C'est l'été, la canicule, tout le monde s'ennuie en attendant les vacances, aussi vais-je me fendre d'une de mes énièmes diatribes contre le teknival. C'est pas que ça m'amuse tellement que ça, car à force de se répéter de manière rituelle, les tekniveaux tout comme mes critiques des tekniveaux ont finit par prendre un caractère rituel, de l'ordre du pur conformisme.
Conformons-nous donc à la norme rituelle, et critiquons ces bouses intellectuelles et artistiques que l'on nomme "teknival". L'idée de "bouse" me fournit une transition parfaite, puisque le dernier bousenival se déroulait en plein pays breton, à Carnoët. Son nom : Tek'Noz, une contraction entre techno (pour la dimension "moderne, chic et branchée" et "Fest noz" (pour le côté traditionnel voire traditionnaliste, la techno étant entrée de plein pied dans le rythme des traditions quasi séculaires, au même titre que le journal télévisé de 20h qui l'annonce, la fête à Neu Neu qui lui sert de modèle ou le Grand Bal de la Police du 14 juillet qui en définit la forme).
Au rayon festivités, le flyer, valant son pesant de cacahuettes réactionnaires, représentait un pêcheur breton en ciré et arborait fièrement son refus des "kébabs", cet enjeu intellectuel majeur de la jeune création artistique du XXIème siècle...

Lutter contre les "kébabs" est en effet devenu l'enjeu essentiel du discours des teuffeurs : j'ai du louper une marche entre les années 80, voire 70, et les années 2005, mais bon : avant, on parlait de DIY (do it yourself), de TAZ, de création musicale, il y avait eu le premier "summer of love" des hippies, puis le second, celui de la techno, on évoquait Goa, etc. Mais aujourd'hui, on se révolte contre de pauvres bougres qui viennent de turquie pour vendre des saucisse : combat fondamental (iste) s'il en est...
Mais passons aux chiffres : 40000 personnes, et un meutre par égorgement. Cool. Des centaines de policiers, de contrôles d'identité, voilà le bilan "globalement positif" de ce bousenival. Le précédent, à Chambley, avant vu défiler 30000 personnes, 2 morts et une invasion de chenilles, là encore sous un fort encadrement policier. Finalement, comme ne manquent pas de le rappeller les teuffeurs, le nombre de mort par teknival n'est pas très différent de celui qu'on trouve dans une ville de 40000 âmes lors d'un week-end de beuverie.
Hé oui ! Et c'est ça qui est extraordinaire ! La techno a réussi à se normaliser au point que ses dispositifs emblématiques, les teknivals, ne sont en rien différents de la société qu'autrefois elle prétendait renouveler : mêmes propos racistes (surtout en forum, mais les flyers anti-kébab n'ont rien à envier, si on y réfléchi un peu, à la stigmatisation des "racailles" ou des "bougnoules" par le FN), et mêmes nombres de morts dont on ne se soucie que pour dénoncer la manière dont les médias vont s'en saisir pour "donner une mauvaise image de la techno". Ben tiens ! C'est vrai qu'un meurtre et deux morts par overdose, c'est peanuts et que c'est juste une question d'image... Mêmes défonces qu'en ville, mêmes pollutions par manque d'ambitions écologistes, mêmes encadrements policiers, mêmes embouteillages.
Pour conclure, car ces événements ne valent même pas la peine que je prends à tapoter sur mon clavier par cette canicule, j'ai envie de faire cette remarque fiéleuse : il y a quelques années, les altermondialistes se donnaient pour slogan "un autre monde est possible". Grace à la techno, nous faisons maintenant face à l'idée qu'un monde absolument pareil est possible. Voire même que la seule ambition de tous ces gens semble se résumer à créer de petits enfers le temps d'un week-end à la campagne, mais de petits enfers tout à fait identiques aux habitudes transportées par ces urbains sans imagination : des Zones de Merdicité Temporaires, au sein desquelles leurs habitudes de crétins bien nourris au prêt à penser de la branchitude à deux balles peuvent donner libre cours à leur répétitivité. Chier, bouffer, vomir sa bière, danser sur des rythmes débiles et des musiques sans originalité, se tuer, s'égorger, c'est cool ! Meeeerde in France !
Mais ayons la positive attitude ! Redonnons tout son sens à l'intelligence du pied et de la main ! Grâce à la prédisidictature de Drönésie Orientale, toi aussi participe au grand sondage pour choisir le slogan du prochain bousenival ! Et si dans les options proposées par le Présidictateur, tu ne trouves pas ton bonheur, fais preuve de créativité et propose de nouveaux slogans chocs ! Avec la Présidictature, le poids des maux et le choc des photos entrent au service de la techno. Poil au dos.
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