung quartier d'an
Du pardon qu'apportay de Romme;
Sy ira maint bon crestien
Voir l'abbaye ou il n'entre homme.
CXXXVII
Item, varletz et chamberieres
De bons hostelz (rien ne me nuyt)
Feront tartes, flans et goyeres,
Et grant raillias a mynuit:
Riens n'y f ont sept pintes ne huit,
Tant que gisent seigneur et dame.
Puis apres, sans mener grant bruit,
Je leur ramentoy le jeu d'asne.
CXXXVIII
Item, et a filles de bien,
Qui ont peres, meres et antes,
Par m'ame! je ne donne rien,
Car j'ay tout donné aux servantes.
Sy fussent ilz de peu contentes,
Grant bien leur fissent mains loppins
Aux poures filles (ennementes!)
Qui se perdent aux Jacoppins,
CXXXIX
Aux Celestins et aux Chartreux;
Quoy que vie mainent estroite,
Si ont ilz largement entre eulx,
Dont povres filles ont souffrete;
Tesmoing Jaqueline et Perrete,
Et Ysabeau, qui dit: "Enné!"
Puis qu'ilz en ont telle disette
A paine en seroit on damné.
CXL
Item, a la Grosse Margot,
Tres doulce face et pourtraicture,
Foy que doy brulare bigod,
Assez devote creature,
Je l'aime de propre nature,
Et elle moy, la doulce sade:
Qui la trouvera d'aventure,
Qu'on luy lise ceste ballade.
BALLADE DE LA GROSSE MARGOT
Se j'ayme et sers la belle de bon hait,
M'en devez vous tenir ne vil ne sot?
Elle a en soy des biens a fin souhait.
Pour son amour sains bouclier et passot.
Quant viennent gens, je cours et happe ung pot:
Au vin m'en fuis, sans demener grant bruit.
Je leur tens eaue, frommage, pain et fruit,
S'ilz paient bien, je leur dis: "Bene stat:
Retournez cy, quant vous serez en ruit,
En ce bordeau ou tenons nostre estat!"
Mais, adoncques, il y a grant deshait,
Quant sans argent s'en vient couchier Margot;
Veoir ne la puis; mon cuer a mort la hait.
Sa robe prens, demy saint ou surcot:
Si luy jure qu'il tendra pour l'escot.
Par les cotés se prent, "c'est Antecrist"
Crie, et jure par la mort Jhesucrist
Que non sfra. Lors j'empongne ung esclat:
Dessus son nez luy en fais ung escript,
En ce bordeau ou tenons nostre estat.
Puis paix se fait, et me fait ung gros pet,
Plus enflee qu'ung vlimeux escharbot.
Riant, m'assiet son poing sur mon sommet,
Gogo me dit, et me fiert le jambot.
Tous deux yvres, dormons comme ung sabot:
Et, au resveil, quant le ventre luy bruit,
Monte sur moy, que ne gaste son fruit.
Soubz elle geins; plus qu'un aiz me fait plat;
De paillarder tout elle me destruit,
En ce bordeau ou tenons notre estat.
Vente, gresle, gelle, j'ay mon pain cuit!
Je suis paillart, la paillarde me suit.
Lequel vault mieux? Chascun bien s'entresuit.
L'ung vault l'autre: c'est a mau rat mau chat.
Ordure amons, ordure nous assuit.
Nous deffuyons onneur, il nous deffuit,
En ce bordeau ou tenons nostre estat.
CXLI
Item, a Marion l'Ydolle,
Et la grant Jehanne de Bretaigne,
Donne tenir publique escolle,
Ou l'escollier le maistre enseigne.
Lieu n'est ou ce marchié ne tiengne,
Si non en la grisle de Mehun;
De quoy je dis: "Fy de l'enseigne,
Puis que l'ouvraige est si commun!"
CXLII
Item, et a Noel Jolis,
Autre chose je ne luy donne
Fors plain poing d'osiers frez cueillis
En mon fardin; je l'abandonne.
Chastoy est une belle aulmosne,
Ame n'en doit estre marry:
Unze vings coups luy en ordonne
Livrez par la main de Henry.
CXLIII
Item, ne sçay qu'a l'Ostel Dieu
Donner, n'a povres hospitaulx;
Bourdes n'ont icy temps ne lieu,
Car povres gens ont assez maulx.
Chascun leur envoye leurs aulx.
Les Mendians ont eu mon oye;
Au fort, ilz en auront les os:
A menue gent menue monnoye.
CXLIV
Item, je donne a mon barbier,
Qui se nomme Colin Galerne,
Pres voisin d'Angelot l'erbier,
Ung gros glasson (prins ou? En Marne),
Affin qu'a son ayse s'yverne.
De l'estomac le tiengne pres;
Se l'yver ainsi se gouverne
Il aura chault l'esté d'apres.
XCLV
Item, riens aux Enfans Trouvez;
Mais les perdus faut que consolle.
Si doivent estre retrouvez,
Par droit, sur Marion l'Ydolle.
Une leçon de mon escolle
Leur liray, qui ne dure guere.
Teste n'ayent dure ne folle;
Escoutent! car c'est la derniere!
BELLE LEÇON AUX ENFANTS PERDUS
"Beaulx enfans, vous perdez la plus
Belle rose de vo chappeau;
Mes clers pres prenans comme glus,
Se vous allez a Montpipeau
Ou a Rueil, gardez la peau:
Car, pour s'esbatre en ces deux lieux,
Cuidant que vaulsist le rappeau,
La perdit Colin de Cayeux.
"Ce n'est pas ung jeu de trois mailles,
Ou va corps, et peut estre l'ame.
Qui pert, riens n'y sont repentailles
Qu'on n'en meure a honte et diffame.
Et qui gaigne n'a pas a femme
Dido la royne de Cartage.
L'homme donc est fol et in fame
Qui, pour si peu, couche tel gage.
Qu'ung chascun encore m'escoute!
On dit, et il est verité,
Que charterie se boit toute,
Au feu l'yver, au bois l'esté.
S'argent avez, il n'est enté;
Mais le despendez tost et viste.
Qui en voyez vous herité?
Jamais mal acquest ne prouffite."
BALLADE DE BONNE DOCTRINE
Car ou soies porteur de bulles,
Pipeur ou hasardeur de dez,
Tailleur de faulx coings et te brusles
Comme ceulx qui sont eschaudez,
Traistres parjurs, de foy vuydez;
Soies larron, ravis ou pilles:
Ou en va l'acquest, que cuidez?
Tout aux tavernes et aux filles.
Ryme, raille, cymballe, luttes,
Comme fol, fainctif , eshontez;
Farce, broulle, joue des fleustes;
Fais, es villes et es citez,
Farces, jeux et moralitez;
Gaigne au berlanc, au glic, aux quilles.
Aussi bien va, or escoutez!
Tout aux tavernes et aux filles.
De telz ordures te reculles,
Laboure, fauche champs et prez,
Sers et pense chevaulx et mulles,
S'aucunement tu n'es lettrez;
Assez auras, se prens en grez.
Mais, se chanvre broyes ou tilles,
Ne tens ton labour qu'as ouvrez
Tout aux tavernes et aux filles?
Chausses, pourpoins esguilletez,
Robes, et toutes vos drappilles,
Ains que vous f assiez pis, portez
Tout aux tavernes et aux filles.
CXLVI
A vous parle, compaings de galle:
Mal des ames et bien du corps,
Gardez vous tous de ce mau hasle
Qui noircist les gens quant sont mors;
Eschevez le, c'est ung mal mors;
Passez vous au mieulx que pourrez;
Et, pour Dieu, soiez tous recors
Qu'une fois viendra que mourrez.
CXLVII
Item, je donne aux Quinze Vings
(Qu'autant vauldroit nommer Trois Cens)
De Paris, non pas de Provins,
Car a eulx tenu je me sens;
Ilz auront, et je m'y consens,
Sans les estuys, mes grans lunettes,
Pour mettre a part, aux Innocens,
Les gens de bien des deshonnestes.
CXLVIII
Icy n'y a ne ris ne jeu.
Que leur vault il avoir chevances,
N'en grans liz de parement jeu,
Engloutir vins en grosses pances,
Mener joye, festes et dances,
Et de ce prest estre a toute heure?
Toutes faillent telles plaisances,
Et la coulpe si en demeure.
CXLIX
Quant je considere ces testes
Entassees en ces charniers,
Tous furent maistres des requestes,
Au moins de la Chambre aux Deniers,
Ou tous furent portepanniers:
Autant quis l'ung que l'autre dire;
Car, d'evesques ou lanterniers,
Je n'y congnois riens a redire.
CL
Et icelles qui s'enclinoient
Unes contre autres en leurs vies,
Desquelles les unes regnoient,
Des autres craintes et servies,
La les voy toutes assouvies,
Ensemble en ung tas peslemesle.
Seigneuries leur sont ravies;
Clerc ne maistre ne s'y appelle.
CLI
Or sont ilz mors, Dieu ait leurs ames!
Quant est des corps, ilz sont pourris.
Aient esté seigneurs ou dames,
Souef et tendrement nourris
De cresme, fromentee ou riz,
Leurs os sont declinez en pouldre,
Auxquelz ne chault d'esbatz ne ris.
Plaist au doulx Jhesus les absouldre!
CLII
Aux trespassez je fais ce laiz,
Et icelluy je communique
A regens, cours, sieges, palaiz,
Hayneurs d'avarice l'inique,
Lesquelz pour la chose publique
Se seichent les os et les corps:
De Dieu et de saint Dominique
Soient, absols quant seront mors.
CLIII
Item, riens a Jaquet Cardon,
Car je n'ay riens pour luy d'honneste,
Non pas que le gette habandon,
Sinon ceste bergeronnette:
S'elle eust le chant "Marionnette",
Fait pour Marion la Peautarde,
Ou d' "Ouvrez vostre huys, Guillemette",
Elle allast bien a la moustarde.
CHANSON
Au retour de dure prison,
Ou j'ai laissié presque la vie,
Se Fortune a sur moy envie,
Jugiez s'elle fait mesprison!
Il me semble que, par raison,
Elle deust bien estre assouvie
Au retour!
Se si plaine est de desraison
Que vueille que du tout devie,
Plaise a Dieu que l'ame ravie
En soit lassus en sa maison,
Au retour!
CLIV
Item, donne a maistre Lomer,
Comme extraict que je suis de fee,
Qu'il soit bien amé (mais d'amer
Fille en chie fou femme coeffee
Ja n'en ayt la teste eschauffee)
Et, qu'il ne luy couste une noix
Faire ang soir cent fois la faffee,
En despit d'Ogier le Danois.
CLV
Item, donne aux amans enfermes,
Sans le laiz maistre Alain Chartier,
A leurs chevez, de pleurs et lermes
Trestout fin plain ung benoistier,
Et ung petit brin d'esglantier,
Qui soit tout vert, pour goupillon,
Pourveu qu'ilz diront ung psaultier
Pour l'ame du povre Villon.
CLVI
Item, a maistre Jaques James,
Qui se tue d'amasser biens,
Donne fiancer tant de femmes
Qu'il vouldra; mais d'espouser, riens.
Pour qui amasse il? Pour les siens?
Il ne plaint fors que ses morceaulx;
Ce qui fut aux truyes, je tiens
Qu'il doit de droit estre aux pourceaulx.
CLVII
Item, sera le Seneschal,
Qui une fois paya mes debtes
En recompence, mareschal
Pour ferrer oes et canettes.
Je luy envoie ces sornettes,
Pour soy desennuyer; combien,
S'il veult, face en des alumettes:
De bien chanter s'ennuye on bien.
CLVIII
Item, au Chevalier du Guet
Je donne deux beaulx petiz pages,
Philebert et le gros Marquet,
Qui tres bien servy, comme sages,
La plus partie de leurs aages,
Ont le prevost des mareschaulx.
Helas! s'ilz sont cassez de gages,
Aller leur fauldra tous deschaulx.
CLIX
Item, a Chappelain je laisse
Ma chappelle a simple tonsure,
Chargiee d'une seiche messe
Ou il ne fault pas grant lecture.
Resigné luy eusse ma cure,
Mais point ne veult de charge d'ames;
De con fesser, ce dit, n'a cure,
Sinon chamberieres et dames.
CLX
Pour ce que scet bien mon entente
Jehan de Calais, honnorable homme,
Qui ne me vit des ans a trente
Et ne scet comment je me nomme,
De tout ce Testament, en somme,
S'aucun y a difficulté,
Oster jusqu'au rez d'une pomme
Je luy en donne faculté.
CLXI
De le gloser et commenter,
De le diffinir et descripre,
Diminuer ou aug'menter,
De le canceller et prescripre
De sa main, et ne sceut escripre;
Interpreter et donner sens,
A son plaisir, meilleur ou pire:
A tout cecy je m'y consens:
CLXII
Et s'aucun, dont n'ay congnoissance,
Estoit allé de mort a vie,
Je vueil et lui donne puissance,
Affin que l'ordre' soit suyvie,
Pour estre mieulx parassouvie;
Que ceste aumosne ailleurs transporte,
Sans se l'appliquer par envie;
A son ame je m'en rapporte.
CLXIII
allez je vous le met dans son intégralité (c seulement pour les courageux

I
En l'an de mon trentiesme aage,
Que toutes mes hontes j'eus beues,
Ne du tout fol, ne du tout sage,
N on obstant maintes peines eues,
Lesquelles j'ay toutes receues
Soubz la main Thibault d'Aussigny... (pour l'histoire : il l'a butté !! )
S'evesque il est, seignant les rues,
Qu'il soit le mien je le regny!
II
Mon seigneur n'est ne mon evesque;
Soubz luy ne tiens, s'il n'est en friche;
Foy ne luy doy n'hommage avecque;
Je ne suis son serf ne sa biche.
Peu m'a d'une petite miche
Et de froide eaue tout ung esté.
Large ou estroit, moult me fut chiche:
Tel luy soit Dieu qu'il m'a esté!
III
Et, s'aucun me vouloit reprendre
Et dire que je le mauldis,
Non fais, se bien le scet comprendre,
En riens de luy je ne mesdis.
Veci tout le mal que j'en dis:
S'il m'a esté misericors,
Jhesus, le roy de Paradis,
Tel luy soit a l'ame et au corps!
IV
Et s'esté m'a dur et cruel
Trop plus que cy ne le raconte,
Je vueil que le Dieu eternel
Luy soit donc semblable, a ce compte!
Et l'Eglise nous dit et compte
Que prions pour noz ennemis!
Je vous diray. "J'ay tort et honte,
Quoy qu'il m'ait lait, a Dieu remis!"
V
Si prieray pour luy de bon cuer,
Et pour l'ame de feu Cotart.
Mais quoy! ce sera donc par cuer,
Car de lire je suis fetart.
Priere en leray de Picart;
S'il ne la scet, voise l'aprendre,
S'il m'en croit, ains qu'il soit plus tart,
A Douai ou a l'Isle en Flandre!
VI
Combien, se oyr veult qu'on prie
Pour luy, foy que doy mon baptesme!
Obstant qu'a chascun ne le crye,
Il ne fauldra pas a son esme.
Ou Psaultier prens, quant suis a mesme,
Qui n'est de beuf ne cordouen,
Le verselet escript septiesme
Du psìaulme Deus laudem.
VII
Si prie au benoist fils de Dieu,
Qu'a tous mes besoings je reclame,
Que ma povre priere ait lieu
Vers luy, de qui tiens corps et ame,
Qui m'a preservé de maint blasme
Et franchy de ville puissance.
Loué soit il, et Nostre Dame,
Et Loys, le bon roy de France!
VIII
Auquel doint Dieu l'eur de Jacob
Et de Salmon l'onneur et gloire,
(Quant de proesse, il en a trop,
De force aussi, par m'ame! voire),
En ce monde cy transitoire.
Tant qu'il a de long et de lé,
Affin que de luy soit memoire
Vivre autant que Mathusalé!
IX
Et douze beaux enfans, tous masles,
Voire de son chier sang royal,
Aussi preux que fut le grant Charles,
Conceus en ventre nupcial,
Bons comme fut sainct Marcial!
Ainsi en preigne au feu Dauphin!
Je ne luy souhaitte autre mal,
Et puis Paradis en la fin.
X
Pour ce que foible je me sens
Trop plus de biens que de santé,
Tant que je suis en mon plain sens,
Si peu que Dieu m'en a presté,
Car d'autre ne l'ay emprunté,
J'ay ce Testament tres estable
Faict, de derniere voulenté,
Seul pour tout et irrevocable.
XI
Escript l'ay l'an soixante et ung,
Que le bon roy me delivra
De la dure prison de Mehun,
Et que vie me recouvra,
Dont suis, tant que mon cuer vivra,
Tenu vers luy m'humilier,
Ce que feray tant qu'il mourra:
Bienfait ne se doit oublier.
XII
Or est vray qu'aprés plainz et pleurs
Et angoisseux gemissemens,
Apres tristesses et douleurs,
Labeurs et griefz cheminemens,
Travail mes lubres sentemens,
Esguisez comme une pelote.
M'ouvrit plus que tous les Commens
D'Averroys sur Aristote.
XIII
Combien qu'au plus fort de mes maulx,
En cheminant sans croix ne pille,
Dieu, qui les pelerins d'Esmaus
Conforta, ce dit l'Evangille,
Me monstra une bonne ville
Et pourveut du don d'esperance;
Combien que le pecheur soit ville,
Riens ne hayt que perseverance.
XIV
Je suys pecheur, je le sçay bien;
Pourtant ne veult pas Dieu ma mort,
Mais convertisse et vive en bien,
Et tout autre que pechié mort.
Combien qu'en pechié soye mort,
Dieu vit, et sa misericorde
Se conscience me remort
Par sa grace pardon m'accorde.
XV
Et, comme le noble Rommant
De la Rose dit et confesse
En son premier commencement
Qu'on doit jeune cuer en jeunesse,
Quant on le voit viel en viellesse,
Excuser, hela! il dit voir;
Ceulx donc qui me font telle presse
En meurté ne me vouldroient veoir.
XVI
Se, pour ma mort, le bien publique
D'aucune chose vaulsist mieulx,
A mourir comme ung homme inique
Je me jujasse, ainsi m'aist Dieux!
Griefz ne faiz a jeunes n'a vieulx,
Soie sur piez ou soie en biere:
Les mons ne bougent de leurs lieux,
Pour ung povre, n'avant n'arriere.
XVII
Ou temps qu'Alixandre regna,
Ung homs nommé Diomedes
Devant luy on luy amena,
Emgrillonné poulces et des
Comme ung larron, car il fut des
Escumeurs que voions courir;
Si fut mis devant ce cades,
Pour estre jugié a mourir.
XVIII
L'empereur si l'araisonna:
"Pourquoi es tu larron en mer ?"
L'autre responce luy donna:
"Pourquoi larron me faiz nommer?
Pour ce qu'on me voit escumer
En une petiote fuste?
Se comme toy me peusse armer,
Comme toy empereur je feusse."
XIX
"Mais que veux-tu? De ma fortune,
Contre qui ne puis bonnement,
Qui si faulcement me fortune,
Me vient tout ce gouvernement.
Excuse moy aucunement
Et saiche qu'en grant povreté
Ce mot dit on communement
Ne gist pas trop grant loyauté."
XX
Quant l'empereur ot remiré
De Diomedés tout le dit:
"Ta fortune je te mueray,
Mauvaise en bonne!" si luy dit.
Si fist il. Onc puis ne mesdit
A personne, mais fut vray homme;
Valere pour vray le bandit,
Qui fut nommé le Grant a Romme.
XXI
Se Dieu m'eust donné rencontrer
Ung autre piteux Alixandre.
Qui m'eust fait en bon eur entrer,
Et lors qui m'eust veu condescendre
A mal, estre ars et mis en cendre
Jugié me feusse de ma voix.
Necessité fait gens mesprendre
Et faim saillir le loup du bois.
XXII
Je plains le temps de ma jeunesse,
(Ouquel j'ay plus qu'autre gallé
Jusques a l'entree de viellesse),
Qui son partement m'a celé.
Il ne s'en est a pié allé
N'a cheval: helas! comment don?
Soudainement s'en est vollé
Et ne m'a laissié quelque don.
XXIII
Allé s'en est, et je demeure,
Povre de sens et de savoir,
Triste, failly, plus noir que meure,
Qui n'ay ne cens, rente, n'avoir;
Des miens le mendre, je dis voir,
De me desavouer s'avance,
Oubliant naturel devoir
Par faulte d'ung peu de chevance.
XXIV
Si ne crains avoir despendu,
Par friander ne par leschier;
Par trop amer n'ay riens vendu
Qu'amis me puissent reprouchier,
Au moins qui leur couste moult chier.
Je le dy et ne croy mesdire;
De ce je me puis revenchier:
Qui n'a mesfait ne le doit dire.
XXV
Bien est verté que j'ay amé
Et ameroie voulentiers;
Mais triste cuer, ventre affamé
Qui n'est rassasié au tiers
M'oste des amoureux sentiers.
Au fort, quelqu'ung s'en recompence,
Qui est ramply sur les chantiers!
Car la dance vient de la pance.
XXVI
Hé! Dieu, se j'eusse estudié
Ou temps de ma jeunesse folle
Et a bonnes meurs dedié,
J'eusse maison et couche molle!
Mais quoy? je fuyoie l'escolle,
Comme fait le mauvais enfant...
En escripvant ceste parolle,
A peu que le cuer ne me fent.
XXVII
Le dit du Saige trop luy feiz
Favorable (bien n'en puis mais!)
Qui dit: "Esjoys toy, mon filz,
En ton adolescence"; mais
Ailleurs sert bien d'ung autre mes,
Car "Jeunesse et adolescence",
C'est son parler, ne moins ne mais,
"Ne sont qu'abus et ignorance."
XXVIII
Mes jours s'en sont allez errant
Comme, dit Job, d'une touaille
Font les filetz, quant tisserant
En son poing tient ardente paille:
Lors, s'il y a nul bout qui saille,
Soudainement il le ravit.
Si ne crains plus que rien m'assaille,
Car a la mort tout s'assouvit.
XXIX
Ou sont les gracieux gallans
Que je suivoye ou temps jadis,
Si bien chantans, si bien parlans,
Si plaisans en faiz et en dis?
Les aucuns sont mort et roidis,
D'eulx n'est il plus riens maintenant:
Repos aient en paradis,
Et Dieu saulve le remenant!
XXX
Et les autres sont devenus,
Dieu mercy! grans seigneurs et maistres;
Les autres mendient tous nus
Et pain ne voient qu'aux fenestres;
Les autres sont entrez en cloistres
De Celestins et de Chartreux,
Botez, housez, com pescheurs d'oistres.
Voyez l'estat divers d'entre eux!
XXXI
Aux grans maistres Dieu doint bien faire,
Vivans en paix et en requoy;
En eulx il n'y a que refaire,
Si s'en fait bon taire tout quoy.
Mais aux povres qui n'ont de quoy,
Comme moy, Dieu doint patience!
Aux autres ne fault qui ne quoy,
Car assez ont pain et pitance!
XXXII
Bons vins ont, souvent embrochiez,
Saulces, brouetz et gros poissons,
Tartes, flans, oefz fritz et pochiez,
Perdus et en toutes façons.
Pas ne ressemblent les maçons,
Que servir fault a si grant peine:
Ils ne veulent nuls eschançons,
De soy verser chascun se peine!
XXXIII
En cest incident me suis mis
Qui de riens ne sert a mon fait;
Je ne suis juge, ne commis
Pour pugnir n'absoudre mesfait:
De tout suis le plus imparfait,
Loué soit le doulx Jhesu Crist!
Que par moy leur soit satisfait!
Ce que j'ay escript est escript.
XXXIV
Laissons le moustier ou il est;
Parlons de chose plus plaisante:
Ceste matiere a tous ne plaist,
Ennuyeuse es t et desplaisante.
Povreté, chagrine, dolente,
Tousjours, despiteuse et rebelle.
Dit quelque parolle cuisante;
S'elle n'ose, si la pense elle.
XXXV
Povre je suis de ma jeunesse,
De povre et de petite extrace.
Mon pere n'eust oncq grant richesse,
Ne son ayeul, nommé Orace.
Povreté tous nous suit et trace.
Sur les tombeaulx de mes ancestres,
Les ames desquelz Dieu embrasse!
On n'y voit couronnes ne ceptres.
XXXVI
De povreté me garmentant,
Souventesfois me dit le cuer:
"Homme, ne te doulouse tant
Et ne demaine tel douleur,
Se tu n'as tant qu'eust Jaques Cuer:
Mieulx vault vivre soubz gros bureau
Povre, qu'avoir esté seigneur
Et pourrir soubz riche tombeau!"
XXXVII
Qu'avoir esté seigneur!... Que dis?
Seigneur, las! et ne l'est il mais?
Selon les davitiques dis,
Son lieu ne congnoistras jamais.
Quant du surplus, je m'en desmetz:
Il n'appartient a moy, pecheur;
Aux theologiens le remetz,
Car c'est office de prescheur.
XXXVIII
Si ne suis, bien le considere,
Filz d'ange portant dyademe
D'estoille ne d'autre sidere.
Mon pere est mort, Dieu en ait l'ame!
Quant est du corps, il gist soubz lame.
J'entens que ma mere mourra,
Et le scet bien, la povre femme,
Et le filz pas ne demourra.
XXXIX
Je congnois que povres et riches,
Sages et folz, prestres et laiz,
Nobles, villains, larges et chiches,
Petiz et grans, et beaulx et laiz,
Dames a rebrassez colletz,
De quelconque condicion,
Portans atours et bourreletz,
Mort saisit sans excepcion.
XL
Et meure Paris ou Helaine,
Quinconque meurt, meurt a douleur
Telle qu'il pert vent et alaine;
Son fiel se creve sur son cuer,
Puis sue, Dieu scet quel sueur!
Et n'est qui de ses maux l'alege:
Car enfant n'a, frere ne seur,
Qui lors voulsist estre son plege.
XLI
La mort le fait fremir, pallir,
Le nez courber, les vaines tendre,
Le col enfler, la chair mollir,
Joinctes et nerfs croistre et estendre.
Corps femenin, qui tant est tendre,
Poly, souef, si precieux,
Te fauldra il ces maux attendre?
Oy, ou tout vif aller es cieulx.
BALLADE DES DAMES DU TEMPS JADIS
Dictes moy ou, n'en quel pays,
Est Flora la belle Rommaine;
Archipiades, ne Thais,
Qui fut sa cousine germaine,
Echo parlant quant bruyt on maine
Dessus riviere ou sus estan,
Qui beaulté ot trop plus qu'humaine.
Mais ou sont les neiges d'antan?
Ou est la tres sage Hellois,
Pour qui chastré fut et puis moyne
Pierre Esbaillart a Saint Denis?
Pour son amour ot ceste essoyne.
Semblablement, ou est la royne
Qui commanda que Buridan
Fust geté en ung sac en Saine?
Mais ou sont les neiges d'antan?
La royne Blanche comme lis
Qui chantoit a voix de seraine,
Berte au grant pié, Bietris, Alis,
Haremburgis qui tint le Maine,
Et Jehanne la bonne Lorraine
Qu'Englois brulerent a Rouan;
Ou sont ilz, ou, Vierge souvraine?
Mais ou sont les neiges d'antan?
Prince, n'enquerez de sepmaine
Ou elles sont, ne de cest an,
Qu'a ce reffrain ne vous remaine:
Mais ou sont les neiges d'antan?
BALLADE DES SEIGNEURS DU TEMPS JADIS
Qui plus, ou est le tiers Calixte,
Dernier decedé de ce nom,
Qui quatre ans tint le papaliste?
Alphonce, le roy d'Arragon,
Le gracieux duc de Bourbon,
Et Artus, le duc de Bretaigne,
Et Charles septiesme, le Bon?
Mais ou est le preux Charlemaigne?
Semblablement, le roy Scotiste
Qui demy face ot, ce dit on,
Vermeille comme une amatiste
Depuis le front jusqu'au menton?
Le roy de Chippre, de renon,
Helas! et le bon roy d'Espaigne
Duquel je ne sçay pas le nom?
Mais ou est le preux Charlemaigne?
D'en plus parler je me desiste;
Le monde n'est qu'abusion.
Il n'est qui contre mort resiste
Ne qui treuve provision.
Encor fais une question:
Lancelot, le roy de Behaigne,
Ou est il? Ou est son tayon?
Mais ou est le preux Charlemaigne?
Ou est Claquin, le bon Breton?
Ou le conte Daulphin d'Auvergne
Et le bon feu duc d'Alençon?
Mais ou est le preux Charlemaigne?
BALLADE EN VIEIL LANGAGE FRANÇOYS
Car, ou soit ly sains apostolles,
D'aubes vestus, d'amys soeffez,
Qui ne saint fors saintes estolles
Dont par le col prent ly mauffez
De mal talant tout eschauffez,
Aussi bien meurt filz que servans,
De ceste vie cy bouffez:
Autant en emporte ly vens.
Voire, ou soit de Constantinobles
L'emperieres au poing dorez,
Ou de France ly roy tres nobles
Sur tous autres roy decorez,
Qui, pour ly grans Dieux aourez
Bastist eglises et couvens,
S'en son temps il fut honnorez,
Autant en emporte ly vens.
Ou soit de Vienne et de Grenobles
Ly Dauphins, ly preux, ly senez,
Ou de Dijon, Salins et Doles
Ly sires et ly lilz ainsnez,
Ou autant de leurs gens privez,
Heraulx, trompetes, poursuivans,
Ont ilz bien bouté soubz le nez?
Autant en emporte ly vens.
Princes a mort sont destinez,
Et tous autres qui sont vivans.
S'ilz en sont courciez n'ataynez,
Autant en emporte ly vens.
XLII
Puis que papes, roys, filz de roys
Et conceus en ventres de roynes,
Sont ensevelis, mors et frois,
En autruy mains passent leurs regnes,
Moy, povre mercerot de Renes,
Mourray je pas? Oy, se Dieu plaist;
Mais que j'aye fait mes estrenes,
Honneste mort ne me desplaist.
XLIII
Ce monde n'est perpetuel,
Quoy que pense riche pillart;
Tous sommes soubz mortel coutel.
Ce confort prens, povre viellart,
Lequel d'estre plaisant raillart
Ot le bruit, lorsque jeune estoit,
Qu'on tiendroit a fol et paillart,
Se, viel, a railler se mettoit.
XLIV
Or luy convient il mendier,
Car a ce force le contraint.
Regrete huy sa mort et hier;
Tristesse son cuer si estraint,
Se souvent n'estoit Dieu qu'il craint
Il feroit ung orrible fait.
Et advient qu'en ce Dieu enfraint
Et que luy mesmes se desfait.
XLV
Car, s'en jeunesse il fut plaisant,
Ores plus riens ne dit qui plaise:
Tousjours viel cinge est desplaisant,
Moue ne fait qui ne desplaise;
S'il se taist, affin qu'il complaise,
Il est tenu pour fol recreu;
S'il parle, on luy dit qu'il se taise,
Et qu'en son prunier n'a pas creu.
XLVI
Aussi ces povres fameletes
Qui vielles sont et n'ont de quoy,
Quant ilz voient ces pucellettes
Emprunter elles, à requoy
Ilz demandent a Dieu pourquoy
Si tost naquirent, n'a quel droit.
Nostre Seigneur se taist tout quoy,
Car au tancer il le perdroit.
LES REGRETS DE LA BELLE HEAULMIERE
Advis m'est que j'oy regreter
La belle qui fut heaulmiere,
Soy jeune fille soushaitter
Et parler en telle maniere:
"Ha! vieillesse felonne et fiere,
Pourquoy m'as si tost abatue?
Qui me tient, qui, que ne me fiere,
Et qu'a ce coup je ne me tue?
"Tollu m'as la haulte franchise
Que beaulté m'avoit ordonné
Sur clers, marchans et gens d'Eglise:
Car lors il n'estoit homme né
Qui tout le sien ne m'eust donné,
Quoy qu'il en fust des repentailles,
Mais que luy eusse habandonné
Ce que reffusent truandailles.
"A maint homme l'ay reffusé,
Qui n'estoit a moy grant sagesse,
Pour l'amour d'ung garson rusé,
Auquel j'en feiz grande largesse.
A qui que je feisse finesse,
Par m'ame, je l'amoye bien!
Or ne me faisoit que rudesse,
Et ne m'amoit que pour le mien.
"Si ne me sceut tant detrayner,
Fouler aux piez, que ne l'aymasse,
Et m'eust il fait les rains trayner,
Si m'eust dit que je le baisasse,
Que tous mes maulx je n'oubliasse.
Le glouton, de mal entechié,
M'embrassoit... J'en suis bien plus grasse
Que m'en reste il? Honte et pechié.
"Or est il mort, passé trente ans,
Et je remains vielle, chenue.
Quant je pense, lasse! au bon temps,
Quelle fus, quelle devenue;
Quant me regarde toute nue,
Et je me voy si tres changiee,
Povre, seiche, megre, menue,
Je suis presque toute enragiee.
"Qu'est devenu ce front poly,
Cheveulx blons, ces sourcils voultiz,
Grant entroeil, ce regart joly,
Dont prenoie les plus soubtilz;
Ce beau nez droit, grant ne petiz,
Ces petites joinctes oreilles,
Menton fourchu, cler vis traictiz,
Et ces belles levres vermeilles?
"Ces gentes espaulles menues,
Ces bras longs et ces mains traictisses;
Petiz tetins, hanches charnues,
Eslevees, propres, faictisses
A tenir amoureuses lisses;
Ces larges rains, ce sadinet
Assis sur grosses fermes cuisses,
Dedens son petit jardinet?
"Le front ridé, les cheveux gris,
Les sourcilz cheus, les yeulx estains,
Qui faisoient regars et ris
Dont mains marchans furent attains;
Nez courbes, de beaulté loingtains,
Oreilles pendantes, moussues,
Le vis pally, mort et destains,
Menton froncé, levres peaussues:
"C'est d'umaine beaulté l'issue!
Les bras cours et les mains contraites,
Les espaulles toutes bossues;
Mamelles, quoy! toutes retraites;
Telles les hanchez ue les tetes;
Du sadinet, fy! Quant des cuisses,
Cuisses ne sont plus, mais cuissetes
Grivelees comme saulcisses.
"Ainsi le bon temps regretons
Entre nous, povres vielles sotes
Assises bas, a crouppetons,
Tout en ung tas comme pelotes,
A petit feu de chenevotes
Tost allumees, tost estaintes;
Et jadis fusmes si mignotes!...
Ainsi en prent a mains et maintes."
LA BELLE HEAULMIERE AUX FILLES DE JOIE
"Or y pensez, belle Gantiere
Qui m'escoliere souliez estre
Et vous, Blanche la Savetiere,
Or est il temps de vous congnoistre.
Prenez a destre et a senestre;
N'espargnez homme, je vous prie:
Car vielles n'ont ne cours ne estre
Ne que monnoye qu'on descrie.
"Et vous, la gente Saulciciere,
Qui de dancier estes adestre,
Guillemete la Tappiciere,
Ne mesprenez vers vostre maistre:
Tost vous fauldra clorre fenestre,
Quant deviendrez vielle, flestrie;
Plus ne servirez qu'ung viel prestre,
Ne que monnoye qu'on descrie.
"Jehanneton la Chapperonniere,
Gardez qu'amy ne vous empestre;
Et, Katherine la Bourciere,
N'envoyez plus les hommes paistre:
Car qui belle n'est, ne perpetre
Leur male grace, mais leur rie.
Laide viellesse amour n'empestre
Ne que monnoye qu'on descrie.
"Filles, vueillez vous entremettre
D'escouter pourquoy pleure et crie:
Pour ce que je ne me puis mettre,
Ne que monnoye qu'on descrie."
XLVII
Ceste leçon icy leur baille
La belle et bonne de jadis;
Bien dit ou mal, vaille que vaille,
Enregistrer j'ay faict ces dis
Par mon clerc Fremin l'estourdis,
Aussi rassis que je puis estre.
S'il me desment, je le mauldis:
Selon le clerc est deu le maistre.
XLVIII
Si aperçoy le grant dangier
Ouquel homme amoureux se buote...
Et qui me vouldroit laidangier
De ce mot, en disant: "Escoute!
Se d'amer t'estrange et reboute
Le barat de celles nommees,
Tu fais une bien folle doubte,
Car ce sont femmes diffamees.
XLIX
"S'ilz n'ayment fors que pour l'argent,
On ne les ayme que pour l'eure;
Rondement ayment toute gent,
Et rient lors que bource pleure.
De celles cy n'est qui ne queure;
Mais en femmes d'onneur et nom
Franc homme, se Dieu me sequeure,
Se doit emploier; ailleurs, non."
L
Je prends qu'aucun dye cecy,
Si ne me contente il en rien.
En effect il conclut ainsy,
Et je le cuide entendre bien,
Qu'on doit amer en lieu de bien:
Assavoir mon se ces filletes
Qu'en parolles toute jour tien
Ne furent ilz femmes honnestes?
LI
Honnestes furent vraiement,
Sans avoir reproches ne blasmes.
Si est vray qu'au commencement
Une chascune de ces femmes,
Lors prindrent, ains qu'eussent diffames
L'une ung clerc, ung lay, l'autre ung moine,
Pour estaindre d'amours les flammes
Plus chauldes que feu Sainct Antoine.
LII
Or firent selon le Decret
Leurs amys, et bien y appert;
Ilz amoient en lieu secret,
Car autre d'eulx n'y avoit part.
Toutesfois, ceste amour se part:
Car celle qui n'en aimoit qu'un
De celuy s'eslongne et despart
Et aime mieulx amer chascun.
LIII
Qui les meut a ce? J'ymagine,
Sans l'onneur des dames blasmer,
Que c'est nature femenine
Qui tout vivement veult amer.
Autre chose n'y sçay rimer;
Fors qu'on dit, a Rains et a Troys,
Voire a l'Isle et a Saint Omer,
Que six ouvriers font plus que trois.
LIV
Or ont ces folz amans le bont
Et les dames prins la vollee;
C'est le droit loyer qu'amans ont:
Toute foy y est viollee,
Quelque doulx baisier n'acollee.
"De chiens, d'oyseaulx, d'armes, d'amours,"
Chascun le dit a la vollee,
"Pour ung plaisir mille doulours."
DOUBLE BALLADE
Pour ce, amez tant que vouldrez,
Suyvez assemblees et festes,
En la fin ,ja mieulx n'en vauldrez
Et si n'y romprez que vos testes:
Folles amours font les gens bestes:
Salmon en ydolatria;
Samson en perdit ses lunetes.
Bien est eureux qui riens n'y a!
Orpheüs, le doux menestrier,
Jouant de fleustes et musetes,
En fut en danger d'un murtrier
Chien Cerberus a quatre testes;
Et Narcisus, le bel honnestes,
En ung par font puis se noya,
Pour l'amour de ses amouretes.
Bien est eureux qui riens n'y a!
Sardana; le preux chevalier,
Qui conquist le regne de Cretes,
En voulut devenir moullier
Et filler entre pucellettes;
David le roy, sage prophetes,
Crainte de Dieu en oublia,
Voyant laver cuisses bien faites.
Bien est eureux qui riens n'y a!
Amon en voult deshonnourer,
Faignant de menger tarteletes,
Sa seur Thamar et desflourer,
Qui fut inceste deshonnestes;
Herodes, pas ne sont sornetes,
Saint Jehan Baptiste en decola
Pour dances, saulx et chansonnetes.
Bien est eureux qui riens n'y a!
De moy, povre, je vueil parler:
J'en fus batu comme a ru telles,
Tout nu, ja ne le quiers celer.
Qui me feist maschier ces groselles,
Fors Katherine de Vausselles?
Noel le tiers est, qui fut la.
Mitaines a ces nopces telles,
Bien est eureux qui riens n'y a!
Mais que ce jeune bacheler
Laissast ces jeunes bacheletes?
Non! et le deust on vif brusler
Comme ung chevaucheur d'escouvetes.
Plus doulces luy sont que civetes.
Mais toutesfoys fol s'y f ya:
Soient blanches, soient brunetes,
Bien est eureux qui riens n'y a!
LV
Se celle que jadis servoie
De si bon cuer et loyaument,
Dont tant de maulx et griefz j'avoie
Et souffroie tant de torment,
Se dist m'eust, au commencement,
Sa voulenté (mais nennil, las!)
J'eusse mis paine aucunement
De moy retraire de ses las.
LVI
Quoy que je luy voulsisse dire,
Elle estoit preste d'escouter,
Sans m'acorder ne contredire;
Qui plus, me souffroit acouter,
Joignant d'elle, pres m'accouter,
Et ainsi m'aloit amusant,
Et me souffroit tout raconter,
Mais ce n'estoit qu'en m'abusant.
LVII
Abusé m'a et fait entendre
Tousjours d'ung que ce fust ung aultre;
De farine, que ce fust cendre;
D'ung mortier, ung chappeau de faultre;
De viel machefer, que fust peaultre;
D'ambesars, que ce fussent ternes;
(Toujours trompeur autruy enjaultre
Et rent vecies pour lanternes.)
LVIII
Du ciel, une poille d'arain;
Des nues, une peau de veau;
Du matin, qu'estoit le serain;
D'ung trongnon de chou, ung naveau;
D'orde cervoise, vin nouveau;
D'une truie, ung molin a vent;
Et d'une hart, ung escheveau;
D'ung gras abbé; ung poursuyvant.
LIX
Ainsi m'ont Amours abusé
Et pourmené de l'uys au pesle.
Je croy qu'homme n'est si rusé,
Fust fin comme argent de coepelle,
Qui n'y laissast linge, drappelle,
Mais qu'il fust ainsi manyé
Comme moy, qui partout m'appelle:
L'amant remys et regnyé.
LX
Je regnie Amours et despite;
Et deffie a feu et a sang.
Mort par elles me precipite,
Et ne leur en chault pas d'ung blanc.
Ma vielle ay mys soubz le banc.
Amans je ne suyvray jamais:
Se jadis je fus de leur ranc,
Je desclare que n'en suis mais.
LXI
Car j'ay mys le plumail au vent:
Or le suyve qui a attente.
De ce me tais doresnavant,
Car poursuivre vueil mon entente.
Et s'aucun m'interroge ou tente
Comment d'Amours j'ose mesdire,
Ceste parolle le contente:
Qui meurt, a ses loix de tout dire."
LXII
Je congnois approcher ma seuf;
Je crache, blanc comme coton,
Jacoppins gros comme ung esteuf:
Qu'esse a dire? que Jehanneton
Plus ne me tient pour valeton,
Mais pour ung viel usé roquart.
De viel porte voix et le ton,
Et ne suys qu'ung jeune coquart.
LXIII
Dieu mercy et Tacque Thibault,
Qui tant d'eau froide m'a fait boire,
Mis en bas lieu, non pas en hault,
Mengier d'angoisse mainte poire,
Enferré... Quant j'en ay memoire,
Je pry pour luy et reliqua,
Que Dieu luy doint, et voire, voire,
Ce que je pense... et cetera.
LXIV
Toutesfois, je n'y pense mal,
Pour luy, ne pour son lieutenant,
Aussi pour son official,
Qui est plaisant et advenant;
Que faire n'ay du remenant.
Mais du petit maistre Robert? ...
Je les ayme, tout d'ung tenant,
Ainsi que fait Dieu le Lombart.
LXV
Si me souvient bien, Dieu mercis,
Que je feis, a mon partement,
Certains laiz, l'an cinquante six,
Qu'aucuns, sans mon consentement,
Voulurent nommer Testament;
Leur plaisir fut, et non le mien.
Mais quoy? on dit communement,
Qu'ung chascun n'est maistre du sien.
LXVI
Pour les revoquer ne le dis,
Et y courust toute ma terre,
De pitié ne suis refroidis
Envers le Bastart de la Barre:
Parmi ses trois gluyons de fuerre,
Te luy donne mes vieilles nates;
Bonnes seront pour tenir serre,
Et soy soustenir sur les pates.
LXVII
S'ainsi estoit qu'aucun n'eust pas
Receu les laiz que je luy mande,
J'ordonne qu'aprés mon trespas
A mes hoirs en face demande.
Mais qui sont ils? S'on le demande:
Moreau, Provins, Robin Turgis.
De moy, dictes que je leur mande,
Ont eu jusqu'au lit ou je gis.
LXVIII
Somme, plus ne diray qu'ung mot
Car commencer veuil a tester:
Devant mon clerc Fremin, qui m'ot,
S'il ne dort, je vueil protester
Que n'entens homme detester
En ceste presente ordonnance,
Et ne la vueil magni fester
Sinon ou royaume de France.
LXIX
Je sens mon cuer qui s'affoiblit
Et plus je ne puis papier.
Fremin, sié toy pres de mon lit,
Que l'on ne me viengne espier;
Prens ancre tost, plume et papier;
Ce que nomme escry vistement,
Puys fay le partout coppier;
Et vecy le commancement.
LXX
Ou nom de Dieu, Pere eternel,
Et du Filz que Vierge parit,
Dieu au Pere coeternel,
Ensemble le Saint Esperit,
Qui sauva ce qu'Adam perit
Et du pery pare les cieulx...
Qui bien ce croit, peu ne merit,
Gens mors estre faiz petiz dieux.
LXXI
Mors estoient, et corps et ames,
En dampnee perdicion;
Corps pourris et ames en flammes,
De quelconque condicion.
Toutesfois, fais excepcion
Des patriarches et prophetes;
Car, selon ma concepcion,
Oncques n'eurent grant chault aux fesses.
LXXII
Qui me diroit: "Qui vous f ait metre
Si tres avant ceste parolle,
Qui n'estes en theologie maistre?
A vous est presumpcion folle."
C'est de Jhesus la parabolle
Touchant du Riche ensevely
En feu, non pas en couche molle,
Et du Ladre de dessus ly.
LXXIII
Se du Ladre eust veu le doit ardre,
Ja n'en eust requis refrigere,
N'au bout d'icelluy doit aherdre,
Pour rafreschir sa maschouere.
Pyons y feront mate chiere,
Qui boyvent pourpoint et chemise.
Puis que boiture y est si chiere,
Dieu nous en gart! bourde jus mise.
LXXIV
Ou nom de Dieu, comme j'ay dit,
Et de sa glorieuse Mere,
Sans pechié soit par fait ce dit
Par moy, plus megre que chimere;
Se je n'ay eu fievre eufumere,
Ce m'a fait divine clemence;
Mais d'autre dueil et perte amere
Je me tais, et ainsi commence:
LXXV
Premier, je donne ma povre ame
A la benoiste Trinité,
Et la commande a Nostre Dame,
Chambre de la divinité,
Priant toute la charité
Des dignes neuf Ordres des cieulx
Que par eulx soit ce don porté
Devant le Trosne precieux.
LXXVI
Item, mon corps j'ordonne et laisse
A nostre grant mere la terre;
Les vers n'y trouveront grant gresse,
Trop luy a fait fain dure guerre.
Or luy soit delivré grant erre:
De terre vint, en terre tourne;
Toute chose, se par trop n'erre
Voulentiers en son lieu retourne.
LXXVII
Item, et a mon plus que pere,
Maistre Guillaume de Villon
Qui esté m'a plus doulx que mere
A enfant levé de maillon:
Degeté m'a de maint bouillon,
Et de cestuy pas ne s'esjoye,
Si luy requier a genouillon
Qu'il m'en laisse toute la joye;
LXXVIII
Je luy donne ma librairie,
Et le Rommant du Pet au Deable,
Lequel maistre Guy Tabarie
Grossa, qui est homs veritable.
Par cayers est soubz une table;
Combien qu'il soit rudement fait,
La matiere est si tres notable,
Qu'elle amende tout le mesf ait.
LXXIX
Item, donne a ma povre mere
Pour saluer nostre Maistresse,
(Qui pour moy ot douleur amere,
Dieu le scet, et mainte tristesse),
Autre chastel n'ay, ne fortresse,
Ou me retraye corps et ame,
Quant sur moy court malle destresse,
Ne ma mere, la povre femme!
BALLADE POUR PRIER NOSTRE DAME
Dame du ciel, regente terrienne,
Emperiere des infernaux palus,
Recevez moy, vostre humble chrestiénne,
Que comprinse soye entre vos esleus,
Ce non obstant qu'oncques rien ne valus.
Les biens de vous, ma Dame et ma Maistresse,
Sont trop plus grans que ne suis pecheresse,
Sans lesquelz biens ame ne peut merir
N'avoir les cieulx, je n'en suis jangleresse.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.
A vosre Filz dictes que je suis sienne;
De luy soyent mes pechiez abolus;
Pardonne moy comme a l'Egipcienne,
Ou comme il feist au clerc Theophilus,
Lequel par vous fut quitte et absolus,
Combien qu'il eust au deable fait promesse.
Preservez moy de faire jamais ce,
Vierge portant, sans rompure encourir,
Le sacrement qu'on celebre a la messe.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.
Femme je suis povrette et ancienne,
Qui riens ne sçay; onques lettre ne lus.
Au moustier voy dont suis paroissienne
Paradis paint, ou sont harpes et lus,
Et ung enfer ou dampnez sont boullus:
L'ung me fait paour, l'autre joye et liesse.
La joye avoir me fay, haulte Deesse,
A qui pecheurs doivent tous recourir,
Comblez de foy, sans fainte ne paresse.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.
Vous portastes, digne Vierge, princesse,
Iesus regnant, qui n'a ne fin ne cesse.
Le Tout Puissant, prenant nostre foiblesse,
Laissa les cieulx et nous vint secourir,
Offrit a mort sa tres chiere jeunesse.
Nostre Seigneur tel est, tel le confesse,
En ceste foy je vueil vivre et mourir.
LXXX
Item, m'amour, ma chiere Rose,
Ne luy laisse ne cuer ne foye:
Elle aimeroit mieulx autre chose,
Combien qu'elle ait assez monnoye.
Quoy? une grant bource de soye,
Plaine d'escuz, par fonde et large:
Mais pendu soit il, que je soye,
Qui luy laira escu ne targe.
LXXXI
Car elle en a, sans moy, assez,
Mais de cela il ne m'en chault;
Mes plus grans dueilz en sont passez,
Plus n'en ay le croppion chault.
Si m'en desmetz aux hoirs Michault,
Qui fut nommé le Bon Fouterre,
Priez pour luy, faictes ung sault:
A Saint Satur gist, soubz Sancerre.
LXXXII
Ce non obstant, pour m'acquitter
Envers Amours, plus qu'envers elle,
Car onques n'y peuz acquester
D'espoir une seule estincelle;
(Je ne sçay s'a tous si rebelle
A esté: ce m'est grant esmoy;
Mais, par sainte Marie la belle!
Je n'y voy que rire pour moy),
LXXXIII
Ceste ballade luy envoye,
Qui se termine tout par R.
Qui luy portera? Que je voye:
Ce sera Pernet de la Barre,
Pourveu, s'il rencontre en son erre
Ma damoiselle au nez tortu,
Il luy dira, sans plus enquerre:
"Orde paillarde, dont viens tu?"
BALLADE A S'AMYE
Faulse beaulté, qui tant me couste chier,
Rude en effect, ypocrite doulceur;
Amour dure plus que fer a maschier,
Nommer qui puis de ma des façon seur,
Cherme felon, la mort d'ung povre cuer,
Orgueil mussié, qui gens met au mourir,
Yeulx sans pitié! ne veult Droit Rigueur,
Sans empirer, ung povre secourir
Mieulx m'eust valu avoir esté serchier
Ailleurs secours, c'eust esté mon onneur.
Riens ne m'eust sceu lors de ce fait hachier
Trotter m'en fault en fuyte et deshonneur.
Haro, haro, le grant et le mineur!
Et qu'esse cy? Mourray sans coup ferir?
Ou Pitié veult, selon ceste teneur,
Sans empirer, ung povre secourir.
Ung temps viendra, qui fera dessechier,
Jaunir, flestrir, vostre espanye fleur;
Je m'en risse, se tant peusse maschier
Lors; mais nennil, ce seroit donc foleur:
Viel seray; vous, laide, sans couleur,
Or, beuvez fort, tant que ru peut courir.
Ne donnez pas a tous ceste douleur,
Sans empirer, ung povre secourir.
Prince amoureux, des amans le greigneur
Vostre mal gré ne vouldroye encourir;
Mais tout franc cuer doit pour Nostre Seigneur
Sans empirer, ung povre secourir.
LXXXIV
Item, a maistre Ythier Marchant,
Auquel mon branc laissai jadis,
Donne, mais qu'il le mette en chant,
Ce lay contenant des vers dix;
Et, au luz, ung De profundis
Pour ses anciennes amours,
Desquelles le nom je ne dis,
Car il me hairoit a tous jours.
LAY
Mort, j'appelle de ta rigueur,
Qui m'as ma maistresse ravie
Et n'es pas encore assouvie,
Se tu ne me tiens en langueur:
Onc puis n'eus force ne vigueur;
Mais que te nuysoit elle en vie,
Mort?
Deux estions et n'avions qu'ung cuer;
S'il est mort, force est que devie,
Voire, ou que je vive sans vie
Comme les images, par cuer,
Mort!
LXXXV
Item, a maistre Jehan Cornu
Autre nouveau laiz lui vueil faire,
Car il m'a tous jours secouru
A mon grant besoing et affaire:
Pour ce, le jardin luy transfere,
Que maistre Pierre Bobignon
M'arenta, en faisant refaire
L'uys et redrecier le pignon.
LXXXVI
Par faulte d'ung uys, j'y perdis
Ung grez et ung manche de houe.
Alors, huit faulcons, non pas dix,
N'y eussent pas prins une aloue.
L'ostel est seur, mais qu'on le cloue.
Pour enseigne y mis ung havet;
Qui que l'ait prins, point ne l'en loue:
Sanglante nuyt et bas chevet!
LXXXVII
Item, et pour ce que la femme
De maistre Pierre Saint Amant
(Combien, se coulpe y a a l'ame,
Dieu luy pardonne doulcement!)
Me mist ou renc de cayemant,
Pour le Cheval Blanc qui, ne bouge,
Luy chanjay a une jument,
Et la Mulle a ung asne rouge.
LXXXVIII
Item, donne a sire Denis
Hesselin, esleu de Paris,
Quatorzé muys de vin d'Aulnis
Prins sur Turgis a mes perilz.
S'il en buvoit tant que peris
En fust son sens et sa raison,
Qu'on mette de l'eau es barilz:
Vin pert mainte bonne maison.
LXXXIX
Item, donne a mon advocat,
Maistre Guillaume Charruau,
Qyoy qu'il marchande ou ait estat,
Mon branc... je me tais du fourreau.
Il aura avec ung reau
En change, aff n que sa bource enfle,
Prins sur la chaussee et carreau
De la grant cousture du Temple.
XC
Item, mon procureur Fournier
Aura pour toutes ses corvees
(Simple sera de l'espargnier)
En ma bource quatre havees,
Car maintes causes m'a sauvees
Justes, ainsi Jhesus Crist m'aide!
Comme telles sent so trouvees;
Mais bon droit a bon mestier d'aide.
XCI
Item, je donne a maistre Jaques
Raguier le Grant Godet de Greve,
Pourveu qu'il paiera quatre plaques
(Deust il vendre, quoy qu'il luy griefve,
Ce dont on cueuvre mol et greve,
Aller sans chausse, en eschappin),
Se sans moy boit, assiet ne lieve,
Au trou de la Pomme de Pin.
XCII
Item, quant est de Merebeuf
Et de Nicolas de Louviers,
Vache ne leur donne ne beuf,
Car vachiers ne sont, ne bouviers,
Mais gens a porter esperviers,
Ne cuidez pas que je me joue,
Et pour prendre perdris, plouviers,
Sans faillir, sur la Machecoue.
XCIII
Item, viengne Robin Turgis
A moy, je luy paieray son vin,
Combien, s'il treuve mon logis,
Plus fort sera que le devin.
Le droit luy donne d'eschevin,
Que j'ay comme enfant de Paris:
Se je parle ung peu poictevin,
Ice m'ont deux dames apris.
XCIV
Elles sont trés belles et gentes,
Demourans a Saint Generou
Pres Saint Julien de Voventes,
Marche de Bretaigne ou Poictou.
Mais i ne di proprement ou
Yquelles passent tous les jours;
M'arme! i ne seu mie si fou.
Car i vueil celer mes amours.
XCV
Item, a Jehan Raguier je donne,
Qui est sergent, voire des Douze,
Tant qu'il vivra, ainsi l'ordonne,
Tous les jours une tallemouse,
Pour bouter et fourrer sa mouse,
Prinse a la table de Bailly;
A Maubué sa gorge arrouse,
Car au mengier n'a pas failly.
XCVI
Item, et au Prince des Sotz
Pour ung bon sot Michault du Four,
Qui a la fois dit de bons motz
Et chante bien: "Ma doulce amour!"
Je lui donne, avec le bonjour;
Brief , mais qu'il fust ung peu en point,
Il est ung droit sot de sejour,
Et est plaisant ou il n'est point.
XCVII
Item, aux Unze Vingtz Sergens
Donne, car leur fait est honneste
Et sont bonnes et doulces gens,
Denis Richier et Jehan Vallette,
A chascun une grant cornete,
Pour pendre a leurs chappeaulx de faultre.
J'entens a ceulx a pié, hohete!
Car je n'ay que faire des autres:
XCVIII
De rechief donne a Perrenet,
J'entens le Bastart de la Barre,
Pour ce qu'il est beau filz et net,
En son escu, en lieu de barre,
Trois dez plombez, de bonne carre,
Ou ung beau joly jeu de cartes...
Mais quoy! s'on l'oyt vessir ne poirre,
En oultre aura les fievres quartes.
XCIX
Item, ne vueil plus que Cholet
Dolle, trenche, douve ne boise,
Relie broc ne tonnelet,
Mais tous ses houstilz changier voise
A une espee lyonnoise,
Et retiengne le hutinet:
Combien qu'il n'ayme bruyt ne noise,
Si luy plaist il ung tantinet.
C
Item, je donne a Jehan le Lou,
Homme de bien et bon marchant,
Pour ce qu'il est linget et flou,
Et que Chodet est mal serchant,
Ung beau petit chiennet couchant
Qui ne laira poullaille en voye,
Ung long tabart et bien cachant
Pour les musier, qu'on ne les voye.
CI
Item, a l'Orfevre de Bois,
Donne cent clouz, queues et testes,
De gingembre sarrazinois,
Non pas pour acouppler ses boetes,
Mais pour conjoindre culz et coetes,
Et couldre jambons et andoulles,
Tant que le lait en monteaux tetes
Et le sang en devalle aux coulles.
CII
Au cappitaine Jehan Riou,
Tant pour luy que pour ses archiers,
Je donne six hures de lou,
Qui n'est pas viande a porchiers,
Prinses a gros mastins de bouchiers,
Et cuites en vin de buffet.
Pour mengier de ces morceaulx chiers,
On en feroit bien ung mal fait.
CIII
C'est viande ung peu plus pesante
Que duvet n'est plume, ne liege.
Elle est bonne a porter en tente,
Ou pour user en quelque siege.
S'ilz estoient prins a un piege,
Que ces mastins ne sceussent courre,
J'ordonne, moy qui suis son miege,
Que des peaulx, sur l'iver, se fourre.
CIV
Item, a Robinet Trascaille,
Qui en service (s'est bien fait)
A pié ne va comme une caille,
Mais sur roncin gras et reffait,
Je luy donne, de mon buffet,
Une jatte qu'emprunter n'ose;
Si aura mesnage parfait:
Plus ne luy failloit autre chose.
CV
Item, donne a Perrot Girart,
Barbier juré du Bourg la Royne,
Deux bacins et ung coquemart,
Puis qu'a gaignier met telle paine.
Des ans y a demie douzaine,
Qu'en son hostel de cochons gras
M'apatella une sepmaine,
Tesmoing l'abesse de Pourras.
CVI
Item, aux Freres mendians,
Aux Devotes et aux Beguines,
Tant de Paris que d'Orleans,
Tant Turlupins que Turlupines,
De grasses souppes jacoppines
Et flans leur fais oblacion;
Et puis apres, soubz ces courtines,
Parler de contemplacion.
CVII
Si ne suis je pas qui leur donne,
Mais de tous enffans sont les meres,
Et Dieu, qui ainsi les guerdonne,
Pour qui seuffrent paines ameres.
Il faut qu'ilz vivent, les beaulx peres,
Et mesmement ceulx de Paris.
S'ilz f ont plaisir a nos commeres,
Ilz ayment ainsi leurs maris.
CVIII
Quoy que maistre Jehan de Poullieu
En voulsist dire, et reliqua,
Contraint et en publique lieu,
Honteusement s'en revoqua.
Maistre Jehan de Mehun s'en moqua.
De leur facon si fist Mathieu.
Mais on doit honnorer ce qu'a
Honnoré l'Eglise de Dieu.
CIX
Si me soubmectz, leur serviteur
En tout ce que puis faire et dire,
A les honnorer de bon cuer
Et obeir, sans contredire;
L'homme bien fol est d'en mesdire
Car, soit a part ou en preschier,
Ou ailleurs, il ne fault pas dire
Se gens sont pour eux revenchier.
CX
Item, je donne a frere Baude,
Demourant en l'ostel des Carmes
Portant chiere hardie et baude,
Une sallade et deux guysarmes,
Que Detusca et ses gens d'armes
Ne lui riblent sa caige vert.
Viel est: s'il ne se rent aux armes,
C'est bien le deable de Vauvert.
CXI
Item, pour ce que le Scelleur
Maint estront de mouche a maschié,
Donne, car homme est de valeur,
Son seau davantage craché,
Et qu'il ait le poulce escachié,
Pour tout empreindre a une voye;
J'entens celluy de l'Eveschié,
Car les autres, Dieu les pourvoye!
CXII
Quant des auditeurs messeigneurs,
Leur granche ilz auront lambroissee;
Et ceulx qui ont les culz rongneux,
Chascun une chaire percee;
Mais qu'a la petite Macee
D'Orleans, qui ot ma sainture,
L'amende soit bien hault tauxee:
Elle est une mauvaise ordure.
CXIII
Item, donne a maistre Françoys,
Promoteur, de la Vacquerie,
Ung hault gorgerin d'Escossoys,
Toutesfois sans orfaverie;
Car, quant receut chevallerie,
Il maugrea Dieu et saint George.
Parler n'en oit qui ne s'en rie,
Comme enragié, a plaine gorge.
CXIV
Item a maistre Jehan Laurens,
Qui a les povres yeulx si rouges
Pour le pechié de ses parens
Qui burent en barilz et courges,
Je donne l'envers de mes bouges
Pour tous les matins les torchier;
S'il fust arcevesque de Bourges,
Du sendail eust, mais il est chier.
CXV
Item, a maistre Jehan Cotart,
Mon procureur en court d'Eglise,
Devoye environ ung patart,
(Car a present bien m'en advise)
Quant chicaner me feist Denise,
Disant que l'avoye mauldite;
Pour son ame, qu'es cieulx soit mise
Ceste oroison j'ay cy escripte.
BALLADE ET OROISON
Pere Noé, qui plantastes la vigne,
Vous aussi, Loth, qui beustes ou rochier,
Par tel party qu'Amours, qui gens engigne,
De vos filles si vous feist approuchier
(Pas ne le dy pour vous le reprouchier,)
Archetriclin, qui bien sceustes cest art,
Tous trois vous pry qu'o vous vueillez perchier
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart!
Jadis extraict il fut de vostre ligne,
Luy qui buvoit du meilleur et plus chier;
Et ne deust il avoir vaillant ung pigne,
Certes, sur tous, c'estoit ung bon archier;
On ne luy sceut pot des mains arrachier;
De bien boire ne fut oncques fetart.
Nobles seigneurs, ne souffrez empeschier
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart!
Comme homme beu qui chancelle et trepigne;
L'ay veu souvent, quand il s'alloit couchier
Et une fois il se feist une bigne,
Bien m'en souvient, a l'estal d'ung bouchier
Brief, on n'eust sceu en ce monde serchier
Meilleur pyon, pour boire tost et tart.
Faictes entrer quant vous orrez huchier
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart!
Prince, il n'eust sceu jusqu'a terre crachier
Tousjours crioit: "Haro, la gorge m'art!"
Et si ne sceust oncq sa seuf estanchier
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart.
CXVI
Item, vueil que le jeune Merle
Desormais gouverne mon change,
Car de changier envys me mesle,
Pourveu que tousjours baille en change,
Soit a privé soit a estrange,
Pour trois escus six brettes targes,
Pour deux angelotz ung grant ange:
Car amans doivent estre larges.
CXVII
Item, j'ay sceu, en ce voyage,
Que mes trois povres orphelins
Sont creus et deviennent en aage
Et n'ont pas testes de belins,
Et qu'enfans d'icy a Salins
N'a mieulx sachans leur tour d'escolle.
Or, par l'ordre des Mathelins,
Telle jeunesse n'est pas folle.
CXVIII
Si vueil qu'ilz voisent a l'estude
Ou? sur maistre Pierre Richier.
Le Donat est pour eulx trop rude:
Ja ne les y vueil em.peschier.
Ils sauront, je l'ayme plus chier:
Ave salus, tibi decus,
Sans plus grans lettres enserchier:
Tousjours n'ont pas clers l'au dessus.
CXIX
Cecy estudient, et ho!
Plus proceder je leur deffens.
Quant d'entendre le grant Credo,
Trop forte elle est pour telz enfans.
Mon long tabart en deux je fens:
Si vueil que la moitié s'en vende
Pour leur en acheter des flans,
Car jeunesse est ung peu friande.
CXX
Et vueil qu'ilz soient informez
En meurs, quoy que couste bature;
Chaperons auront enformez
Et les poulces sur la sainture;
Humbles a toute creature,
Disans: "Han? Quoy? Il n'en est rien!"
Si diront gens, par adventure:
"Vecy enfans de lieu de bien!"
CXXI
Item, et mes povres clerjons,
Auxquelz mes tiltres resigné:
Beaulx enfans et droiz comme jons
Les voyant, m'en dessaisiné
Cens recevoir leur assigné,
Seur comme qui l'auroit en paulme
A ung certain jour consigné,
Sur l'ostel de Gueuldry Guillaume.
CXXII
Quoy que jeunes et esbatans
Soient; en riens ne me desplaist;
Dedens trente ans ou quarante ans
Bien autres seront, se Dieu plaist.
Il fait mal qui ne leur complaist;
Ilz sont tres beaulx enfans et gens;
Et qui les bat ne fiert, fol est,
Car enfans si deviennent gens.
CXXIII
Les bources des Dix et Huit
Clers Auront; je m'y vueil travaillier:
Pas ilz ne dorment comme loirs,
Qui trois mois sont sans resveillier.
Au fort, triste est le sommeillier
Qui fait aisier jeune en jeunesse,
Tant qu'en fin lui faille veillier,
Quant reposer deust en viellesse.
CXXIV
Si en escrips au collateur
Lettres semblables et pareilles:
Or prient pour leur bien faicteur,
Ou qu'on leur tire les oreilles.
Aucunes gens ont grans merveilles
Que tant m'encline vers ces deux:
Mais, foy que doy festes et veilles,
Oncques ne vy les meres d'eulx!
CXXV
Item, donne a Michault Cul d'Oue
Et a sire Charlot Taranne,
Cent solz (s'ilx demandent: "Prins ou?"
Ne leur chaille; ils vendront de manne)
Et unes houses de basanne,
Autant empeigne que semelle;
Pourveu qu'ilx me salueront Jehanne,
Et autant une autre comme elle.
CXXVI
Item, au seigneur de Grigny,
Auquel jadis laissay Vicestre,
Je donne la tour de Billy
Pourveu, s'uys y a ne fenestre
Qui soit ne debout ne en estre,
Qu'il mette tres bien tout a point.
Face argen a destre et a senestre:
Il m'en fault, et il n'en a point.
CXXVII
Item, a Thibault de la Garde...
Thibault? je mens, il a nom Jehan;
Que luy donray je, que ne perde?
(Assez ay perdu tout cest an;
Dieu y vueille pourveoir, amen!)
Le Barillet, par m'ame, voire!
Genevoys est plus ancien
Et a plus beau nez pour y boire.
CXXVIII
Item, je donne a Basennier,
Notaire et greffier criminel,
De giroffle plain ung pannier,
Prins sur maistre Jehan de Ruel.
Tant a Mautaint, tant a Rosnel;
Et, avec ce don de giroffle,
Servir de cuer gent et ysnel
Le seigneur qui sert saint Cristofle.
CXXIX
Auquel ceste ballade donne,
Pour sa dame, qui tous biens a.
S'Amour ainsi tous ne guerdonne,
Je ne m'esbays de cela;
Car au pas conquester l'ala
Que tint Regnier, roy de Cecille,
Ou si bien fist et peu parla
Qu'oncques Hector fist ne Troille.
BALLADE POUR ROBERT D'ESTOUTEVILLE
Au point du jour, que l'esprevier s'esbat,
Meu de plaisir et par noble coustume,
Bruit la maulvis et de joye s'esbat,
Recoit son per et se joingt a sa plume,
Offrir vous vueil, a ce desir m'alume,
Ioyeusement ce qu'aux amans bon semble.
Sachez qu'Amour l'escript en son volume.
Et c'est la fin pour quoy sommes ensemble.
Dame serez de mon cuer sans debat,
Entierement, jusques mort me consume.
Lorier souef qui pour mon droit combat,
Olivier franc, m'ostant toute amertume,
Raison ne veult que je desacoustume,
Et en ce vueil avec elle m'assemble,
De vous servir, mais que m'y acoustume;
Et c'est la fin pour quoy sommes ensemble.
Et qui plus est, quant dueil sur moy s'embat,
Par Fortune qui souvent si se fume,
Vostre doulx oeil sa malice rabat,
Ne mais ne moins que le vent fait la plume.
Si ne pers pas la graine que je sume
En vostre champ, quant le fruit me ressemble.
Dieu m'ordonne que le fouysse et fume;
Et c'est la fin pour quoy sommes ensemble.
Princesse, oyez ce que cy vous resume:
Que le mien cuer du vostre desassemble
Ja ne sera; tant de vous en presume;
Et c'est la fin pour quoy sommes ensemble.
CXXX
Item, a sire Jehan Perdrier,
Riens, n'a Françoys, son secont frere.
Si m'ont voulu tous jours aidier,
Et de leurs biens faire con frere;
Combien que Françoys, mon compere,
Langues cuisant, flambans et rouges,
My commandement my priere,
Me recommanda fort a Bourges.
CXXXI
Si allé veoir en Taillevent.
Ou chappitre de fricassure,
Tout au long, derriere et devant,
Lequel n'en parle jus ne sure.
Mais Macquaire, je vous asseure,
A tout le poil cuisant ung deable,
Affin que sentist bon l'arsure,
Ce recipe m'escript, sans fable.
BALLADE
En reagal, en arcenic rochier;
En orpiment, en salpestre et chaulx vive;
En plomb boullant, pour mieulx les esmorchier;
En suif et poix, destrempez de lessive
Faicte d'estrons et de pissat de juifve;
En lavaille de jambes a meseaulx;
En racleure de piez et vielz houseaulx;
En sang d'aspic et drogues venimeuses;
En fiel de loups, de regnars et blereaulx,
Soient frittes ces langues envieuses!
En cervelle de chat qui hayt peschier,
Noir, et si viel qu'il n'ait dent en gencive;
D'ung viel mastin, qui vault bien aussi chier,
Tout enragié, en sa bave et salive;
En l'escume d'une mulle poussive,
Detrenchiee menu a bons ciseaulx;
En eaue ou ratz plongent groings et museaulx,
Raines, crappaulx et bestes dangereuses,
Serpens, lesars et telz nobles oyseaulx,
Soient frittes ces langues envieuses!
En sublimé, dangereux a touchier,
Et ou nombril d'une couleuvre vive;
En sang qu'on voit es palletes sechier
Sur ces barbiers, quant plaine lune arrive,
Dont l'ung est noir, l'autre plus vert que cive,
En chancre et fiz, et en ces ors cuveaulx
Ou nourrisses essangent leurs drappeaulx;
En petiz baings de f illes amoureuses
(Qui ne m'entent n'a suivy les bordeaulx)
Soient frittes ces langues envieuses!
Prince, passez tous ces frians morceaulx,
S'estamine n'avez, sacs ne bluteaulx,
Parmy le fons d'unes brayes breneuses;
Mais, par avant en estrons de pourceaulx
Soient frittes ces langues envieuses!
CXXXII
Item, a maistre Andry Courault,
"Les Contrediz Franc Gontier" mande:
Quant du tirant seant en hault,
A cestuy la riens ne demande.
Le Saige ne veult que contende
Contre puissant povre bomme las,
Affin que ses fillez ne tende
Et qu'il ne trebuche en ses las.
CXXXIII
Gontier ne crains: il n'a nuls hommes
Et mieulx que moy n'est herité;
Mais en ce debat cy nous sommes,
Car il loue sa povreté,
Estre povre, yver et esté,
Et a felicité repute
Ce que tiens a maleureté.
Lequel a tort? Or en dispute.
LES CONTREDIZ DE FRANC GONTIER
Sur mol duvet assis, ung gras chanoine,
Lez ung brasier, en chambre bien natee,
A son costé gisant dame Sidoine,
Blanche, tendre, polie et attintee:
Boire ypocras, a jour et a nuytee,
Rire, jouer, mignonner et baisier,
Et nu a nu, pour mieulx des corps s'aisier,
Les vy tous deux, par ung trou de mortaise:
Lors je congneus que, pour dueil appaisier,
Il n'est tresor que de vivre a son aise.
Se Franc Gontier et sa compaigne Helaine
Eussent ceste doulce vie hantee,
D'oignons, civotz, qui causent fort alaine,
N'acontassent une bise tostee.
Tout leur mathon, ne toute leur potee,
Ne prise ung ail, je le dy sans noysier.
S'ilz se vantent couchier soubz le rosier,
Lequel vault mieulx: Lict costoyé de chaise?
Qu'en dites-vous? Faut-il a ce musier?
Il n'est tresor que de vivre a son aise.
De gros pain bis vivent, d'orge, d'avoine,
Et boivent eaue, tout au long de l'anee.
Tous les oyseaulx d'icy en Babiloine
A tel escot une seule journee
Ne me tendroient, non une matinee.
Or s'esbate, de par Dieu, Franc Gontier,
Helaine o luy, soubz le bel esglantier;
Se bien leur est, n'ay cause qu'il me poise:
Mais, quoy que soit du laboureux mestier,
Il n'est tresor que de vivre a son aise.
Prince, jugiez, pour tous nous accorder.
Quant est a moy, mais qu'a nul n'en desplaise,
Petit enfant, j'ay oy recorder:
Il n'est tresor que de vivre a son aise.
CXXXIV
Item, pour ce que scet sa Bible
Ma damoiselle de Bruyeres,
Donne preschier, hors l'Evangille,
A elle et a ses bachelieres,
Pour retraire ces villotieres
Qui ont le bec si affillé,
Mais que ce soit hors cymetieres,
Trop bien au Marchié au fillé.
BALLADE DES FEMMES DE PARIS
Quoy qu'on tient belles langagieres
Florentines, Veniciennes,
Assez pour estre messagieres,
Et mesmement les anciennes;
Mais, soient Lombardes, Rommaines,
Genevoises, a mes perilz,
Pimontoises, Savoisiennes,
Il n'est bon bec que de Paris.
De tres beau parler tiennent chaieres,
Ce dit on, les Neapolitaines,
Et sont tres bonnes caquetieres
Allemandes et Pruciennes;
Soien Grecques, Egipciennes,
De Hongrie ou d'autre pays
Espaignolles ou Cathelennes,
Il n'est bon bec que de Paris.
Brettes, Suysses, n'y sçavent guieres,
Gasconnes, n'aussi Toulousaines;
De Petit Pont deux haranguieres
Les concluront; et les Lorraines,
Engloises et Calaisiennes,
(Ay je beaucoup de lieux compris?)
Picardes de Valenciennes;
Il n'est bon bec que de Paris.
Prince, aux dames Parisiennes
De beau parler donnez le pris;
Quoy qu'on die d'Italiennes
Il n'est bon bec que de Paris.
CXXXV
Regarde m'en deux, trois, assises
Sur le bas du ply de leurs robes,
En ces moustiers, en ces eglises;
Tire toy pres, et ne te hobes;
Tu trouveras la que Macrobes
Oncques ne fist tels jugemens!
Entens: quelque chose en desrobes;
Ce sont tres beaulx enseignemens.
CXXXVI
Item, et au mont de Montmartre,
Qui est ung lieu moult ancien,
Je luy donne et adjoings le tertre
Qu'on dit le mont Valerien;
Et, oultre plus, ung quartier d'an
Du pardon qu'apportay de Romme;
Sy ira maint bon crestien
Voir l'abbaye ou il n'entre homme.
CXXXVII
Item, varletz et chamberieres
De bons hostelz (rien ne me nuyt)
Feront tartes, flans et goyeres,
Et grant raillias a mynuit:
Riens n'y f ont sept pintes ne huit,
Tant que gisent seigneur et dame.
Puis apres, sans mener grant bruit,
Je leur ramentoy le jeu d'asne.
CXXXVIII
Item, et a filles de bien,
Qui ont peres, meres et antes,
Par m'ame! je ne donne rien,
Car j'ay tout donné aux servantes.
Sy fussent ilz de peu contentes,
Grant bien leur fissent mains loppins
Aux poures filles (ennementes!)
Qui se perdent aux Jacoppins,
CXXXIX
Aux Celestins et aux Chartreux;
Quoy que vie mainent estroite,
Si ont ilz largement entre eulx,
Dont povres filles ont souffrete;
Tesmoing Jaqueline et Perrete,
Et Ysabeau, qui dit: "Enné!"
Puis qu'ilz en ont telle disette
A paine en seroit on damné.
CXL
Item, a la Grosse Margot,
Tres doulce face et pourtraicture,
Foy que doy brulare bigod,
Assez devote creature,
Je l'aime de propre nature,
Et elle moy, la doulce sade:
Qui la trouvera d'aventure,
Qu'on luy lise ceste ballade.
BALLADE DE LA GROSSE MARGOT
Se j'ayme et sers la belle de bon hait,
M'en devez vous tenir ne vil ne sot?
Elle a en soy des biens a fin souhait.
Pour son amour sains bouclier et passot.
Quant viennent gens, je cours et happe ung pot:
Au vin m'en fuis, sans demener grant bruit.
Je leur tens eaue, frommage, pain et fruit,
S'ilz paient bien, je leur dis: "Bene stat:
Retournez cy, quant vous serez en ruit,
En ce bordeau ou tenons nostre estat!"
Mais, adoncques, il y a grant deshait,
Quant sans argent s'en vient couchier Margot;
Veoir ne la puis; mon cuer a mort la hait.
Sa robe prens, demy saint ou surcot:
Si luy jure qu'il tendra pour l'escot.
Par les cotés se prent, "c'est Antecrist"
Crie, et jure par la mort Jhesucrist
Que non sfra. Lors j'empongne ung esclat:
Dessus son nez luy en fais ung escript,
En ce bordeau ou tenons nostre estat.
Puis paix se fait, et me fait ung gros pet,
Plus enflee qu'ung vlimeux escharbot.
Riant, m'assiet son poing sur mon sommet,
Gogo me dit, et me fiert le jambot.
Tous deux yvres, dormons comme ung sabot:
Et, au resveil, quant le ventre luy bruit,
Monte sur moy, que ne gaste son fruit.
Soubz elle geins; plus qu'un aiz me fait plat;
De paillarder tout elle me destruit,
En ce bordeau ou tenons notre estat.
Vente, gresle, gelle, j'ay mon pain cuit!
Je suis paillart, la paillarde me suit.
Lequel vault mieux? Chascun bien s'entresuit.
L'ung vault l'autre: c'est a mau rat mau chat.
Ordure amons, ordure nous assuit.
Nous deffuyons onneur, il nous deffuit,
En ce bordeau ou tenons nostre estat.
CXLI
Item, a Marion l'Ydolle,
Et la grant Jehanne de Bretaigne,
Donne tenir publique escolle,
Ou l'escollier le maistre enseigne.
Lieu n'est ou ce marchié ne tiengne,
Si non en la grisle de Mehun;
De quoy je dis: "Fy de l'enseigne,
Puis que l'ouvraige est si commun!"
CXLII
Item, et a Noel Jolis,
Autre chose je ne luy donne
Fors plain poing d'osiers frez cueillis
En mon fardin; je l'abandonne.
Chastoy est une belle aulmosne,
Ame n'en doit estre marry:
Unze vings coups luy en ordonne
Livrez par la main de Henry.
CXLIII
Item, ne sçay qu'a l'Ostel Dieu
Donner, n'a povres hospitaulx;
Bourdes n'ont icy temps ne lieu,
Car povres gens ont assez maulx.
Chascun leur envoye leurs aulx.
Les Mendians ont eu mon oye;
Au fort, ilz en auront les os:
A menue gent menue monnoye.
CXLIV
Item, je donne a mon barbier,
Qui se nomme Colin Galerne,
Pres voisin d'Angelot l'erbier,
Ung gros glasson (prins ou? En Marne),
Affin qu'a son ayse s'yverne.
De l'estomac le tiengne pres;
Se l'yver ainsi se gouverne
Il aura chault l'esté d'apres.
XCLV
Item, riens aux Enfans Trouvez;
Mais les perdus faut que consolle.
Si doivent estre retrouvez,
Par droit, sur Marion l'Ydolle.
Une leçon de mon escolle
Leur liray, qui ne dure guere.
Teste n'ayent dure ne folle;
Escoutent! car c'est la derniere!
BELLE LEÇON AUX ENFANTS PERDUS
"Beaulx enfans, vous perdez la plus
Belle rose de vo chappeau;
Mes clers pres prenans comme glus,
Se vous allez a Montpipeau
Ou a Rueil, gardez la peau:
Car, pour s'esbatre en ces deux lieux,
Cuidant que vaulsist le rappeau,
La perdit Colin de Cayeux.
"Ce n'est pas ung jeu de trois mailles,
Ou va corps, et peut estre l'ame.
Qui pert, riens n'y sont repentailles
Qu'on n'en meure a honte et diffame.
Et qui gaigne n'a pas a femme
Dido la royne de Cartage.
L'homme donc est fol et in fame
Qui, pour si peu, couche tel gage.
Qu'ung chascun encore m'escoute!
On dit, et il est verité,
Que charterie se boit toute,
Au feu l'yver, au bois l'esté.
S'argent avez, il n'est enté;
Mais le despendez tost et viste.
Qui en voyez vous herité?
Jamais mal acquest ne prouffite."
BALLADE DE BONNE DOCTRINE
Car ou soies porteur de bulles,
Pipeur ou hasardeur de dez,
Tailleur de faulx coings et te brusles
Comme ceulx qui sont eschaudez,
Traistres parjurs, de foy vuydez;
Soies larron, ravis ou pilles:
Ou en va l'acquest, que cuidez?
Tout aux tavernes et aux filles.
Ryme, raille, cymballe, luttes,
Comme fol, fainctif , eshontez;
Farce, broulle, joue des fleustes;
Fais, es villes et es citez,
Farces, jeux et moralitez;
Gaigne au berlanc, au glic, aux quilles.
Aussi bien va, or escoutez!
Tout aux tavernes et aux filles.
De telz ordures te reculles,
Laboure, fauche champs et prez,
Sers et pense chevaulx et mulles,
S'aucunement tu n'es lettrez;
Assez auras, se prens en grez.
Mais, se chanvre broyes ou tilles,
Ne tens ton labour qu'as ouvrez
Tout aux tavernes et aux filles?
Chausses, pourpoins esguilletez,
Robes, et toutes vos drappilles,
Ains que vous f assiez pis, portez
Tout aux tavernes et aux filles.
CXLVI
A vous parle, compaings de galle:
Mal des ames et bien du corps,
Gardez vous tous de ce mau hasle
Qui noircist les gens quant sont mors;
Eschevez le, c'est ung mal mors;
Passez vous au mieulx que pourrez;
Et, pour Dieu, soiez tous recors
Qu'une fois viendra que mourrez.
CXLVII
Item, je donne aux Quinze Vings
(Qu'autant vauldroit nommer Trois Cens)
De Paris, non pas de Provins,
Car a eulx tenu je me sens;
Ilz auront, et je m'y consens,
Sans les estuys, mes grans lunettes,
Pour mettre a part, aux Innocens,
Les gens de bien des deshonnestes.
CXLVIII
Icy n'y a ne ris ne jeu.
Que leur vault il avoir chevances,
N'en grans liz de parement jeu,
Engloutir vins en grosses pances,
Mener joye, festes et dances,
Et de ce prest estre a toute heure?
Toutes faillent telles plaisances,
Et la coulpe si en demeure.
CXLIX
Quant je considere ces testes
Entassees en ces charniers,
Tous furent maistres des requestes,
Au moins de la Chambre aux Deniers,
Ou tous furent portepanniers:
Autant quis l'ung que l'autre dire;
Car, d'evesques ou lanterniers,
Je n'y congnois riens a redire.
CL
Et icelles qui s'enclinoient
Unes contre autres en leurs vies,
Desquelles les unes regnoient,
Des autres craintes et servies,
La les voy toutes assouvies,
Ensemble en ung tas peslemesle.
Seigneuries leur sont ravies;
Clerc ne maistre ne s'y appelle.
CLI
Or sont ilz mors, Dieu ait leurs ames!
Quant est des corps, ilz sont pourris.
Aient esté seigneurs ou dames,
Souef et tendrement nourris
De cresme, fromentee ou riz,
Leurs os sont declinez en pouldre,
Auxquelz ne chault d'esbatz ne ris.
Plaist au doulx Jhesus les absouldre!
CLII
Aux trespassez je fais ce laiz,
Et icelluy je communique
A regens, cours, sieges, palaiz,
Hayneurs d'avarice l'inique,
Lesquelz pour la chose publique
Se seichent les os et les corps:
De Dieu et de saint Dominique
Soient, absols quant seront mors.
CLIII
Item, riens a Jaquet Cardon,
Car je n'ay riens pour luy d'honneste,
Non pas que le gette habandon,
Sinon ceste bergeronnette:
S'elle eust le chant "Marionnette",
Fait pour Marion la Peautarde,
Ou d' "Ouvrez vostre huys, Guillemette",
Elle allast bien a la moustarde.
CHANSON
Au retour de dure prison,
Ou j'ai laissié presque la vie,
Se Fortune a sur moy envie,
Jugiez s'elle fait mesprison!
Il me semble que, par raison,
Elle deust bien estre assouvie
Au retour!
Se si plaine est de desraison
Que vueille que du tout devie,
Plaise a Dieu que l'ame ravie
En soit lassus en sa maison,
Au retour!
CLIV
Item, donne a maistre Lomer,
Comme extraict que je suis de fee,
Qu'il soit bien amé (mais d'amer
Fille en chie fou femme coeffee
Ja n'en ayt la teste eschauffee)
Et, qu'il ne luy couste une noix
Faire ang soir cent fois la faffee,
En despit d'Ogier le Danois.
CLV
Item, donne aux amans enfermes,
Sans le laiz maistre Alain Chartier,
A leurs chevez, de pleurs et lermes
Trestout fin plain ung benoistier,
Et ung petit brin d'esglantier,
Qui soit tout vert, pour goupillon,
Pourveu qu'ilz diront ung psaultier
Pour l'ame du povre Villon.
CLVI
Item, a maistre Jaques James,
Qui se tue d'amasser biens,
Donne fiancer tant de femmes
Qu'il vouldra; mais d'espouser, riens.
Pour qui amasse il? Pour les siens?
Il ne plaint fors que ses morceaulx;
Ce qui fut aux truyes, je tiens
Qu'il doit de droit estre aux pourceaulx.
CLVII
Item, sera le Seneschal,
Qui une fois paya mes debtes
En recompence, mareschal
Pour ferrer oes et canettes.
Je luy envoie ces sornettes,
Pour soy desennuyer; combien,
S'il veult, face en des alumettes:
De bien chanter s'ennuye on bien.
CLVIII
Item, au Chevalier du Guet
Je donne deux beaulx petiz pages,
Philebert et le gros Marquet,
Qui tres bien servy, comme sages,
La plus partie de leurs aages,
Ont le prevost des mareschaulx.
Helas! s'ilz sont cassez de gages,
Aller leur fauldra tous deschaulx.
CLIX
Item, a Chappelain je laisse
Ma chappelle a simple tonsure,
Chargiee d'une seiche messe
Ou il ne fault pas grant lecture.
Resigné luy eusse ma cure,
Mais point ne veult de charge d'ames;
De con fesser, ce dit, n'a cure,
Sinon chamberieres et dames.
CLX
Pour ce que scet bien mon entente
Jehan de Calais, honnorable homme,
Qui ne me vit des ans a trente
Et ne scet comment je me nomme,
De tout ce Testament, en somme,
S'aucun y a difficulté,
Oster jusqu'au rez d'une pomme
Je luy en donne faculté.
CLXI
De le gloser et commenter,
De le diffinir et descripre,
Diminuer ou aug'menter,
De le canceller et prescripre
De sa main, et ne sceut escripre;
Interpreter et donner sens,
A son plaisir, meilleur ou pire:
A tout cecy je m'y consens:
CLXII
Et s'aucun, dont n'ay congnoissance,
Estoit allé de mort a vie,
Je vueil et lui donne puissance,
Affin que l'ordre' soit suyvie,
Pour estre mieulx parassouvie;
Que ceste aumosne ailleurs transporte,
Sans se l'appliquer par envie;
A son ame je m'en rapporte.
CLXIII
- patman
- Hikikomori !
- Messages : 1326
- Inscription : 14 oct. 2002, 18:02
- Localisation : Cannot find MySQL header files under yes.
- Contact :
Item, j'ordonne a Saincte Avoye,
Et non ailleurs, ma sepulture;
Et, affin que chascun me voie,
Non pas en char, mais en painture,
Que l'on tire mon estature
D'ancre, s'il ne coustoit trop chier.
De tombel? riens; je n'en ay cure,
Car il greveroit le planchier.
CLXIV
Item, vueil qu'autour de ma fosse
Ce qui s'ensuit, sans autre histoire,
Soit escript, en lettre assez grosse,
Et qui n'auroit point d'escriptoire,
De charbon ou de pierre noire,
Sans en riens entamer le plastre;
Au moins sera de moi memoire
Telle qu'elle est d'ung bon follastre:
EPITAPHE
CY GIST ET DORT EN CE SOLLIER,
QU'AMOURS OCCIST DE SON RAILLON,
UNG POVRE PETIT ESCOLLIER,
QUI FUT NOMMÉ FRANÇOYS VILLON.
ONCQUES DE TERRE N'OT SILLON.
IL DONNA TOUT, CHASCUN LE SCET:
TABLES, TRESTEAULX, PAIN, CORBEILLON.
GALLANS DICTES EN CE VERSET:
REPOS ETERNEL DONNE A CIL,
SIRE, ET CLARTé PERPETUELLE,
QUI VAILLANT PLAT NI ESCUELLE
N'EUT ONCQUES, N'UNG BRAIN DE PERCIL.
IL FUT REZ, CHIEF, BARBE ET SOURCIL,
COMME UNG NAVET QU'ON RET OU PELLE.
REPOS ETERNEL DONNE A CIL.
RIGUEUR LE TRANSMIT EN EXIL
ET LUY FRAPPA AU CUL LA PELLE,
NON OBSTANT QU'IL DIT: "J'EN APPELLE!"
QUI N'EST PAS TERME TROP SUBTIL.
REPOS ETERNEL DONNE A CIL.
CLXV
Item, je vueil qu'on sonne a bransle
Le gros beffroy, qui est de voirre;
Combien qu'il n'est cuer qui ne tremble,
Quant de sonner est a son erre,
Saulvé a mainte bonne terre,
Le temps passé, chascun le scet:
Fussent gens d'armes ou tonnerre,
Au son de luy, tout mal cessoit.
CLXVI
Les sonneurs auront quatre miches
Et, se c'est peu, demy douzaine;
Autant n'en donnent les plus riches,
Mais ilz seront de saint Estienne.
Vollant est homme de grant paine:
L'ung en sera; quant g'y regarde,
Il en vivra une sepmaine.
Et l'autre? Au fort, Jehan de la Garde.
CLXVII
Pour tout ce fournir et par faire,
J'ordonne mes executeurs,
Auxquels fait bon avoir affaire
Et contentent bien leurs debteurs.
Ilz ne sont pas moult grans vanteurs
Et ont bien de quoy, Dieu mercis!
De ce fait seront directeurs.
Escry: je t'en nommerai six.
CLXVIII
C'est maistre Martin Bellefaye,
Lieutenant du cas criminel.
Qui sera l'autre? G'y pensoye:
Ce sera sire Colombel:
S'il luy plaist et il luy est bel,
Il entreprendra ceste charge.
Et l'autre? Michiel Jouvenel.
Ces trois seulz, et pour tout, j'en charge.
CLXIX
Mais, ou cas qu'ilz s'en excusassent,
En redoubtant les premiers frais
Ou totallement recusassent,
Ceulx qui s'enssuivent cy apres
Institue, gens de bien tres:
Phelip Brunel, noble escuyer,
Et l'autre, son voisin d'empres,
Si est maistre Jacques Raguier;
CLXX
Et l'autre, maistre Jaques James,
Trois hommes de bien et d'onneur
Desirans de sauver leurs ames
Et doubtans Dieu Nostre Seigneur.
Plus tost y mettroient du leur
Que ceste ordonnance ne baillent,
Point n'auront de contrerolleur,
Mais a leur bon plaisir en taillent.
CLXXI
Des testamens qu'on dit le Maistre
De mon fait n'aura quid ne quod;
Mais ce sera ung jeune prestre,
Qui est nommé Thomas Tricot.
Voulentiers beusse a son escot,
Et qu'il me coustast ma cornete!
S'il sceust jouer a ung tripot,
Il eust de moy le Trou Perrete.
CLXXII
Quant au regart du luminaire,
Guillaume du Ru j'y commetz.
Pour porter les coings du suaire,
Aux executeurs le remetz.
Trop plus mal me font qu'oncques mais
Barbe, cheveulx, penil, sourcis.
Mal me presse, temps desormais
Que crie a toutes gens mercis.
BALLADE DE MERCY
A Chartreux et a Celestins,
A Mendians et a Devotes,
A musars et claquepatins,
A servans et filles mignotes
Portans surcotz et justes cotes,
A cuidereaux d'amours transsis,
Chaussans sans meshaing fauves botes,
Je crie a toutes gens mercis!
A filletes monstrans tetins
Pour avoir plus largement d'ostes,
A ribleurs, mouveurs de hutircs,
A bateleurs traynans marmotes,
A folz, folles, a sotz et sotes,
Qui s'en vont siflant six a six,
A marmosetz et a mariotes,
Je crie a toutes gens mercis!
Sinon aux traistres chiens mastins,
Qui m'ont f ait chier dures crostes
Maschier mains soirs et mains matins,
Qu'ores je ne crains pas trois crotes.
Je feisse pour eulx petz et rotes;
Je ne puis, car je suis assis.
Au fort, pour eviter riotes,
Je crie a toutes gens mercis!
Qu'on leur froisse les quinze costes
De gros mailletz, fors et massis,
De plombees et telz pelottes.
Je crie a toutes gens mercis!
AUTRE BALLADE
Icy se clost le testament
Et finist du povre Villon.
Venez a son enterrement,
Quant vous orrez le carrillon,
Vestus rouge com vermillon,
Car en amours mourut martir;
Ce jura il sur son couillon,
Quant de ce monde voult partir.
Et je croy bien que pas n'en ment,
Car chassié fut comme ung souillon
De ses amours hayneusement,
Tant que, d'icy a Roussillon,
Brosse n'y a ne brossillon
Qui n'eust, ce dit il sans mentir,
Ung lambeau de son cotillon,
Quant de ce monde voult partir.
Il est ainsi, et tellement,
Quant mourut n'avoit qu'ung haillon;
Qui plus, en mourant, mallement
L'espoignoit d'Amours l'esguillon:
Plus agu que le ranguillon
D'un baudrier, luy faisoit sentir,
C'est de quoy nous esmerveillon,
Quant de ce monde voult partir.
Prince, gent comme esmerillon,
Sachiez qu'il fist, au departir:
Ung traict but de vin morillon,
Quant de ce monde voult partir.
Avant de mourrir, il fait la nik dans son "testament" entre autres à toot les pourris, vendus, collabos, tits merdes qu'il a pu cotoyer dans sa vie de troubadourg, un des "premiers" anars, un maître pour bcp...
sa rejoint un peu certains sujets ki sont po ben loin en fait...
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Et non ailleurs, ma sepulture;
Et, affin que chascun me voie,
Non pas en char, mais en painture,
Que l'on tire mon estature
D'ancre, s'il ne coustoit trop chier.
De tombel? riens; je n'en ay cure,
Car il greveroit le planchier.
CLXIV
Item, vueil qu'autour de ma fosse
Ce qui s'ensuit, sans autre histoire,
Soit escript, en lettre assez grosse,
Et qui n'auroit point d'escriptoire,
De charbon ou de pierre noire,
Sans en riens entamer le plastre;
Au moins sera de moi memoire
Telle qu'elle est d'ung bon follastre:
EPITAPHE
CY GIST ET DORT EN CE SOLLIER,
QU'AMOURS OCCIST DE SON RAILLON,
UNG POVRE PETIT ESCOLLIER,
QUI FUT NOMMÉ FRANÇOYS VILLON.
ONCQUES DE TERRE N'OT SILLON.
IL DONNA TOUT, CHASCUN LE SCET:
TABLES, TRESTEAULX, PAIN, CORBEILLON.
GALLANS DICTES EN CE VERSET:
REPOS ETERNEL DONNE A CIL,
SIRE, ET CLARTé PERPETUELLE,
QUI VAILLANT PLAT NI ESCUELLE
N'EUT ONCQUES, N'UNG BRAIN DE PERCIL.
IL FUT REZ, CHIEF, BARBE ET SOURCIL,
COMME UNG NAVET QU'ON RET OU PELLE.
REPOS ETERNEL DONNE A CIL.
RIGUEUR LE TRANSMIT EN EXIL
ET LUY FRAPPA AU CUL LA PELLE,
NON OBSTANT QU'IL DIT: "J'EN APPELLE!"
QUI N'EST PAS TERME TROP SUBTIL.
REPOS ETERNEL DONNE A CIL.
CLXV
Item, je vueil qu'on sonne a bransle
Le gros beffroy, qui est de voirre;
Combien qu'il n'est cuer qui ne tremble,
Quant de sonner est a son erre,
Saulvé a mainte bonne terre,
Le temps passé, chascun le scet:
Fussent gens d'armes ou tonnerre,
Au son de luy, tout mal cessoit.
CLXVI
Les sonneurs auront quatre miches
Et, se c'est peu, demy douzaine;
Autant n'en donnent les plus riches,
Mais ilz seront de saint Estienne.
Vollant est homme de grant paine:
L'ung en sera; quant g'y regarde,
Il en vivra une sepmaine.
Et l'autre? Au fort, Jehan de la Garde.
CLXVII
Pour tout ce fournir et par faire,
J'ordonne mes executeurs,
Auxquels fait bon avoir affaire
Et contentent bien leurs debteurs.
Ilz ne sont pas moult grans vanteurs
Et ont bien de quoy, Dieu mercis!
De ce fait seront directeurs.
Escry: je t'en nommerai six.
CLXVIII
C'est maistre Martin Bellefaye,
Lieutenant du cas criminel.
Qui sera l'autre? G'y pensoye:
Ce sera sire Colombel:
S'il luy plaist et il luy est bel,
Il entreprendra ceste charge.
Et l'autre? Michiel Jouvenel.
Ces trois seulz, et pour tout, j'en charge.
CLXIX
Mais, ou cas qu'ilz s'en excusassent,
En redoubtant les premiers frais
Ou totallement recusassent,
Ceulx qui s'enssuivent cy apres
Institue, gens de bien tres:
Phelip Brunel, noble escuyer,
Et l'autre, son voisin d'empres,
Si est maistre Jacques Raguier;
CLXX
Et l'autre, maistre Jaques James,
Trois hommes de bien et d'onneur
Desirans de sauver leurs ames
Et doubtans Dieu Nostre Seigneur.
Plus tost y mettroient du leur
Que ceste ordonnance ne baillent,
Point n'auront de contrerolleur,
Mais a leur bon plaisir en taillent.
CLXXI
Des testamens qu'on dit le Maistre
De mon fait n'aura quid ne quod;
Mais ce sera ung jeune prestre,
Qui est nommé Thomas Tricot.
Voulentiers beusse a son escot,
Et qu'il me coustast ma cornete!
S'il sceust jouer a ung tripot,
Il eust de moy le Trou Perrete.
CLXXII
Quant au regart du luminaire,
Guillaume du Ru j'y commetz.
Pour porter les coings du suaire,
Aux executeurs le remetz.
Trop plus mal me font qu'oncques mais
Barbe, cheveulx, penil, sourcis.
Mal me presse, temps desormais
Que crie a toutes gens mercis.
BALLADE DE MERCY
A Chartreux et a Celestins,
A Mendians et a Devotes,
A musars et claquepatins,
A servans et filles mignotes
Portans surcotz et justes cotes,
A cuidereaux d'amours transsis,
Chaussans sans meshaing fauves botes,
Je crie a toutes gens mercis!
A filletes monstrans tetins
Pour avoir plus largement d'ostes,
A ribleurs, mouveurs de hutircs,
A bateleurs traynans marmotes,
A folz, folles, a sotz et sotes,
Qui s'en vont siflant six a six,
A marmosetz et a mariotes,
Je crie a toutes gens mercis!
Sinon aux traistres chiens mastins,
Qui m'ont f ait chier dures crostes
Maschier mains soirs et mains matins,
Qu'ores je ne crains pas trois crotes.
Je feisse pour eulx petz et rotes;
Je ne puis, car je suis assis.
Au fort, pour eviter riotes,
Je crie a toutes gens mercis!
Qu'on leur froisse les quinze costes
De gros mailletz, fors et massis,
De plombees et telz pelottes.
Je crie a toutes gens mercis!
AUTRE BALLADE
Icy se clost le testament
Et finist du povre Villon.
Venez a son enterrement,
Quant vous orrez le carrillon,
Vestus rouge com vermillon,
Car en amours mourut martir;
Ce jura il sur son couillon,
Quant de ce monde voult partir.
Et je croy bien que pas n'en ment,
Car chassié fut comme ung souillon
De ses amours hayneusement,
Tant que, d'icy a Roussillon,
Brosse n'y a ne brossillon
Qui n'eust, ce dit il sans mentir,
Ung lambeau de son cotillon,
Quant de ce monde voult partir.
Il est ainsi, et tellement,
Quant mourut n'avoit qu'ung haillon;
Qui plus, en mourant, mallement
L'espoignoit d'Amours l'esguillon:
Plus agu que le ranguillon
D'un baudrier, luy faisoit sentir,
C'est de quoy nous esmerveillon,
Quant de ce monde voult partir.
Prince, gent comme esmerillon,
Sachiez qu'il fist, au departir:
Ung traict but de vin morillon,
Quant de ce monde voult partir.
Avant de mourrir, il fait la nik dans son "testament" entre autres à toot les pourris, vendus, collabos, tits merdes qu'il a pu cotoyer dans sa vie de troubadourg, un des "premiers" anars, un maître pour bcp...
sa rejoint un peu certains sujets ki sont po ben loin en fait...
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