J'ai l'impression que ce n'est pas d'action collective dont nous avons besoin, c'est de cran et de foi pour dire non et prendre des positions là où nous sommes déjà, au quotidien, et ce n'est possible et supportable dans la durée que si nous avons des témoins et si notre non-action est reconnue par quelques personnes pour qui elle fait sens. Et si on était très nombreux à se reconnaître et faire alliance dans cette attitude, alors ce serait presque un plaisir que de passer pour des nuls et des décaléslà où nous sommes, dans des refus et des positions sans gloire, sans éclat révolutionnaire, sans vernis réthorique, sans esthétique politique.
merci de ces mots
c'est là où je me trouve en ce moment (je dirais pas comme ça mais j'y reconnais assz les lieux)
tu as raison : on doit admettre que nous ayons besoin de témoin (enfin, comme le dit ma psy(chanalyste), que vous vous adressiez tout de même à un autre ça dit bien que vous n'êtes pas tout à fait fou)
Alors après qu'on fasse tous ce constat du désert : ce qui est marant quand même quand on pense qu'au désert, c'est là qu'on fait retraite n'est-ce pas ? d'une certaine manière, j'y suis, au désert, et m'en suis jamais senti aussi bien. Mais ce n'est pas du même dont parle L'APPEL. Je reste un peu perplexe toutefois.
J'ai commencé par détester ce texte dröne, puis à l'apprécier vraiment. J'aime ces gens qui promettent des promesses qu'ils ne seront jamais en mesure de tenir (c'est le fondement de ma propre théorie du ratage (misfire) que je développerai peut-être peut-être pas peu importe, dont les concepts clés sont délicieusement et goulument empruntés à J.L. Austin, Lacan et Shoshana Felman)
Alors, à vous lire, le problème c'est jusqu'où renoncer ? Quand j'étais jeune (j'avais alors 16 ans) j'étais tombé amoureux d'un garçon (je suis moi-même un garçon mais à l'époque ma sexualité était encore très flottante), un garçon de mon age qui vivait dans la communauté de Lanza Del Vasto (près de Vence je crois). J'aurais plaqué les individus nommément ma "famille" pour l'y suivre chez le grand barbu poète : on y faisait surtout des travaux des champs, des trucs collectifs, je vous cause de ça c'était en 84, je sais pas ce que c'est devenu depuis la mort du gourou, mais j'y suis allé finalement, et pas resté longtemps.
De fait, je supporte pas assez les gens pour vivre en communauté et voyez vous quant au désir, je supporte pas qu'on prétende savoir à la place de l'autre ce qu'il désire.
C'est bien là le problème - que l'auteur de L'APPEL n'élude pas (et on doit l'admirer pour cette manière de ne justement rien éluder, quitte à ce que ça donne un peu de flou comme dit trsè justement notre majesté dictatoriale) :
J'ai eu la chance (je dis ça a posteriori) de vivre quelques temps en tant que patient dans un centre psychiatrique à la pointe du progrès - c'est-à-dire à l'anglo-saxonne d'aujourd'hui, dans une appréciation purement mécaniste du délire humain. Terrible : on y apprend en quelques semaines ce qui fait le nerf du monde que décrit la voix de L'APPEL : comment, au prétexte de vous aider à recouvrer la pleine mesure de vous-même, et soigner au passage votre "maladie", on vous met à genoux, on vous écrase sous le regard éteint mais vigilant du Grand Autre (comme disait l'autre). Bon. Rassurez vous je me suis fait virer au but de deux semaines parce que je devenais le psychanalyste de tout le monde, et qu'on me soupçonnait de fomenter une révolution autour du jaccuzzi (ce que je m'étais promis d'éviter pourtant).
Il est grand ce texte quand même. Je le suivrais pas dans sa révolution - j'ai d'autres trucs à faire, renoncer c'est un boulot à plein temps vous savez. Mais ça me paraît aussi bien vu que.. heu.. les bouquins de Houellebecq par exemple (je n'ai pas beaucoup d'autres exemples à vrai dire). Vous allez me tomber dessus ok. Mais c'est à lire comme de la SF et finalement il dit à peu près la même chose dans la possibilité d'une île (que ma psy m'a filé) : sauf qu'il y met un peu plus d'humour.
Je note au passage le petit paragraphe sur les sectes dans L'APPEL :
Pour un sectaire, avant tout, la vie est exactement ce qui peut se rendre adéquat à ce qu'une pensée reconnue comme vraie est à même d'exiger - à savoir, une certaine disposition à l'égard des choses et des événements du monde, une façon de ne pas perdre de vue ce qui importe.
Houellebecq dirait pas moins je crois.
Moi aussi mais je préfère fonder ma secte à moi seul et m'y tenir.
Après j'en reviens au point de départ, comme dit très honnêtement LLB : faut un témoin (et de préférence un qui puisse répondre, parce que le témoin tout à fait imaginaire ça ne suffit pas à vous garantir que vous n'avez pas sombré dans la paraphrénie)
Oui mais "se reconnaître", "porter témoignage" (ça sonne très "première communauté évangélique" ça), ça n'est pas la révolution.
C'est là que le texte de l'APPEL est à la fois insupportable et génial et raté : parce q'il est un appel justement.
Alors c'est très joli le partage, et aussi cette "grâce des lieux" et son appel récurrent à la "sensibilité" : et la preuve on pourrait s'entendre à peu près là dessus, mais ça n'empêcherait pas qu'il puisse se présenter quelqu'incompatibilité au niveau de nos désirs - et alors là, pour vivre ensemble vous comprenez.. il faudrait des règles pour assainir tout ça, un peu de sacrifice et à nouveau des jouissances sur lequelles il faudrait s'asseoir (l'auteur dit : "des joies (non-) différées"). Enfin je me fais pas d'illusion là dessus (suis moi-même une tête de noeud) : et de là à faire la révolution ensemble (ruiner l'empire, faire la guérilla - je reprends les mots de L'APPEL), ben il y aurait plus qu'un pas (et pour mi un abîme à franchir).
et là Dröne remet les choses à leur place :
Je veux dire que je me demande bien ce qu'il y a à faire en ce moment pour dénoncer l'état d'urgence en dehors de manifs bien classiques. Même chose si demain un fasciste comme Sarkozy arrivait au pouvoir, par exemple en faisant alliance avec le pen, ce qui n'est pas du tout improbable. Là, on devrait soit se taire et subir une dictature, soit fuir, soit entrer en visibilité et en action. Mais je vois mal comment réagir à ce type d'urgence dans le cadre d'une démarche "souterraine", même si celle ci me paraît nécessaire. Quoi qu'il en soit, vu que les actions liées au travail et à ses lieux sont encore structurées par les syndicats et par le centrage sur des corporations isolées les unes des autres, c'est bien d'une voie étroite et difficile qu'il s'agit quand on évoque la nécessité de ce travail de fond.
Une voie étroite, la petite voie des mystiques, des ste thérèse - laquelle fait moins de bruit que la grande voie de la théologie (ou de L'APPEL)
Comme quelqu'un (?) le note ici, Sarko a gagné onze points dans les sondages après le chaos des banlieues. Il est à 66% je crois.
Comme je vais boire mon café du matin au bar des sports, tous les matins, et comme j'y écoute ce qui se dit, ça me suprend pas du tout. Comme je suis pas arabe ou sénégalais, je peux boire mon café peinard (personne ne sait que je suis au rmi, les mecs me croient prof ou écrivain c'est une légende que j'ai fait circuler en arrivant ici - et pour séduire la fille de l'agence immobilière afin d'avoir le droit de louer un appartement).
je me dis comme ça que la précarité, c'est quand tu ne sais pas à quel moment les gens vont te jeter des pierres ou te lyncher (tu sais juste qu'il auraient toutes les raisons de le faire, d'où la stratégie : profil bas, l'air un peu psychotique rêveur, pas trop accessible, manquerait plus qu'on me paye un verre merde)
Au fait, certains ici ont lu du arno schmidt ? Notamment : Miroirs Noirs.
Lisez le : on dirait que ça a été écrit hier.
J'ai la flemme de me présenter et j'ai trop écrit bien sur.
Mais ça fait du bien de vous lire c'est ça que je voulais dire en fait.