Un conservateur mis en examen : l'art contemporain censuré

Désobéissances et micro-résistances.

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drÖne
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Un conservateur mis en examen : l'art contemporain censuré

Message par drÖne »

Pour une fois, je vais éviter de taper sur l'art contemporain pour vous tenir au courant d'une censure dont l'actuel directeur de l'ENSBA (Ecole Nationale Supérieure d'Art Contemporain), ancien conservateur du MAC de Bordeaux, est victime.

http://www.cawa.fr/soutien-a-henry-clau ... 00712.html
NOS LIBERTÉS - NOS DROITS

Nous tous, artistes, chercheurs, créateurs, intellectuels, diffuseurs, travaillant dans le domaine des arts, nous alarmons aujourd’hui des menaces qui pèsent sur nos libertés de pensée, de création et d’expression.

La mise en examen de Henry-Claude Cousseau, Conservateur général du Patrimoine, ancien Chef de l’Inspection générale des Musées de France, ancien Directeur des Musées de la Ville de Nantes, ancien Directeur des Musées de la Ville de Bordeaux, Directeur de l’École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris, historien de l’art renommé, des chefs de : DIFFUSION DE MESSAGE VIOLENT, PORNOGRAPHIQUE OU CONTRAIRE À LA DIGNITÉ, ACCESSIBLE À UN MINEUR : DIFFUSION DE

L’IMAGE D’UN MINEUR PRÉSENTANT UN CARACTÈRE PORNOGRAPHIQUE, comme ancien Directeur du CapcMusée d’art contemporain ayant présenté l’exposition Présumés innocents : l’art contemporain et l’enfance en 2000 à Bordeaux, nous concerne tous et nous lui exprimons notre soutien.

Alors que les media, la publicité et tous leurs supports urbains utilisent les images de la violence au service de mobiles commerciaux et les diffusent massivement, nous nous indignons que soit nié le statut, durement conquis au fil des siècles dans notre civilisation, des oeuvres d’art, de ceux qui les produisent et de ceux qui les accompagnent. Cette mise en examen nous concerne tous, comme elle concerne chaque citoyen car la liberté est un bien commun et la création artistique, l’inaliénable expression d’une culture.

Signataires de cet appel nous affirmons notre entière solidarité à Henry-Claude Cousseau.

Si vous souhaitez vous joindre à cet appel, indiquez vos : nom, qualité, ville. Et renvoyez ceci à l’adresse suivante :

noslibertes-nosdroits@aliceadsl.fr
Voir aussi :

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=15872
L’art présumé coupable

Au nom de la protection de l’enfance, l’ancien directeur des musées de Bordeaux est mis en examen pour «diffusion d’images à caractère pornographique» et «corruption de mineurs». Une dérive moralisante de plus dans une époque de plus en plus aseptisée et lisse.

« Présumés innocents. L’art contemporain et l’enfance », tel était le titre d’une exposition qui eut lieu du 8 juin au 1er octobre 2000, au Musée d’art contemporain de Bordeaux. L’exposition réunissait quelque deux cents œuvres d’artistes internationaux autour du thème de l’enfance. Six ans plus tard, le directeur des musées de l’époque (aujourd’hui directeur de l’Ecole nationale des Beaux-arts de Paris), Henry-Claude Cousseau, a été mis en examen pour « diffusion d’images à caractère pornographique » et « corruption de mineur ». « Si on se met en tête de fixer des limites pour l’art, qui va les définir, où va-t-on les placer ? Ce serait un inacceptable retour en arrière », a-t-il réagi, abasourdi.

A l’origine de sa mise en examen, une association, La mouette, une de ces nombreuses associations dont l’objectif officiel est de venir en aide à l’enfance « en danger » et qui se transforme régulièrement en censeur impitoyable dès qu’une publicité ne lui plaît pas, qu’une image lui paraît offensante, ou qu’un artiste « va trop loin ». Une des meilleures définitions que l’on pourrait donner de l’art moderne serait peut-être celle d’art qui « va trop loin ». Trop loin dans l’inutile, trop loin dans le vulgaire, trop loin dans le mauvais goût. L’art contemporain est là pour briser les frontières, ou en créer d’autres, pour établir des non-limites et déborder dans les marges. On n’y comprend parfois rien, mais c’est voulu, il n’y a parfois rien à comprendre. L’art contemporain devance sa propre modernité, donc se retrouve en décalage par rapport à l’époque qui ne l’est jamais, moderne. L’art contemporain est insaisissable, inclassable, incassable. Les musées ne lui suffisent parfois pas, il peut s’installer dans la rue, et déborder plus loin encore. L’art contemporain n’a que faire de la bienséance, de la "bienpensance", de la religiosité ou de la pudibonderie des uns ou des autres. S’il se préoccupait de cela, il ne ferait rien, sinon tourner en rond, s’ennuyer, nous ennuyer, et mourir. L’art contemporain est d’abord de l’art. Aujourd’hui, l’art ne peut plus exister. Contemporain, moderne, ou autre.

Parce que pour exister aujourd’hui, l’art ne doit plus fumer, ne plus boire, ne plus conduire vite, ne plus tousser sans mettre sa main devant sa bouche, ne plus parler de drogue, ne plus parler de prostitution, de sexe, d’animaux, de juifs, de musulmans, de chrétiens, de guerre, de gros, de grands, de petits, et, donc, d’enfants. Interdits, ces sujets. L’art pour exister doit aujourd’hui trouver les moyens d’entrer dans une boîte de plus en plus étroite, de plus en plus bourrée de mises en garde, de barrières, de garde-fous, de pare-feu, d’avertissements. Les coupables ? Ces centaines d’associations qui n’ont rien d’autre à faire que nous laisser penser que tout est un danger pour tous, que les citoyens français (ou autres) qui regardent la télévision, visitent les musées, lisent les journaux ou écoutent la radio, ne sont pas en mesure de faire le tri entre le bon et le mauvais, le décent et l’indécent, l’admissible et l’inadmissible. Ces associations, créatrices de communautarismes, ont développé et renforcé un arsenal juridique qui leur permet désormais de demander des comptes, devant les tribunaux, aux différents créateurs, animateurs, humoristes ou directeurs d’exposition coupables, selon eux, de dangereuses dérives.

Quelques semaines après la fin de l’exposition « Présumés innocents », l’association La mouette s’était déjà manifestée et avait soulevé quelques réserves sur certaines œuvres. Profitant de l’émotion souvent délirante que provoque toute affaire de pédophilie dans l’opinion publique, ses membres ont estimé que les responsables de cette exposition avaient dépassé les bornes. Vingt-cinq œuvres en tout sont pointées du doigt, et « l’indignation d’un père de famille choqué par ce qu’il avait vu dans l’exposition » serait à l’origine de la plainte de l’association. Une personne « choquée » ou « indignée », et ça suffit pour mettre en branle (si j’ose dire) tout le cirque vertueux de ces ultraconservateurs qui se cachent derrière une cause noble (protéger les enfants contre les abus qu’ils pourraient subir) pour imposer leurs diktats moraux d’un autre temps.

L’art est à l’image de la société. La société d’aujourd’hui dépense de l’argent dans des campagnes de publicité demandant aux gens de mettre la main devant la bouche quand ils éternuent pour éviter la propagation des virus. D’autres spots nous montrent comment le tabagisme passif ruine la santé des non-fumeurs. D’autres encore combien il est nuisible de fumer des pétards. Mais la plus grande cible de ces associations, et de loin, c’est Internet. A écouter, ou à lire les rapports de ces chevaliers blancs, la Toile ne serait rien d’autre qu’un vaste réseau de pédophilie organisé, qu’un infini boulevard du crime sans foi ni loi qui serait le piège absolu pour tout mineur qui s’y connecterait. Internet, on y tue, viole, découpe et pervertit des centaines d’esprits par jour, à entendre ces pères et mères la pudeur. Donc, il faut « protéger nos enfants » de la Toile. En fait, il faut protéger nos enfants de tout, ou pas loin. Du McDo, de Coca Cola, des OGM, des reality shows, de la star academy, des films d’action, des films érotiques, des dessins animés, des mangas, des romans de science-fiction, des romans policiers... de tout. L’enfant est une personne innocente qu’il faut sauver de toute tentation possible et imaginable. La société est devenue un camp scout, sans masturbation autorisée. Sans feu non plus, de peur d’embraser toute la forêt. Dans cette société-là (que veux-tu que je sois, un ange ou un cobra, un tueur ou un rat), l’inspiration n’a pas sa place. L’inspiration, ce mystérieux élan indéfinissable qui fait de l’artiste un créateur, ou du créateur un artiste. L’inspiration. Sans règle, sans marge, sans barrière. Libre presque comme l’air. Et dont il résulte tout, parfois, ou n’importe quoi. L’artiste peut tout exprimer, au nom de l’inspiration. Certains critiques, dont c’est le travail, jugeront s’il s’agit de merde ou de beauté. De chef d’œuvre ou de rien. Du cochon ou du maigre. Le critique, en quelque sorte, estime. Evalue. Le censeur, lui, aux noms de principes moraux, et légaux, juge. Et le cas échéant, tranche. Guillotine.

La France, le beau pays de l’ordre juste royaliste, ne connaît pas la censure, nous dit-on. On peut tout dire, tout exprimer. Tout montrer. La preuve que non. Un directeur d’exposition, six ans après l’exposition, mis en examen, c’est la démonstration d’un virage brutal du pays vers un mieux-pensant culturel terrifiant. L’art soudain prend lui-même une dangereuse direction : vers une pensée unique, molle et orientée, ayant pour but de conforter les opinions plutôt que d’intriguer, de faire réfléchir, d’interroger les esprits. Surtout ne plus choquer, ne plus surprendre, ne plus énerver. Des tournesols, de jolis champs, quelques portraits, un clair de lune, à la rigueur, mais pas des yeux derrière la tête, pas de corps tronqués, pas de nudité exposée, pas de sexe offert, pas de sang, pas de blessures, pas d’extrême, rien qui dépasse. L’art, du coup, n’est plus l’art. Contemporain ou pas, il n’existe plus. Il devient une sorte de programme politique, un catalogue de bonnes intentions, un copié-collé de vœux pieux. Le danger, lui, a déserté. La prise de risque, l’audace, la provocation n’ont plus droit de cité. Il n’y en a plus que pour la « protection », la « mise en garde ».

Les strings dénudent trop, les défilés décharnent trop, la musique rend violent et les hamburgers gros. Et les expositions pervertissent les esprits, l’art contemporain dépasse les bornes. Il y en a tellement, de bornes, que pour ne pas les dépasser, il faudrait carrément arrêter d’avancer. Attendre, immobile, la sentence. Notre peine.
Bituur, toi qui étais à Bordeaux à cette époque, as-tu vu cette expo ? D'autres infos pour qu'on puisse forger notre opinion à ce sujet ? On se sent de plus en plus cernés...

+A+
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
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bituur esztreym
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Message par bituur esztreym »

bah, non, l'a pas vu... étions en transhumance entre lisbonne et bordeaux (réellement arrivé mi-septembre), via bretagne, et paris plusieurs fois : réinstallation. alors non.

cernés. ben oui...

bon, moi en ce moment - à part un passage, mais juste un passage alors, hein, sans façon, comme evs (ça veut dire employé vie scolaire - me demandez pas, oui oui c'est du novlangue) dans collège zep par ici :
juste une image pour typer le boulot : récré, il y a une tâche, le "petit portail" - la porte pour admin, adultes, etc.. alors : le contexte : les "gamins" (guillemets paske bon..) par groupes de 6, 2, 4, puis 20 en vagues successives, viennent devant toi "tenter le coup" ; l'agent : toi, supposé les arrêter comme ça, d'emblée, c'est sur ton regard, ton "autorité naturelle", que repose le truc, la bonne marche du truc ; le cadre (l'organisation concrètement) : devant les gamins et derrière toi, une porte ouverte... si... alors non. désolé. pas pour moi. -
adoncques, en ce moment, je lis le cahier de l'herne sur george steiner, les requêtes de pierre oster soussouev (ça je relis, comme ça, dans le tram, toujours mieux que metro) et la vie de jacques vallée des barreaux.
je vais avoir l'occasion mercredi de (re-)voir le film d'une copine, rachel mizrahi (avec gilles dinnematin) "Les figuiers de barbarie ont-ils une âme ?", de 87 ("chaque fois que vous voyez un cactus, vous pouvez être sûr qu'il y avait un village" - retour sur leur terre pour raconter de réfugiés arabes de palestine d'entre 48 et 67) ; alors...

ça d'amusant aussi : http://www.arsindustrialis.org/activite ... entdurable , la 2e moitié du texte à partir de "au cours de la séance"..

cernés, oui. résister, comment on sait pas mais qu'il faille on sait.[/i]
promeneur - finno-magyar filolog - perplex propaganda expert
http://seenthis.net/people/bituur - Ur· http://dogmazic.net/ - ::gniark:: http://vnatrc.net/YAST/YARVBT/
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