De quoi je cause?

Zone de discussion libre, sans thème précis.

Modérateur : drÖne

Avatar du membre
LLB
Haut fonctionnaire prussien
Messages : 508
Enregistré le : 06 oct. 2002, 17:14

De quoi je cause?

Message par LLB »

Troisième essai pour poster : je vous préviens que je commence à sombrer dans la mélancolie. Je reprends donc brièvement ce que je voulais dire en participant à ce forum : je voulais parler de mes motivations et avoir des réactions sur ce qu'elles m'inspirent.
Je participe à ce forum d'abord et avant tout parce que j'aime les « vrais gens avec des os » (dixit juko) qui sont derrière, mais aussi parce que j'ai envie de comprendre ces dispositifs que je ne pratique pas, les forums. Je préviens à ce sujet que j'aurai peut-être des comportements irritants de caves, les caves dont parle Becker dans la sociologie de la déviance. Eternel, authentique cave je suis. Je me demande si ce ne sont pas les gens comme moi qui font disparaître peu à peu l'esprit du net, même s'ils sont animés de bonnes intentions : parce qu'ils n'ont pas participé à la construction, qu'ils y viennent en tant qu'usagers au sens classique, ce contre quoi se construisait justement le net. Je me le demande vraiment et je ne dis pas ça pour qu'on me réponde mais non, penses-tu, allons donc, pas du tout, mais parce que c'est une question sérieuse que j'adresse.
Le Lion Bleuflorophage
Avatar du membre
drÖne
Présidictateur
Messages : 7766
Enregistré le : 05 oct. 2002, 22:35
Localisation : Présidictature de Drönésie Orientale
Contact :

Re: De quoi je cause?

Message par drÖne »

LLB a écrit :Troisième essai pour poster : je vous préviens que je commence à sombrer dans la mélancolie.
Mais non, mais non, tu vois bien que ça fonctionne ! En tout cas, bienvenue à toi qui poste ici pour la première fois !
Je participe à ce forum d'abord et avant tout parce que j'aime les « vrais gens avec des os » (dixit juko) qui sont derrière, mais aussi parce que j'ai envie de comprendre ces dispositifs que je ne pratique pas, les forums. Je préviens à ce sujet que j'aurai peut-être des comportements irritants de caves, les caves dont parle Becker dans la sociologie de la déviance. Eternel, authentique cave je suis. Je me demande si ce ne sont pas les gens comme moi qui font disparaître peu à peu l'esprit du net, même s'ils sont animés de bonnes intentions : parce qu'ils n'ont pas participé à la construction, qu'ils y viennent en tant qu'usagers au sens classique, ce contre quoi se construisait justement le net.
A priori, si j'ai ouvert ce forum, c'est aussi parce que j'aime les vrais gens qu'il y a derrière ! Et un peu aussi pour me faire plaisir : ça me défoule d'arriver à dompter une machine récalcitrante ou un logiciel mal fichu...

Plus sérieusement, je fais aussi ça car j'ai également envie de comprendre ce qui se passe quand on met plusieurs personnes ensemble en ligne et que l'enjeu est la parole : comme quoi, on peut avoir une certaine expérience du dispositif, et avoir les mêmes questions que quelqu'un qui y arrive pour la première fois.

Ta question est compliquée car elle englobe toute une série de dimensions :

1. c'est quoi un cave ? Souvent, sur Internet, on parle de "newbie" (un débutant) ou de "neu-neu" (euphémisme pour "con invétéré et irrécupérable"). La sociologie spontannée des z'acteurs z'eux-mêmes, quand ils décrivent leurs propres pratiques, semble n'admettre que ces deux catégories de "caves". Elle les oppose aux "dinos" (pour "dinosaures") qui sont supposés être ces informaticiens barbus et bourrus qui furent à l'initiative d'un internet mythique qu'en réalité personne n'a jamais connu... Enfin, il doit bien rester quelques informaticiens américains des 60's en vie, mais on peut se demander pourquoi on devrait désigner un "point origine" aux USA (le web fut inventé en France, crénom !), ou dans les 60's libertaires (internet fut conceptualisé par un ingénieur américain, Vannevar bush, anciennement responsable de la gestion des scientifiques américains lors de l'effort de guerre des USA. C'était en 1945).

2. C'est quoi "l'esprit originel du net" et était il si bon que ça ? Selon que l'on situe l'origine d'internet dans les 60's américaines (mythe du hippie informaticien dans son garage) ou en 1945 (V. Bush et la gestion des écrits scientifiques), on aura une vision bien différente de l'origine et des utopies du réseau.

3. Cet "esprit" a-t-il été perverti, et par qui ? Si j'admets volontiers que l'esprit libertaire et universitaire qui a été à l'origine du net dans les 60's était plutôt positif (volonté de faire "redescendre" les progrès de la science et des technologies vers le citoyen, utopies du partage généralisé de l'information, etc.), je ne saurais pas dire qui (ou quoi) est à l'origine des dérives contemporaines (le net comme média ouvert aux fachos de tout poils, trop souvent livré à l'insulte et à l'absence totale de règles, etc.). Mais ce que je peux dire, de mon petit point de vue d'acteur isolé mais ayant pas mal discuté en ligne, c'est que j'ai trouvé autant d'anciens du réseau refusant de réfléchir et laissant le net aller à vau l'eau que de débutants avides de comprendre et de pratiquer une réelle intercompréhension (ce qui signifie : ne pas la postuler comme acquise d'avance !). Chaque fois, ces dernières années, quand j'ai appelé des "anciens" (autoproclammés "dinos") à réfléchir à une manière de rendre usenet (les forums de news), par exemple, plus "démocratique" en mettant en place plus souvent des systèmes de modération, je suis tombé sur de vrais "caves" qui me répondaient : la modération c'est de la censure, et c'est du fascisme... Pire : il est devenu quasiment indécent de proposer un forum de discussion modéré : quand on propose d'ouvrir une discussion dont le but est, à terme, de voter pour ouvrir un nouveau forum modéré, on se fait immédiatement traiter par pas mal d'anciens de "censeur" ou de "judge thread". Autrement dit, l'idée d'ouvrir des expaces de parole EN PLUS des autres déjà existants est perçue comme... une agression et de la censure... Et crois moi, les gens dont je parle-là, ce sont aussi des anciens, et je ne les excuse pas pour ce manque d'intérêt pour le média dont ils sont souvent, dans les faits, un peu "propriétaires" (ce sont souvent les informaticiens des universités qui ont les "clés" de certains accès au réseau, même si le mythe dit que le réseau n'est dirigé par personne, ce qui n'est pas tout à fait vrai).

Donc, qui est le cave de qui dans tout ça, et qui perverti les utopies égalitaires (donc nécessairement pensées et normées) du réseau, j'avoue que je n'en sais rien, mais que je ne jette pas la pierre aux nouveaux : les anciens ont eu vite fait de baisser les bras et de se contenter de se foutre royalement de ce que le réseau devenait. Du moins, au niveau des discussions (dans la réalité de leurs actions, sur le terrain, c'est peut-être plus complexe).

Enfin voilà un débat bien complexe pour commencer ! J'ai l'impression que j'ai répondu à côté, non ?

A+
Avatar du membre
LLB
Haut fonctionnaire prussien
Messages : 508
Enregistré le : 06 oct. 2002, 17:14

Message par LLB »

Non tu ne réponds pas à côté, mais à un autre niveau que celui auquel je pensais, qui étais celui de ce qu'on entend par « les usages ». Je me fais l'idée que les usages du net ne sont pas les usages de la machine à laver ou du téléphone, qu'il faudratt dans l'idéal construire le dispositif en même temps qu'on le fait fonctionner pour éviter surtout d'en faire une machine à laver ou un téléphone dont la conception deviendrait à cause de ça marquée par les intérêts des fabricants, des producteurs. Or, je l'utilise comme une machine à laver, je n'investis pas dans la maîtrise du dispositif, et je garde quand même la possibilité d'intervenir dedans comme utilisateur et c'est ça qui me paraît pervers à terme, je ne sais pas de quelle manière, mais peut-être tout simplement parce que les tâches risquent d'être distribuées sur des modes classiques qui verouillent les choses.
Donc je comprends bien tout ce que tu dis et finalement, ça confirme même un peu cette crainte qu'il ne faudrait pas laisser filer les choses vers l'exploitation de ce qui est disponible, mais partager les raisons et les efforts que des gens comme toi ou les membres de neurocircus investissent là-dedans. Or moi je sens que je ne pourrais que discuter sur ce forum, mais jamais vraiment comprendre et soutenir l'effort de construction qui va avec (les profiles etc., tout ce que tu indiques dans le mail de bienvenue par exemple)! En gros, hors des aspects historiques, est-ce qu'il n'y a pas un usage des forums qui serait trop cantonné dans le repli sur la fonctionnalité, sans participation au dispositif lui-même.
Le Lion Bleuflorophage
Avatar du membre
drÖne
Présidictateur
Messages : 7766
Enregistré le : 05 oct. 2002, 22:35
Localisation : Présidictature de Drönésie Orientale
Contact :

Message par drÖne »

LLB a écrit :[...]
Donc je comprends bien tout ce que tu dis et finalement, ça confirme même un peu cette crainte qu'il ne faudrait pas laisser filer les choses vers l'exploitation de ce qui est disponible, mais partager les raisons et les efforts que des gens comme toi ou les membres de neurocircus investissent là-dedans. Or moi je sens que je ne pourrais que discuter sur ce forum, mais jamais vraiment comprendre et soutenir l'effort de construction qui va avec (les profiles etc., tout ce que tu indiques dans le mail de bienvenue par exemple)! En gros, hors des aspects historiques, est-ce qu'il n'y a pas un usage des forums qui serait trop cantonné dans le repli sur la fonctionnalité, sans participation au dispositif lui-même.
Tu sais, on est tous obligés de déléguer pas mal de l'esprit "do it yourself" à un moment donné. Par exemple, j'ai mis en place ce forum, mais je ne sais même pas comment fonctionne le logiciel qui le fait tourner. Je sais que c'est un truc sous licence GPL (libre de droit, au niveau du code), mais pour le reste... j'en suis réduit à faire confiance à des informaticiens. Je peux imaginer, bien entendu, qu'ils ont des valeurs morales et politiques nobles, en arrière plan de leurs réalisations que j'utilise. Mais en fait, comme je ne les connais pas, je me retrouve comme toi à utiliser une machine à laver : le "do it yourself", ça va un moment, mais pas trop loin tout de même !

C'est pas à toi que je vais expliquer ce qu'est un "architexte". Bon, ben dans ce forum que j'ai mis en place et où tu écris, je n'ai pas franchement la main sur l'architexte, sur l'organisation interne qui "surdétermine" nos écrits : je ne sais même pas comment agrandir cette foutue fenêtre microscopique où on doit écrire. Or, si elle est si petite, cette fenêtre, c'est sans doute en raison d'une conception du rapport à l'écrit typique des informaticiens : jamais plus de trois lignes ! Tu vois, j'ai peut-être acquis un certain nombre de compétences de surface qui me permettent d'éditer des pages web et de gérer un forum, mais en fait, à mon niveau, je me trouve face aux mêmes difficultés que toi !

Mais c'est bien ça l'idée du réseau : le do it yourself, ça fonctionne si tout le monde compte sur les autres : il y a des réseaux d'utilisateurs du logiciel de forum que j'utilise, par exemple, où l'on s'échange des trucs et astuces, comme chez les bricoleurs du dimanche. Mais même dans ces réseaux, on reste très près de l'usage des machines à laver, des fonctionalités : je n'ai encore lu nulle part de demande d'agrandissement de la fenêtre de texte ! Je vais d'ailleurs chercher comment faire. Tout ça pour dire que derrière les grands idéaux et les belles utopies du réseau, il subsiste toujours le complexe de la machine à laver, du fonctionalisme technique de base : utiliser ce qui est disponible, ce que la technique propose, sans trop gratter la surface. En plus, dans ces forums où les usagers se réapproprient la technique, les discussions restent toujours très techniques, justement : on voit pas vraiment de rubriques de type "technique et société", et encore moins "informatique et usagers". Les usagers se prennent en charge eux-même, OK, mais pour enfourcher le paradigme des informaticiens à l'ancienne, sans trop le reconceptualiser. Faut dire que c'est tellement compiqué, ces choses-là, que si en plus il fallait philosopher... enfin, c'est bien ça le problème... peut-être qu'on se complique la vie avec la technique pour éviter de penser ? On a finalement, du moins les gens de ma génération, laissé la conceptualisation de la technique à d'autres, ces fameux ainés mythiques, les dinos, et à nous, il reste les fonctionnalités qu'on ne peut que se réapproprier. Enfin, c'est mon avis d'utilisateur de base, hein ! Je suis sûr que marco ne serait pas d'accord.

Tout ça m'évoque la question du savoir dans la société : les encyclopédistes, ceux qui détenaient (semble-t-il !) un savoir global, ça ne peut plus exister dans un monde où la technique s'est diversifiée à l'extrème : du coup, on ne peut que déléguer les compétences, et comme derrière les savoirs il y a toujours des valeurs morales et politiques, ça signifie que notre marge d'autonomie est de toute manière de plus en plus réduite à mesure que l'on maîtrise plus de techniques. Du coup, on se rattrape comme on peut : à défaut de pouvoir changer ce qui serait important sur ce forum (comme la taille de la fenêtre de texte), je donne la possibilité à l'utilisateur de choisir entre une couleur bleue ou un aspect métallique... A moi le syndrôme de la machine à laver !

A+
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
Avatar du membre
drÖne
Présidictateur
Messages : 7766
Enregistré le : 05 oct. 2002, 22:35
Localisation : Présidictature de Drönésie Orientale
Contact :

Message par drÖne »

Hello le Lion !
drone a écrit : C'est pas à toi que je vais expliquer ce qu'est un "architexte". Bon, ben dans ce forum que j'ai mis en place et où tu écris, je n'ai pas franchement la main sur l'architexte, sur l'organisation interne qui "surdétermine" nos écrits : je ne sais même pas comment agrandir cette foutue fenêtre microscopique où on doit écrire. Or, si elle est si petite, cette fenêtre, c'est sans doute en raison d'une conception du rapport à l'écrit typique des informaticiens : jamais plus de trois lignes ! Tu vois, j'ai peut-être acquis un certain nombre de compétences de surface qui me permettent d'éditer des pages web et de gérer un forum, mais en fait, à mon niveau, je me trouve face aux mêmes difficultés que toi !
ca y est, j'ai réussi à modifier la taille de la fenêtre de composition des messages. Dis-moi si ça suffit comme ça, car je peux encore augmenter la largeur et la hauteur. Mais comme j'ai un grand écran chez moi (15 pouces), je ne sais pas ce que ça donne sur un écran classique : si j'augmente trop, ceux qui utilisent un 14 pouces risquent d'être ennuyés

A+
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
Invité

Message par Invité »

drone a écrit :
LLB a écrit :[...]
Donc je comprends bien tout ce que tu dis et finalement, ça confirme même un peu cette crainte qu'il ne faudrait pas laisser filer les choses vers l'exploitation de ce qui est disponible, mais partager les raisons et les efforts que des gens comme toi ou les membres de neurocircus investissent là-dedans. Or moi je sens que je ne pourrais que discuter sur ce forum, mais jamais vraiment comprendre et soutenir l'effort de construction qui va avec (les profiles etc., tout ce que tu indiques dans le mail de bienvenue par exemple)! En gros, hors des aspects historiques, est-ce qu'il n'y a pas un usage des forums qui serait trop cantonné dans le repli sur la fonctionnalité, sans participation au dispositif lui-même.
Tu sais, on est tous obligés de déléguer pas mal de l'esprit "do it yourself" à un moment donné. Par exemple, j'ai mis en place ce forum, mais je ne sais même pas comment fonctionne le logiciel qui le fait tourner. Je sais que c'est un truc sous licence GPL (libre de droit, au niveau du code), mais pour le reste... j'en suis réduit à faire confiance à des informaticiens. Je peux imaginer, bien entendu, qu'ils ont des valeurs morales et politiques nobles, en arrière plan de leurs réalisations que j'utilise. Mais en fait, comme je ne les connais pas, je me retrouve comme toi à utiliser une machine à laver : le "do it yourself", ça va un moment, mais pas trop loin tout de même !

C'est pas à toi que je vais expliquer ce qu'est un "architexte". Bon, ben dans ce forum que j'ai mis en place et où tu écris, je n'ai pas franchement la main sur l'architexte, sur l'organisation interne qui "surdétermine" nos écrits : je ne sais même pas comment agrandir cette foutue fenêtre microscopique où on doit écrire. Or, si elle est si petite, cette fenêtre, c'est sans doute en raison d'une conception du rapport à l'écrit typique des informaticiens : jamais plus de trois lignes ! Tu vois, j'ai peut-être acquis un certain nombre de compétences de surface qui me permettent d'éditer des pages web et de gérer un forum, mais en fait, à mon niveau, je me trouve face aux mêmes difficultés que toi !

Mais c'est bien ça l'idée du réseau : le do it yourself, ça fonctionne si tout le monde compte sur les autres : il y a des réseaux d'utilisateurs du logiciel de forum que j'utilise, par exemple, où l'on s'échange des trucs et astuces, comme chez les bricoleurs du dimanche. Mais même dans ces réseaux, on reste très près de l'usage des machines à laver, des fonctionalités : je n'ai encore lu nulle part de demande d'agrandissement de la fenêtre de texte ! Je vais d'ailleurs chercher comment faire. Tout ça pour dire que derrière les grands idéaux et les belles utopies du réseau, il subsiste toujours le complexe de la machine à laver, du fonctionalisme technique de base : utiliser ce qui est disponible, ce que la technique propose, sans trop gratter la surface. En plus, dans ces forums où les usagers se réapproprient la technique, les discussions restent toujours très techniques, justement : on voit pas vraiment de rubriques de type "technique et société", et encore moins "informatique et usagers". Les usagers se prennent en charge eux-même, OK, mais pour enfourcher le paradigme des informaticiens à l'ancienne, sans trop le reconceptualiser. Faut dire que c'est tellement compiqué, ces choses-là, que si en plus il fallait philosopher... enfin, c'est bien ça le problème... peut-être qu'on se complique la vie avec la technique pour éviter de penser ? On a finalement, du moins les gens de ma génération, laissé la conceptualisation de la technique à d'autres, ces fameux ainés mythiques, les dinos, et à nous, il reste les fonctionnalités qu'on ne peut que se réapproprier. Enfin, c'est mon avis d'utilisateur de base, hein ! Je suis sûr que marco ne serait pas d'accord.

Tout ça m'évoque la question du savoir dans la société : les encyclopédistes, ceux qui détenaient (semble-t-il !) un savoir global, ça ne peut plus exister dans un monde où la technique s'est diversifiée à l'extrème : du coup, on ne peut que déléguer les compétences, et comme derrière les savoirs il y a toujours des valeurs morales et politiques, ça signifie que notre marge d'autonomie est de toute manière de plus en plus réduite à mesure que l'on maîtrise plus de techniques. Du coup, on se rattrape comme on peut : à défaut de pouvoir changer ce qui serait important sur ce forum (comme la taille de la fenêtre de texte), je donne la possibilité à l'utilisateur de choisir entre une couleur bleue ou un aspect métallique... A moi le syndrôme de la machine à laver !

A+
Avatar du membre
LLB
Haut fonctionnaire prussien
Messages : 508
Enregistré le : 06 oct. 2002, 17:14

Message par LLB »

Drone wrote
"Tout ça m'évoque la question du savoir dans la société : les encyclopédistes, ceux qui détenaient (semble-t-il !) un savoir global, ça ne peut plus exister dans un monde où la technique s'est diversifiée à l'extrème : du coup, on ne peut que déléguer les compétences, et comme derrière les savoirs il y a toujours des valeurs morales et politiques, ça signifie que notre marge d'autonomie est de toute manière de plus en plus réduite à mesure que l'on maîtrise plus de techniques. Du coup, on se rattrape comme on peut : à défaut de pouvoir changer ce qui serait important sur ce forum (comme la taille de la fenêtre de texte), je donne la possibilité à l'utilisateur de choisir entre une couleur bleue ou un aspect métallique... A moi le syndrôme de la machine à laver ! "

Ah ah : tu vas rire en me voyant mimer les fonctionnalités de ce forum, je fais comme la machine, : donc tu disais que ça t'évoquait la question du savoir et que les encyclopédistes pouvaient détenir un savoir global, et qui plus est, il me semble, les conditions techniques de sa diffusion (l'encyclopédie comme production éditoriale). C'étaient des géants, ces types-là. Ils fonctionnaient aussi un peu comme un collectif inédit du genre neurocircus, sous certains aspects. Je veux dire par là qu'ils formaient une bande qui intervenait sur bien des plans de la vie. Connais-tu l'histoire d'Emilie du Châtelet, oubliée car c'était une nana, du moins c'est mon interprétation, réflexe de caste. Traductrice de Newton, collaboratrice de d'Alembert, esprit encyclopédique brillantissime mais qui n'a pas laissé d'oeuvre sous son propre nom. Beaucoup de traits de sa vie évoquent le fonctionnement de la communauté des savants sur un plan très humain, l'entraide, les crasses, les aventures héroïques pour sauver la mise à l'un ou l'autre. Je pense que la postérité s'est trop focalisée sur la dimension individuelle des oeuvres de Rousseau, d'Alembert, etc, et que ça a occulté le modèle de ces fonctionnements collectifs qu'on ne cesse d'essayer de réinventer. Je médite une chronique inspirée de l'anonyme Emilie du Chatelet car une petite caractéristique de sa vie laisse rêveur le moins romanesque : elle a eu une vie dite "dissolue" pour son époque mais le prieur qui l'avait confessée avant sa mort a été tellement admiratif et ému qu'il l'a faite enterrer dans la chapelle royale du chateau de Lunéville, au grand scandale de la moralité publique. Comme quoi tout est possible grâce aux rencontres, au-delà des formattages sociaux etc. Tout ça pour évoquer donc le fait que l'encyclopédisme va forcément de pair, pour moi, avec des collectifs de potes qui s'aiment très fort.
Le Lion Bleuflorophage
Avatar du membre
drÖne
Présidictateur
Messages : 7766
Enregistré le : 05 oct. 2002, 22:35
Localisation : Présidictature de Drönésie Orientale
Contact :

Message par drÖne »

LLB a écrit :Ah ah : tu vas rire en me voyant mimer les fonctionnalités de ce forum, je fais comme la machine,
Tu vzeux dire pour les citations ? En fait, grâce à ce logiciel tu peux (phrase standard du marketing informatique : "grâce à ce logiciel, vous pouvez...") optimiser les citations en utilisant le bouton "quote" qui fait le copier-coller tout seul : d'abord, tu sélectionne la partie de texte que tu veux citer, puis tu clique sur Quote, en tu n'as plus qu'à répondre à la suite de la quote.
: donc tu disais que ça t'évoquait la question du savoir et que les encyclopédistes pouvaient détenir un savoir global, et qui plus est, il me semble, les conditions techniques de sa diffusion (l'encyclopédie comme production éditoriale). C'étaient des géants, ces types-là. Ils fonctionnaient aussi un peu comme un collectif inédit du genre neurocircus, sous certains aspects. Je veux dire par là qu'ils formaient une bande qui intervenait sur bien des plans de la vie. Connais-tu l'histoire d'Emilie du Châtelet, oubliée car c'était une nana, du moins c'est mon interprétation, réflexe de caste. Traductrice de Newton, collaboratrice de d'Alembert, esprit encyclopédique brillantissime mais qui n'a pas laissé d'oeuvre sous son propre nom. Beaucoup de traits de sa vie évoquent le fonctionnement de la communauté des savants sur un plan très humain, l'entraide, les crasses, les aventures héroïques pour sauver la mise à l'un ou l'autre. Je pense que la postérité s'est trop focalisée sur la dimension individuelle des oeuvres de Rousseau, d'Alembert, etc, et que ça a occulté le modèle de ces fonctionnements collectifs qu'on ne cesse d'essayer de réinventer.
Oui, mais en même temps Darnton explique bien qu'au niveau européen, nos chers encyclopédistes se sont lancés dans moult procès en contrefaçon contre les pirates du savoir de l'époque : le XVIIIème avait ses hackers qui copiaient-collaient l'Encyclopédie et la vendaient sans contrepartie aux auteurs ! Car il y avait un marché juteux qui attisait les convoitises, et j'ai l'impression que les enjeux de la libre circulation de la connaissance n'empêchaient pas le sentiment d'une propriété intellectuelle d'auteur. Sinon, a-t-on des détails (croustillants ?) sur les relations entre ces encyclopédistes ? Travaillaient-ils en collectif, ou est-ce seulement le résultat (l'Encyclopédie) qui est une publication collective ? Se réunissaient-ils ou tout se passait-il par lettres interposées ? Je suis persuadé qu'une telle entreprise est infaisable sans se rencontrer régulièrement. Tout comme neurocircus a réellement commencé par une rencontre, après les premiers échanges en réseau.
Je médite une chronique inspirée de l'anonyme Emilie du Chatelet car une petite caractéristique de sa vie laisse rêveur le moins romanesque : elle a eu une vie dite "dissolue" pour son époque mais le prieur qui l'avait confessée avant sa mort a été tellement admiratif et ému qu'il l'a faite enterrer dans la chapelle royale du chateau de Lunéville, au grand scandale de la moralité publique. Comme quoi tout est possible grâce aux rencontres, au-delà des formattages sociaux etc. Tout ça pour évoquer donc le fait que l'encyclopédisme va forcément de pair, pour moi, avec des collectifs de potes qui s'aiment très fort.
Oui ! On en a bien besoin de ce genre d'exemple de refus des formattages sociaux en ce moment ! Mais fais gaffe : tu as vu que maintenant, quand on écrit un livre un peu "chaud" on peut se faire convoquer par le ministère de l'intérieur !!! La France suit le modèle Drönésien ! Miracle ! La rigueur de mon Etat totalitaire a enfin convaincu les politiques ! demain nous aurons peut être même un index, des listes noires d'artistes à interner, de grands autodafés : au feu tous les mal pensants ! Au feu Sade, Gide, d'Alambert et sa littérature cochonne ! Au pilon Celine qui parle de cul entre enfants ! Brûlons "Mort à crédit" qui évoque le touche pipi entre garçonnets et adorons en revanche la pure littérature sécuritaire du texte de la loi LSQ !!

A+
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
Invité

Message par Invité »

Possible qu'il faille se fâcher vraiment étant données les menaces et la bêtise ambiante, tout ce dont tu parles. Mais je me demande si on peut tout faire à la fois, c'est à dire contrarier les ennuyeux sur leur propre terrain en essayant de s'opposer (l'action syndicale ou coordonnée, la militance active, les manifs, les pétitions, les libelles et pamphlets, les tartes, l'action concertée, etc.) ou bien construire un espace propre qu'on maîtrise le mieux possible, là où on est, en exerçant le pouvoir et l'initiative (créer quelque chose à côté, en dehors, ailleurs, etc.). Dans les deux cas on est sans doute perdant : dans le premier, on fait exister plus fort que jamais ce qu'on déteste, dans le second, on ne fait pas bouger d'un iota les affaires au niveau d'action où se situent tous les problèmes que tu évoques. Dans une version optimiste, on n'est jamais perdant, ça vaut toujours le coup quel que soit le style, mais l'effet est toujours ailleurs que là où on l'attend et il faut faire avec ça, le fait qu'on ne soit pas propriétaires de ce qu'on fait. Tout ça est un peu flou, excuse-moi. Il faudrait des exemples concrets et j'ai très faim donc je m'autorise à laisser l'affaire en plan.
Avatar du membre
drÖne
Présidictateur
Messages : 7766
Enregistré le : 05 oct. 2002, 22:35
Localisation : Présidictature de Drönésie Orientale
Contact :

Message par drÖne »

Anonymous a écrit :Possible qu'il faille se fâcher vraiment étant données les menaces et la bêtise ambiante, tout ce dont tu parles. Mais je me demande si on peut tout faire à la fois, c'est à dire contrarier les ennuyeux sur leur propre terrain en essayant de s'opposer (l'action syndicale ou coordonnée, la militance active, les manifs, les pétitions, les libelles et pamphlets, les tartes, l'action concertée, etc.) ou bien construire un espace propre qu'on maîtrise le mieux possible, là où on est, en exerçant le pouvoir et l'initiative (créer quelque chose à côté, en dehors, ailleurs, etc.). Dans les deux cas on est sans doute perdant : dans le premier, on fait exister plus fort que jamais ce qu'on déteste, dans le second, on ne fait pas bouger d'un iota les affaires au niveau d'action où se situent tous les problèmes que tu évoques. Dans une version optimiste, on n'est jamais perdant, ça vaut toujours le coup quel que soit le style, mais l'effet est toujours ailleurs que là où on l'attend et il faut faire avec ça, le fait qu'on ne soit pas propriétaires de ce qu'on fait. Tout ça est un peu flou, excuse-moi. Il faudrait des exemples concrets et j'ai très faim donc je m'autorise à laisser l'affaire en plan.
Bon appétit, Le Lion ! (enfin, je crois reconnaître ton style, je ne pense pas me tromper, même s'il y a écrit "invité" et non LLB. Je crois que c'est parce que tu as dû répondre sans te "logger", ce qui n'est pas grave du tout). Pour répondre à l'alternative que tu présentes, et dont je ressens aussi fort que toi la tension qu'elle crée, j'aimerais dire "il faut les deux, mon général". mais j'avoue n'avoir jamais réussi à trancher pas plus qu'à faire les deux... Et là, je suis totalement trempé par la pluie et j'ai la dalle également... donc, à bientôt !
eyecrazy
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
Répondre