A propos d'une expo d'ââârt et de musique

[LLB]

Il y a quelques jours, profitant d'un passage de Dröne à la capitale, je lui ai proposé qu'on visite l'expo Sonic Processs à Beaubourg : à l'affiche, pas mal de noms que j'avais écoutés grâce à lui : Scanner, David Shea, Coldcut, Dorfmeister.
Finalement, ça nous a énervés. Si je n'avais pas su à l'avance qu'il s'agissait de musiciens qu'on pouvait écouter sur des scènes "populaires", c'est-à-dire non liées au milieu de l'art contemporain, des scènes pour danser ou simplement écouter, j'aurais pu croire qu'il s'agissait d'artistes extrêmement expérimentaux, oeuvrant uniquement dans les musées, installations, prises de tête, simulacres, discours, aucune référence à d'autres scènes que celle de "centres" européens abstraits, Vienne, Paris, Marseille, Berlin, Barcelone, lieux myhtologiques qui ne disent rien des conditions précises dans lesquelles s'y développent ces fameuses expérimentations sur le son électronique. On pourrait imaginer des sortes de grands décors internationaux inaccessibles, éthérés où des gens à part font des trucs spéciaux qu'ils montrent dans les expos à Beaubourg. On ne peut par imaginer derrière les points clignotants sur une carte de la branchitude artistico-électronique à l'entrée de l'exposition, qu'il y a en fait des salles comme la Batofar, des disques qu'on écoute chez soi, etc. On ne pourrait pas imaginer qui sont les structures, le milieu, le public qui font vivre cette musique. Ils sont évacués, évacué aussi tout le contexte actuel de censure et d'interdiction. Il ne reste qu'une espèce de discours héroïsant qui parle des âââârtistes qui inventent des musiques nouvelles pour enrichir le domaine des arts plastiques et "ouvrir la voie à de nouvelles esthétiques". Résultat : David Shea présente une arnaque prétentieuse de cinéma mental, et Scanner une installation vidéo où on voit des gens danser mais sans le son (surtout prendre ses distances avec la trivialité de l'équation populaire : musique/danse) avec par contre diffusion des sons enregistrés dans des lieux de Paris où "souffle l'esprit" (style maison de Lautréamont, maison de Tristant Tzara, etc.) : quête des références esthétiques nobles, premier à faire ceci, pionnier de cela....
Un des seuls moments de l'exposition qui ne sentait pas la pose d'artiste de génie cachant sous le tapis ses "origines" dans le champ de musique populaire, c'était une tout simple salle d'écoute avec diaporama et musique (Dorfmeister) diffusée correctement sans singeries de concepts. Le clou, je crois, c'était la partie "atelier" de l'expo où le public était sensé faire tourner lui-même des platines, mais au service d'un concept obscur de spirale (t'as compris toi Dröne?). Le décor : un revêtement pseudo industriel type feutre isolant au mur, parsemé de quelques papiers punaisés pour annonces rédigées dans un look spontané à la main et au stylo, simulacre d'effervesence live, simulacre d'interactivité, simulacre de "vraie" ambiance on ferait comme si il y aurait un fourmillement d'annonces et de choses qui se font là en direct sous vos yeux : mais personne de personne, deux DJ qui s'ennuient, en vitrine, avec dehors la rue pleine de monde.......

[juko]

et c'est encore pire dans les instalaltions de type "multimédia" ( ce qui ne veut rien dire), en général accompagnée d'un tres long texte explicatif puisque les "oeuvres" sont souvent tellement peu convaincantes, peu intuitives, peu "touchantes" qu'il faut surligner au rouge l'intention pour cacher la misère de la réalisation.
Y a un bon foutage de gueule dans ce milieu d'art contemporain. Je savais que David Shea était tombé dansle panneau de la prétention, dommage.

[drÖne]

Un des seuls moments de l'exposition qui ne sentait pas la pose d'artiste de génie cachant sous le tapis ses "origines" dans le champ de musique populaire, c'était une tout simple salle d'écoute avec diaporama et musique (Dorfmeister) diffusée correctement sans singeries de concepts. Le clou, je crois, c'était la partie "atlier" de l'expo où le public était sensé faire tourner lui-même des platines, mais au service d'un concept obscur de spirale (t'as compris toi Dröne?). ....

En fait, il s'agissait de Cercle Rouge, des gens qui font partie de la "scène" marseillaise. C'est des jeunes, et c'est de leur part qu'on aurait pu attendre un minimum de solidarité avec le milieu Tek/free qui en prend tellement plein la gueule en ce moment... mais non... ils étaient dans un trip "spirale" et pour les connaisseurs, ça n'avait rien à voir avec les Spiral Tribe (un des groupes de DJ à l'origine du concept de free party). Juste une bête idée formelle de spirale : des racks de matos disposés en spirale, tu vois, le concept de la mort qui tue quoi... Bref, je partage totalement la réaction mi écoeurée mi ironique de LLB : il aurait pourtant suffit de pas grand chose pour que ces zââârtisssees fassent un tout petit geste de solidarité avec la scène electro-tek, celle qui a mouillé sa chemise depuis 15 ans, celle qui prend des risques réels aujourd'hui comme hier, celle qui les a fait exister et qui va sans doute finir aux oubliettes de la trivialité, coincée entre la répression sécuritaire et le mépris d'artistes en mal d'ascension sociale. Pour Shea et Scanner, j'ose espérer qu'ils ont été dépassés par le contexte muséal... mais s'ils ont réellement bossé pour... "ça" !... alors c'est un peu triste.

A+

[bituur esztreym]

en général accompagnée d'un tres long texte explicatif puisque les "oeuvres" sont souvent tellement peu convaincantes, peu intuitives, peu "touchantes" qu'il faut surligner au rouge l'intention pour cacher la misère de la réalisation.

eh oui, bonnes gens, tous ces beaux messires n'ont pas encore lu :
"Sur le bon usage de la théorie surplasticique" d'Hector-Marie Despladt ni"la gloire de la glose est d'atteindre à la glyptique" Ether-Michel Pillequant
& quand bien même ?...

où est mon canon à napalm ?

ah, ici :

[drÖne]

N'empêche que ce que tu expliques là :

Le regardeur muséal s'interroge souvent, et à juste titre, sur la juste distance à tenir entre l'oeuvre et lui. La distance de 2,14m s'impose pourtant. C'est à 2,14m que l'on s'approprie le mieux l'intention de l'artiste. Cette réévaluation précise de la distancialité regardale s'inscrit dans une contexture socio-artistale, qui tient compte des possibilités visualisantes de chacun.

...pourrait être réellement exploité dans une expo ! Au delà de l'aspect humoristique, je verrais bien une expo d'art dégénéré (cf. un autre post dans Room 101) et sécuritaire qui imposerait des positions et des parcours et en interdirait d'autres, avec des gardes en uniformes chargés de faire respecter la discipline qui sied à l'art, au spectateur et à l'artiste dans un pays comme la France, où il ne saurait plus être question de liberté, mais seulement d'obéissance.

+A+

[bituur esztreym]

eh ehe heh, c'est le principe pratique fondamental de l'e.xpérience de l.ocalisation du s.acré en a.rt !!!

[charlie]

N'empêche que ce que tu expliques là :

Le regardeur muséal s'interroge souvent, et à juste titre, sur la juste distance à tenir entre l'oeuvre et lui. La distance de 2,14m s'impose pourtant. C'est à 2,14m que l'on s'approprie le mieux l'intention de l'artiste. Cette réévaluation précise de la distancialité regardale s'inscrit dans une contexture socio-artistale, qui tient compte des possibilités visualisantes de chacun.

...pourrait être réellement exploité dans une expo ! Au delà de l'aspect humoristique, je verrais bien une expo d'art dégénéré (cf. un autre post dans Room 101) et sécuritaire qui imposerait des positions et des parcours et en interdirait d'autres, avec des gardes en uniformes chargés de faire respecter la discipline qui sied à l'art, au spectateur et à l'artiste dans un pays comme la France, où il ne saurait plus être question de liberté, mais seulement d'obéissance.

+A+

...

[LLB]

Cet après-midi je cherchais un cadeau pour mon cher frère et je pousse la porte d'un atelier d'encadrement du quartier, dans la vitrine duquel il y a une photo magnifique, un jeune marin qui lit sa lettre, je l'avais déjà vue dans une expo à Dunkerque, je vais demander si elle est à vendre.
J'aime cette image : un marin, très jeune, anonyme, au milieu de nulle part, perdu dans le grand océan, lit ou plus probablement relit une lettre qu'il a récupéré dans un port, ou qu'on lui a remise en partant, un lettre qui manifeste à la fois l'immense distance géographique et temporelle qui a été franchie pour que deux personnes se retrouvent ensemble, et pourtant le miracle si émouvant de cette intimité, la voix de celui qui écrit dans l'oreille de celui qui lit, la stupeur rapide et enchantée de le découvrir dans son écriture. Je pense à mon frère comme la personne qui a écrit au marin pensait à ce dernier. C'est peut-êre sa soeur qui lui écrit. Ils ne se disent rien d'habitude, ils pensent l'un à l'autre avec une tendresse inaltérable, et ils ne se parlent que par lettre ou cadeau interposés. Bref, cette photo me semble appartenir à mon petit monde familier.
Naïfs que nous sommes : il s'agissait d'une oeuvre, c'est à dire de quelque chose d'un autre monde, inaccessible donc.
En l'ocurence, le type de l'atelier me dit que malheureusement il faut s'adresse à telle agence et me passe les coordonnées. J'ai déjà compris que ce serait hors de portée mais je continue quand même pour apprendre. J'appelle. Il faut s'adresser à une galerie.
J'appelle la galerie. Une personne me met en attente. On me passe quelqu'un.
Il faut donner des renseignements : qui suis-je? Visiblement je ne figure pas sur les bons fichiers. Il faut prendre rendez-vous avec la directrice de la galerie. Mais la directrice est très occupée en fait et elle rappellera.
Mon petit marin lit sa lettre sans se douter qu'un jour il sera immortalisé dans une oeuvre aux mains d'un galeriste du Marais soucieux de ne pas perdre son temps avec des gens qui ne sont pas clients.
Pour le moment le marin est tout entier à sa lettre, dévoré de nostalgie. Dans ce qui se passe, l'échange marchand n'a pas le plus petit début de commencement de soupçon de signification.
Cher frère je ne t'achèterai jamais cette photo même si j'étais millionaire car elle serait attachée désormais à l'idée de mille crétins qui l'ont investie pour en tirer de quoi faire fonctionner leur commerce d'ineffable.

[drÖne]

C'était cette photo ?



Heu...

[LLB]

Elle coûte combien celle-là?