((--00--)) a écrit :
ne soit pas plus utopistes que les pires utopistes:
Changer le monde c'est pas de notre ressort; la société est là (meme au dela de nos frontieres nationales) et nous ne pourrons jamais tout changer...(si??)
mais par contre il serait plus facile de remodeler certaines parties critiques en les axants sur le "Mieux" ou le "Bien" de tous... continuer ce qui est déjà fait en matiere d'activisme anonyme, avec ce que nous pourrions élaborer à coté ?
Oui, bien sûr, mais mon post concernait essentiellement la question de l'efficacité dans le domaine de la communication, ce qui est assez ciblé. Je pense que si dès le début de la réflexion, on commence à poser l'idée qu'on vise à être efficace avec des phrases et des images choc, alors il y a un problème dans les finalités qu'on se donne. Car ce type d'efficacité, c'est la pub, le marché, et la propagande qui l'ont toujours mise en oeuvre. Si on met en place le même type de pensée communicationnelle, alors c'est qu'on vise la construction du même monde. Il y a eu il y a quelques jours un sujet sur Arte (dans Trax) sur un groupe d'activistes qui "détourne" la communication publicitaire pour délivrer des messages alternatifs. A première vue, c'est séduisant, marrant, choc, provo. Mais en fait, ni cette esthétique ni cette démarche ne changent quoi que ce soit à la signification globale des messages diffusés : la pub ne fait que ça depuis toujours. Elle séduit, elle provoque, elle prétend interroger le social... y'a qu'à voir le discours du photographe de Benetton : il n'y a formellement aucune différence entre sa démarche et celle de ces activistes. Or, je reste persuadé que la forme "informe" comme on dit. Que la forme est un indice de ce qu'on croit, de ce qu'on vise, et de ceux qu'on vise, et même de la manière dont on s'adresse à un public.
D'une certaine manière, même les antipubs sont un peu à côté de la plaque quand ils se contentent d'asséner des slogans : le type de message qu'ils mettent alors en circulation, même si j'adhère au contenu de leur action, s'inscrit dans une clôture du sens (rhétorique du slogan, graphismes choc, affirmations péremptoires, etc.) qui est tout à fait comparable à celle de la pub.
A trop utiliser les armes de ses adversaires, je crois qu'on peut certes gagner quelques batailles, temporairement, ici ou là. Mais je suis persuadé qu'on ne peut que perdre la guerre dans sa totalité. En ce qui me concerne, je préfère choisir de prendre le contre-pied total de ce qui se fait en communication : là où la pub et les médias assène des slogans et des images choc, des phrases courtes et des idées simples, je préfère élaborer des discours complexes, interrogatifs, réflexifs, et longs. Si j'étais avec les anti-pubs, ce que je leur proposerais, ce serait de ne jamais mettre en circulation le moindre slogan, mais au contraire, d'élaborer des questions et de caviarder les affiches avec. Laisser le sens en suspens, là où la propagande ferme toute possibilité interprétative.
Elaborer un journaffiche ? Soit, mais si c'est pour mettre en forme un contenu en s'appuyant sur une rhétorique à la Paris Match, à quoi bon ? Autant aller vers l'original : Paris Match fait ça très bien, et en plus le contenu est plus adapté au "grand public" que ce qu'on cherche à dire, nous, qui n'intéressera jamais Mme Michu, sauf miracle, et ce quelque soit la rhétorique qu'on utilisera. Car Mme Michu, si elle vote Sarkozy ou Le Pen (ou PS, peu importe), c'est qu'elle a décidé que le monde ne devait pas changer, ou alors qu'il devait changer en pire (de notre point de vue). Et on ne la convaincra pas de changer en 3 phrases choc. A mon avis, on ne la convaincra avec aucune rhétorique. En revanche, on peut chercher à convaincre d'autres personnes, avec d'autres formes d'écriture : là, je suis résolument élittiste, j'en conviens, et ça revient à mener un travail d'argumentation ciblé en direction de publics pointus. Si j'en arrive à penser ça, c'est après avoir passé pas mal de temps dans la pub et après avoir bien réfléchi à tout ça : c'est pas une pose. Je crois très fermement qu'on n'a aucune chance de faire bouger les choses, à quelque niveau que ce soit, si on se contente de viser une efficacité communicationnelle destinée à ce fantasme qu'est le "grand public".
+A+