dernière lettre de mon arrière arrière grand père poilu.
Modérateur : drÖne
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dernière lettre de mon arrière arrière grand père poilu.
Ernest est mobilisé en tant que soldat de 2ème classe au 3ème régiment d'infanterie coloniale stationné à Rochefort - 6ème bataillon - 23ème compagnie - classe 1900 - 11ème région -Rappelé à l'active par décret de mobilisation générale du l er août 1914.
Afin qu’il ait un souvenir de sa famille, Adéline sa femme sage-femme lui adresse une photographie d’elle et de ses trois enfants. Ils s’écrivent presque tous les jours. Jamais Ernest ne se plaint, il est toujours inquiet pour sa femme et ses enfants chéris. Il est tué à l'ennemi le 28 février 1915 lors du combat de Beauséjour ; il avait 34 ans !
La veille de ce terrible combat il écrivait une lettre d’adieu à son épouse et à ses enfants, la voici :
"Dans les bois le jeudi 25 février 1915 à 4 h du soir.
Chère Adeline bien-aimée,
Je veux te tracer ces quelques lignes ce soir pour te dire que je suis en bonne santé et je désire que la présente vous trouve comme elle me quitte. Et encore non, car nous sommes à la veille de nous battre et on ne peut savoir ce qui se passera. Il faut tout prévoir même les plus grands malheurs, mais femme chérie et petits-enfants bien-aimés, je ne peux vous dire adieu mais je vous dis au revoir, j’ai confiance dans le Dieu de ma communion et dans la Vierge sa mère, vos prières seront exaucées et je vous retournerai sain et sauf.
Mais si j’écris en ces termes c’est que c’est un très mauvais moment qui va passer et je me maudirais de ne pas t’en prévenir. Je te sais très forte et très courageuse, alors je te dis tout ce que j’ai à te dire. Tu sais ce qui doit me tenir au cœur pour les personnes à qui nous devons de l’argent, mais pauvre femme tu feras ce que tu pourras au cas ou un malheur irréparable se produirait.
J’ai confiance en ta force de caractère et dans ton amour pour ne pas prendre les choses comme irréparables pendant les 5 ou 6 jours que tu seras sans recevoir de mes nouvelles. Peut être plus car si j’étais simplement que blessé, je ne pourrais t’écrire ou faire écrire aussitôt que je voudrais. Allons pauvre aimée je ne peux t’écrire plus longuement, tu sais ce que je pense en te traçant ces lignes.
Je veux maintenant vous presser dans mes bras le plus longuement possible et vous embrasser comme je vous aime ces chers petits et toi.
Tu embrasseras pour moi toute la famille sans exception. Je ne vous dis pas adieu mais au revoir.
Je vous embrasse encore des milles et des milles fois.
Ton Ernest."
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Afin qu’il ait un souvenir de sa famille, Adéline sa femme sage-femme lui adresse une photographie d’elle et de ses trois enfants. Ils s’écrivent presque tous les jours. Jamais Ernest ne se plaint, il est toujours inquiet pour sa femme et ses enfants chéris. Il est tué à l'ennemi le 28 février 1915 lors du combat de Beauséjour ; il avait 34 ans !
La veille de ce terrible combat il écrivait une lettre d’adieu à son épouse et à ses enfants, la voici :
"Dans les bois le jeudi 25 février 1915 à 4 h du soir.
Chère Adeline bien-aimée,
Je veux te tracer ces quelques lignes ce soir pour te dire que je suis en bonne santé et je désire que la présente vous trouve comme elle me quitte. Et encore non, car nous sommes à la veille de nous battre et on ne peut savoir ce qui se passera. Il faut tout prévoir même les plus grands malheurs, mais femme chérie et petits-enfants bien-aimés, je ne peux vous dire adieu mais je vous dis au revoir, j’ai confiance dans le Dieu de ma communion et dans la Vierge sa mère, vos prières seront exaucées et je vous retournerai sain et sauf.
Mais si j’écris en ces termes c’est que c’est un très mauvais moment qui va passer et je me maudirais de ne pas t’en prévenir. Je te sais très forte et très courageuse, alors je te dis tout ce que j’ai à te dire. Tu sais ce qui doit me tenir au cœur pour les personnes à qui nous devons de l’argent, mais pauvre femme tu feras ce que tu pourras au cas ou un malheur irréparable se produirait.
J’ai confiance en ta force de caractère et dans ton amour pour ne pas prendre les choses comme irréparables pendant les 5 ou 6 jours que tu seras sans recevoir de mes nouvelles. Peut être plus car si j’étais simplement que blessé, je ne pourrais t’écrire ou faire écrire aussitôt que je voudrais. Allons pauvre aimée je ne peux t’écrire plus longuement, tu sais ce que je pense en te traçant ces lignes.
Je veux maintenant vous presser dans mes bras le plus longuement possible et vous embrasser comme je vous aime ces chers petits et toi.
Tu embrasseras pour moi toute la famille sans exception. Je ne vous dis pas adieu mais au revoir.
Je vous embrasse encore des milles et des milles fois.
Ton Ernest."
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- djeunz of ze room
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Il faut croire que "le Dieu de ma communion et dans la Vierge sa mère" était en RTT ce jour là. Superbe lettre mais qui montre,une fois de plus, sans faire de pacivisme outrancier que même ceux qui croient partent quand même pour des conneries. Il faut dire que maintenant, comme il y a deux siècles, c'est encore mieux, des hommes meurent, non plus pour sauver leurs enfants mais pour sauver leur Dieu, celui-même qui les condamnent. Mourrir, je trouve cela déjà pénible, mais pour celui qui donna la vie, il y a quelque part une certaine ironie. Faut-il croire qu'il ne faut pas croire ???
- drÖne
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J'ai en tête une lettre de mon grand père, héro de 14-18 (et qui y a survécu). Je dis "héro" car il y a sa trombine pour hauts faits guerriers dans L'Illustration : il a pris une position à la baillonnette avec quelques uns de ses soldats, je crois que c'était une mitrailleuse en batterie, bref ça lui a valu une médaille. C'était pas un va-t-en-guerre, plutôt un intellectuel (membre du Front Populaire en 36, Franc Maçon, instituteur issu d'une lignée de "hussards de la République" remontant à Napoléon III, pour situer le bonhomme).
J'ai trouvé l'une de ses lettres d'avant la guerre de 14 dans un vieux tas de vieilles affaires chez mes parents. Il correspondait avec un ami à lui, allemand, également enseignant. Je ne me souviens plus du détail de sa lettre, mais je me rappelle d'un détail qui m'a frappé : il exprimait sa certitude que jamais la France et l'Allemagne ne se feraient la guerre car ces deux pays avaient trop de choses en commun, ou quelque chose comme ça. Il s'est pourtant retrouvé au front, sur le Chemin des Dames, peut-être face à son ami... Ensuite il a également fait 39-45...
Il croyait sans doute que la Raison l'emporterait. Croire, ne plus croire... on peut ne pas croire en Dieu (il était fermement athée car Franc Maçon), et croire en la Raison, et devoir participer à une boucherie inutile. Je suis fasciné par le fait qu'en 14-18, les soldats étaient armés et auraient pu retourner leurs armes contre leurs officiers pour arrêter la guerre. Ils ont été très peu nombreux à déserter ou à se rebeller (beaucoup ont été exécutés), et en dépit de la Révolution de 1917 en Russie, les ouvriers au front n'ont pas bronché à quelques exceptions près. Je ne sais pas si vous avez vu le film "Joyeux Noël" sur les fraternisations entre poilus français et soldats allemands à Noël 1914, dans le no man's land entre les tranchées : à la fois encourageant et terriblement pessimiste.
+A+
J'ai trouvé l'une de ses lettres d'avant la guerre de 14 dans un vieux tas de vieilles affaires chez mes parents. Il correspondait avec un ami à lui, allemand, également enseignant. Je ne me souviens plus du détail de sa lettre, mais je me rappelle d'un détail qui m'a frappé : il exprimait sa certitude que jamais la France et l'Allemagne ne se feraient la guerre car ces deux pays avaient trop de choses en commun, ou quelque chose comme ça. Il s'est pourtant retrouvé au front, sur le Chemin des Dames, peut-être face à son ami... Ensuite il a également fait 39-45...
Il croyait sans doute que la Raison l'emporterait. Croire, ne plus croire... on peut ne pas croire en Dieu (il était fermement athée car Franc Maçon), et croire en la Raison, et devoir participer à une boucherie inutile. Je suis fasciné par le fait qu'en 14-18, les soldats étaient armés et auraient pu retourner leurs armes contre leurs officiers pour arrêter la guerre. Ils ont été très peu nombreux à déserter ou à se rebeller (beaucoup ont été exécutés), et en dépit de la Révolution de 1917 en Russie, les ouvriers au front n'ont pas bronché à quelques exceptions près. Je ne sais pas si vous avez vu le film "Joyeux Noël" sur les fraternisations entre poilus français et soldats allemands à Noël 1914, dans le no man's land entre les tranchées : à la fois encourageant et terriblement pessimiste.
+A+
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
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- patman
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viewtopic.php?p=6529&highlight=#6529
c un peu pour ton post LLB, ke je lai sorti des cartons, la lette de papie...

"Si l’épidémie de 1918 a été aussi meurtrière, c’est que le virus était d’une variété inconnue. On pense que l’origine de l’épidémie devait se situer en Asie Centrale et dans le Middle West américain, où la maladie s’est attaquée aux porcs avant d’être transmise aux humains.
Cette variante de la grippe aurait donc trouvé le moyen de passer de l’animal à l’homme par le biais d’une mutation."
http://www.dinosoria.com/grippe_espagnole.htm
la vierge sa mère !!!, les RTT vont te hanter...

t'en aura besoin...
Et toi ki ti conait en cotcot, ki de l'oeuf ou de la poule est apparu en premier ?
avec le sentiment puissant ki accompagnait les poilus au début de la première guerre, celui d'être victorieux, ils y montaient en chantant ds les trains kils les emmenaient au casse pipe.
et associé à la peur de la mère patrie :
"Pendant la guerre il y a eu environ 600 fusillés en France (je rajouterais officiellement...), à la suite de condamnations prononcées pour refus d'obéissance, mutilations volontaires, désertion, mutinerie (en 1917) ; il y a également eu des fusillés "pour l'exemple". "
calmait les ardeux de chacun.
http://perso.wanadoo.fr/felina/doc/hist ... s14_18.htm
je suis une buse en histoire, mais je pense qui avait po trop de notions de désobéissance civile, et toutikuanti...lié à une période de paix assez longue avant la tempête.
On peut m'éclairer la dessus ?
++
J'aime cette image : un marin, très jeune, anonyme, au milieu de nulle part, perdu dans le grand océan, lit ou plus probablement relit une lettre qu'il a récupéré dans un port, ou qu'on lui a remise en partant, un lettre qui manifeste à la fois l'immense distance géographique et temporelle qui a été franchie pour que deux personnes se retrouvent ensemble, et pourtant le miracle si émouvant de cette intimité, la voix de celui qui écrit dans l'oreille de celui qui lit, la stupeur rapide et enchantée de le découvrir dans son écriture. Je pense à mon frère comme la personne qui a écrit au marin pensait à ce dernier. C'est peut-êre sa soeur qui lui écrit. Ils ne se disent rien d'habitude, ils pensent l'un à l'autre avec une tendresse inaltérable, et ils ne se parlent que par lettre ou cadeau interposés. Bref, cette photo me semble appartenir à mon petit monde familier.
c un peu pour ton post LLB, ke je lai sorti des cartons, la lette de papie...
entre 20 et 40 milions de morts en 2 années, c fou...Emouvant ....moi c'est mon grand père qui a fait 14_18 ; il est revenu indemme des tranchées ..pour morrir l'année qui a suivit de la grippe espagnole ....vraiment trés con le destin

"Si l’épidémie de 1918 a été aussi meurtrière, c’est que le virus était d’une variété inconnue. On pense que l’origine de l’épidémie devait se situer en Asie Centrale et dans le Middle West américain, où la maladie s’est attaquée aux porcs avant d’être transmise aux humains.
Cette variante de la grippe aurait donc trouvé le moyen de passer de l’animal à l’homme par le biais d’une mutation."
http://www.dinosoria.com/grippe_espagnole.htm
Il faut croire que "le Dieu de ma communion et dans la Vierge sa mère" était en RTT ce jour là. Superbe lettre mais qui montre,une fois de plus, sans faire de pacivisme outrancier que même ceux qui croient partent quand même pour des conneries. Il faut dire que maintenant, comme il y a deux siècles, c'est encore mieux, des hommes meurent, non plus pour sauver leurs enfants mais pour sauver leur Dieu, celui-même qui les condamnent. Mourrir, je trouve cela déjà pénible, mais pour celui qui donna la vie, il y a quelque part une certaine ironie. Faut-il croire qu'il ne faut pas croire ???
la vierge sa mère !!!, les RTT vont te hanter...

t'en aura besoin...
Et toi ki ti conait en cotcot, ki de l'oeuf ou de la poule est apparu en premier ?
peut-être que c'était si dure à vivre, ke l'individu n'existait plus, remplacé par le groupe, le soutien, la cohésion, nécéssaire à leur survie au détriment du reste.l croyait sans doute que la Raison l'emporterait. Croire, ne plus croire... on peut ne pas croire en Dieu (il était fermement athée car Franc Maçon), et croire en la Raison, et devoir participer à une boucherie inutile. Je suis fasciné par le fait qu'en 14-18, les soldats étaient armés et auraient pu retourner leurs armes contre leurs officiers pour arrêter la guerre. Ils ont été très peu nombreux à déserter ou à se rebeller (beaucoup ont été exécutés), et en dépit de la Révolution de 1917 en Russie, les ouvriers au front n'ont pas bronché à quelques exceptions près.
avec le sentiment puissant ki accompagnait les poilus au début de la première guerre, celui d'être victorieux, ils y montaient en chantant ds les trains kils les emmenaient au casse pipe.
et associé à la peur de la mère patrie :
"Pendant la guerre il y a eu environ 600 fusillés en France (je rajouterais officiellement...), à la suite de condamnations prononcées pour refus d'obéissance, mutilations volontaires, désertion, mutinerie (en 1917) ; il y a également eu des fusillés "pour l'exemple". "
calmait les ardeux de chacun.
http://perso.wanadoo.fr/felina/doc/hist ... s14_18.htm
je suis une buse en histoire, mais je pense qui avait po trop de notions de désobéissance civile, et toutikuanti...lié à une période de paix assez longue avant la tempête.
On peut m'éclairer la dessus ?
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Par rapport à une désoébissance éventuelle des poilus ...le truc que je sais c'est qu'ils étaient bien "tenus" au pinard ! au pire des moments ,quand plus rien ne parvenaient jusqu'aux tranchées , ni la bouffe ni le courrier ni même le réassort des munitions et bien les kil de rouges passaient en priorité ! Les vignerons n'ont jamais autant bossé qu'en 14-18 .Je me souviens d'avoir lu un truc là dessus : entre 2 et 3 litres de vin par jour et par type ! Le Viet Nan a eu l'héro gracieusement distribuée par l'arméé pour faire "tenir ses p'tits gars " ...et nous la bibine .... D'ailleurs , certains ont dénoncé 14_18 comme un tremplin de l'alcoolisme et c'est suite à celà qu'à commencé une politique d'arrachage de pieds de vigne .
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Trouvé ça : http://anarlivres.free.fr/pages/nouveau.html


Les poilus contre l'armée. La guerre de 14-18 ne s'est pas déroulée comme le racontent les livres d'histoire. Non seulement les poilus n'ont pas « consenti » à leur sacrifice, mais ils ont résisté avec acharnement à l'armée française et aux gradés qui les envoyaient à la boucherie. Tous les moyens ont été utilisés : désertion, fuite, planque, reddition volontaire, automutilation, refus d'attaquer, sabotage, manifestations, fraternisation, mutineries, assassinats d'officiers « dangereux »… Ce livre, qui s'appuie sur de multiples témoignages, tente d'expliquer pourquoi et comment cette lutte impitoyable a pu être occultée.
« La Grande Guerre inconnue. Les poilus contre l'armée française », François Roux, Les Editions de Paris, coll. Essais et documents, 320 p., 22,00 euros.
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
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Et aussi, le site web d'un historien dont voici un extrait :
http://www.crid1418.org/a_propos/biobib ... eau_bb.htm
http://www.crid1418.org/a_propos/biobib ... eau_bb.htm
Maître de conférences HDR à l’université Paul Valéry de Montpellier
Chercheur à l’ESID (États-Sociétés-Idéologies-Défense), UMR 5609 du CNRS
Un champ de recherche : la guerre, dans toutes ses dimensions, anthropologique, militaire, sociale, culturelle et politique...
Depuis 1981, mes travaux de recherches portent essentiellement sur le thème de l’homme et le citoyen confronté au devoir de défense. Au cœur de cet axe de recherche sont notamment interrogées les relations de l’homme et du citoyen avec l’armée et les institutions militaires ainsi que le comportement de l’homme en guerre.
Une étude de la désobéissance militaire au dix-neuvième siècle menée dans le cadre d’un doctorat d’histoire soutenu en 1985 m’a tout d’abord permis d’appréhender les principales raisons qui animaient les jeunes déserteurs et insoumis français (Service militaire au XIXe siècle : de la résistance à l’obéissance. Un siècle d’apprentissage de la patrie dans le département de l’Hérault, Montpellier, ESID-UMR 5609 du CNRS-Université Paul Valéry de Montpellier, 1998). Ce travail a été prolongé par les articles suivants :
« Des communautés et des familles languedociennes face au devoir de défense nationale sous la Révolution et l’Empire », Actes des Journées d’Histoire moderne, Université Montpellier III, 1992, p. 189-203.
« La confrontation de l’Etat et de la société sur la question du recrutement militaire en France de 1793 à 1815 », Journée d’études franco-espagnole, in Histoire et Défense, Montpellier III, 1992, n°25, p. 71-85.
« Armées françaises et vertus républicaines dans la correspondance de Lazare Carnot », Actes du colloque L’Année 1793 et l’Armée, in Histoire et Défense, Montpellier III, 1993, n°27, p. 74-85.
« Désertion et insoumission au XIXe siècle, l’exemple de l’Hérault », Revue Historique des Armées, n°3, sept. 1993, p. 84-95.
Par l’établissement d’une courbe séculaire de la désobéissance militaire il a été possible de rendre compte de la profonde mutation mentale subie par la société française concernant le service militaire et d’en dater les principales étapes. Il s’est ainsi confirmé que le dix-neuvième siècle fut pour les Français celui de l’apprentissage de la patrie. Un siècle d’apprentissage durant lequel les Français sont passés de la résistance massive à la conscription, à l’acceptation quasi unanime du devoir de défense nationale. Ainsi, le succès inespéré de la mobilisation d’août 1914 témoignait-il de l’achèvement de cette mutation séculaire, un point sur lequel les historiens de la Grande Guerre s’accordent ; la plupart estiment en effet que la mobilisation, en France notamment, mais aussi en Allemagne ou en Grande-Bretagne, dut son succès à la vigueur du sentiment national, au chauvinisme, au nationalisme, ainsi qu’au sentiment assez largement partagé d’appartenir à une nation agressée.
Pour autant, une question divisait et divise encore les historiens français, celle de la longue patience et de la ténacité des combattants de 14-18. Les soldats de la Grande Guerre trouvèrent-ils dans le patriotisme la force de tenir durant cinquante mois, dans des conditions presque toujours difficiles et souvent atroces ? C’est notamment pour tenter de répondre à cette question que mon intérêt s’est dans un second temps porté sur les combattants de la Grande Guerre. En même temps, je voulais d’une part mettre à l’épreuve la fameuse affirmation d’Alfred de Vigny selon laquelle, l’homme s’efface sous le soldat (1), et d’autre part échapper à une problématique franco-française. Alors, la recherche ne s’est pas limitée aux soldats français ; des témoins originaires des principaux pays belligérants ont été convoqués. Plusieurs années durant, j’ai ainsi enquêté sur les questions du moral, du comportement et de la psychologie des troupes combattantes européennes de cette guerre ; j’ai tenté d’éclairer les différentes facettes de la guerre entendue comme phénomène humain, culturel, social et politique, et non comme une catastrophe naturelle (2).
Cette recherche a finalement abouti à la publication d’un premier livre intitulé La Guerre censurée. Une histoire des combattants européens de 14-18 paru aux Editions du Seuil au printemps 1999 ; fondée à la fois sur des témoignages du temps de guerre et d’après-guerre (surtout les correspondances, les journaux de guerre, les mémoires, sans négliger les ouvrages de fiction produits par des anciens combattants), une approche du comportement et de la psychologie du combattant de base placé en situation paroxystique a été proposée ; du plus anodin au plus important, les multiples facteurs constitutifs ou dissolvants du moral des troupes ont été recensés ; par ailleurs, le fonctionnement interne des unités de base a été analysé par le biais de l’étude des relations hiérarchiques et humaines existant au sein des escouades, compagnies, régiments ; les ressorts de l’obéissance, mais aussi ceux de l’efficacité et de l’inefficacité au combat ont été activement recherchés et recensés. De fait, par ce type de questionnement, de tels travaux d’anthropologie historique renseignent également l’histoire militaire. Mais au-delà, ils posent aussi la question de l’obéissance et du devoir « dus » par le citoyen à la nation et à l’Etat, et permettent d’amorcer une réflexion plus ample sur le rôle des sociétés et des gouvernements en temps de guerre. L’étude des hommes en guerre et dans la guerre m’a ainsi entraîné à examiner beaucoup plus en profondeur l’autre bout de la chaîne, à savoir les Etats qui légifèrent, puis qui ordonnent, mobilisent, enrégimentent et maintiennent leurs citoyens dans la guerre. Sans abandonner les dimensions proprement anthropologiques et militaires de la guerre, je m’intéresse d’ailleurs aujourd’hui particulièrement à sa dimension politique, et plus précisément à ce que j’appelle la dimension disciplinaire de la guerre (au sens donné à cette expression par Michel Foucault à propos de la peste dans Surveiller et Punir). Ainsi, la question de la citoyenneté et celle de la démocratie se retrouvent-elles au cœur de mon travail. Enfin, je voulais donner à voir et à (res)sentir, ce qu’un certain nombre de combattants ont vu et (res)senti durant cette guerre ; — en historien —, je voulais aussi mettre en mots les souffrances endurées par des millions d’Européens...
Je dois avouer que si le résultat de cette expérience a été salué à l’étranger, notamment en Allemagne, en Italie et aux Etats-Unis, il a été plus diversement apprécié — l’expression est faible ! — en France (à l’exception notoire du compte-rendu signé par Rémy Cazals dans Historiens-Géographes). Un seul exemple suffira. Même s’il renseigne davantage sur la psychologie et les présupposés idéologiques de son auteur anonyme que sur la Guerre censurée elle-même, le compte-rendu publié par le magazine L’Histoire en mai 1999 témoigne bien du bas niveau atteint par certaines critiques et de la qualité médiocre des échanges entre chercheurs (j’ai néanmoins pu répondre brièvement dans le numéro de juin, ce dont je sais gré à sa rédactrice en chef Valérie Hannin). Après avoir aimablement prédit un grand succès à ce livre à l’odeur de « scandale » (sic), le grand maître cagoulé se demanda si ce livre était bien un livre d’histoire ; ainsi lancée, la procédure de disqualification suivit son cours : les témoins furent déclarés « douteux » (sic), les sources qualifiées de « textes littéraires sollicités » (sic)! Me fut ensuite reprochée mon « obsession sexuelle » (sic), puis mon goût pour la « scatologie » (sic); j’avais, je le confesse bien volontiers, effectivement abordé la question de la sexualité des combattants et celle du genre ; j’avais aussi, je l’avoue, évoqué le fait pourtant bien renseigné par les témoins, que certains combattants ne parvenaient pas toujours à maîtriser leurs fonctions naturelles sous le coup de la terreur ! Parfaitement scandaleux, je le concède ! !
En réalité, cependant, ces critiques n’étaient que des leurres destinés à camoufler aux yeux des lecteurs non-spécialistes le véritable sujet du scandale : dans La Guerre censurée, la thèse du « consentement patriotique » mise sur le « marché » (sic encore) historiographique par Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Becker et Jean-Jacques Becker avait été mise en doute... (un passage de La Guerre censurée est en effet intitulé « l’improbable sentiment national »...)
C’est particulièrement désolant. Dans La Guerre censurée, il n’est pas non plus question d’esprit de croisade ; et pas davantage d’attente eschatologique ; la haine de l’ennemi est présente mais voisine avec des gestes de fraternité ; et la brutalisation, vous demandez-vous ? Il n’en est pas davantage question ! Pourquoi ? En partie parce que ce livre ne s’appuie pas exclusivement sur des témoignages d’intellectuels de haute volée.
Bien sûr, ce type de compte-rendu a largement outrepassé ce que l’on était en droit d’attendre d’une véritable recension critique ; et sans doute faut-il regretter qu’aujourd’hui il y ait tant de place accordée dans la section « compte-rendus de lecture » des principales revues d’histoire aux cirages de bottes, aux renvois d’ascenseur et aux règlements de comptes pitoyables. Pour autant, je dois reconnaître que toutes les objections formulées à l’encontre de La Guerre censurée n’ont pas été vaines ; certaines d’entre elles m’ont même stimulé ; si, si ! j’ai tout d’abord été amené à nuancer un certain nombre d’affirmations, trop tranchées peut-être, ou pas assez explicitées dans le livre, sans doute, et à mieux étayer mon argumentation sur tel ou tel point devenu sujet de polémique. Plusieurs communications et articles publiés depuis la sortie de La Guerre censurée m’ont d’ailleurs permis d’affiner mes recherches et mes réflexions sur les principaux thèmes abordés, notamment celui de la ténacité des combattants. En décembre 2000, L’Histoire publiait mon article intitulé « Vivre et mourir dans les tranchées » ; et puis en septembre 2003, les éditions du Seuil rééditaient La Guerre censurée en poche (Point-Seuil) assortie d’une longue préface sur laquelle il est nécessaire de s’arrêter un instant.
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
En ce qui me concerne, je pense à mon arrière grand-père qui est entré dans la guerre à 14 ans en 1915 car il n'avait pas de taff.
Il faisait partie de la légion de mille [plus jeunes volontaires].
Ca lui a appris le métier de radio dans la marine ("au moins quand on meurt en mer, c'est propre"), lui qui n'avait fait que 3 mois de 6ème, ce qui lui a permis par la suite de fonder l'école de TSF, qui deviendra Ecole Centrale d'Electronique...
Je pense aussi à son frère, "videur de tranchées" de venu alcoolo à cause de cette guerre qui finissait les tranchées rien qu'avec sa bite et son couteau... et la gnôle...
Je pense à mon autre arrière-grand père qui n'a pas fait la guerre (ni le service militaire, mystère ! )
A un autre encore qui s'en est allé mourrir sur le chemin des Dames en ayant bien pris le soin de mettre son uniforme de parade certainement pour "mourir plus haut que son cul" comme le chantait Brassens...
Très belle lettre.
Il faisait partie de la légion de mille [plus jeunes volontaires].
Ca lui a appris le métier de radio dans la marine ("au moins quand on meurt en mer, c'est propre"), lui qui n'avait fait que 3 mois de 6ème, ce qui lui a permis par la suite de fonder l'école de TSF, qui deviendra Ecole Centrale d'Electronique...
Je pense aussi à son frère, "videur de tranchées" de venu alcoolo à cause de cette guerre qui finissait les tranchées rien qu'avec sa bite et son couteau... et la gnôle...
Je pense à mon autre arrière-grand père qui n'a pas fait la guerre (ni le service militaire, mystère ! )
A un autre encore qui s'en est allé mourrir sur le chemin des Dames en ayant bien pris le soin de mettre son uniforme de parade certainement pour "mourir plus haut que son cul" comme le chantait Brassens...
Très belle lettre.