zistwar mizik

Discussions sur les enjeux politiques et socio-culturels des musiques populaires ou savantes.

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LLB
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zistwar mizik

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Drone, puisque tu m'y encourages je vais essayer de rendre compte d'une pratique musicale qui est très différente de celle que vous partagez, et dans laquelle je n'étais engagée que très temporairement. C'est aux antipodes des musiques électroniques pour la technique, mais je pense qu'il y a des points de comparaison pour les dimensions sociales, culturelles et politiques de la musique vécue en situation.

Je vais raconter un kabar dans les Hauts de la Réunion. Avant d’aller vivre là-bas, ma trajectoire musicales était désespérément banale et stérile : 10 ans de piano, passés à résoudre des difficultés, et quand elles étaient résolues, en attaquer d’autres plus compliquées, et ainsi de suite au fil des morceaux exécutés comme des problèmes de maths, jusqu’au niveau « difficile » des Classiques Favoris. Voyez ce que je veux dire. Puis stop, un peu d’accompagnement pour rire dans un groupe de fac – bling blong- mais surtout, le passage à une position de consommateur heureux, un peu frustré. J’ai fini par acheter des disques écouter de la musique tout simplement.
A la Réunion, j’ai découvert une autre manière de participer à la musique. Au bout de mois et de mois passés à fabriquer l’occasion, le jour du kabar est arrivé. Il yen a eu un, organisé par l’Indien, puis une série, puis enfin le dernier auquel j’ai participé, quelques jours avant mon départ. Je parle seulement du premier.
Le kabar se déroule devant la petite case bois sous tôle de l’Indien, qui a fait un grand feu pour l’occasion.
Le kabar est une pratique héritée du temps de l’esclavage. Interdiction de parler. Les chants et le rythmes remplaçaient. Sur l’île on appelle désormais kabars toutes sortes de concerts, pour profiter du charme de l’appellation créole, mais il désigne en réalité une pratique bien plus limitée : une réunion musicale, la nuit, devant le feu, dans les Hauts, le territoire des anciens Marrons, esclaves en fuite comme Anchaing qui vécut ici dans cette montagne avec sa femme Heva dont il eut 22 enfants, avant d’être rattrapé par Broussard, chasseur d’esclaves. L’Indien est arrière arrière petit-fils de commandeur d’esclave, il est petit blanc des Hauts.

Il met à disposition des djembés évidemment, et des kayambs. Bébert joue la guitare. Freddy s’installe à califourchon sur son roulèr, devant le feu. Enorme tambour couché sur le flanc.
La guitare ne fait pas traditionnellement partie du maloya mais la musique jouée ce soir n'est pas du maloya traditionnel, ça n'en a pas la prétention, c'est de la musique, et comme la musique que l'on connaît ici est le maloya, et que Bébert sait jouer de la guitare, c'est de la musique dans laquelle il y a du maloya et de la guitare. De temps en temps, apparaissent des morceaux un peu folk, un peu disco, un peu zorey. Mais rapidement elle se transforme, elle se maloyise, elle se rythme, elle s'étale en variations et improvisations qui s'éteignent ou qui s'amplifient. C'est comme lorsque on cuisine quelque chose ici : personne ne mettra jamais en vitesse un oeuf sur une poêle avec du riz blanc. Il y aura un peu d'épices, un peu de piments, un peu de bringelle écrasée. Mais il n'y aura jamais non plus de repas gastronomiques franchement distincts de l'ordinaire. Pour les mariages, c'est toujours et encore le cari, simplement, il y aura des variations supplémentaires, dans les rougays, dans les épices, dans la combinaison du grain et du cari. De même, dans le maloya, pas de bas de gamme et de haut de gamme, excepté depuis le succès de groupes enregistré qui commencent à s’exporter.
Quand c'est vraiment trépidant et dense, de profil dans la lueur du feu, Freddy secoue la tête et une brève et fulgurante crinière de perles argentées l'auréole un instant, dont on attend ensuite sans cesse l'apparition.
Des nouveaux venus apparaissent contre le ciel étoilé.
"Ambiance canard" : les critiques de ceux du dehors mettent l'Indien hors de lui. A plusieurs reprises au cours de la soirée, il ne peut s'empêcher de sortir du périmètre pour défier les importuns, il y a des altercations. Après je ne sais plus très bien comment l'effet a démarré, le zamal et le rhum tournaient sans cesse mais surtout, Bébert a monté la musique pour appeler l'Indien qui était reparti et le chant a consisté à appeler l'Indien et se moquer des moqueurs, humour et verve créole, un chant et des répons, à l’infini, sur de multiples modes, à cinq puis dix voix se chevauchant, en décalage, avec les chorus qui s’organisent spontanément en arrière-plan. Une vingtaine de personnes : tout le monde a un instrument si modeste soit-il, personne n’est simple spectateur -kayambs, maracas, bâtons, boites frappées, claquements des mains et de la langue - chacun se glisse dans les rythmes, s'encastre, se plie et se deplie dans les vides et les pleins. Parfois, quelqu'un s'installe dans une sorte de commentaire rythmique qui ne cherche jamais à prendre le dessus : jamais de solos.
Quand ça baisse, que c'est mou et fort, quand il y a trop de monde à taper des mains ensemble ou ce genre de choses, il y en a un qui rompt brutalement pour alléger et relever l'exigence. Il y a de bons musiciens parmi ceux qui frappent. Ceux qui entraînent donnent l'impression aux autres qu'ils jouent bien sans avoir appris.
C'est lié aussi à la manière dont Bébert écoute l'ensemble, se met à son service, en jouant de sa virtuosité d'accompagnateur. C’est lié aussi au talent de Freddy, fils d'une célébrité à présent internationale, mais qui préfère exercer son art à Bé-Mahot pour une poignée de familles sous les étoiles nocturnes. Il refuse d’enregistrer car le maloya n’est pas que la musique, c’est toute la situation sous les étoiles, en réunion.
Tout le monde risque quelque chose, personne ne reste en dehors, personne en limite, tout le monde montant la musique, avec audace, sans inhibition et sans frayeur, malgré le risque permanent de casser l’ambiance. Mais il y a une entente qui nous aide à faire cela. Pas de solo, mais un invraissemblable tissage, miraculeusement imprévu et cohérent à chaque seconde, avec une hiérarchie spontanée, Freddy et Bébert, les chanteurs, et les autres. Tout le monde se regarde pour se suivre, se préparer, sentir la tournure, c’est Bébert qui conduit, ses sourires approbateurs. La tonalité de ce qui nous rassemble est à la fois rationnelle et mystérieuse, rien qui ressemble à de la transe ou de la fusion, pas de défoulement, personne ne danse, mais plutôt une étrange discussion ininterrompue et incompréhensible, à moitié incohérente, mais pleine de significations fugitives et fulgurantes que nous gaspillons sans regret : il y a des sensations auditives qui ne reviendront jamais. C’est le fait d’être dedans et de comprendre quelque chose qui ne sert que dans une seconde précise. Un môme frappe sur quelques récipients, avec une grâce enfantine et l'énergie rythmique donnée par l'inertie d'un mouvement sans cesse répété. Il joue au plein sans du terme.
Pour l'instant, chacun a ses joies et ses peines entrecroisées logés dans un recoin d'instant.
Il y a maintenant tout le monde dans la pièce, tous tassés dans la case de l'Indien, tous ensemble dans le bruit de nouveau sauvage des musiciens solitaires, chacun pour soi et avec les autres.
Chacun se surpasse ici, de modestie et d’ambition, c'est impénétrable et fragile : le sens que la situation n'est pas déchiffrable individuellement, il appartient à l'ensemble des personnes concernées et nul n'incarne l'ensemble. Il est indicible et personne en peut rien en thésauriser pour lui même dans son coin. Rien n'est créé d'exportable et d'isolable en dehors des autres, et si on ne le comprend pas maintenant, ça pourra laisser des traces douloureuses toute la vie, mais si on le refuse, alors on rate une dimension essentielle de la condition vivante : on ne vit pas. Tous ici vivent avec cet art de la souffrance des choses perdues d'avance mais vécues tout de même. Je pense à l'insularité, au cycle destructeur des dépressions tropicales qui modifient régulièrement la trajectoire historique de l'île, au passé esclavagiste et à la culture la misère des hauts. Chaque maloya improvisé en kabar est perdu d'avance, mais il est la vie à l'intérieur de la vie. Le maloya n'est jamais gai. Il se joue dehors devant un feu. Il est cosmique, au sens d'une philosophie des ivrognes et des clochards : il racle le cours des secondes directement, il n'a pas les moyens de se meubler du matelas des conforts culturels, échappatoires interprétatives, mondes de discours, coffre-forts culturels. Tous vivent aussi avec cet art d'être en vie ici et maintenant : un art du voyage immédiat et volatil, qui nécessite une confiance désespérée dans le fait qu'il se produira constamment d'autres choses tout aussi significatives.
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drÖne
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Message par drÖne »

Waou ! Merci de nous faire partager aussi joliment cette nuit qui a dû être magique ! On aimerait tant avoir des souvenirs de raves aussi forts, mais je crois que dans nos nuits électroniques, la notion de partage ne se vit pas de la même manière : les teufs, même lorsqu'elles occultent le DJ derrière les enceintes, respectent le clivage artiste/spectateur et l'on ne retrouve pas le type de partage musical que tu décris si bien, humble et fragile.

Sur la dimension politique du Maloya, j'ai trouvé ce site qui explique qu'il s'agissait d'une musique très liée au PCR et à des couches de population défavorisées, un symbole de la contestation de l'ordre établi.

http://www.chez.com/paykan/tirmalol.htm

On y apprend que le maloya a été censuré et qu'il a dû subir une répression de la part des autorités : là on se retrouve si je puis dire en terrain de connaissance avec la techno. Car c'est toujours le dispositif (la rave ou le kabar) que les tenants de l'ordre établi craignent. Pour moi, le maloya est l'un des multiples exemples, avec la techno, qui montrent qu'il est impossible de séparer la musique des "rituels" qui l'accompagnent et en structurent le sens pour les musiciens comme pour le public : la techno, ça n'existe pas en soi, sans la rave ou sans les free. Si c'est écouté en salon, ça perd toute sa charge subversive. Le Maloya, ça ne veut rien dire, comme tu l'expliques, si c'est enregistré pour être joué devant des petits blancs. Je crois qu'on se trompe toujours si l'on aborde la musique en se contentant des outils de la musicologie : la description d'une "forme" à l'aide d'un métalangage (le solfège). Je ne connais pas grand chose à l'ethnomusicologie, mais j'imagine que ça doit être la seule manière intéressante de décrire ce qui ne se résumera jamais à une "forme", à une série de sons agréables ou non à entendre. La musique est une pratique qui débordera toujours de la musique ! Et c'est sans doute grâce à cet assemblage composite de sons, de dispositifs de diffusion, de sociologie des publics et des musiciens, de valeurs et d'enjeux politiques, que la musique a quelque chance de continuer à évoluer et - qui sait ! - de participer au changement social.

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Oui je n'avais pas parlé de cette interdiction qui a frappé le maloya, car il est bien revenu à la mode, même s'il est loin d'avoir le succès de la sega, la version dansante et joyeuse des tropiques vacancières, joué dans les hôtels, palmiers, danseuses, ondulations.
Un détail au fait! Particularité créole : le petit blanc des hauts n'est pas un zorey, c'est à dire un blanc au sens "métropolitain", c'est une part de la population créole : les descendants des grands blancs ruinés au XIXème par la fin de l'esclavage, montés dans les montagnes pour cultiver, dans les montagnes où vivaient aussi les esclaves marrons enfuis des plentations, les cafres. Les petits blancs habitent dans les hauts et sont pauvres, comme les cafres. les hauts incarnaient la culture "la misère" avant la départementalisation. C'est si choquant pour les journalistes métropolitains d'admettre que les blancs soient les pauvres d'entre les pauvres à la Réunion, qu'ils ont taillé une réputation de crétins consanguins abrutis à ces petits blancs des Hauts, comme si c'était impossible à encaisser au plan symbolique. J'ai quelques enregistrements des musiciens qui faisaient le maloya au temps où c'était interdit, ceux qui résisté, et transmis. C'est rudimentaire et poignant. Aujourd'hui il y a une explosion de l'activité musicale dans les Hauts, des tas de jeunes groupes qui s'électrifient. Et il y a aussi une pratique ordinaire : je me souviens de longues files familiales grimpants les versants en chantant avec l'humour créole, réglant les comptes familiaux par couplets interposés, mettant en boite tel ou tel qui répond aussitôt en chantant.....
Je pense comme toi que ce sont les contextes qui sont en fait la part "subversive", non tolérée dans la techno comme dans le maloya. Une fois que ça s'écoute sur disque, on peut mettre les paroles les plus subsersives qu'on veut, ça n'est jamais plus intolérable, ça passe très bien, ça devient de l'art, c'est défendu comme tel (comme ces abrutis de NTM le disent pour eux-mêmes), ça ne se mêle plus d'interférer dans les pratiques sociales puisqu' il y a des pratiques sociales réservées à l'art, des réserves sociales à art. Ce qui est subversif dans le maloya, ce n'était pas les paroles, c'était le mode de communication sociale qui échappait.
Mais tu vois, je ne pense pas que mon récit reflète une expérience particulièrement exceptionnelle pour un musicien : je pense que vous vivez ça à chaque fois que vous faites de la musique ensemble. C'est juste le point de vue de ceux qui font ensemble, et dans le cas du maloya, la grande chance pour moi, c'est que je n'étais pas du côté du public, puisque dans ces réunions - si rares quand même - il n'y avait pas de public. C'est ça qui était fort. Rare aussi, comme je le disais, il a fallu - comme pour Neurocircus dans votre cas - des gens qui aient profondément envie de s'y (re)mettre, et une occasion, avec pour moi la chance d'en être, car je n'avais pas besoin de compétences techniques, juste de compréhension au plan musical. C'est pour ça que je trouve formidable ce que vous faites avec Neurocircus : tout ce que ça recouvre, tellement de dimensions articulées, immensément plus important au plan politique qu'une manifestation, justement parce que ça n'a pas besoin de se déclarer comme tel, ça fait partie de ce que c'est !
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Je continue la discussion, en te remerciant pour le lien vers le site qui cause de maloya qui m'a fait super plaisir.
Je me disais que ce qui était subsersif, ce n'était jamais le texte au sens étroit d'une séquence linguistique (des mots, des notes) mais le texte au sens de dispositif, d'agencement dynamique d'un ensemble de signes qui sont aussi bien des objets, des espaces, des situations, etc.
Et c'est comme pour les masques africains : pour nous, les masques, c'est la sculpture en bois qui est exposable, le squelette désséché réduit à une seule dimension : l'esthétique. Ce sont les artistes dans les années 30 qui ont favorisé cette réduction, les ethnologues avaient collecté les contextes, les artistes comme Picasso ne se sont intéressés qu'à la forme, la sculpture, à ce qui ne les renvoyait à aucune altérité radicale finalement. En Afrique et en Océanie, le masque, c'est plus que ça, c'est l'âme en bois souvent chargée de matériaux organiques et accompagnés de vêtements qui sont retirés dans les pièces de musées, mais c'est encore plus la personne qui danse en contexte. Le fait que la musique soit réduite à des séquences formelles de notes, c'est une réduction incroyable, mais qui n'est pas ressentie comme telle parce que cmme c'est une réduction au nom de l'esthétique, c'est ressenti comme un annoblissement : les dimensions vivantes et sociales sont écartées et ça apparaît comme un gain, ça devient plus "universel" plus autonome. En fait c'est tout simplement réduit à une valeur neutralisée : la culture au sens classique et très hiérarchisé des oeuvres.
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LLB a écrit :Le fait que la musique soit réduite à des séquences formelles de notes, c'est une réduction incroyable, mais qui n'est pas ressentie comme telle parce que cmme c'est une réduction au nom de l'esthétique, c'est ressenti comme un annoblissement : les dimensions vivantes et sociales sont écartées et ça apparaît comme un gain, ça devient plus "universel" plus autonome. En fait c'est tout simplement réduit à une valeur neutralisée : la culture au sens classique et très hiérarchisé des oeuvres.
Très juste ! Ca m'évoque ce qu'on qualifie d'"Histoire de la musique". La réduction des réflexions sur la musique à une description formelle prend la forme d'une histoire des formes musicales dans leurs relations avec les "génies" musicaux et leurs biographies. Là, le discours des amateurs rencontre celui des historiens : dans les anthologies du rock ou du jazz, par exemple, on va évoquer les emprunts d'Elvis à la musique des noirs (binarisation du blues avec accentuation des temps forts), puis le génie incommensurable d'Hendrix (fusion entre jazz, rock et pop), puis la rupture introduite par Led Zeppelin (invention du riff de guitare). On poursuit généralement par la rupture révolutionnaire des Sex Pistols (refus de la virtuosité) et je ne sais pas trop que ça donne pour la suite des événements, n'ayant pas d'anthologie sous la main.

Je mets quelques liens trouvés rapidement avec les mots-clés "histoire + rock + musique + musicologie" grâce à Google :

http://site.ifrance.com/fifties/
http://www.chez.com/richardion/top_20_de_histoire.htm

Tu me diras, c'est pas de la musicologie universitaire, mais de la musicologie de sens commun. Certes, mais si je me réfère à la page des liens de la SFM (société française de musicologie http://www.culture.fr/sfm/index.html), voilà ce que ça donne :

Formes, genres, répertoire (par genre)
Théorie, tempérament, bibliographies diverses
Compositeurs, théoriciens, répertoires (par époque)
Instruments - Organologie - Chant
Notation, polices, gravure
Répertoires généralistes - Divers

On voit bien que leur catégorisation est très marquée par une conception formaliste et biographique de la musique. J'ai un peu regardé dans le reste de leur site, très complet (on y trouve des revues universitaires, des bases de thèses, etc.), mais je n'ai pas eu l'impression que la matérialité des dispositifs fasse partie de leurs préoccuppations majeures. La majorité des publications de la SFM s'organise autour du tryptique "auteurs/oeuvres/instruments", et l'on ne trouve que de rares publis d'ethnomusicologie et un colloque sur "L'Opéra en France et en Italie (1791-1925) : une scène privilégiée d'échanges littéraires et musicaux" : là, ça semble plus proche de ce qui nous intéresse. Mais en gros, même si j'admets rester très superficiel dans mon analyse, la dominante des réflexions de la SFM tourne autour d'études biographiques et formalistes.

Bref, tout ça pour dire que la musique est encore trop souvent le refuge de réflexions sur la "transcendance" des oeuvres, tout comme l'art et l'image sont le réceptacle de nombreuses fumisteries philosophico-chewing-gum à propos de "voir l'invisible" et autres fadaises de salon.

Ce qui est occulté est bien entendu les parts sociales et matérielles sans lesquelles ni la musique, ni les images, ni l'art ne sauraient tout simplement exister. Cette obsession des philosophes, des historiens ou des critiques pour les textes me paraît être le signe d'une conception élitiste de l'art, ce qui est assez trivial comme réflexion, je l'admets. Il y a aussi le fait que c'est sans doute bien plus confortable, intellectuellement, de se contenter de décrire des oeuvres et des biographies, plutôt que de s'astreindre à décrire des articulations entre des formes discursives, des espaces sociaux et des configurations matérielles. Pourtant, je suis persuadé que c'est à ce seul prix qu'une histoire de la musique aurait un intérêt. Plutôt que de se demander "qui a fait quoi à quelle date ?", il vaut mieux essayer de comprendre "comment telle sociologie des publics et des artitstes s'articule avec tel dispositif matériel et énonciatif et tel type de musique". Ou, plus précisément, il conviendrait de se demander pourquoi, à certaines époques, c'est un certain type d'éarticulation qui prédomine et pourquoi ces articulations évoluent, comment elles se transforment, ce qu'elles révèlent des équilibres socio-discursifs à l'oeuvre, etc.
Sûr que ça complique l'analyse ! Mais le réductionnisme esthétique à quoi sert-il, en fin de compte, au plan scientifique ? Comme tu le disais, sans doute à sur-légitimer ce que notre culture a de toute manière rendu plus légitime que tout le reste : les textes, à savoir ce qui reste et qui fait "preuve" au sens procédurier et policier du terme ! Je lance une provoc là, mais ça m'a trotté dans la tête toute la journée : l'histoire (de l'art, de la musique, des sciences, etc.), quand elle se résume à décrire des biographies de grands hommes, a quelque chose à voir avec l'exercice du maintient de l'ordre : fixer des origines, organiser des hiérarchies et des légitimités, bref, naturaliser l'ordre social dans des textes à prétention scientifiques.

Bon, j'arrête là pour ce soir, mais y'aurait encore des millions de pistes à suivre autour de cette histoire de dispositif et autour de l'histoire comme dispositif...

:mouse: <-- et ce nouveau smiley, c'est en guise de récompense pour ceux qui auront eu le courage de lire mes élucubrations jusqu'au bout !

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Drone a écrit : « Mais le réductionnisme esthétique à quoi sert-il, en fin de compte, au plan scientifique ? Comme tu le disais, sans doute à sur-légitimer ce que notre culture a de toute manière rendu plus légitime que tout le reste : les textes, à savoir ce qui reste et qui fait "preuve" au sens procédurier et policier du terme ! Je lance une provoc là, mais ça m'a trotté dans la tête toute la journée : l'histoire (de l'art, de la musique, des sciences, etc.), quand elle se résume à décrire des biographies de grands hommes, a quelque chose à voir avec l'exercice du maintient de l'ordre : fixer des origines, organiser des hiérarchies et des légitimités, bref, naturaliser l'ordre social dans des textes à prétention scientifiques ».

Voilà une idée bien intéressante cher Dröne MAIS ! il y a un mais : si on hypothèse était la bonne, pourquoi les artistes, qui ne roulent pas tellement pour l’ordre établi, qui sont réputés chercher à s’en démarquer, sont tellement d’accord dans l’ensemble avec les conceptions académiques de l’Art, de l’Oeuvre. Pourquoi tant d’artistes contemporains éprouvent tellement le besoin de se référer à Dürer ou Rembrandt (sous couvert de le questionner bien sûr…….) et pas à d’obscurs Duschmols que leur démarche révolutionnaire aurait permis de redécouvrir ? Pourquoi les artistes n’ont pas développé une attirance pour d’autres manière de penser leurs pratiques ?
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LLB a écrit :Voilà une idée bien intéressante cher Dröne MAIS ! il y a un mais : si on hypothèse était la bonne, pourquoi les artistes, qui ne roulent pas tellement pour l’ordre établi, qui sont réputés chercher à s’en démarquer, sont tellement d’accord dans l’ensemble avec les conceptions académiques de l’Art, de l’Oeuvre. Pourquoi tant d’artistes contemporains éprouvent tellement le besoin de se référer à Dürer ou Rembrandt (sous couvert de le questionner bien sûr…….) et pas à d’obscurs Duschmols que leur démarche révolutionnaire aurait permis de redécouvrir ? Pourquoi les artistes n’ont pas développé une attirance pour d’autres manière de penser leurs pratiques ?
Beuh... en fait je ne sais pas si on peut dire que les artistes, en général, rouleraient contre l'ordre établi ! D'abord, soyons prudents : c'est toujours risqué de raisonner "en général", et je ne sais pas ce que ça veut dire "les artistes". Entre des ploucs académiques comme Fred Forest ou Ben et un squatteur qui peint sans avoir la moindre toile vendue, y'a autant de différence qu'entre J2M et un OS de chez Renault. En revanche, si on ne raisonne que sur les artistes dits "contemporains" exposés dans de grandes galeries ou dans les FIACS ou autres machins en "...AC", alors la référence à l'antique ou à un point origine (Dürer ou Rembrandt) est sans doute un bon moyen de se légitimer soit dans la position du successeur, soit dans la position du révolutionnaire en rupture de ban.

Bon, et puis surtout je parlais de l'Histoire, à savoir la discipline historique, comme dispositif social et discusif de pouvoir. Tu te rappelles cette phrase proférée par Roland Barthes ? "La langue n'est ni réactionnaire, ni conservatrice... elle est tout simplement fasciste !". Bon, en fait il lançait une provoc pour montrer qu'une langue comme la langue française, parce qu'elle impose une position au sujet, au verbe, et au complément, impose un ordre à la pensée. Bien, et ben je pense que c'est plutôt à l'Histoire que Barthes aurait dû s'adresser car l'Histoire c'est ce qui crée de l'ordre dans le temps en le faisant apparaître comme un continuum logique après coup, alors que le présent est toujours incompréhensible et imprévisible pour les acteurs qui le vivent. Mais comme l'Histoire permet aussi de relativiser le présent et de montrer que telle ou telle configuration sociale actuelle n'a rien de naturel... alors... ben... heu...
:pecos: je me demande si l'on ne s'égare pas, là...
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la franchement merci je me suis pris la tete toute la nuit sur mes objectifs de partys sur des sites free ou on peut dire que ca tourne en rond

alors je me suis dit et la drone zone keski ce dit dans son forum?

et la bang 1 pleine page de vrai reflection sur la musique et les rassemblements musicaux

et en bonus dvd ze drone retourne l idee de l art comme une crepe

ce forum devrait etre une emission d arte en 3eme partis de nuit au moins j en apprendre plus sur la musiqueeeu et la philo de l art
prce que pour l instant je serais plutot specialise en chasse a cour et redif(seul les insomniacs et les veiileurs de nuit peuvent comprendre)
:mouse: celui la est vraiment bien


au fait cherche souris un peut bete pôur m aider tout les soir a conquerrir le monde
palabala pam pam pam pam
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Message par drÖne »

raf a écrit :la franchement merci je me suis pris la tete toute la nuit sur mes objectifs de partys sur des sites free ou on peut dire que ca tourne en rond

alors je me suis dit et la drone zone keski ce dit dans son forum?

et la bang 1 pleine page de vrai reflection sur la musique et les rassemblements musicaux

et en bonus dvd ze drone retourne l idee de l art comme une crepe

ce forum devrait etre une emission d arte en 3eme partis de nuit au moins j en apprendre plus sur la musiqueeeu et la philo de l art
prce que pour l instant je serais plutot specialise en chasse a cour et redif(seul les insomniacs et les veiileurs de nuit peuvent comprendre)
:mouse: celui la est vraiment bien


au fait cherche souris un peut bete pôur m aider tout les soir a conquerrir le monde
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Yep ! Si tu veux, la Drönésie peut aligner toutes ses divisions de drones furtifs et de chars Panzer pour t'aider dans ta lutte pour la conquête du moooonde ! Ici, plus les objectifs sont exagérés, plus on est à l'aise ! Tu vois, avec l'art contemporain c'est pareil : on fait pas dans le consensus mou et encore moins dans la prosternation devant les grands z'hommes ! Moi, je préfère la trivialité assumée par les acteurs de la techno plutôt que le mépris repus et replet véhiculé par certains artistes contemporains. Même si on a sans doute tous un peu flirté avec les discours généralisants à leur sujet (il doit bien en rester, des gens pas nazes et des pas prétentieux, dans l'art contemporain, non ?), il faut reconnaître qu'on a tous du mal ici à se sentir concernés par les enjeux que nous présentent ces nantis de la culture. En tout cas, n'hésite pas à revenir parmi nous ! Y'a pas marqué "free" dans le titre du forum, mais j'espère qu'il souffle tout de même un sain zéphyr ironique et impertinent sur Room 101 !

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