[MISE A MORT] / roman à suivre / un épisode par jour

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Modérateur : drÖne

konsstrukt
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Message par konsstrukt »

le premier concert de ma vie c'était dorothée et carlos
je n'en garde pas beaucoup de souvenirs
c'était en plein air
on était pas au premier rang du tout
dans mon souvenir il y a plein de gens
je ne vois pas bien la scène
carlos chante big bisous
il chante aussi moi je préfère manger à la cantine
je me souviens pas trop de ce que chante dorothée
je suis juste avec mon père
je me souviens pas pourquoi ma mère n'est pas avec nous
je n'y vois pas très bien alors je suis juché sur ses épaules
mais c'est pas terrible
mon père m'achète un périscope
un petit périscope en carton vendu par des ambulants
j'y vois mieux
c'est mon premier concert de toute ma vie
carlos sourit tout le temps
il parle à la foule
pour big bisous on joue le jeu avec mon père
et on rit bêtement
c'est une tournée des plages
dans une petite ville près de narbonne
une station balnéaire
je me souviens pas pour quelle raison mes parents ont voulu m'offrir ce concert
ça n'est pas habituel
avant le concert j'ai fait des tours de manège
je me souviens plus de ce manège en particulièr
il y en a d'autres je m'en rappelle
le premier manège dont je me souviens c'est un bateau
ça devait être le premier de ma vie
j'avais trois ou quatre ans maximum
il n'y avait que des bateaux et des hydravions sur ce manège
et de l'eau
un cercle rempli d'eau dans lequel glissaient et tournaient les véhicules du manège
j'adorais ça
un autre manège que j'ai aimé c'était un kangourou
celui-là c'est le dernier manège de toute ma vie
j'étais déjà trop grand pour les manèges
mais ce kangourou j'aimais bien
la maison hantée
je n'y suis jamais entré
à l'école il y avait des tickets qui donnaient droit à un demi-tarif
j'ai filé le mien à un copain
cette maison hantée
je l'imaginais comme une vraie maison
posée au milieu de la foire
avec rien autour
les volets fermés
la porte
tu la pousses
et là tu es dans la maison
il n'y a pas de pièce pas de cloison
juste un grand espace et l'obscurité
et il t'arrive des choses

(fin de la première partie)

------

(deuxième partie)

je n'arrive pas à m'endormir
cyril me manque
je me demande où il est
je suis inquiète
je reprend pour la dixième fois le portable je l'allume pour voir l'heure
il est une heure et demie
qu'est-ce qu'il fait
il est où
mon dieu pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé de grave
mais non
il ne lui est rien arrivé
il boit des coups c'est tout
c'est la première fois qu'il prévient pas
non
mais c'est juste son portable qui est déchargé
ou alors il est trop saoul pour penser à appeler
je rappelle pour la dixième fois au moins
je tombe de nouveau directement sur la messagerie
je la trouvais marrante son annonce de répondeur
mais là j'en peux plus de l'entendre
j'ai envie de pleurer ça doit être la fatigue plus que l'inquiétude
je raccroche
pas la peine de laisser encore un message
mais je lui envoie quand même un sms
rentre vite mon bébé
tu me manques
je t'aime
sophie
j'envoie
la lumière verdâtre du portable s'éteint
je me retrouve dans le noir avec juste une persistance un peu rouge devant les yeux
je me rend compte après coup combien c'était glauque cette lumière
mais le noir c'est pas mieux
cyril me manque
j'ai une boule au ventre
j'arriverai pas à me rendormir
je me lève
j'allume
je papillone des yeux le temps de m'habituer
je me rends compte que je suis quand même à moitié endormie et bien fatiguée
je m'enroule dans la couette et je vais au salon
je m'affale dans le canapé
j'allume la télé
c'est la seule source lumineuse
ça me tue les yeux
tant mieux peut-être ça m'aiderai à m'endormir
je zappe un moment que des bouts d'images et de phrases pas commencées pas finies
ça m'empêche de penser un peu
mais cyril me manque et je suis inquiète et j'ai beau zapper comme une folle ça n'y change rien
de temps en temps mes yeux se ferment
les pauses pendant lesquelles les yeux sont fermés sont de plus en plus longues je le sens
à un moment j'ouvre les yeux il fait presque jour et à la télé il y a un clip de placebo

j'ai les yeux bouffis de sommeil et des larmes de la veille
j'ai trop chaud
ma bouche est pâteuse
je raccorde
je raccroche au monde
je suis assez consciente et je me souviens de tout
je regarde autour de moi
je suis seule
je tatonne pour trouver le téléphone
la télé m'énerve
je l'éteins
la lumière du jour me fait mal aux yeux
je cligne plusieurs fois pour essayer de retrouver une vision normale
je trouve le téléphone
j'enlève la couette
j'ai trop chaud je suis poisseuse de sueur
je n'ai pas de nouveau message
il est six heures trente sept
je suis habillée
je ne sais pas quoi faire
je regarde autour de moi d'un air hébétée comme si cyril allait réapparaître
je passe quelques minutes à me concentrer pour qu'il revienne à guetter le moindre bruit dans l'immeuble pour pouvoir imaginer que c'est lui qui rentre rien ne se passe je me trouve idiote
j'ai peur

je sors du commissariat
c'est un brouillard de larmes devant moi
je marche une trentaine de pas
je ne peux plus marcher
je me laisse tomber sur un plot en ciment
je pleure
je ne sais pas combien de temps je pleure
quand mes yeux sont sèches je continue à pleurer
spasmes sanglots
j'ai mal à la tête aux yeux à la gorge au ventre au dos
je sanglote et ça dure ça dure ça dure
je ne sais pas combien de temps
je n'ai pas d'image rien j'ai juste des sanglots
je ne peux pas m'arrêter
des sanglots secs qui me secouent la gorge le ventre
le front douloureux
comme de la fièvre
les larmes reviennent ça repart
ça repart
je pleure je sens les larmes couler inonder mon visage venir sur ma bouche
je pleure je pleure je pleure je pousse des cris rauques je me secoue de spasmes de sanglots
tout mon corps me fait mal
mon dieu mon dieu
il est mort il est mort il est mort
je peux pas penser autre chose et chaque fois que la phrase passe en boucle je pleure plus fort plus fort

j'ai les mains serrées contre mon visage
crispées
pleines de larmes de morve de salive
je pleure spasmes sanglots
de nouveau je n'ai plus rien à pleurer
ça empêche pas
larmes sèches
spasmes vides
sanglots étranglés
salive
je ne vois plus rien
il est mort il est mort il est mort
il est mort il est mort il est mort
il est mort il est mort
je perds pied
je me rends compte que je perds pied
il faut que je me calme
je me force à ne plus sangloter
petite pause je vois le monde à travers un rideau
les spasmes reviennent
il est mort il est mort
ma poitrine se secoue ma gorge se secoue mes yeux sont fermés ils me font mal ils me brûlent ma gorge me brûle
je bloque la respiration
j'avale ma salive
j'essaie de m'essuyer les yeux
je pense à mon visage complêtement mouillé aux trainées de maquillage
je repars à pleurer
comme un fou rire mais à l'envers
je peux pas m'arrêter de pleurer
pourtant je n'éprouve plus rien je suis lessivée épuisée j'en peux plus
je pleure spasme sanglots
il est mort il est mort il est mort
j'ai jamais été aussi triste de toute ma vie et je sais que ça s'arrêtera jamais
je bloque ma respiration
je bloque mon ventre
je reste comme ça
je sens les sanglots cogner les spasmes cogner c'est comme si j'avais envie de vomir comme des nausées je les contiens je les contiens
les larmes coulent toute seul j'ai le visage immobile les yeux fermés la lumière me fait mal aux yeux même à travers les paupières j'ai les paupières gonflées la gorge enflée la douleur bat aux tempes au front je me calme
j'ai le souffle court j'essaie de reprendre mon souffle
le larmes ne s'arrêtent pas de couler
je respire à fond
ça me calme
les spasmes cessent d'un coup
les sanglots aussi
je ne vois presque plus rien
j'ai les yeux détruits
j'ai une migraine comme jamais
je me sens triste comme jamais je ne l'ai été
j'ai honte de plus pleurer
je peux plus pleurer
je suis épuisée
cyril me manque horriblement
ça me tord le ventre

je me lève
j'ai mal partout
je prends mon portable
j'appelle richard
pendant les sonneries je raccroche
non comment je peux lui dire ça
j'appelle ma mère
ça sonne
allo elle dit
et d'entendre sa voix je craque j'explose en sanglots
hhhuuuuu eeeeuuuhhhhhhhh hhhuuuuuu
cyhhhiiiiiiiiii hheueueuuuu cyhhhiiiihihiiiiirilllll eeeuuuhhhhh hhuhuuuuuuuuu hhhiiiiiiiiil heuuuhhuhhuuuuu hiiiilll eeeeeeehhhhhhh ihhhhiiilll eeeeshhhhhst mooooohhoooooooooor hhhhuuuuuuuuuu
je pleure sans pouvoir m'arrêter et j'entends ma mère de l'autre côté à des centaines de kilomètres de là qui peut rien faire juste me dire de me calmer elle me laisse pleurer et elle parle en même temps je sais pas ce qu'elle me dit j'entends pas la moitié des mots à cause de mes sanglots je me laisse couler par terre je suis assise presque allongée je pleure je pleure je lache tout j'en peux plus ma gorge mon crâne vont exploser ma mère me parle me parle me parle elle s'arrête pas de parler mon minou elle dit mon bébé et le son de sa voix le son de sa voix ça commence à servir à quelque chose je me calme doucement lentement je me calme
elle parle parle encore gentiment sa voix est douce je peux me lever marcher jusqu'à un banc tituber plus que marcher mes jambes me font mal je n'y vois presque plus rien je me laisse tomber sur le banc j'écoute maman je l'écoute ça va mieux un peu mieux à peine elle parle longtemps longtemps elle ne me laisse que lorsque j'ai repris pieds elle raccroche de me retrouver seule j'ai encore des larme qui montent je suis seule il n'y a plus cyril c'est terminé terminé je ne le reverrai plus jamais plus jamais c'est fini fini fini ho mon dieu c'est fini je sens les sanglots remonter revenir je sans les spasmes prêts à cogner à ma poitrine mais non je dois les réprimer je reprends le portable j'appelle richard il décroche salut poulette comment ça va
ça va pas
ma voix est méconnaissable enrouée éteinte il me demande aussitôt ce qui va pas je lui dis cyril
cyril
hhhhuuuuuuuuuuu hhhhuuuuuueeeehhhhhhehehehhhhhh
je pleure sans discontinuer lui à l'autre bout il panique qu'est-ce qu'il y a il dit il répète qu'est-ce qu'il y a je me ressaisis juste assez pour lui articuler il est mort et je repars dans des sanglots et des spasmes et je crois que je vais vomir mais je vomis pas finalement je suis juste traversée de spasmes j'ai la nausée tellement je pleure et je sanglote et lui me dit viens à la maison viens tout de suite je réussis à dire oui entre deux sanglots je raccroche il a raison il a raison je me convainc que je suis pas toute seule que je suis pas complêtement toute seule j'essaie de me lever du banc j'ai mal partout je m'essuie les yeux avec un kleenex je pleure sur le kleenex je comprime les sanglots j'ai la nausée ça ça veut pas s'arrêter j'essaie de faire quelques pas il faut que j'aille chez richard entrements ça sonne c'est mon père il me parle lui aussi et lui aussi ça me fait du bien il me dit qu'il prends l'avion ce soir que demain il est à la maison qu'il va s'occuper de tout il me parle me cajole me rassure il raccroche ça rappelle c'est ma mère je vais un peu mieux maintenant elle me parle me parle me parle elle réussit même à m'arracher un petit rire mais aussitôt je fond en larme je rirais plus jamais plus jamais je rirais sans pleurer juste après c'est fini
je n'ai plus de sanglot je suis trop épuisée je crois j'ai trop mal j'ai juste des nausées régulières
je marche en état second je n'arrive pas à penser c'est déjà un effort impossible d'empêche les larmes de couler ma mère parle parle parle et elle doit raccrocher pour aller travailler elle me rappelle ce soir j'arrive chez richard je sais pas comment je monte les étages je sais pas comment il ouvre la porte je m'effondre dans ses bras je pleure je pleure vraiment et je sens que ça me fait du bien
konsstrukt
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Message par konsstrukt »

je me réveille les yeux gonflés de larmes et de sommeil
la gorge bloquée par la douleur
j'ai envie de tousser
j'ai les temps qui battent
j'ai l'impression que ça fait un an que je suis dans cet état
ça fait une semaine en vrai
j'ai du mal à me dire ça
une semaine
une semaine que cyril est mort
j'ai vu son corps une dernière fois
j'ai vu le cercueil
mon père ma mère mes amis m'ont soutenu aidé
j'ai vu la terre les employés municipaux
j'ai tout vu
il n'y a plus cyril
je me tourne d'un côté de l'autre non aucun doute sur le canapé il n'y a que moi
je suis chez richard tout marque sa présence moi je ne peux pas retourner chez moi chez nous non chez moi maintenant non chez personne plus personne ne peut y habiter pas moi en tout cas
j'ai envie de sortir
ça fait combien de temps que je ne suis pas sortie
quand je vois la fenêtre je me demande si c'est douloureux de se jeter à travers quand je mange je regarde le couteau avec envie que je fais la vaisselle je pense au chauffe-eau à gaz le reste du temps médicament corde tout me vient à l'esprit mais je ne fais rien je suis juste prisonnière de l'apathie et de l'incompréhension cette fille cette fille qu'il a agressé il me trompait avec il me trompait depuis combien de temps ça n'a aucune importance il est devenu comme fou ils disent les policiers il est devenu comme fou et l'a tapée sans raison la fille elle n'est pas venue à l'enterrement je n'aurais pas pu la voir depuis combien de temps il la connaissait d'après les policiers juste cette soirée normalement je devrais pas savoir ça ces détails mais ils ont été gentils tout le monde est gentil les policiers papa maman richard tous les amis de cyril les miens tout le monde est gentil et moi je suis bonne à rien je suis même pas capable de les remercier
je suis seule dans la maison richard est parti à la fac ma mère est retournée chez elle mon père est retourné chez lui
cyril est mort est mort est mort mort mort mort mort mort
j'essaie de briser la boucle je la chasse pas
mortmortmortmortmortmortmortmort
elle se superpose
mortmort
juste au reste
mortmortmortmort
au reste de mes pensées
mortmortmort
mort
au reste
mortmort
au reste de mes
mortmortmortmortmort
au reste
mortmort
aumortmortrestemortmort
mortmortmort
pensées
de mes
mortmort
pensées
mort
de mes pensées

j'ouvre les yeux
ils sont moins gonflés
richard m'a laissé un mot
je le lis
salut
je pars bosser poulette
si tu as envie de sortir rejoins-moi au bar devant la fac j'y serais vers midi et demie
je t'embrasse poulette
richard
je regard le mot en souriant
des larmes me montent aux yeux
le matin c'était moi qui laissait des mots à cyril
souvent
c'est fini maintenant
je refoule les larmes
elles se contractent dans tout mon crâne et ça fait une boule dans ma gorge
je mets la télé
ça m'aide à pas trop penser
je bloque un moment
j'ai des larmes à chaque fois que quelque chose me rappelle cyril
tout me rappelle cyril
j'ai des larmes tout le temps
il est presque midi
je débloque
j'éteins la télé
j'y vois brouillé à cause des larmes
j'ai l'impression que ça fait un mois que je pleure sans discontinuer
en fait c'est presque ça
ça fait combien de temps que je suis pas sortie
je me demande
des jours et des jours
il doit en avoir marre de moi
il me le montre pas pourtant
il me fait à manger
il me borde
il me fait des câlins
il essaie de me redonner le moral
je l'adore
je veux pas m'imposer
je me sens en trop là
je l'empêche de travailler moi ça fait combien de temps que j'ai pas travaillé
mes exams c'est foutu
je m'en fous
je suis sous la douche
j'aime pas mon corps
cyril m'aimait
il aimait mon corps
pourquoi il a été avec cette fille
pourquoi il l'a tapée
je comprends pas
je pleure encore
je pleure
je pleure ça se mélange à l'eau de la douche
je sors je me sèche
je m'habille
oui richard est vraiment gentil
les autres aussi tous ceux qui viennent me voir je les aime j'ai tellement peur de les décevoir qu'ils en aient marre de me voir triste alors qu'ils font tout pour me consoler qu'ils m'aident à travailler un peu pour pas perdre complêtement pied qu'ils m'aident à penser à autre chose et moi j'y arrive pas je veux pas qu'ils se lassent me laissent m'abandonnent je veux pas rester toute seule j'ai besoin d'eux tellement besoin d'eux je veux pas qu'ils partent
je sors
dehors c'est le printemmps
les rues sont pleines de gens
il y en a qui se tiennent par la main
je les vois se tenir par la main comme si leur vie en dépandait

je sors
dehors c'est le printemmps
les rues sont pleines de gens
il y en a qui se tiennent par la main
je les vois se tenir par la main comme si leur vie en dépandait
je les vois s'embrasser et j'ai envie de pleurer
mais j'arrive à ne pas pleurer
le printemps me rend triste cyril le printemps c'est terminé
je marche dans les rues pleines de soleil et de gens
il y a un mois cyril était avec moi et il neigeait
on a fait une bataille de boules de neiges et je me suis réfugiée dans une cabine téléphonique pour rouler un pétard et cyril était tout contre moi et m'embrassait les cheveux et le pétard était dur à rouler parce que j'avais les mains mouillées et engourdies par le froid
je m'essuie les yeux d'un geste machinal
je pleure
et puis ça cesse
c'est tout le temps comme ça
je pleure et puis ça cesse
dans la rue les gens rient ils sont en tee shirt pour les plus enthousiastes
je longe un parc qui était plein de neige il y a un mois maintenant il y a des garçons et des filles sur les pelouses qui boivent mangent lisent parlent jouent de la guitare du djembé font de la capoéra jouent au ballon et moi j'aurais pu être là avec eux avec cyril avec des amis j'aurais pu y être je n'y suis pas cyril n'y sera plus jamais plus jamais plus jamais
je n'essuie pas mes larmes
ma vision se brouille
je nous imagine dans le parc comme l'an dernier allongé en plein soleil la belle lumière du printemps mais encore un peu de fraîcheur une bouteille de coca cola pour nous deux et des gâteaux n'importe lesquels et on se câline et on s'embrasse comme l'an dernier je pleure je pleure mon dieu ho mon dieu qu'il me manque
je m'essuie je dépasse le parc
je marche comme un robot
des gens me regardent je dois avoir une tête à faire peur
le longe une avenue bordée de cafés
ils sont tous sortis les terrasses
c'est toute une fête quand les terrasses sont de sortie c'est la fin de l'hiver tout le monde est content et sirote un demi en terrasse en discutant ou en lisant un bouquin et je les vois je les vois tous en remontant l'avenue et j'en peux plus de les voir merde j'en peux plus d'être triste que tout me rappelle ce que j'ai perdu que tous ils sont heureux et moi je n'ai plus rien plus rien du tout j'en ai marre marre marre
je m'adosse contre un mur j'ai un spasme et un autre et un autre
j'ai juste le temps de me dire et c'est parti pour la crise de sanglots connasse
et c'est parti
je n'en peux plus je suis secoué dans tous les sens mon estomac se soulève personne n'ose me dire quoi que se soit de toute façon je pourrais pas entendre
je suis secouée de sanglots je fais des bruits de gorge comme si j'allais vomir j'en peux plus j'en peux plus j'en peux plus les larmes me coulent partout elle gouttent de mon visage sur mes mais je bave ça coule de partout mes yeux ma bouche mon nez j'en peux plus je veux juste que tout s'arrête que tout s'arrête reparte comme avant
les sanglots me secouent me traversent ma tête va éclater et ça reflue lentement par saccades ça s'arrête ça fait mine de repartir et me laisse à fin pantelante ruisselante de larmes de morve de tout
j'ai le souffle court les yeux le crâne la gorge les reins douloureux
je suis tellement tellement fatiguée
je sens mes yeux lourds mes cernes
je sens mon corps épuisé
je reste adossée au mur
je n'en peux plus je n'en peux vraiment plus
je recommence à marcher il ne faut pas que je fasse attendre richard trop longtemps

ça y'est c'est terminé
je rends la dernière copie du dernier exam de la dernière uv
je remonte l'amphi
je sors dans le soleil
et maintenant je fais quoi
un mois que je ne pense à rien
ce mois me retombe sur la gueule
un mois à pas penser à cyril pas le temps pas l'énergie
que le boulot
et tout ce mois me tombe sur la gueule en dix minutes
je suis là en plein soleil tout le monde parle autour de moi me parle même et je réponds je m'entends rire mais je suis foudroyée je comprends plus rien j'entends on va boire un coup je dis un truc je dis il faut que je passe chez moi on prend rendez-vous grosse teuf quelque part ce soir il faut téléphoner à émilie je m'en souviendrai je les quitte
je rentre toute seule
je me sens complêtement vide
je me sens complêtement perdue
je n'ai plus envie de pleurer tout le temps
mais je suis triste je suis tout le temps triste
je suite triste quand je me lève le matin je suis triste quand je mange je suis triste quand je travaille je suis triste quand je suis seule triste quand je suis avec des gens triste quand je m'endors la nuit des fois je suis avec cyril et je ne suis plus triste mais je me réveille et il n'est plus là et je pleure
je pleure le matin en me levant et je pleure le soir avant de m'endormir
et le soir quand je n'arrive pas à dormir
il y a eu deux semaines où j'ai fumé du shit comme une malade
maintenant ça va
fumé juste pour dormir mais là c'est fini
je dors de mieux en mieux
j'arrive à l'appart
j'occupe une chambre dans une collocation
ça dépannait quelqu'un
ça me dépanne moi
richard en avait marre sans doute
je m'allonge sur le lit
le lit à une place et j'ai le ventre qui se tord comme à chaque fois
je ferme les yeux
je pense à cyril
je me réveille sans me rendre compte que je m'étais endormie
la fête
j'ai fait plein de rêves bizarres
cyril
je peux plus lui raconter mes rêves
des fois ça l'agaçait
j'ai les yeux qui se remplissent de larmes
je peux plus lui raconter mes rêves
les larmes s'accumulent et roulent doucement
il faut que je me change
je me change en pleurant
j'espère que la fête va me changer les idées
j'oublie mes rêves
je n'oublie pas cyril

je suis en retard
monoprix est fermé
je passe à l'épicerie acheter quelques bières
mon dieu ça fait trois mois que cyril n'est plus là
je paie les bières le vendeur me fait un sourire je lui souris j'ai encore les yeux rouges j'en suis sûre
je pleure plus aussi souvent qu'avant ça va mieux
ils ont arrêté de parler tout le temps de cyril
ça aussi ça m'a fait du bien
il y a des moments où j'arrive un peu à penser à autre chose
il faut que je me force à penser à autre chose
souvent j'y arrive
ce soir j'ai intéret à me bourrer la gueule
je marche vite
les bouteilles tintent
le plus dur c'est de faire toute seule ce qu'on faisait à deux
la fête les courses
trois mois qu'il n'est plus là déjà
il faut que je parte en vacances pour tourner la page
les bouteilles tintent dans le sac à chaque pas
cyril voulait toujours tout porter
il ralait souvent parce que je marchais pas assez vite
c'est vrai que je marche pas vite
les bouteilles tintent il aimait bien ça aussi
je fais des efforts pour ne pas pleurer
des fois j'ai les yeux qui se brouillent
une boule au ventre et dans la gorge
je dois déglutir et serrer les dents jusqu'à ce que ça passe
mais je n'éclate pas en sanglots
je ne pleure même pas
je dois juste m'essuyer les yeux deux ou trois fois
je fais attention à ne pas répendre mon maquillage
je marche perdue dans mes pensées
je pense à cyril et j'essaie de ne pas avoir tout le temps envie de pleurer en pensant à lui
je me fond dans le tintemement des bouteilles le rythme se cale sur mes pas c'est régulier et apaisant
à force j'arrive à l'appart où se déroule la fête
j'ai les yeux secs je suis presque bien
j'entends la musique depuis la rue
il y a plein de vélos garés
c'est la fête de fin des exams
ça va être plein de monde
pour une fois je me sens pas complêtement triste
pas complêtement heureuse non plus
juste un peu
mais c'est déjà ça
konsstrukt
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Message par konsstrukt »

je sonne trois fois et enfin on ouvre la porte
c'est aurélie
on se fait la bise
elle est déjà à moitié bourrée
je rentre
il faut chaud
je pose mes affaires dans une chambre
musique kitsch comme j'adore et cyril détestait enfin aimait bien détester
je pose les bières à la cuisine
je cherche richard des yeux
je dis bonjour à des tas de gens
des tas de bises
j'ai déjà trop chaud
j'abandonne mon pull sur un canapé
je prends un verre de bière que je bois d'un trait
je me sers une vodka pure que je bois d'un trait
j'entends le rire de richard
on s'embrasse
il me sert une bière
celle-là je vais la boire moins vite
viens on va danser il me dit
il a la super pêche et ça me redonne de l'énergie
finalement je descend mon verre d'un coup et je vais danser
immédiatement j'ai la tête qui tourne la vodka monte d'un coup et me tape le cerveau
je suis morte de chaud
je rigole et ça fait du bien
j'ai l'impression que ça fait trois mois que je me suis pas marré
en même temps je me sens coupable
je saute partout
je danse bien je m'aime bien ce soir
je suis bourrée
j'en reviens pas comme je me suis vite bourrée la gueule
je danse
je chasse la culpabilité
je me dis mais ça fait trois mois que tout le monde me le dit que cyril n'aurait pas voulu que je cesse de vivre au contraire
je me dis que ce qu'il aimait chez moi c'est ma vitalité
faut pas que je perde ça
je pense de façon confuse tout se mélange les pensées les bavardages la danse l'alcool tout tourne partout sauf ma tête dans ma tête ça va bien et je passe une bonne soirée
j'ai perdu de vue richard je parle avec d'autres filles personne ne parle de cyril et c'est tant mieux on dirait que la pitié c'est fini
tant mieux
ça veut dire que je suis plus du côté des morts
que je suis avec les vivants
mon dieu je suis bourrée
faut être bourrée pour dire des trucs pareils
penser pas dire
j'ai rien dit je crois
je me sers une quatrième vodka et je retourne danser
je crie des trucs
une copine me rejoint
je lui dis on danse comme des salopes ?
elle rigole et elle dit ok
et on danse comme des salopes et richard nous rejoints et lui aussi danse comme une salope autour de nous ça fait comme un cercle tout le monde rigole et est subjugué et au bout d'un moment je fatigue un peu je vais me resservir une vodka et je vais à la cuisine bavarder un peu


à un moment je suis dans la salle de bain je parle avec un type que je connais à peine
je l'ai déjà croisé à la fac une fois ou deux mais c'est tout
c'est le nouveau mec d'aurélie à ce que je crois comprendre
je suis complêtement bourrée je comprends à moitié ce qu'il me dit
à un moment je dis que la lumière est trop forte
je crois que je lui coupe la parôle parce qu'il est surpris
je lui attends je reviens
je me casse
je lui dis encore sur le pas de la porte je reviens hein
il me sourit les yeux explosés par l'alcool
je reviens avec une bouteille de soixante-quinze centilitres de kro
j'éteins le plafonnier et j'allume le petit néon au dessus du lavabo
je décapscule la bière avec mon briquet et on se la passe
je l'écoute me parler je m'endors à moitié et je me réveille par sursauts quand il hausse le ton tout dans son histoire
je dérive
mes pensées sont molles et vagues
il me parlent de sa copine qui est mort
ça fait un peu tilt dans ma tête
je bois une large rasade de kro
il me parle et j'écoute à moitié prise par ma redescente par l'envie de me rebourrer la gueule par la pénombre qui m'endort un peu par la peur de gerber je lui tends la bouteille régulièrement mais tout à son histoire il la prend pas alors je picole je picole je picole bientôt elle est finie et lui il pleure et là tout s'enchaîne super vite je sais pas trop comment sa langue est dans ma bouche et j'ai sorti sa bite et je le branle doucement il a une belle bite et d'un coup j'ai follement envie de lui j'esquisse un geste pour fermer le verrou il comprend pas il dit non t'en va pas je lui souris je ferme le verrou on baise par terre sur le tapis de bain il a super du mal à bander je le suce pour l'emmener à point et ça me fait du bien de le sentir me pénétrer me toucher me caresser les seins ça me fait du bien j'ai envie de pleurer lui il pleure un peu à cause de sa copine qui est morte moi je pense à cyril à la fille qu'il a aggressé à je l'aime encore et au lieu de me couper l'envie ça la décuple et je me rends compte je suis en train de venir de venir de venir ho putain c'est bon je l'aggrippe dans le dos je le griffe il gémit il me lèche le cou et l'oreille je me mords la main pour pas gueuler je jouis je jouis c'est une vague courte et violente qui me ravage d'un coup et me laisse calme et épuisée et lui il est toujours là sa bite bien dure il me ramone mais je suis un peu inerte il se retire un peu triste je lui dis attend je le branle doucement et puis plus vite je lui souris je lui demande c'est bon il me dit oui merci c'est bizarre ce merci je lui masse les couilles il a les couilles molles on va avoir du mal mais il continue à bander et à apprécier on dirait et puis ses couilles durcissent je me dis tant mieux je change de main pour le branler j'en ai un peu marre j'ai envie de me poser limite de vomir je le sens qui vient je dirige la bite vers le fond de la baignoire il jouit pas grand chose mais il grogne il a l'air content je lui caresse encore un peu le bout du gland je l'embrasse sur le nombril et je me relève pour me laver les mains lui il utilise la douche pour se nettoyer un peu on réajuste nos vêtements on se regarde en souriant il y a un léger malaise mais il se dissipe vite qu'est-ce qu'on est con je dis en rigolant et lui il rigole aussi je lui dis que ça m'a fait du bien qu'il n'y a pas de quoi en faire une montagne et que je suis bourrée et que lui aussi mais lui il culpabilise à cause d'aurélie tu veux que je lui parle ? non non ça compliquerait les choses c'est moi qui vais lui dire je lui dirais que j'étais bourré et là c'est moi qui culpabilise aurélie c'est quand même une bonne copine à moi et je voudrais pas qu'elle le prenne mal finalement on sort de la salle de bain moi tout remonte d'un coup et je vais vomir et après ça va mieux tout ça la discussion sa copine morte la baise s'embrume la mémoire se fracture un peu et je me dis qu'il me faut de la bière je vais à la cuisine chercher de la bière je crois richard je lui dis prends de la bière il faut que je te raconte un truc je suis hilare il est content de me voir comme ça

il n'y a plus de bière
on écume la cuisine à la recherche que quelque chose à boire
il n'y a plus grand monde
la musique du salon est plus calme
la fête touche à sa fin
moi je me sens bien
épuisée mais bien
on trouve un vieux fond de vin rouge qu'on se partage à la bouteille
je lui raconte mon histoire avec le copain d'aurélie
richard est mort de rire
il est content que j'aille mieux
il me traite de catin et j'aime bien
je lui souris et des larmes me viennent aux yeux
je suis encore bourrée finalement et je m'en rends compte
je deviens incontrolabelement lyrique
je lui déborde toute mon amitié et que sans lui je me serais foutue par la fenêtre et que j'oublierai jamais je lui fais des câlins il est content dans mon empressement je fous du vin partout là il fait un peu la gueule mais ça va mes gestes sont flous ma voix flottante je suis bien bourrée en fait je me rappelle que j'ai vomi et ça me fait marrer on se marre et c'est bon on dit plein de conneries et on finir par parler de cyril et ça me fait beaucoup de bien d'en parler comme ça sans excès sans sanglots je pleure bien sûr je pleure mais je pleure normalement juste des larme qui roulent pas de crise pas d'épuisement à être triste juste des lamres de la tristesse sourde on évoque des souvenirs lui aussi il pleure un peu on se console au bout d'un moment on se rend compte qu'on est seul dans l'appart il reste personne au salon juste un mot
on est parti se coucher claquez la porte en sortant merci d'être passés
bisous
aurélie et julien
je comprends un peu en retard que julien c'est le mec avec qui j'ai baisé à la salle de bain
aussitôt le flippe merde je dis à richard elle veut plus me voir elle attend que je parte merde merde
richard me dit parle moins fort tout l'immeuble t'entend
je rougis il rigole il me prend par l'épaule m'explique que mais non elle a juste sommeil
et si j'allais lui expliquer maintenant ?
nonononon c'est pas une bonne idée tu lui téléphoneras demain allez viens on les laisse dormir
je peux lui écrire une lettre non ou un mot ?
nononon tu feras ça à tête reposée
je fais ma lourde pendant un petit moment et lui me convainc avec de moins en moins de patience alors qu'on est à deux doigts de s'engueuler lui de me planter là et moi de me demander quoi foutre toute seul ici je lache l'affaire et vais chercher mon pull mon manteau et mon sac dans l'escalier je lui dis pardon je suis bourrée et parano tu dois en avoir marre de moi pardon pardon on se fait encore un calin dans l'escalier et il me dit mais non mais non je lui demande si je peux dormir chez lui il me répond oui mais demain je me lève tôt

je me réveille j'ai la gueule de bois
la soirée me revient par bribes sous la douche
je lis le mot de richard il me dit rentrer ce soir
je me recouche
doliprane
l'après midi se passe de façon fragmentaire
vaseuse
sieste
réveil collant
encore une douche
café
encore un doliprane
je vais mieux vers dix-huit heures
la soirée d'hier par bouts par scènes isolées
julien surtout
est-ce que c'est la merde
non bof pas trop
on peut pas dire pas vraiment
faudrait téléphoner à aurélie
s'excuser
bourrée tout
j'y vois plus clair
cyril me manque horriblement
je pourrais jamais m'en détacher
pas la peine de faire semblant
il faut que je parte
en vacances me refaire une santé
chez ma mère
non pas chez ma mère
chez qui
non chez personne
ne voir personne juste refaire surface
tranquille
juste ça
je me rends compte que je suis en train de prendre une décision par moi-même
c'est la première fois depuis trois mois
je me suis fait piloter pendant trois mois
je prends une décision là
ça me fait du bien
je suis contente de moi
je rentre chez moi avant que richard ne revienne
je lui laisse un mot
merci pour tout et désolée d'avoir été aussi chiante hier soir
avec un petit coeur
c'est vraiment mon meilleur ami
et à cette pensée je souris et j'ai presque les larmes aux yeux
je sors

chez moi il n'y a personne non plus
si ça se trouve ils sont tous partis en vacances
tant mieux
j'interroge ma banque il me reste mille euros plus l'argent que mes parents vont me filer au début du mois prochain c'est cool
j'écris une lettre pour mes collocs
je fais mes valises
j'écris une lettre pour richard
j'ai juste un sac je ne veux pas prendre trop d'affaires
je marche jusqu'à la gare
par chance je croise personne
il est sept heures du soir mais il fait encore jour
une lumière une chaleur à crever
ça relance ma gueule de bois
j'aurais du prendre encore une douche
arrivé à la gare je suis trempée de sueur
j'ai envie d'une cigarette
d'un jus d'orange
j'en peux plus
je vais d'abord aux guichet prendre mon billet
là je me rends compte que je sais pas du tout où aller
je me dis lyon tiens va pour lyon
la première fois que j'y suis allé c'est avec cyril
je n'ai pas de larme qui me viennent aux yeux en pensant à cyril
une immence tristesse et un amour immence
mais c'est plus contradictoire je peux avoir les deux
je suis presque bien vraiment presque bien
je prends un aller pour lyon le prochain train est dans quarante-cinq minutes je paie avec ma carte bleue ça me laisse un peu de temps
je vais à une terrasse de bar je commande un jus d'orange et j'achète un paquet de marlboro je me dis que je suis super conne il y a un tabac à cent mètres mais là j'en peux plus j'ai juste envie d'être assise que le sac arrête de me cisailler l'épaule et boire un jus d'orange ou même deux
siroter mon jus d'orange m'ouvre l'appêtit
je termine vite de le boire je paie je passe à la superette de la gare acheter deux sandwiches club et une brique de jus d'orange pour le trajet et puis au relay acheter quelques magazines
il est temps de monter sur le quai
coup de chance je n'ai pas trop de mal à trouver une place
pendant que le train démarre j'envoie des textos à tout le monde pour leur dire que je suis parti en vacances que je reviens dans trois semaines que j'ai besoin d'être seule tranquille pour faire le point textos pour richard à lui je précise que je lui ai écrit une lettre ma mère mon père un ou deux personnes encore ma mère me téléphone aussitôt je coupe court mais elle s'accroche enfin on finit par se dire au revoir entretemps deux messages un de mon père un de richard je rappelle mon père conversation plus rapide il n'a pas l'air de s'inquiéter ma mère elle elle flippe on se dit au revoir je rappelle richard on discute jusqu'à ce que j'ai plus de batterie on a pas le temps de se dire au revoir ça me rend un peu triste
je reste un moment mélancolique la tête posée contre la vitre à regarder le paysage défiler à toute vitesse la campagne le soir qui tombe la fraîcheur de la vitre contre mon front là où ma tête est appuyée et l'air froid chassé sous la fenêtre qui vient dans mon cou et sur mes joues
je m'endors presque bercé par l'air et le bruit régulier du corail il fait presque nuit quand j'ai vraiment faim premier contrôle les veilleuses du couloir central s'allument j'allume la lumière au-dessus de mon siège je mange en buvant du jus d'orange et en lisant des magazines à la con qui montrent brad pitt à la plage
konsstrukt
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Message par konsstrukt »

je sors de la gare de la part dieu à deux heures du matin
le vent achève de me réveiller
je papillonne des yeux
la gare est presque vide
je suis sur le parking je sais pas où aller
je me dis que je suis un peu conne
les gens qui sont sortis en même temps que moi finissent de se disperser
je marche jusqu'à un taxi
il ouvre la portière et me prends mon sac
bonsoir ma ptite demoiselle
il a l'air joyeux
je lui demande de me trouver un hôtel pas trop cher
je me laisse aller sur le siège
j'ai froid à cause du sommeil
je m'assoupis un peu
il me réveille quand on est arrivé
je le paie
je sonne à l'hôtel
quelques actions en état second
je m'affale dans le lit
j'ai une boule au ventre
cyril aimait les hôtels
il adorait faire l'amour dans les hôtels j'ai jamais compris pourquoi
on a pas eu le temps de le faire souvent
j'ai les yeux humides
le sommeil prend tranquillement le dessus
j'ouvre les yeux
j'ai du jour sur le visage
j'ai la bouche pâteuse
je regarde dans mon sac s'il reste du jus d'orange
juste une gorgée tiède
mieux que rien
une douche et ça va mieux

dans la journée je suis au dessus d'un pont et une impulsion bizarre me saisit j'y résiste une seconde et puis plus du tout je suspend mes clefs au dessus du rhone les gens passent s'en foutent je me dis et si et si et je lache mes clefs un petit plif à peine audible je n'ai plus de clef je prends le portable non pas le portable t'es trop conne je me défie de le faire ou de pas le faire je sais pas le portable entre mes doigts au dessus de l'eau les gens dans mon dos qui marchent et s'en foutent complêtement des gens sur la berge qui m'ont captée j'ai l'impression mais je m'en fiche j'entends rien non pas le portable y'a tout le monde dedans t'as aucun numéro noté nulle part je serre les doigts je le ramène ma main revient du bon côté du garde fou puis repart au dessus de l'eau je regarde l'eau j'ai les doigts serrés sur le portable éteint la recharge dans mon sac à l'hôtel mes doigts s'ouvrent comme desserrés par une force extérieure
il tombe mon coeur cesse de battre
plif
mon coeur cesse de battre
puis repart à grands coups dans la poitrine
je me sens bizarre
je m'éloigne du pont
je marche dans un état second
il y a un grand parc pas loin
je vais m'asseoir sur un banc
je regarde sans les voir les canards et les enfants nourrir les canards
j'ai le coeur qui bat trop vite trop fort mais ça finit par se calmer
je ne comprends pas pourquoi j'ai fait ça
et en même temps je suis plutôt heureuse de l'avoir fait
je comprends que je n'ai pas envie de rentrer à la maison
je ne sais pas quoi penser
la chaleur me fait du bien

je quitte la place bellecour
je marche le long d'une avenue sans savoir où elle mène
je longe différentes boutiques qui proposent de la nourriture à emporter
un kiosque à journaux avec des couvertures qui ne m'intéressent pas
je marche lentement
il fait jour il fait beau
mes bras sont nus
j'apprécie la lumière la chaleur douce
j'apprécie l'air sur la peau de mes bras et de mon visage
j'apprécie le rythme de mes pas
j'apprécie de ne pas avoir de téléphone portable
ma mère est rassurée
mon père est rassuré
richard est rassuré
ils savent où m'écrire
j'ai assez d'argent pour finir l'été ici à ne rien faire d'autre que marcher
me souvenir de cyril
penser à lui doucement
sans trop de tristesse
sans pleurer
j'apprécie tout ça
la lumière est belle
je m'arrête au milieu du pont et je regarde l'eau passer
je ne sais pas de quel fleuve il s'agit le rhone ou la saone
je regarde l'eau et les brillances du soleil sur les crètes minuscules des vaguelettes
je sors de ma contemplation je ne sais pas au juste combien de temps je suis restée perdue dans l'eau
je franchis la seconde moitié du pont
je croise un couple qui court à petites foulées en respirant comme il faut
j'ai un léger pincement au coeur en les voyant heureux et ensemble et faire ensemble des choses
j'arrive de l'autre côté du pont
je marche encore
je marche une dizaine de minutes dans une foule de plus en plus présente
il y a des cybercafés des magasins de téléphones portables des épiceries bazar
j'arrive sur une place où des vieux arabes en sandales parlent assis en groupes et où de jeunes arabes en survêtement parlent debout à la sortie du métro
il y a un mac donald pas loin et un attroupement devant
un supérette et un attroupement devant
je continue dans l'avenue qui part de la place
je marche sous les arbres
régulièrement je contourne des attroupements
des voitures passent de la musique s'échappe des fenêtre ouvertes
je tourne à droite et je m'engage dans des rues plus étroites et moins rectilignes
je marche un moment en regardant les vitrines les façades les portes
je trouve beau cet endroit
au bout d'un moment il je suis un peu fatiguée je trouve un petit jardin public
j'y entre je m'assieds sur un banc
je ne suis pas très à l'aise
j'ai l'impression de ne pas avoir le droit d'être là
des enfants jouent
je pose mon sac sur le banc à côté de moi
j'enfile un gilet
je regarde les enfants jouer
en face du parc il y a un gros immeuble
c'est une mairie de quartier qui fait aussi bibliothèque
ça me donne envie de lire
je farfouille dans mon sac
je me souviens pas si j'ai pensé à le prendre
oui
je sors l'édition de poche du pendule de foucault
c'était un des livres préférés de cyril moi j'ai jamais réussi à le lire
c'est drôle lui il avait jamais réussi à lire le nom de la rose
il l'avait commencé
je souris à ce souvenir
et puis j'ai envie de pleurer
j'ai les doigts crispés sur la couverture
le bruit des enfants me tire des pensées
j'ai les yeux humides
je les regarde jouer avec les yeux humides
vision brouillée je l'essuie
je sors la bouteille de mon sac je bois un coup d'eau tiède
je regarde la couverture du pendule de foucault
combien de fois je l'ai ouvert ce bouquin je me demande
c'est bizarre c'est le seul truc que j'ai gardé de cyril
tout le reste je l'ai donné jeté dispersé
je n'ai rien voulu garder sauf ça
c'est comme si cyril était là avec moi
il le lisait chaque année
il n'a pas terminé le nom de la rose
de nouveau les larmes montent
c'est pas une bonne idée le pendule de foucault
je le range
je respire un grand coup
je regarde encore les enfants qui s'éloignent pour crier et jouer ailleurs
je reste un moment sur le banc
le soleil se cache derrière un banc de nuages

je commence à me demander ce que je fais là
je suis entourée de gens que je ne connais pas et qui n'ont pas l'air intéressant
je suis assise tout près de la porte du couloir dès que quelqu'un passe je dois m'écarter je me sens mal à l'aise
je suis venu parce qu'un type m'a filé un flyer
sur le flyer il parlait d'une réunion d'information
d'un festival de film
j'ai voulu me changer les idées
le gars qui dirige la réunion est grand habillé à la mode un bouc les cheveux courts
il fait des allers retours à sa cuisine et en ramène des petites canettes de bière sans rien proposer à personne
il y a des filles qui prennent des notes
il est question d'un festival de courts métrages
ça ne présente aucun intéret
ils cherchent des volontaires
je n'ai aucune envie de m'inscrire
j'attends juste le moment de me tirer
un groupe arrive encore
trois ou quatre
non cinq
mélange de jeunes filles et de jeunes types
l'air asiatique
ils disent bonjours s'excusent du retard
tout le monde se pousse se tasse pour leur trouver une place
ils s'installent ça coupe un peu la réunion
ils posent des questions pour savoir où on en est
tout le monde leur répond un peu en même temps
je me dis que je pourrais tout aussi bien partir
je pense à toutes les conneries qu'aurait pu dire cyril
je ne peux me moquer d'eux avec personne maintenant
je me concentre sur la musique
une espèce de hip hop intello
du hip hop pour étudiant friqué je me dis
deux jeunes types se lèvent et s'excusent
ils ont un autre rendez-vous
ils prennent leur manteau ils serrent des mains
j'en profite
je me lève
je m'excuse aussi
c'est à peine si on me répond
je crois que ma présence ils s'en fichent
je ne connais personne
je me demande pourquoi je suis venue me mettre dans cette situation
je sors en même temps que les deux jeunes
ils parlent entre eux et ne m'accordent ni une parole ni un regard
je suis gênée
je dis encore au revoir comme pour m'enfoncer encore un peu plus
il me disent salut distraitement
ils appellent l'ascenseur
pas la peine d'en rajouter une couche je prends les escaliers
en descendant je me sens rouge et mal à l'aise
je me demande pourquoi je me suis infligée ça
du coup richard et les autres me manquent
en cet instant précis ils me manquent autant que cyril
et c'est réconfortant de savoir que eux
quand je veux
je peux les retrouver
je laisse rouler cette idée dans mon esprit
je quitte l'immeuble je me trouve dans une avenue anonyme assez loin de mon hôtel
je marche lentement dans une direction quelconque
je marche sans but en pensant à tout ce que j'ai laissé là-bas
à tout ce qu'ils vivent eux
à tout ce qu'on aura à se raconter
encore une fois je regrette d'avoir jeté mon téléphone portable
je lutte contre l'envie d'en acheter un autre
ça serait facile
et il suffirait d'appeler ma mère pour avoir le numéro de richard
et d'appeler richard pour les avoir tous les autres
je connais le numéro de ma mère par coeur
c'est le seul
non c'est pas le seul
celui de cyril aussi
j'ai envie d'appeler cyril
c'est idiot
je peux téléphoner d'une cabine avec ma carte bleue
j'entre dans la première cabine que je vois
j'introduis ma carte mon code le numéro de cyril
le numéro n'est pas attribué
j'espérais tomber sur sa messagerie entendre sa voix et fondre en larmes
au lieu de ça je suis frustrée et triste sans pouvoir pleurer
je sors de la cabine j'ai plus envie d'appeler personne
je marche lentement les pensées et les yeux brouillés par la tristesse
cyril me manque
sa main dans la mienne
sa façon de jamais réussir à s'accorder tout à fait à mon pas
les pauses pour se donner des bisous
il me manque
tout de lui me manque
j'arrive à un croisement

il est presque six heures
je viens de quitter l'hôtel
je suis propre mes vêtements sont propres je sens bon
mes cheveux sont encore mouillés de la douche
je suis assise sur le rebord d'une fontaine
je regarde l'opéra
les chouettes lumières rouges qui se mélangent à la lumière finissante
tout autour de la fontaine les skatteurs
devant l'opéra les jeunes en survet qui font du hip hop
qui breakent en écoutant du rap sur un poste à pile
qui interpellent les nanas qui passent à proximité
c'est bien d'être là et de regarder un peu tout
en face de l'opéra un bâtiment officiel et des flics impassibles qui le gardent et regardent en face d'eux les breakers tourner sur la tête
la bouche de métro tout le monde qui en sort qui y rentre
j'entends le bruit de la fontaine juste derrière moi
quand le vent se lève un instant ça fait comme des embrunts dans mon dos
j'entends aussi le clac des skates qui retombent au sol
les voix mêlées aux échos du hip hop
le flot de gens qui va vers les bars qui entourent la place qui entoure la fontaine
qui partent dans les rues qui montent vers le quartier des terreaux
qui vont en direction des quais chercher leur voiture
tout le monde se croise
c'est l'heure où tout le monde se croise
je ne suis pas la seule assise sur le rebord de la fontaine
il y a d'autres filles
elles attendent leur mec peut-être
ou une amie
je n'ai personne à attendre
aujourd'hui ça ne me rend pas triste
il y a deux heures je me suis fait draguer dans un bar
j'ai bien aimé
et puis cyril m'a manqué
d'un coup
violemment
ça m'a tordu l'estomac et j'ai pas pu
pas pu continuer
j'ai été pleurer aux toilettes
je suis revenu yeux rouge l'estomac en plomb
j'ai dit au type excuse-moi
j'ai dit des phrases à la con
j'avais qu'une envie être loin
je suis partie je pleurais encore
maintenant ça va
ça va bien
j'aimerais que cyril soit là
sa main
je pense toujours à sa main en premier c'est bizarre
je me lève
je vais aller en direction des terreaux
je vais trouver un endroit sympa pour bouffer
j'aime bien voir les gens vivre
voir la vie sans y participer
ça me fait du bien
toute seule j'aurais pas pu
dans ma chambre d'hôtel impossible un coup à se jeter par la fenêtre
avec les autres être restée avec les autres
je n'aurais pas pu non plus
participer
là c'est bien
tout voir
penser
ne rien dire
marcher et regarder
c'est bien

je me rends compte d'un coup qu'il n'y a plus assez de lumière pour lire et que j'ai froid
je me redresse
je me rends compte que au fur et à mesure du crépuscule je me suis penché sur le bouquin de plus en plus
je suis recroquevillée j'ai le dos qui grince j'ai les yeux qui piquent
je suis un peu dans le pâté
je regarde autour de moi c'est toujours bizarre les quelques secondes de redescente entre le bouquin et le réel
tiens il n'y a plus personne
je suis seule sur le banc et les autres banc sont vides
je suis au parc de la tête d'or
un frisson me parcours de haut en bas et remonte
je ramasse mon pull roulé en boule à côté de moi sur le banc je l'enfile la chair de poule de mes bras se calme
je m'étire
dans le mouvement le bouquin que j'avais oublié pendant un instant glisse de mes jambes et tombe par terre
merde
je me baisse pour le ramasser je le referme
je me redresse je m'étire encore
je n'ai ni faim ni sommeil
il est huit heures je crois
les lampadaires diffusent une lumière calme
je me sens bien
je ne me sens pas triste
j'ai presque envie de rentrer
je sens que le moment de rentrer est proche
là dans cette lumière j'ai l'impression que j'en ai fini avec le deuil
la nuit dernière je me suis encore réveillée en pleurs
j'ai encore rêvé de cyril
je me lève du banc je marche un peu dans la partie zoo du parc
il y a une girafe dans son bâtiment
le bâtiment est un énorme cube gris avec juste une fenêtre en haut et j'attends de voir la tête de la girafe
elle a pas l'air très heureuse
elle l'air stupide et triste et de voir ses yeux stupides et tristes ça me fait presque venir les larmes aux yeux
je poursuis ma promenade
je repense à des passages du livre
du pendule de foucault
ça aussi je suis contente je peux le lire sans pleurer je peux penser à cyril sans pleurer
là il me manque mais un manque doux
je sens presque sa présence sa main
je pense toujours à sa main c'est drole
pourtant on se tenait pas si souvent la main que ça c'est drole
je traverse un nuage de moucheron
ça sent pas très bon
des enclos vides et encore des enclos vides
il n'y a personne dans cette partie du parc
il n'y a presque pas d'animaux
je passe près d'une aire de jeu pour enfants
des bancs vides
un lampadaire diffuse une lumière déprimante
il y a un tobbogan un tape-cul et un tourniquet
de l'autre côté du chemin des petites baraques genre kiosque je me demande à quoi elles servent
je m'en approche
pas moyen d'entrer ni de regarder à l'intérieur
j'en fais le tour et je me lasse
je vais marcher sur le sol mou de l'aire de jeu
j'adore ces sols comme du goudron mais mou
la lumière est vraiment très déprimante
je m'éloigne
je quitte la partie boisée du parc
il y a plus de lumière vers la sortie
des gens sur les bancs
j'avance encore en direction de la sortie
je longe un chemin dégagé bordé de bancs où il y a des gens
un couple d'ado qui se roule des pelles
ça ne me rend pas triste
une dame qui parle à un bébé dans sa poussette
je ne vois pas le bébé mais je l'entends
je continue à marcher je longue le lac un moment des gens nourrissent des canards au loin sur ma droite la colline de fourvières lumières la basilique illuminée toujours aussi moche
le grand terrain herbeux avant la grille principale lumière plus crue des gens qui piqueniquent des gens qui jouent au ballon
il y quelques mois j'aurais pu moi aussi avec cyril
là déballer de la nourriture se dire des trucs couillons et tendres
ne pas penser à ça
je regarde les canards
je regarde la grille
je sors
ne pas penser à ça
j'avale ma salive
je n'ai pas faim
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