Posté : 11 déc. 2006, 12:39
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La disparition du général Augusto Pinochet ravive les divisions entre les Chiliens
LE MONDE | 12.12.06 | 14h12 • Mis à jour le 12.12.06 | 14h12
SANTIAGO ENVOYÉE SPÉCIALE
Au lendemain de la mort du général Augusto Pinochet, décédé le dimanche 10 décembre à l'âge de 91 ans, celui qui domina pendant trente ans la vie politique chilienne continue de diviser la société en deux camps irréconciliables. Un climat tendu régnait lundi à Santiago du Chili.
Alors que plus de 10 000 partisans de l'ancien homme fort du Chili lui rendaient un dernier hommage, défilant devant son cercueil, à l'autre bout de la capitale, les défenseurs des droits de l'homme ont salué la mémoire des 3 000 disparus sous la dictature militaire (1973-1990), conspuant l'image du général.
Une manifestation de détracteurs de l'ancien dictateur, dans le centre-ville, a débouché sur des incidents avec les forces de l'ordre. La veille, des affrontements s'étaient soldés par des dizaines de blessés et une centaine d'arrestations.
La présidente socialiste, Michelle Bachelet, torturée pendant la dictature militaire, a refusé la tenue de funérailles de chef d'Etat et un deuil national, mais le général Pinochet, qui fut pendant vingt-cinq ans le commandant en chef de l'armée, a droit aux honneurs militaires.
JAMAIS CONDAMNÉ
Malgré une chaleur écrasante, une longue file d'attente s'est formée en début d'après-midi devant l'Ecole militaire, où a été exposée la dépouille, dans un cercueil vitré, montrant le visage et le buste du général en grand uniforme de gala.
Face à cette multitude, brandissant des drapeaux chiliens et chantant l'hymne national, l'armée a décidé que les portes de l'Ecole militaire resteraient ouvertes au public toute la nuit. La famille Pinochet était réunie autour du cercueil, accompagnée du commandant en chef de l'armée, le général Oscar Izurieta, et de l'évêque de Santiago, le cardinal Francisco Javier Errazuriz.
"Le Chili reste divisé parce que l'héritage de Pinochet est très controversé, explique Marta Lagos, directrice de l'institut de sondage Mori. Ses partisans estiment qu'il a sauvé le Chili du communisme et le considèrent comme le père du miracle économique, alors que ses adversaires lui reprochent les crimes sanglants de la dictature."
La présidente Bachelet a justifié le refus des funérailles nationales "en pensant au Chili", tandis que le ministre de l'intérieur, Belisario Velasco, a affirmé que le général Pinochet était "un classique dictateur de droite qui a violé les droits de l'homme et s'est enrichi".
Inculpé de violations des droits de l'homme et de corruption, l'ancien dictateur n'a jamais été condamné, ni au Chili ni à l'étranger.
Regrettant qu'il soit mort sans avoir été condamné, la présidente de l'Association des familles de détenus disparus, Lorena Pizarro, estime que sa disparition ne signifie pas pour autant "la fin de la lutte pour la vérité et la justice". Elle exige que les procès continuent au Chili contre les responsables des crimes commis pendant la dictature.
PAS DE LOI D'AMNISTIE
Environ 400 procès ont été ouverts pour violations des droits de l'homme contre des militaires ou des civils qui ont collaboré avec le régime. En juillet, six anciens agents de la DINA, la police secrète du régime militaire, ont été condamnés pour l'assassinat d'un opposant en 1989. Concédant que des "excès" avaient pu être commis, le général Pinochet a toujours rejeté la responsabilité sur ses subordonnés.
Mme Bachelet a exclu toute loi d'amnistie pour les militaires accusés de violations des droits de l'homme et a assuré que les procédures suivront leur cours.
Lorena Pizarro a invité les défenseurs des droits de l'homme à se réunir, mardi, sur la place de la Constitution, devant le palais présidentiel, la Moneda, et face au monument dédié à l'ancien président socialiste Salvador Allende (renversé par le coup d'Etat de 1973), à 11 heures, l'heure prévue pour les funérailles.
Ministre de la défense, Vivianne Blanlot est la seule représentante du gouvernement aux obsèques. La dépouille de l'ancien dictateur sera remise à sa famille pour être incinérée, et ses cendres seront transportées jusqu'à la propriété de Los Boldos, sur la côte chilienne, où le vieux caudillo avait l'habitude de se reposer.
Christine Legrand