parution de nuit noire

Ecriture, écritures : en solo ou en collectif, ici on aime lire et écrire.

Modérateur : drÖne

konsstrukt
Panzer Kontorsion
Panzer Kontorsion
Messages : 527
Enregistré le : 26 juil. 2003, 01:39
Contact :

parution de nuit noire

Message par konsstrukt »

et bin ça y'est, c'est fait. mon bouquin le plus gore, le plus noir, le plus trash, le plus mystique, le plus impubliable, vient de sortir !

philippe ward, tel un chaos rampant de l'édition, a publié NUIT NOIRE chez rivière blanche.

mandy, tel celui qui attend en rêvant, s'est chargé de la magnifique couverture.

sinon, par rapport à la version diffusée sur internet, le texte a été considérablement augmenté. il a presque doublé de volume, en fait.

pour ceux qui voudraient voir la couverture et lire le début, c'est ici : http://www.riviereblanche.com/nuitnoire.htm

pour ceux qui voudraient visionner un extrait de la lecture que j'ai donné à bourges, c'est ici :

si vous voulez m'inviter à venir lire des extrait de mon bouquin ou à une signature, vous pouvez me contacter sur konsstrukt@hotmail.com


konsstrukt, derrick et ramzy
Avatar du membre
Ël Rapha
Hikikomori !
Messages : 2497
Enregistré le : 13 août 2009, 01:00

Re: parution de nuit noire

Message par Ël Rapha »

Cool, champagne ! J en veux un dedicace (avec de l encre, je me sens oblige de preciser [neuneu.gif] )
konsstrukt
Panzer Kontorsion
Panzer Kontorsion
Messages : 527
Enregistré le : 26 juil. 2003, 01:39
Contact :

Re: parution de nuit noire

Message par konsstrukt »

avec plaisir !
envoie-moi ton exemplaire, et je te le renverrai avec la page de garde bien souillée à l'encre, et une surprise en plus !
Avatar du membre
Ël Rapha
Hikikomori !
Messages : 2497
Enregistré le : 13 août 2009, 01:00

Re: parution de nuit noire

Message par Ël Rapha »

Pour l'instant je surveille mon facteur [cligne.gif]
konsstrukt
Panzer Kontorsion
Panzer Kontorsion
Messages : 527
Enregistré le : 26 juil. 2003, 01:39
Contact :

Re: parution de nuit noire

Message par konsstrukt »

cool !
signale-moi donc en mp dans quel coin tu habites, des fois qu'il y ait moyen de bouger sans la poste.
konsstrukt
Panzer Kontorsion
Panzer Kontorsion
Messages : 527
Enregistré le : 26 juil. 2003, 01:39
Contact :

Re: parution de nuit noire

Message par konsstrukt »

QUELQUES REACTIONS DE LECTEURS :

Très inquiétant...

J'espère seulement que ç'est pas trop trop trop autobiographique.

Toujours aussi chargé...

C'est très fort les sentiments que tu arrives à transmettre... Un peu comme si tout cela était enfoui en nous mais que nous nous refusions à le laisser transparaître... Très fort...

Anteros n' a pas de grandes oreilles mais un gros zguègue

Tout çà me fais penser à Rouault.

Ton personnage me fait un peu penser au psychopathe dans la première partie des Racines du mal de Dantec.

Florence va bientôt resembler à une peaupiette de veau fourrée .

L'ambiance sexuel/morbide me rappelle vaguement certains passage de Glamorama de B.E.Ellis qui m'avaient bien plus.

J'imagine même pas faire un film tiré de ce roman !

Je tient à te dire que j'ai lu à haute voix des bribes de phrases à quelques personnes de mon entourage, proche, une copine m'a limite cogné pour que j'arrête....

Sinon, moi, j'peux plus lire tout ça, c'est trop gore, j'arrive pas y croire... Ca se lit pourtant comme du petit lait, mais j'sais pas comment dire ça, cette accumulation des pires horreurs, ça finit par m'anésthésier, j'vois pas où ça va... Peut-être qu'il me manquerait quelque chose de l'ordre d'une construction moins « chronologique »... Quelque chose de plus compliqué qu'une suite d'évênements psychopathes... Enfin, j'sais pas...

STOOOOOOOOOOOOPPPPPPPPP !!!!!!!!!!!!!! Je suis pas critique littéraire, je suis juste lecteur et aussi, un de tes premiers lecteurs on va dire, mais stop !!!!!!!!! Tu te fais pas du mal ?????? Trois mots, maman bite zizi, et tu tournes, tu tournes. J'aimais tes débuts parce qu'ils étaient vrais, en lisant, mais là, ça sent trop la construction littéraire forcé, tu ferai pleurer un saule pleureur, non non non !!! Qu'est ce que je peux te dire ?????? Qu'est ce que je veux te dire ?????????

Totalement stupide, tu l'es sans l'ombre d'un doute, cloporte besogneux. Je maintiens que les bouses de Christophe Siébert sont de la guimauve insipide pour branlotins boutonneux. Ca se veut transgressif et c'est juste pitoyable. C'est écrit pour choquer le bourgeois, mais le bourgeois il s'en fout, il se goberge en lisant Bataille ou Sade avant de partir enculer quelques boys en Thaïlande... Siébert peut niquer sa mère, boire son foutre, manger sa merde ou forniquer avec le démon, il n'a rien à dire, c'est sans profondeur, simplement ridicule.

Concernant la première partie, je note quelques accroches dans l'écriture, mais ce n'est pas ce qui me dérange le plus. Tu mets en scène un enfant et sa mère dans une situation clairement pornographique. De là à parler de texte à caractère pédophile et incestueux il n'y a qu'un petit pas à franchir.

J'ai commencé mais je ne suis pas allée jusqu'au bout. Vouloir choquer peut être, mais présenter un enfant dans un rapport incestueux, comme s'il était consentant, je trouve ça scandaleux.

J'avais assisté il y a deux ou trois ans à une de tes lectures dans la cave de l'Utopya à montpellier. Ta lecture à ce moment la ne m'avais pas vraiment convaincu parce que je t'avais trouvé trop trash pour être honnête, ou autrement dit trop provocant pour toucher vraiment, ceci dit j'étais tout de même reparti, curieux, avec le livret de la lecture que tu donnais et avec le sentiment que ce n'était en aucun cas du foutage de gueule... Aujourd'hui je trouve Nuit noire beaucoup plus écrit, narratif, riche et construit, que ce que j'avais entendu à l'époque. Bref, à mon avis la retenue, la meilleure accessibilité de ce que tu écris ici sont très bénéfiques et servent bien ton propos, tu ne peut plus être (à mon sens) classé comme « simple » provocateur comme je l'avais fait trop rapidement.

J'ai adoré lire ta saloperie de bouquin qui colle et poisse aux yeux...

J'aime beaucoup, on dirais que le passage sur les odeurs corporelles sent le vécu par contre. « j’ai récupéré la mouche et je suis allé dans mon carton » : cette phrase m'a fait beaucoup rire

J'aime la distance entre le narrateur et ce qu'il dit : pas d'exaltation débile, ni admirative ni dégoûtée, juste une objectivité poussée autant que possible, et comme amusée parfois ; le ton est excellent. Ca donne une portée réelle par exemple au paragraphe de l'homme à la hache qui, exalté et sans distance, pourrait être vraiment ridicule et déjà-vu. Il est, déjà-vu, comme les autres pour ce qui est des thèmes et des images, mais il est bien mis en œuvre et on garde nous aussi la même distance au texte que le narrateur, au moins, donc on le prend pour ce qu'il est, un récit sans prétention et léger (au sens intellectuel).

L'écriture aussi (au contraire de plein de trucs de Siébert) est enfin un peu libre et enfin un peu syntaxique. On a des phrases françaises, on n'a pas de volonté de choquer le sens grammatical du lecteur, on a des effets utiles quand il en faut, et chaque phrase est pensée il me semble (du moins pas anodine), mais comme c'est utile, ça reste extrêmement fluide. Faut lui rendre ça, à Siébert, il sait ce que c'est que l'unité de ton et l'unité de sensation ou de sentiment.

Je trouve ça presque poétique d'un certain point de vue, tout ce qui ce passe avec l'oreille est tellement juste et bien décrit et en même temps universel que vraiment ça en devient touchant sans basculer à aucun moment dans le truc gratuit et gnan-gnan.

Long, lourd, redondant... La fin ne m'aide pas à retrouver le souffle du début quand il était ado et boutonneux.

Pas terrible.

La fin est plutôt réussie, avec un style plus soigné, peut être un peu neutre. Une fin qui demeure de qualité et qui réussit à replacer les acteurs dans la chronologie.

Le plaisir de lecture est présent depuis le début, si bien que j'ai (presque, certains chapitres m'étaient déjà connus) tout lu en un jour. Je suis loin d'être déçu.

La conclusion est très honnête, mais sans retournement, révélation finale, vision dantesque, explosion de ragondins de 56ème cercle ou parachutage de trolls sur le mont chauve. Siébertien jusqu'au bout, quoi. Le ton Siébertien neutre mais pas avare de détails, fussent-ils anodins, ne m'a pas emballé des masses, et je me suis retrouvé à lire fréquemment en diagonales. Une impression, en permanence de : mais oui, viens-en au fait, accélère, pète les plombs, chauffe, marcel, chauffe.

Bilan générale : la moitié, voir les deux tiers étaient à mon sens dispensable. Le début, et un ou deux trucs par la suite étaient splendides, mais ça s'est enfoncé dans la banalité morbide. C'était pas mauvais, j'aime assez le style d'écriture, mais c'était répétitif, ça faisait remplissage, et surtout on s'est mis trop vite à attendre la fin, un symptôme jamais trop bon.

Toujours aussi insignifiant. Catalogue non raisonné d'événements improbables, d'anachronismes patents, d'imbécilités pures (il n'existe pas d'autiste nymphomane, connard) et d'extravagances syntaxiques, rédigé dans un style illisible obtenu par le charcutage systématique du texte en foutant des points partout, au hasard, pour faire des phrases courtes, parce que c'est cool.

Plus ça va plus j'ai de mal à lire ce truc. Cliché sur cliché. Je préférais l'époque punk poésie. Là, y avait de la recherche littéraire. Ici, j'en vois guère.

Le fait est que je suis pas - oh non - un grand fan des écrits de Siébert, mais je lui reconnais au moins de savoir ce qu'il veut et y arriver.

Personnellement je trouve que le style est plutôt vulgaire et décousu, les actions s'enchaînent sans réel rapport aux autres. La psychologie du personnage si l'on peut l'appeler ainsi est maladroite et abordée de façon très superficielle, même si l'on pourrait éventuellement considérer que le récit lui même servirait à dresser un portrait psychologique de l'individu et de sa pathologie... mais là je ne suis vraiment pas convaincu que l'auteur ait eu ce souci. Ensuite, les répétitions, je ne sais si c'est lié à un manque de vocabulaire ou bien si c'est volontaire mais je trouve que cela rend le texte très lourd et donne une telle impression de longueur qu'il faut vraiment s'accrocher pour arriver jusqu'au bout... Enfin, je ne vois pas ce qu'il y a de « bandant » dans ces scènes de violence qui sont à mon sens très mal décrites, bien que je n'ai pas ce genre de fantasmes je pense tout de même que si le but est ici la description de l'acte il n'est pas atteint... Les gestes semblent presque placés en ellipses le registre descriptif est tantôt trop présent tantôt pas assez... En bref je n'accroche pas du tout.

J'ai lu Nuit noire, qui ne fait pas dans la dentelle mais qui a le mérite de pousser son principe assez loin. C'est sale, obscène, violent et jusqu'au boutiste. Une curiosité à découvrir.

A mon avis, pour qu'un mec comme toi soit publié, c'est que ton anus doit être dans un état bien pitoyable. Des tonnes de bites bien turgescentes ont du visiter ton fondement pour que ta prose maladorante et bancale arrive à être imprimée sur du papier blanc .



le lien vers l'éditeur : http://www.riviereblanche.com/nuitnoire.htm
Avatar du membre
pH
Hikikomori !
Messages : 2336
Enregistré le : 12 juin 2006, 23:24
Contact :

Re: parution de nuit noire

Message par pH »

Image

La saga des Nibars arf!

Bon, je mets là ton premier chapitre, pour qu'on puisse rire en famille et comprendre pourquoi les réactions les plus haineuses sont si justifiées : [mortderire.gif]
CHAPITRE PREMIER
1 : 33
Mes plus vieux souvenirs sont des odeurs d’aisselles et d’autres parties de mon corps. J’adorais ça. J’ignore quel âge j’avais à l’époque mais j’étais jeune, c’était avant que j’aille à l’école. Je restais des heures dans un carton à écouter mon père et ma mère picoler et discuter de façon de plus en plus incohérente. J’aimais ce carton, je m’y sentais chez moi. J’y restais des journées entières.
Je frottais mes doigts contre mes aisselles et je les reniflais, je passais la main entre mes couilles et mes cuisses et je les humais. J’ai continué à faire ça une fois adulte. Le parfum de ma sueur m’a toujours fasciné. Et toutes mes autres odeurs corporelles aussi. Je suçais mon doigt le matin avant de me lever et j’y respirais la trace aigre que ma salive avait laissée dessus. J’enfonçais mon doigt dans mon trou du cul, plus ou moins profondément selon que je désirais une odeur plus douce ou plus acre, et je le flairais. Mes parents n’ont jamais rien su de tout ça. Je restais plusieurs minutes enfermé dans mon carton à renifler mon doigt imprégné de merde et de sueur sans penser à rien d’autre. Je n’entendais même plus leurs conversations.
Très tôt j’ai respiré ma merde. Quand je chiais, avant d’appeler ma mère pour m’essuyer, et puis plus tard quand j’ai su me torcher tout seul, avant de tirer la chasse, je me penchais dans la cuvette pour renifler ou bien j’en écrasais une noisette au bout du doigt. Chaque jour elle avait une odeur différente et pourtant je la reconnaissais tout le temps. C’était ma merde. Rien qu’à moi. Quand j’allais aux toilettes pour sentir la merde de ma mère ou de mon père juste après qu’ils soient sortis ça n’était pas pareil. Ca ne me plaisait pas. Seules mes propres odeurs qui m’attiraient. Une fois j’ai goûté mes excréments mais ça m’a dégoûté, je n’ai pas recommencé. J’avais sûrement six ans puisque mon père était encore en vie.
2 : 32
Enfant j’avais un fantasme qui m’a duré des années, jusqu’à ma renaissance, jusqu’à ce que je m’isole et que je quitte la société des hommes. Je l’appelais le fantasme de l’homme dehors, qui approche avec sa hache et qui vient me chercher. Pour me tuer.
La nuit, dans mon lit, juste avant de m’endormir, quand j’étais allongé sur le côté, il arrivait que mon oreille soit repliée sur elle-même et alors j’entendais le battement de mon coeur pulser là, à l’intérieur du pavillon clos, et produire un son granuleux qui rappelait les pas de quelqu’un marchant avec des bottes sur un sol de terre sèche ou de graviers. Ca arrivait juste avant que je m’endorme et à chaque fois je vivais la même scène. L’homme à la hache venait pour moi. D’abord il tuait mon père, puis ma mère, enfin moi. Il défonçait la porte à coups de pieds et de hache, mon père entendait ça et se précipitait, il mourrait le premier puis les coups de haches de l’homme en noir qui pénétrait dans l’appartement faisaient taire ma même qui hurlait d’impuissance à la vue du massacre. Ensuite il me trouvait, j’étais calme. J’attendais ce moment depuis longtemps, c’était quelque chose de normal, je n’avais pas peur, je ne me débattrais pas. L’homme se tenait enfin devant moi. Je savais qu’à force d’approcher et approcher en rêve chaque nuit un soir il serait vraiment là ; il serait grand, barbu, avec un manteau noir couvert de sang et sa hache goutterait sur le sol. Il me sourirait, ses yeux seraient noirs et magnétiques, il lèverait sa hache lentement, j’essaierais de ne pas fermer les yeux mais je n’y parviendrais pas, sa hache me fendrait la poitrine, j’entendrais l’os craquer, je sentirais couler sur mon pyjama le sang chaud, ça serait fini.
C’est un de mes plus doux souvenirs d’enfance. Ce moment, juste avant de m’endormir, où je prends la bonne position et où j’écoute les pas de l’homme qui approche, calme, inexorable.
3 : 31
La première chose morte que j’ai vu c’est une mouche. Je n’allais pas encore à l’école. Mes parents et moi habitions un appartement en ville et je n’en sortais presque jamais. Ma mère était effrayée à l’idée que j’aille dehors. Ce jour-là elle faisait le ménage et mon père était à son travail. Par la fenêtre j’observais les gens en bas. Il y avait des mouches qui circulaient au plafond et se posaient
parfois sur la vitre. Ma mère en a tué une juste devant moi d’un coup de torchon. La mouche a laissé une trace rouge sur le verre, s’est décollée, est tombée par terre. Ma mère l’a ramassée et jetée dans un cendrier. J’étais fasciné. J’avais vu voler cette mouche et je l’avais vu mourir. Je l’ai récupérée après que ma mère soit passée dans une autre pièce. Je suis allé dans mon carton. Je l’ai observée pendant un long moment puis je l’ai écrasée entre mes doigts. Je me souviens de la sensation exacte, l’abdomen transformé en purée jaunâtre et humide contre ma peau, le reste du corps écrabouillé aussi mais plus solide. Ca m’a soulevé le coeur. Cette sensation était bonne, comme si ce haut-le-coeur dissimulait quelque chose de supérieur. Une conscience plus grande. Bien sûr à ce moment-là je n’avais pas du tout identifié cela. J’étais un enfant, j’avais juste éprouvé une sensation d’écoeurement qui faisait du bien. J’ai ressenti du trouble et de la confusion. J’ai terminé d’écraser la mouche entre mes doigts. Il n’en est resté que de la pulpe. Le trouble s’est dissipé mais il a marqué mon esprit. J’ai quitté mon carton. Toute la journée et toute la nuit j’ai repensé à ça. Pour moi, à l’époque, ça ressemblait à un secret, quelque chose connu de moi seul et que j’avais trouvé par hasard, quelque chose d’important. C’est ce jour-là je crois que ma vie a complètement changé. Toute la suite s’est déterminée dans cet instant où j’ai tout compris sans rien pouvoir formuler.
4 : 30
Le premier mort dont je me souvienne c’est mon grand-père. J’avais cinq ans. Ca c’est produit deux ans avant le suicide de mon père. Mes grands-parents habitaient une grande villa. Je n’avais pas le droit de jouer dans le jardin alors je restais à la cuisine avec ma mère et ma grand-mère tandis que mon père et mon grand-père discutaient au salon en buvant du Ricard.
A midi et demi nous sommes passés à table. Il manquait mon grand-père. Ma grand-mère l’a appelé et il n’a pas répondu. Elle a laissé passer une minute. J’étais assis face à la télé. Il y avait La maison de TF1 que présentait Evelyne Dhéliat. La détonation a éclaté à la fin de la séquence bricolage et tout le monde a sursauté. Ma grand-mère s’est levée d’un coup en disant à voix haute : « le fusil ! » et s’est précipitée vers l’escalier. Mon père l’a suivie. Ma mère a pali et n’a pas bougé. Je n’ai d’abord pas bougé non plus et puis quand j’ai entendu ma grand-mère hurler j’ai couru voir ce qui se passait là-haut. Ma mère ne réagissait toujours pas. Plus tard elle m’a raconté s’être évanouie mais je me souviens d’elle assise à table, pale, immobile et le regard fixe.
Là-haut mon père ne m’a rien laissé voir. La porte qui donnait sur le bureau de mon grand-père était déjà fermée. J’entendais ma grand-mère sangloter à l’intérieur et faire des bruits bizarres avec sa bouche. Mon père paraissait bouleversé mais il ne pleurait pas. Il m’a forcé à redescendre. Il a dit à ma mère d’appeler la gendarmerie. Ensuite il m’a conduit dehors. Nous nous sommes assis, il m’a expliqué que mon grand-père était mort, que je ne devais pas voir ça. Je passerai le reste du samedi chez les voisins. Des années plus tard j’apprendrai qu’il s’était tiré en plein visage une balle de fusil de chasse qui l’a tué sur le coup et qu’il n’a laissé aucune lettre d’explication.
5 : 29
Mon père s’est suicidé le vendredi treize juin mille neuf cent quatre-vingt pendant que ma mère faisait les courses. Il était dix-sept heures trente et je regardais Récré A2. Un épisode de Candy venait de commencer. Mon père avait la grippe, donc il ne s’était pas rendu à son travail et c’est lui qui était venu me chercher à l’école. Après les devoirs j’ai regardé la télé et lui s’est enfermé dans la chambre. Un moment après le début de Candy j’ai entendu provenir de la chambre un bruit que je n’ai pas reconnu. J’ai appelé pour savoir si tout allait bien sans obtenir de réponse. J’ai appelé encore et il y a eu un son étouffé pareil à un gargouillement. J’ai été voir. Mon père s’était pendu dans la chambre. Il avait passé une corde autour d’une des poutres qui traversaient la pièce et le bruit que j’avais entendu sans l’identifier était celui de la chaise qu’il avait renversée en se jetant dans le vide. Il m’a regardé. Ses pieds bougeaient de façon désordonnée au-dessus du sol. Avec ses mains il tentait de desserrer la corde qui lui broyait le cou. Ses yeux étaient exorbités. Il ouvrait et refermait la bouche et un son mouillé en sortait. Il tentait de me dire quelque chose ou alors simplement de respirer. Je n’ai rien fait. Je l’ai observé se débattre et mourir. L’agonie s’est achevée pendant le générique de fin de Candy. Je suis sorti, j’ai refermé la porte et je suis retourné devant la télé. Récré A2 était terminé. Je me suis levé pour changer de chaîne. Il y avait Un, rue Sésame qui commençait sur TF1. Un moment après ma
mère est rentrée. Elle paraissait joyeuse. Elle m’a demandé où était mon père, j’ai répondu que je croyais qu’il était dans la chambre, elle est entrée et elle a poussé un hurlement. Mon père non plus n’avait laissé aucune lettre d’explication. Longtemps après je me suis demandé si le suicide était héréditaire.
6 : 28
Nous avons déménagé. Il a fallu que ma mère trouve du travail. J’ai du changer d’école. A partir de l’année suivante nous avons habité à la campagne et il n’y avait plus que nous. C’était comme si le reste de la famille, des deux côtés, n’existait plus. La maison était à l’écart de tout. C’était une vieille baraque à deux étages, trop grande pour nous, isolée. Il fallait marcher deux kilomètres pour aller à l’école. Ca n’était pas sur le trajet du bus et le travail de ma mère ne lui permettait pas de m’accompagner ni de venir me chercher. J’ai découvert que j’aimais marcher et que j’appréciais la solitude. Pour aller à l’école je suivais à travers la forêt un petit chemin sur une centaine de mètres puis une route départementale que je longeais pendant deux kilomètres jusqu’au village. L’école se trouvait au centre, c’était une petite école, il n’y avait pas beaucoup d’élèves.
J’aimais ce trajet, les arbres, la forêt, j’aimais ça. Je ressentais la puissance de la nature. Quand il faisait trop froid ou trop chaud, qu’il pleuvait ou qu’il y avait du vent, c’était encore mieux. J’avais envie de me perdre là-dedans et de ne jamais en sortir, de rencontrer les loups, qu’ils me traquent et me tuent, qu’ils me jugent faible ou alors qu’ils m’adoptent. J’ignorais qu’il n’y avait plus de loup.
A l’école je m’ennuyais. Rien ne m’intéressait. Je ne parlais pas aux autres ni à la maîtresse. Les adultes étaient au courant pour le suicide de mon père alors ils me foutaient la paix. Aux récréations je restais dans la classe et je dessinais. Je n’aimais pas l’école. Tout m’y paraissait faux. Tout avait l’air hypocrite et mauvais. Je me souviens des lettres en couleurs punaisées sur les murs pour apprendre à lire. Des lettres qui prenaient la forme d’animaux rigolos. Mais elles cachaient un mensonge. Je le percevais. Cette perception était le négatif de ce que j’avais éprouvé en écrasant la mouche entre mes doigts.
7 : 27
C’est à cette époque-là que ma mère a commencé à dérailler, à avoir le sommeil agité, à prendre des médicaments, somnifères et antidépresseurs, tranquillisants, à fumer beaucoup plus de tabac, à se mettre au cannabis, tout ça au cours de la première année. Je ne la voyais pas beaucoup. Elle se levait après que je sois parti pour l’école et rentrait de son travail une heure après moi. Elle s’endormait souvent à table ou sur le canapé, devant la télé.
On mangeait des pâtes, des conserves réchauffées au micro-onde, des soupes en sachet. Souvent c’est moi qui m’occupais de la cuisine. Elle mettait la table. Elle faisait chauffer de l’eau ou elle ouvrait une boite, ensuite elle s’asseyait et avalait ses cachets sans y penser. Elle enchaînait joints et cigarettes. Elle piquait du nez devant le journal télévisé. La plupart du temps je la laissais dormir, je mangeais seul ou alors je ne mangeais pas moi non plus. J’éteignais la télé et j’écoutais sa respiration troublée. Je n’en pouvais plus de la voir comme ça.
Une heure ou deux après avoir piqué du nez, alors que je me préparais à aller au lit, elle ouvrait les yeux. Elle rallumait la télé, elle marmonnait des phrases que je ne comprenais pas, elle allait au réfrigérateur prendre deux ou trois yaourts qu’elle mangeait debout dans la cuisine avant de revenir rouler des cigarettes et des joints. Elle me souhaitait bonne nuit. Elle ne m’accompagnait pas au lit. Elle me disait qu’elle m’aimait mais son regard était absent.
Je continuais à m’intéresser à mes odeurs. Depuis le début de l’année j’avais abandonné mon carton. Je pleurais beaucoup. Je n’arrivais pas à encaisser cette situation. Je voyais ma mère devenir folle et la seule chose qui la réconfortait, les bains que nous prenions ensemble, ne me paraissait pas bien. Je m’enfouissais sous les couvertures pour ne plus l’entendre parler à mon père mort et je remplissais ma conscience des émanations de mon corps. Je ne pensais plus.
8 : 26
On prenait des bains ensemble pour passer plus de temps tous les deux. Ma mère était trop fatiguée pour jouer avec moi alors elle a décidé que le bain serait un moment à nous. Au début ça me gênait un peu d’être nu devant elle mais la gêne est passée. Elle me disait que ça lui faisait du bien, que sa vie était horrible, que ça l’aidait à tenir. Moi je pensais à mon père.
Elle me racontait comment c’était difficile de me laver quand j’étais bébé et que je remuais dans tous les sens. Elle me disait à quel point c’était agréable de m’allaiter. Un soir j’ai joué au bébé. Je l’ai éclaboussée et elle a ri. On a pris l’habitude de ce jeu. Un autre soir elle a prolongé le jeu et m’a donné le sein. J’ai retiré ma bouche, surpris, mais elle m’a maintenu contre elle. Elle m’a murmuré de continuer, que ça lui ferait du bien. Alors je l’ai tétée. J’ai trouvé ça agréable. Je me sentais mal à l’aise. Elle respirait fort. Elle m’a expliqué d’une voix haletante que quand j’étais bébé elle prenait beaucoup de plaisir à faire ça et qu’elle était heureuse que ce plaisir revienne. Elle avait la tête renversée en arrière, elle gémissait et de ses deux mains elle guidait ma bouche d’un téton à l’autre. Elle se tortillait. Après avoir hésité un peu elle a relâché son étreinte. D’une main elle m’a caressé la nuque et le dos. Elle a plongé son autre main sous l’eau et l’a placée entre ses cuisses. Elle a gémi plus fort, jusqu’à un paroxysme qu’à l’époque je n’ai pas compris, ensuite elle m’a repoussé puis de nouveau attiré à elle pour me donner un câlin plus doux.
Je me sentais à la fois bien et mal, content et frustré. Mon sexe était dur mais nous faisions semblant de ne pas nous en apercevoir. Nous faisions comme si ça n’avait pas d’importance. Nous prenions un bain chaque soir.
konsstrukt
Panzer Kontorsion
Panzer Kontorsion
Messages : 527
Enregistré le : 26 juil. 2003, 01:39
Contact :

Re: parution de nuit noire

Message par konsstrukt »

danke schön !
Avatar du membre
pH
Hikikomori !
Messages : 2336
Enregistré le : 12 juin 2006, 23:24
Contact :

Re: parution de nuit noire

Message par pH »

J'ai pas dit que ça me plaisait hein… [mortderire.gif]

Mais ça me donne plein d'idées pour titrer les articles de mon blog :
Mon père s’est suicidé le vendredi treize juin mille neuf cent quatre-vingt pendant que ma mère faisait les courses. Il était dix-sept heures trente et je regardais Récré A2.
arf!
konsstrukt
Panzer Kontorsion
Panzer Kontorsion
Messages : 527
Enregistré le : 26 juil. 2003, 01:39
Contact :

Re: parution de nuit noire

Message par konsstrukt »

bah, l'important c'est pas spécialement que ça te plaise, à toi.
Verrouillé