La coopération cachée par le débat

Désobéissances et micro-résistances.

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LLB
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La coopération cachée par le débat

Message par LLB »

Je viens sur la room partager l'excitation d'une lecture intéressante pendant un longue journée de surveillance d'examens, ambiance concentrée propice à la méditation et à l'assoupissement selon l'heure. J'avais amené avec moi les écrits politiques de Mauss : je suis fan de Marcel Mauss, le sociologue-anthropologue du début du siècle dont on dit en général "ah oui Mauss! le Don et le contre-don". Mauss c'est le type qui a écrit sur le don mais pas que ça. C'est quelqu'un que j'aurais aimé connaître, et après avoir lu ses bouquins, en bon fan, je lis les apocryphes, mélanges, papiers réunis par les amis dévoués etc. Car Mauss a été un formidable chercheur mais il n'a jamais fini sa thèse ni bouclé un livre proprement toujours des chantiers, des ébauches, des notes de lectures, des débuts, que ce soit dans les tranchées de 14 où il démarrait un ouvrage sur La Nation, ou dans son bureau.
J'ai soudain eu un flash en (re)lisant ce qu'il dit du mouvement coopératif au début du siècle. Il était proche de Jaurès, et très engagé dans le mouvement coopératif au point qu'il y voyait la possibilité d'un socialisme hors toute dictature du prolétariat et même hors toute explosion révolutionnaire : il participait à des coopératives, il animait des congrès de coopératives et quand la révolution russe a éclaté, il a compris que les soviets avaient cassé le mouvement coopératif et a été pessimiste d'emblée, il ne s'est pas fait des amis dans son camp politique. Tout ça pour dire qu'il développe énomément un thème complètement absent aujourd'hui de la réflexion politique et de la recherche : la coopération. Or, je me demande si notre focalisation obsessionnelle sur le débat comme modalité nécessaire à l'exercice de la citoyenneté, et à la bonne santé de la démocratie, n'est pas une manière d'étouffer par la pratique du discours la possibilité de penser autrement citoyenneté et démocratie : par la coopération organisée. D'ailleurs les accords commerciaux ALBA en Amérique Latine sont exactement basés là-dessus. Pour nous ce type de réflexion est pratiquement inconcevable au sens où on ne vit plus dans un univers de pratiques sociales partagées qui rendraient nécessaires et fluides la coopération organisée et ses implications. Je commence à considérer que l'extrême attention à la pratique du débat et de l'argumentation se construit sur une perte de la possibilité même de penser des pratiques coopératives à toutes les échelles de la vie sociale, jusqu'au plus haut niveau politique (ALBA encore). Ya quelque chose qui cloche là-dedans, j'y retourne immédiatement.....
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charlie
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Message par charlie »

Il y a un livre qui s'apellerait les écrits politiques ? Aurais-tu un livre à conseiller qui traite de la coopération ?
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LLB
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Message par LLB »

Ce sont les "Ecrits politiques de Marcel Mauss" réunis par Marcel Fournier et publiés chez Fayard. Mais ce sont des archives de toutes sortes, ça ne porte pas frontalement sur ce qu'il a fait dans le domaine de la coopération, par exemple un article de lui dans l'Humanité du 3 janvier 1905 "Mouvement coopératif, propagande coopérative" , ou un rapport du premier congrès international des coopératives socialistes, Paris 7 au 10 juillet 1900.
J'ai trouvé le texte d'intro de Fournier sur le web : http://classiques.uqac.ca/classiques/ma ... l_tdm.html


Fournier écrit ainsi : En 1896-97, Mauss adhère à une petite coopérative de production . En 1900, il est délégué de la Coopérative socialiste qu’il vient de fonder avec Jaurès au Ier congrès international des coopératives socialistes en 1890 et c’est même lui qui, d’après Fournier, a converti Jaurès à la coopération. « En mars 1900, il fonde avec Philippe Landrieu une petite société coopérative en s’inspirant des conceptions de la maison du Peuple de Bruxelles et du Voorult de Gand ». Cette expérience est néanmoins un relatif échec : la Coopérative socialiste, qu’on appelle aussi la Boulangerie, se fond en 1905 dans le Magasin de gros des coopérateurs de France. Mauss retire de cette expérience une connaissance pratique des difficultés des coopératives de production. Comme Mauss restera un théoricien engagé dans la pratique : il écrira dans L’action coopérative, participera à des congrès internationaux, sera membre jusqu’en 1925 de l’Office technique de la Fédération nationale des coopératives de consommation, en 1922 d’une commission de cette même Fédération portant sur les questions d’enseignement et du comité de rédaction de la Revue des études coopératives.
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drÖne
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Message par drÖne »

Au fait, par rapport à ton premier post et à notre discussion d'hier, LLB, je ne sais pas si tu insistes assez sur la distinction que je trouve très intéressante entre le débat d'idées et la coopération au sens de mise en commun de ressources matérielles. A mon avis, c'est là que réside l'opposition dont tu parles plus haut, dans la mesure où s'il est très facile d'instrumentaliser la parole (depuis la rhétorique des grecs, on en a une sacrée expérience...), il est moins facile d'instrumentaliser des des productions matérielles qui ont un "poids", une matérialité. La parole est déjà, par sa dimension syntactique, sujette à l'ordonnancement rationalisé qui caractérise toute manipulation du sens. Or, avec des objets, c'est pas aussi évident : le sens d'une coopérative repose dans des pratiques d'acteurs, et pas seulement dans leurs discours. C'est sans doute pour ça que le libéralisme, qui sait parfaitement manipuler même ses pires opposants pour intégrer leurs positions discursives dans sa propre idéologie, a tant intérêt à promouvoir le débat tout en pratiquant un véritable totalitarisme. En revanche, l'idée de coopération matérielle n'affleure plus vraiment dans le débat public démocratique, ce qui est peut-être un signe du danger potentiel qu'uje telle dmérche fait courir aux idées libérales.

A creuser, tout ça, car c'est bigrement intéressant : merci LLb d'avoir attiré notre attention sur ce thème !

+A+
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Message par LLB »

Je vois qu'il y un bouquin sur le mouvement coopératif, que je ne connaissais, pas, j'ai vu ça sur un site canadien

Mouvement coopératif
Ian MacPherson, Each For All (1979).
http://www.thecanadianencyclopedia.com/ ... RTf0001903
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Message par LLB »

Est-ce que je peux changer le titre du sujet : il prête complètement à confusion , ce n'est pas un débat contre la coopération, je voulais indiquer l'idée qui m'était venue hier : la coopération cachée par le débat
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Message par drÖne »

Modif effectuée. J'ai aussi déplacé le sujet dans "La convergence des récalcitrants", qui est plus adapté que "bla bla".

+A+
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Message par clone »

Bonjour.

Ma question sera spontanée car je viens de lire le topic.

Quand on me parle de coopération je pense tout de suite aux entreprises publiques ou privées de développement, rejetons des anciennes institutions coloniales.
Quand on me parle de coopérative, je pense par exemple aux AMAP.

Comme je ne vois pas de prime abord le lien, est-ce que vous pouvez m'éclairer ? ou alors dois-je relire le topic parceque j'ai loupé un truc ?

Bon je vais le relire...
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Message par drÖne »

Les AMAP je ne sais pas trop ce que c'est, mais en effet, la coopération dont on parle ici ne correspond pas au sens pris par les institutions de développement culturel ou économique international, comme quand on dit "faire sa coopé", ou le milieu des "coopérants". Ce qui nous intéresse ici, c'est le sens premier de "coopérer", à savoir "faire ensemble" sans enjeu de concurrence. Mais tu fais bien de poser la question car il s'agit de termes polysémiques.

+A+
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Message par clone »

Les AMAP (association pour le maintien d'une agriculture paysane) sont des coopératives ou des associations créees par des groupes de consommateurs (30 à 40 personnes) en collaboration avec un petit producteur ou un maraîcher qui fait de la polyculture non intensive. En règle général, le producteur est payé par l'association de manière prévisionnelle pour la production. Les gens mangent ainsi des produits frais de saison. Le producteur lui est assuré d'un revenu minimum qui lui évite de passer par la grande distribution qui l'obligerait evidemment à se lancer dans une grande exploitation de monoculture intensive et polluante.
Bon, les gens de l'association ne sont evidemment pas uniquement des consommateurs puisqu'en créant ce type de réseau, il s'engagent dans des démarches et des motivations qui impliquent d'autres mécanismes que ceux liés à l'agent.

alliancepec.free.fr (leur site bloque, un jour peut-être marchera-t-il de nouveau). Tu as un petit dossier qui avait été fait par attac :http://www.local.attac.org/attac83/arti ... article=26

Bon sur le plan fruits et légumes, quand j'étais à Strasbourg, on allait chercher nos paniers hebdomadaires. De beaux paniers de 2-3 personnes pour 5 euros. Bon et pas cher mais à condition de se contenter des productions de saison.


C'est vrai qu'en m'arretant sur le terme coopération, j'ai oublié sa définition première, l'action de coopérer. J'aurais dû ouvrir le dico...
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