Putain, 20 ans de confinement !

Le 25 avril 2000, il y a donc 20 ans, un site web intitulé « Présidictature de Drönésie orientale » fut mis en ligne ainsi qu’en atteste l’annonce officielle réalisée à l’époque sur Usenet, qui était le réseau social à la mode. Il s’agissait d’une part de présenter la musique dégénérée que je produisais, mais également d’un exercice de caricature de la vie politique, culturelle et intellectuelle française. Comme l’indiquait son titre, ce site se présentait comme une dictature en ligne, une sorte de micro-nation virtuelle, mais sans la dimension ludique qu’on trouve dans certains de ces Etats en ligne réalisés par des amateurs de jeux de rôle.

Au plan formel, le site était très rudimentaire, comme on peut en juger d’après les archives du web. Il s’est progressivement doté d’une forme plus axée sur le visuel, et a étoffé son contenu. L’humour noir potache et volontairement excessif (sinon, pas de caricature possible) et la dénonciation grinçante des dérives sécuritaires et libérales de la France ont été dès l’origine associés à une dimension poétique et littéraire plus subtile grâce aux écrits du Lion Bleuflorophage. L’ensemble formant une sorte de mariage contre nature entre un humour pétomane et le style d’Italo Calvino.

Dix ans plus tard, la Présidictature était encore en ligne. Elle s’était depuis dotée d’un forum de discussion (Room 101) sur lequel s’étaient fomentés divers complots anarcho-teknoïdes, dont, parmi les plus notable, la Nuit des meutes et le Karnageval (12000 personnes réunies en manifestive à Paris contre les lois Sarkozy, selon les chiffres de la police. Ha ouais !). On trouve des traces de cet activisme, éminemment collectif et intentionnellement anonyme et éphémère, un peu partout sur le web, et sur Facebook. Ces liens perdurent, plus ou moins entretenus sur le long terme. Les coupables se reconnaîtront : la Présidictature les salue bien, toutes et tous ! En 2010, donc, on a fêté les 10 ans de la Dröne Zone. Logique. Dans un squat lyonnais dont j’ai oublié le nom. Mais c’était sympa, de se retrouver dans la vraie vie, avec biture, dope, DJs, lives et gros son à la clé. Là aussi, les coupables se reconnaîtront !

Le site est devenu énorme, plus d’une centaine de pages, des images à gogo, et une galerie de personnages imaginaires et absurdes plus ou moins décalés de la réalité politique et culturelle du moment : des « Ennemis héréditaire » notamment, les fameux « Barbudos », car il ne peut exister d’Etat sans ennemi héréditaire. Si possible des voisins. Car un bon voisin, c’est connu, est un voisin mort !

En 2017, j’ai toutefois décidé de fermer la dröne-zone. Comme je l’expliquais à l’époque, l’ambition du site était en effet de caricaturer la vie politique, culturelle et intellectuelle française, en évitant de se laisser enfermer dans le commentaire de l’actualité télévisée. Bien avant le Gorafi, la Drönésie Orientale a parodié les pédants, et a dénoncé à sa manière l’hypocrisie politicienne, la médiocrité du débat intellectuel et universitaire, la lâcheté des démocraties occidentales face au totalitarisme et au marché, bref, elle a tiré sur tout ce qui bougeait en espérant faire sourire ses lecteurs. Mais 17 ans plus tard, il n’était tout simplement plus possible de caricaturer la vie politique, culturelle, médiatique, intellectuelle et universitaire française qui était devenue sa propre caricature. La France n’était tout simplement plus caricaturable : la réalité avait rattrapé la fiction drönésienne. Le site de la Présidictature de Drönésie Orientale est donc resté en ligne, mais ne fut plus remis à jour en dehors d’une ultime carte de vœux grinçante en 2019.

Et c’est là qu’en 2020, je me suis rendu compte que ce putain de site avait… 20 ans ! 20 années de dictature confinée en ligne, bigre ! Et la réalité avait tellement surpassé la caricature, dans le contexte d’une France fascisante où les assassinats policiers, le racisme systémique, les chasses aux migrants, les milliers de morts en Méditerranée, le contrôle de nos vies par les IA du marché, et le confinement par un gouvernement sordidement cynique et corrompu étaient devenus tellement forts, dépassaient tellement l’imagination et le sens commun, qu’en comparaison mes délires potaches prenaient avec le recul une dimension vintage presque rassurante. Le site avait aussi vieilli et ne fonctionnait plus très bien techniquement. Confinement oblige, je me suis dit que ça valait peut-être la peine de le remettre en route, de rajouter quelques pages, et qu’au pire ça donnerait quelques heures de lecture, de rêverie et de rigolade à de nouveaux lecteurs ou à d’anciens amateurs.

Donc, le 25 avril, tadammmm ! Le site aura 20 ans et ça mérite bien une fête confinée, non ? Vous en connaissez beaucoup des sites web aussi vieux mais qui ont encore toutes leurs dents ? Bon, ben voilà ! Non mais ! Alors quoi !

Le 25, en plus, ça tombe un samedi. Je me suis dit que j’en profiterais bien pour réunir virtuellement les amies et les amis qui ont gravité autour de la Drönésie orientale durant ces 20 dernières années, et qui se reconnaîtront (oui, je sais, je me répète, papy est en train de devenir gâteux…).

Bref, trêve de circonlocutions : le 25, je vous propose de faire un live ambient-industriel dystopique à ma façon, et si le cœur vous en dit, que celles et ceux qui ont contribué à ces 20 années d’activisme proposent l’intervention qui les branche en relation avec la Drönésie, et on se concocte un pestacle en live sur Twitch.

Keske vous en disez ?

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