Le résultat à peine sorti des urnes, et voilà t'y pas que tous les éditorialistes nous refourguent le vieux poncif du FN. Comme si, depuis 2007, les idées du FN n'avaient pas été portées par toute la classe politique des partis de gouvernement, qu'ils soient de l'UMP ou du PS. Après avoir bouffé du Sarkozy/Guéant/Hortefeux durant des années, on se reprend une volée de Valls qui tient exactement les mêmes propos racistes, ou xénophobes, que son prédécesseur, sans doute parce qu'il est conseillé par les mêmes connards de communicants. Mais on s'inquiète du FN : quelle farce ! On aurait mieux fait de s'inquiéter du lâchage, par l’État, de tous les services publics et de tout ce qui crée du lien social (y compris les assos). C'est dans ce contexte que les gens donnent le pire d'eux-mêmes et votent à l'extrême droite. Parce que la parole raciste, sexiste ou xénophobe a été "décomplexée" au plus haut niveau de l’État depuis des années ; parce que l'on a mis en place un système éducatif directement inféodé aux lois du marché et aux modes d'organisation du management ultralibéral et non aux exigences d'une pensée critique et humaniste ; parce qu'à l’hôpital public, au lieu d'accueillir des malades, on s'est mis à gérer des lits ; parce que la justice a perdu en indépendance face aux politiciens. Alors qu'on ne me parle plus du FN : rien à foutre qu'il fasse 24 %, 35 % ou 75 % aux élections européennes ou en 2017, car il n'est pas la cause, mais seulement le symptôme d'une société livrée pieds et poings liés à la doxa libérale et à ses serviteurs des partis de gouvernement. La défaite du PS est une avancée majeure vers une solution à nos problèmes.
Quand le PS aura durablement disparu de l'échiquier politique, alors les recompositions politiques qu'on attend et espère depuis 1995, entre la gauche de la gauche et la véritable écologie politique - qui ne peut être que politique, et surtout pas transversale -, permettront peut-être d'espérer un renouvellement des IDEES, et non des personnes. En attendant un renouvellement plus nécessaire encore : celui de la liquidation de la social-démocratie et du parlementarisme. La professionnalisation du politique, qui nous a conduit à la social-démocratie, doit disparaître pour qu'on invente un modèle de représentation qui soit méfiant envers le pouvoir, envers tous les pouvoirs. Après tout, le républicanisme n'a, historiquement, rien à voir avec la démocratie athénienne, et même le démocratisme n'est qu'un avatar contingent, historiquement situé, qui peut très bien se transformer : des tas de sociétés vivent (ou ont vécu) de manière tout à fait rationnelle et en harmonie avec leur environnement sans démocratisme ni républicanisme, et sans sombrer non plus dans la dictature.
Autrement dit, il s'agirait de réaliser l'utopie libertaire, mais sans les anars, hein, parce qu'ils sont aussi chiants, gris et sectaires que les politiciens professionnels...