Pour embrayer sur la question du "libéralisme", je pense que l'indexer au relativisme est tout à fait pertinent, mais suppose quelque explicitation du sens que l'on attribue à l'un et l'autre terme - ce qui éviterait notamment de mettre le pragmatisme, au moins dans sa version "scientifique", dans le même panier.drÖne a écrit :C'est sur qu'on est dans l'apparent paradoxe qui a fait que plus les "intellectuels" se sont médiatisés, ouverts à la société civile, moins ils ont eu de légitimité à parler de la société. Et plus ils se sont ridiculisés. Y'a qu'à voir le trajet - pathétique - de cet abruti bien pensant d'Onfray, qui a parcouru presque tout l'échiquier idéologique de la gauche, à travers ses soutiens médiatisés, en une seule semaine d'avant élection. Je serais prêt à parier que dans un an au plus il sera aussi Sarkozyste qu'André Glucksmann...
Elle est là, la véritable victoire du libéralisme : pas dans la casse annoncée des services publics ni dans la mise en place de l'AGCS, mais dans le fait qu'aujourd'hui, toute idée peut être échangée contre son contraire comme sur un marché ouvert à la concurrence "libre et non faussée" par des idéologies... Le libéralisme, c'est la victoire totale du relativisme idéologique. Le libéralisme, fondamentalement, c'est la transformation des signes et des idées en simple valeur d'échange déconnectée de tout référent. C'est pour ça qu'on peut être de gauche ET libéral, ou anti-sarko ET libéral. La seule manière d'être radicalement anti-libéral, c'est d'être moraliste à l'ancienne : croire qu'une idée ne signbifie pas son contraire, et refuser tout pragmatisme.
+A+
Le libéralisme dont on parle est avant tout un ultra-libéralisme de type économique, qui s'est peu à peu substitué à l'idée d'un libéralisme politique - celui des Lumières pour faire rapidement. Et effectivement, les nouvelles formes politiques nées de cet ultra-libéralisme participent de la suspension d'une interrogation sur les valeurs : tout se vaut dans l'échange (sous-entendu l'échange marchand), parce que cet échange dispose de son étalon universel : l'argent.
De là, oui, un relativisme idéologique dans son sens le plus premier : "toutes les idées se valent".
Cependant, la version "pragmatique" ne pose, je crois, pas le relativisme sous cette forme - et j'irais jusqu'à dire qu'elle le récuse pour remonter aux sources du libéralisme politique. Elle repose davantage, à mon sens, sur le fait que toutes les idées doivent être énonçables et mises en délibération. Il ne s'agit pas de suspendre les valeurs, ou toute vélléité de jugement : in fine, le pragmatisme ne suppose pas de rendre toutes les idées et les valeurs équi-valentes et commensurables, mais seulement la constitution de publics disposés à les interroger et à décider. C'est là aussi que pour moi le "devenir minoritaire" deleuzien prend tout son sens, en tant qu'il permet la constitution de ces publics qui réfutent "l'étalon majoritaire vide" (cf. deleuze http://multitudes.samizdat.net/article495.html ; voir également Q comme question et G comme gauche dans l'abécédaire, disponibles ici : http://www.agitkom.net/index.php?2005/1 ... e-question).
En cela dröne, je crois que tu as raison depuis des années : il est urgent de se remettre à PENSER. L'ennemi juré de cette droite omnipotente, c'est la pensée. Celle que l'on ostracise, que l'on ridiculise (ou qui se ridiculise d'elle même avec les sombres individus que tu as cités), dont on ne cesse de mettre en exergue la prétendue complexité, le caractère abscons, ou que l'on fustige en dénonçant l'intellectuel dans sa tour d'ivoire qui n'a jamais franchi le périph' pour rencontrer la vraie réalité. Et cet ostracisme ne concerne bien évidemment pas seulement la pensée politique, mais indissociablement la pensée artistique, esthétique, et plus profondément, celle de la liberté.
La France du foot et des quad tricolores sur fond de Gilbert Montagné et de Star academy, c'est désormais celle de Sarkozy, parce que le populisme a remplacé le populaire. Parce que l'"on" n'aspire plus à la pensée, aux idées, mais au fric - comme dirait le grand père de zink : "ils se croient tous milliardaires ces cons"... oui, ils votent pour un mec qui considère que gagner 4000 euros par mois, "ce n'est pas grand chose" (cf. débat TV du 2nd tour).
C'est une vraie lame de fond, parce que plus personne ne croit en l'humanisme; c'est le triomphe de l'individualisme, du repli sur soi et son petit pactole consumériste : l'ennemi demeure, indiscutablement, l'ultra-libéralisme économique tel qu'il s'est désormais infiltré et disséminé dans toutes les sphères d'existence (ou de non-existence) individuelle et collective.
C'est cette lame de fond de l'ultra-libéralisme liberticide qui est l'ennemi. Et face à elle, la première des choses - ou des causes - à mobiliser, c'est la restauration d'une pensée critique, d'une pensée de la LIBERTE. Cette même idée de liberté qui aux yeux de tous ou presque ne s'incarne plus que dans le libéralisme économique, celui de l'utra-individualisme.
Cette lame de fond ne peut désormais plus être destructurée par de simples slogans, par l'évidence de l'âme de gauche (ni par l'attentisme). Celle-ci n'est qu'une âme morte ; elle n'est plus évidente aux yeux de personne.
C'est une ambiance mentale collective qui est à reconstruire de A à Z. Celle d'une liberté impensable sans l'altérité, sans la pensée de l'Autre.
Il n'est désormais plus possible de se planquer derrière des mots comme l'humanisme, la solidarité - réaccaparés par la droite "libérale". Ces mots, il faut leur redonner sens, montrer qu'ils appartiennent au patrimoine de l'humanité et en même temps leur rendre toute leur concrétude.
L'urgence de la pensée critique est celle-là : réexpliquer et redonner sens aux mots qui sont des valeurs et des idéaux ; cesser de mobiliser des slogans sur l'autre monde possible, mais montrer, perpétuellement, pour-quoi il est possible.
Oups, promis, j'me tais !!!drÖne a écrit :Je sais, c'est triste, mais l'Etat et la morale, c'est ça qui est révolutionnaire aujourd'hui, car c'est ça que le libéralisme de droite veut à tout prix détruire. Alors les anars et les gauchistes, coucouche panier hein ! Soyons fous, soyons moraux ! :D :D