une raison tout à fait sérieuse de devenir fou
Publié : 15 déc. 2005, 19:45
pourquoi j’ai peur de mon facteur
Il est adorable ce facteur avec sa casquette et son air affable, qu’il neige ou qu’il vente.
Toujours un petit mot gentil.
Mais voilà c’est bientôt Noël.
Et j’ai peur.
L’autre matin, il me salue dans la rue et me dit :
“Monsieur S., il va falloir que je passe vous voir, vous savez, pour le calendrier.”
Moi, stupide comme les vagabonds de Knut Hamsun :
“Mais bien entendu. N’hésitez pas à passer un de ces soirs.”
Mais
merde
Je n’ai plus un thune
je n’ai pas assez pour finir le mois
je me prive déjà de tout
si je fais semblant d’avoir oublié de payer la facture d’electricité ce mois-ci
(c’est-à-dire : si je ne la paye pas)
me restera juste assez pour me payer le tabac et le manger
et encore
et combien devrais-je lui donner pour ce calendrier (qui m’est parfaitement inutile) ?
5 euros ? plus ? Moins serait une insulte…
Tout à l’heure j’étais allongé dans la banquette en train de lire.
Et : j’entends sonner.
Personne ne sonne jamais chez moi, sauf le facteur au mois de décembre pour son histoire de calendrier.
Pétrifié d’angoisse je me cache sous mes couvertures (en plus il y a des dizines de bouteilles de vins vides disséminées à l’entrée, je voudrais pas qu’il voit ça)
je n’ouvre pas
Je reste là, caché, silencieux, retenant ma respiration, en priant qu’il n’entende rien : mais la lumière du salon est allumée, et il n’a pas manqué de l’apercevoir de la rue - les facteurs qui ont un calendrier à vendre sont particulièrement observateurs quand il s’agit de deviner si le lcient est là ou pas.
Mon dieu.
Au bout de quelques minutes (ressenties subectivement comme des heures), j’entends enfin ses pas dans l’escalier. J’attends encore un peu, environ dix minutes, pour être certain qu’il n’est pas là à guetter derrière la porte, ayant fait semblant de partir pour me coincer.
Plus rien, plus un bruit.
Je respire enfin.
mais je sais qu’il reviendra.
Demin il reviendra, et après-demain. Et je le croiserais encore dans la rue et que lui dire alors ? Lui dire que je suis au rmi ? Que je n’ai pas les moyens d’acheter son putain de calendrier ?
Croyez-vous qu’il est possible de devenir complètement fou à cause d’une histoire de calendrier ?
(sans compter que ce n’est pas rien symboliquement, un calendrier : ça vous replace dans le temps commun, le temps des gens qui travaillent, qui fêtent des choses, comme Noël - que je ne fêterai pas, pas plus qu’un autre jour, n’en ayant pas les moyens.)
Je le crois, j’en ai peur.
Il est adorable ce facteur avec sa casquette et son air affable, qu’il neige ou qu’il vente.
Toujours un petit mot gentil.
Mais voilà c’est bientôt Noël.
Et j’ai peur.
L’autre matin, il me salue dans la rue et me dit :
“Monsieur S., il va falloir que je passe vous voir, vous savez, pour le calendrier.”
Moi, stupide comme les vagabonds de Knut Hamsun :
“Mais bien entendu. N’hésitez pas à passer un de ces soirs.”
Mais
merde
Je n’ai plus un thune
je n’ai pas assez pour finir le mois
je me prive déjà de tout
si je fais semblant d’avoir oublié de payer la facture d’electricité ce mois-ci
(c’est-à-dire : si je ne la paye pas)
me restera juste assez pour me payer le tabac et le manger
et encore
et combien devrais-je lui donner pour ce calendrier (qui m’est parfaitement inutile) ?
5 euros ? plus ? Moins serait une insulte…
Tout à l’heure j’étais allongé dans la banquette en train de lire.
Et : j’entends sonner.
Personne ne sonne jamais chez moi, sauf le facteur au mois de décembre pour son histoire de calendrier.
Pétrifié d’angoisse je me cache sous mes couvertures (en plus il y a des dizines de bouteilles de vins vides disséminées à l’entrée, je voudrais pas qu’il voit ça)
je n’ouvre pas
Je reste là, caché, silencieux, retenant ma respiration, en priant qu’il n’entende rien : mais la lumière du salon est allumée, et il n’a pas manqué de l’apercevoir de la rue - les facteurs qui ont un calendrier à vendre sont particulièrement observateurs quand il s’agit de deviner si le lcient est là ou pas.
Mon dieu.
Au bout de quelques minutes (ressenties subectivement comme des heures), j’entends enfin ses pas dans l’escalier. J’attends encore un peu, environ dix minutes, pour être certain qu’il n’est pas là à guetter derrière la porte, ayant fait semblant de partir pour me coincer.
Plus rien, plus un bruit.
Je respire enfin.
mais je sais qu’il reviendra.
Demin il reviendra, et après-demain. Et je le croiserais encore dans la rue et que lui dire alors ? Lui dire que je suis au rmi ? Que je n’ai pas les moyens d’acheter son putain de calendrier ?
Croyez-vous qu’il est possible de devenir complètement fou à cause d’une histoire de calendrier ?
(sans compter que ce n’est pas rien symboliquement, un calendrier : ça vous replace dans le temps commun, le temps des gens qui travaillent, qui fêtent des choses, comme Noël - que je ne fêterai pas, pas plus qu’un autre jour, n’en ayant pas les moyens.)
Je le crois, j’en ai peur.