Difficile de reprendre après tant de temps... mais j'essaie tout de même. Ce qui m'avait fait réagir, si je m'en rappelle bien, c'est ce texte que tu postais dans indymedia :
http://paris.indymedia.org/article.php3 ... icle=16123
En particulier ceci :
Je dois préciser, comme j'ai déjà eu à plusieurs reprises l'occasion de le dire par le passé, que je suis opposé à toutes forme de censure. Y compris si, pour une fois, elle semble m'être favorable. Je suis farouchement contre cette idée qu'il puisse y avoir de bonnes et de mauvaises censures. Pour moi, ou il y a censure ou il n'y en a pas. Un point c'est tout. C'est, comme tout du reste, une affaire de choix.
Et :
Je sais qu'il y a ici la fameuse charte, espèce de ''cahier des charges'', et que ceux qui ne l'approuvent pas n'ont qu'à aller se faire censurer ailleurs. C'est la règle du jeu. Mais c'est une réflexion plus générale, sur la Censure avec un grand ''C'', que j'entame ici. Indépendamment des pauvres péripéties liées à ce site, et bien que ces dernières soient en partie à l'origine de cette réflexion. D'autre part, chacun aura pu le remarquer, l'application de cette charte est, c'est le moins que l'on puisse dire, à géométrie variable.(4)
Avant de parler de choses plus intéressantes, profitons négligemment de l'occasion qui nous est royalement offerte de réfléchir sur la censure…
Quel intérêt peut avoir la censure ? Pour qui ?
Faire disparaître des propos jugés inacceptables ? D'abord ils ne sont pas jugés inacceptables par tous, puisqu'ils sont tenus - qu'est-ce qui est acceptable ? qui le décrète ? - ; et ça ne fait disparaître que leur exposition, pas leur origine. Ce qui n'est d'aucune utilité pour ceux qui voudraient éventuellement les affronter sur le fond. (Un adversaire est plus dangereux lorsqu'il est intégralement ou partiellement caché que lorsqu'il est à découvert.)
Faire disparaître des bêtises ? Tâche fastidieuse et, de toute évidence, au regard de ce qui paraît ici ou là, parfaitement inutile. Le meilleur moyen de combattre la bêtise c'est de la faire apparaître comme telle.
Censurer ses adversaires est une erreur à plusieurs niveaux : dans un premier temps ça rend opaque la ligne de partage, ça ne participe pas à la clarté des choses ; simultanément, c'est se censurer soi même, puisque cela supprime du débat ; ensuite ça motive - à raison - le censuré à se faire entendre, ça le renforce ; et enfin, censurer, c'est TOUJOURS, quelles que soient les circonstances, reconnaître que l'on a quelque chose à cacher. - Pour quelles raisons ?
Si l'on peut avoir intérêt à ce qu'un ennemi disparaisse, ce n'est évidemment pas en façade, mais bien réellement. Sinon cela revient simplement à se cacher les yeux.
Le censeur à donc forcément des motivations troubles : soit qu'il n'ait pas les idées claires, qu'il ne se sente pas capable de répondre à des avis différents ; soit qu'il ait un quelconque intérêt (lequel ?) à opacifier le débat. Celui qui s'adonne à la censure se refuse à regarder les choses en face. Par peur ou par fourberie.
Il est extrêmement révélateur, bien qu'anecdotique, que la censure, par ici, se fasse appeler cacher. On cache ce que l'on ne veut pas voir ; que ce soit par conformisme, par conformité, ou plus simplement par confort.
Personnellement cela m'est complètement égal, cela me laisse indifférent. De la censure il y en a partout. De la connerie aussi. C'est la règle du jeu. Au même titre que les contrôles d'identité. Que les militaires en armes dans nos villes. Que les réalités économiques. Ce n'est pas parce que c'est la règle du jeu que je vais accepter ceci ou cela. Je suis simplement, partout et tout le temps, quelle que soit la forme qu'elle revêt, qu'elle que soit son amplitude, contre la censure. C'est de la réduction d'expression.
Mais reprenons donc plutôt le fil du faire là où nous l'avions laissé la dernière fois. Il est plus que largement temps de clôturer ce (trop) long chapitre sur la censure. C'est un de ses nombreux effets secondaires que de faire parler d'elle, et ainsi d'accaparer l'attention au détriment de sujets plus importants. Mais ce serait également une erreur de la passer sous silence, de faire comme si de rien n'était. Il convient au contraire, comme pour la bêtise, qu'elle apparaisse au grand jour, afin que chacun puisse se déterminer par rapport à elle.
J'aimerais tout d'abord qu'on s'accorde sur le terme de "censure" qui est extrêmement connoté et qui revient si souvent sur les forums. Si je prends le TLF comme référence :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/t ... 2038836180;
Examen d'une doctrine, d'un écrit ou d'une activité par une autorité instituée à cet effet. La censure d'une pièce de théâtre, d'un film. P. méton. Organes d'exécution de cet examen.
1. Au sing., le plus souvent péj.
a) Institution créée par une autorité, notamment gouvernementale, pour soumettre à un examen le contenu des différentes formes d'expression ou d'information avant d'en permettre la publication, la représentation ou la diffusion. Censure préalable; soumettre à la censure; le bureau, la commission de censure. Demain, la censure sera levée, et les journaux vont parler en toute liberté (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 483) :
2. La censure est mon ennemie littéraire, la censure est mon ennemie politique. La censure est de droit improbe, malhonnête et déloyale. J'accuse la censure.
HUGO, Correspondance, 1830, p. 465.
3. La censure, quelle qu'elle soit, me paraît une monstruosité, une chose pire que l'homicide; l'attentat contre la pensée est un crime de lèse-âme.
FLAUBERT, Correspondance, 1852, p. 59.
[...]
Tout d'abord, remarque que rien qu'en citant ce texte du TLF, et en faisant le choix de ne pas le citer en entier car il est très long, je risque, si l'on ne s'en tient pas à une définition précise du mot censure comme "Examen d'une doctrine, d'un écrit ou d'une activité par une autorité instituée à cet effet" d'être accusé de "censure". Or, je ne fais ici que
sélectionner un passage d'un texte en faisant appel à ma
subjectivité, dans le cadre d'un acte
éditorial. Je ne suis pas "institué" en tant qu'autorité morale devant juger de la rédaction du TLF, je me contente d'exercer un jugement sur la pertinence de la longueur d'une citation. Bref, cet exemple mis en abîme d'une citation pouvant être interprétée par analogie comme une "censure" est là pour montrer qu'il convient, pour raisonner sur la censure, de bien préciser le sens qu'on donne à ce mot.
Si maintenant je reprends ton texte dans Indymedia, et surtout le processus disons "éditorial" qu'il semble avoir subi (et que tu appelles "censure"), il me semble que je suis en désaccord abvec ta vision de la publication sur le net. En effet, Indymedia se donne comme un espace de libre publication, soumis à l'application d'une charte, mais il s'agit surtout d'un espace non institutionnel de rédaction qui est ouvert
en plus de multiples autres espaces de publications qui te sont également accessibles : la presse, d'autres sites du même type, les sites que tu pourrais ouvrir, ici même, etc. Donc il n'y a pas réellement "censure" d'une part car tu n'as affaire à aucune autorité instituée pour cela, et d 'autre part car tu peux parfaitement, comme tu le signales d'ailleurs, poster ton texte ailleurs sans qu'il soit effacé. C'est pour ça que je dirais plutôt que tu as eu affaire à un choix éditorial, certes discutable, mais pas à de la censure. Car si on utilise "censure" à tout bout de champ, on risque d'oublier les contextes historiques et politiques dans lesquels la censure véritable a une portée d'interdiction totale de bien plus grande gravité que sur Indymedia : dictatures militaires, inquisition, abus de pouvoir en démocratie.
Sur la question du "peut on tout dire sur le web", ma position est simple : oui, mais pas dans mon jardin. Je veux dire que le premier qui profèrera sur un espace que je gère des propos par exemple racistes verra immédiatement ses posts effacés sans que je prenne la moindre seconde pour argumenter ni pour en démontrer l'idiotie : il y a assez de dazibaos comme ça sur le net, pour que le temps, l'argent et l'énergie que je dois consacrer à Room 101 soient occupés par plus intéressant que par des discussions avec des abrutis.
Même chose, par analogie, avec ce qui se passe dans un espace physique comme un appartement : supporterais-tu, par exemple, qu'une cellule du Front National vienne chez toi tenir ses réunions hebdomadaires ? J'en doute, et tu ne prendrais pas le temps, j'imagine, face à une dizaine de skinheads hurlant "sielg heil !" de leur démontrer que le concept de "race" n'a plus cours dans les sciences depuis belle lurette... Tu te contenterais de fermer ta porte ou d'appeler les flics pour qu'on les chasse de chez toi. Il me semble que sur le web, dans des espaces de discussion qui ne sont pas les seuls disponibles à la libre expression, ça peut fonctionner comme dans la "vraie vie" : on fait des choix, il y a ce qu'on a envie de discuter, et ce qu'on préfère laisser aux multiples cloaques qui existent et où on laisse tout se dire.
D'ailleurs, je dois dire qu'Indymedia est pour moi simplement un espace d'affichage, de "propagande" lors d'organisation de manifestations, par exemple, mais en aucun cas un espace de débat rationnel : trop d'abrutis utilisent l'absence de "censure" pour y exprimer des propos haineux, racistes, ou simplement débiles, pour que je ressente le moindre intérêt pour ces espace de non-discussion. On voit d'ailleurs que le dogme du "pas de censure" a été bien compris par les trolleurs de tous poils qui se défoulent dans la partie dite "cachée" et qui est en réalité un bien bel espace d'affichage des idées les plus nauséeuses que le web puisse porter. On nage là dans le paradoxe d'un média qui se veut ouvert aux "alternatives" et qui sert pourtant de support aux idées réactionnaires de droite comme de gauche. Si ce paradoxe, et cette absurdité qui consiste à laisser dire tout ce que l'on dénonce est possible, c'est au nom du dogme de la "libre publication" qui, quoi que l'on en pense au plan moral, est tout simplement idiot au plan éditorial : en effet, n'importe qui capable de poster des anneries sur Indymedia peut également ouvrir un compte chez AOL ou free et ouvrir une page web où il pourra diffuser toutes les insanités possibles et imaginables : pourquoi, dans ce cas, laisser s'exprimer sur des sites issus de mouvements alternatifs ce genre de propos ? Ca me dépasse.
+A+