Brisons le silence sur ce qui se passe en Espagne

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drÖne
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Brisons le silence sur ce qui se passe en Espagne

Message par drÖne »

http://rue89.nouvelobs.com/2014/01/10/b ... gne-248918
Astrid Menasanch Tobieson, dramaturge

Sous couvert de l’inattaquable excuse de la sécurité, le gouvernement de Mariano Rajoy considère préventivement le manifestant comme dangereux. Il est ainsi automatiquement regardé comme une menace à la loi grâce au nouveau projet législatif de "Sécurité citoyenne" adopté par le conseil des ministres le 29 novembre dernier.

Des policiers arrêtent des manifestants lors d’un défilé contre la réforme du droit à l’avortement, le 20 décembre 2013 à Madrid (Andres Kudacki/AP/SIPA)

Metteur en scène et dramaturge, Astrid Menasanch Tobieson travaille entre la Suède et l’Espagne. Elle est membre du groupe de théâtre Sta ! Gerillan. La lettre ci-dessous était initialement adressée aux journalistes suédois et a été publiée le 19 décembre. Avec l’autorisation de l’auteure, la traductrice a pu la retranscrire en français.

Mathilde Rambourg

La lettre d’Astrid Menasanch Tobieson

Bouleversée, je vous écris sous le coup de l’indignation. L’Espagne, dans peu de temps, empruntera le chemin qui mène d’une démocratie ouverte à ce qui risque de devenir une démocratie fasciste et autoritaire.

Je vous écris après les événements qui se sont produits dans le quartier de Kärrtorp à Stockholm (où un groupe néonazi ultraviolent a attaqué une manifestation antirasciste il y a quelques jours).

Je vous écris à propos de qui se trame en Espagne. Je crois en tout cas que la Suède et l’Espagne se ressemblent en un point : l’avancée du fascisme devant l’indifférence de la société. Le 19 novembre, le gouvernement espagnol a approuvé un projet de loi dont le but est d’en finir avec les manifestations et les contestations au régime actuel. La méthode est classique : instaurer le silence grâce à la répression.
Avortement non, sécurité citoyenne oui ?

Le 29 novembre dernier, le Conseil des ministres du gouvernement conservateur espagnol a approuvé le projet de loi « Sécurité citoyenne » qui réforme le code pénal. Le texte, qui réduit les droits et libertés civiles (mais pas celle de faire l’apologie du franquisme) est unanimement rejeté par les mouvements sociaux, les syndicats, l’opposition, les organisations professionnelles comme celles des juges pour la démocratie, l’association unifiée des gardes civils ou la fédération des journalistes d’Espagne.

Alors que le Parti socialiste espagnol a demandé à ses alliés européens de se mobiliser contre le projet de loi réduisant les droits d’accès des femmes à l’avortement, certains se demandent pourquoi il n’a pas entrepris la même démarche sur la loi « Sécurité citoyenne ». Blandine Grosjean

Je vous demande maintenant de l’aide, je vous demande d’informer. Le samedi 14 décembre à Madrid s’est déroulé une des 6 000 manifestations qui se sont organisées cette année en Espagne. Je le répète : une des 6 000.

Ces dernières années, le réseau de protection sociale a été ébranlé : privatisation des théâtres, tentatives de privatiser les hôpitaux, droit du travail ébranlé et transformé depuis sa base, licenciements innombrables, familles chassées de leur domicile, éducation civique suspendue dans les écoles, etc. Et afin de clore une longue liste, le vendredi 20 décembre, le gouvernement a approuvé la réforme du droit à l’avortement.

Ce que l’on a désigné comme une crise économique est, depuis le début, avant tout une crise démocratique. La couverture médiatique en Suède et en France sur la situation en Espagne a été très faible, et son analyse d’un point de vue social, inexistante.

La manifestation qui s’est tenue au pied du Congrès de Madrid le samedi 14 décembre, avait pour but de protester contre une nouvelle proposition de loi : la « ley de Seguridad Ciudadana », loi de Sécurité citoyenne.
Un groupe Facebook : 30 000 euros

Cette loi, qui contient 55 articles et punit autant d’actes différents, prévoit des amendes pour le manifestant, allant de 100 à 600 000 euros. Les infractions ?

Pour commencer, toutes les manifestations non-déclarées et prenant place devant le Congrès ou autre édifice appartenant à l’Etat – comme celle qui s’est déroulée samedi 14 à Madrid – seront interdites et la sanction ira jusqu’à 30 000 euros par participant. Cela sera le cas lorsque plusieurs personnes seront considérées comme un groupe.

L’interdiction des manifestations non-déclarées s’appliquera également aux réseaux sociaux. Se rassembler en tant que groupe sur Internet, autour d’une opinion, sera sanctionné de 30 000 euros. Créer un groupe, sur les réseaux sociaux ou dans un lieu public, autour de symboles ou de drapeaux, sera interdit : 30 000 euros d’amende.

Si dans une manifestation, un citoyen manifeste avec une capuche ou avec le visage couvert : 30 000 euros d’amende.

Refuser de décliner son identité devant un policier : 30 000 euros.

Empêcher un policier de remplir sa fonction : 30 000 euros, ce qui, dans la pratique, signifie que les sit-in comme ceux qui initièrent le mouvement du 15-M en Espagne [ « Les Indignés », ndlr], seront strictement interdits.

Déshonorer le drapeau espagnol : 30 000 euros [en France, cet acte est passible de 1 500 euros d’amende, ndlr].

Réaliser un dessin satirique, prenant pour sujet, par exemple, un politique, sera interdit.

Utiliser des pancartes critiquant la nation espagnole : 30 000 euros.

Filmer ou photographier un policier en service : 30 000 euros.

Et la liste n’est pas exhaustive. Dans tous les cas, le témoignage d’un policier ou d’un agent de sécurité sera suffisant pour infliger une amende au citoyen.

D’aucuns peuvent par conséquent se demander : l’Espagne fait-elle face à un mouvement de manifestations violentes ? Eh bien non. Le chef de la police Ignacio Casido a déclaré que ces 6 000 manifestations sont jusqu’à ce jour le mouvement le plus pacifique de l’histoire de l’Espagne.

Il n’y a pas si longtemps, l’Espagne était encore une dictature. Il n’y a pas si longtemps non plus que la guerre civile a eu lieu. Tous les débats sont politiques. Informer d’un événement est un acte politique. Ne pas le faire est un acte politique. Le silence est, au plus haut point, un acte politique. Le choix de garder le silence se fige dans la mémoire des générations. Cette loi néofasciste qui va être votée n’est pas sans lien avec la montée des fascismes en Europe. Cela nous concerne tous.

Je m’adresse à tous les journalistes, aux éditorialistes en France. Vous qui détenez l’espace médiatique. Je vous demande sincèrement de briser le silence vis-à-vis du régime qui est en train de s’imposer en Espagne.

Je vous demande de commencer à informer. Je vous demande de soutenir la liberté d’expression avec vos articles et vos apports au débat, je vous demande d’y apporter des analyses rigoureuses et profondes. Informez ! Informez sur tout !


Note de la traductrice

Les dénonciations faites par des policiers bénéficient de la présomption de véracité. Par conséquent, c’est celui qui fait l’objet de l’accusation qui devra démontrer la non-véracité de ce qui est avancé par les agents. Le système d’accusation fonctionnait ainsi également sous la dictature franquiste.

Selon l’écrivain Javier Marias, c’est une négation de la justice : cela revient à condamner directement l’accusé car il sera incapable de démontrer qu’il n’a pas pas commis l’acte dont on l’accuse puisque l’on part de la base que si, il l’a fait. Il sera d’autant plus difficile à l’accusé d’apporter des preuves à cause de la loi qui interdit de photographier ou de filmer des agents de l’ordre.

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Re: Brisons le silence sur ce qui se passe en Espagne

Message par chris »

et merde ,ça commence à puer dans ce pays que j'adore .......il n'y a plus qu'a miser sur la capacité de résistance des espagnols (bien plus importante qu'en France à mon avis ) avant qu'elle ne soit muselée ; C'est encore un pays scindé en deux avec d'une part une frange de fachos catholiques et réactionaires (la loi contre l'avortement me glace le sang ) et des motivés qui sont bien moins tièdes qu'ici et pour qui la notion de liberté individuelle a encore un sens
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Re: Brisons le silence sur ce qui se passe en Espagne

Message par drÖne »

Oui, les espagnols sont sans doute culturellement et historiquement plus "résistants" que les français (encore que si leur dictature a été si dure et si longue, ça montre bien les limites de cette résistance), mais ce qui est toujours triste c'est de constater la convergence et l'extension planétaire de la putridité libérale et en parallèle l'absence de solidarité internationale dans les luttes. C'est une des limites du "agir local/penser global" : on ne pense pas si global que ça en fait, pas plus qu'on n'agit suffisamment localement...

En tout cas, en ce qui concerne cet appel, autant dire que la presse française ne s'en est pas faite l'écho : les chiens de garde du libéralisme et de la pensée de comptoir on bien fait leur petit travail d'occultation...
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Re: Brisons le silence sur ce qui se passe en Espagne

Message par drÖne »

http://lemilie.org/index.php/ailleurs/5 ... ete-privee
Des centaines de femmes espagnoles ont fait enregistrer leur corps comme propriété afin de le protéger contre la loi Gallardon qui va supprimer le droit à l'avortement. A l'initiative d'une artiste activiste madrilène, Yolanda Dominguez, ces femmes se sont présentées à l'administration pour faire reconnaître leur corps comme bien mobilier afin que l'Etat ne puisse pas avoir de droits dessus. Si l'initiative semble symbolique, elle a également une portée juridique inédite.

L'étonnement des fonctionnaires du Registro Marcantil de Bienes Muebles (registre commercial des biens mobiliers) n'est pas feint lorsque des groupes de femmes se présentent pour déposer une demande d'enregistrement particulière : elles souhaitent faire de leur corps leur propriété. Après consultation des chefs de services, les demandes sont acceptées et au même moment à Madrid, Barcelone, Bilbao, Pampelune, Séville et Pontevedra, le corps de centaines de femmes est protégé au regard de la loi. L'artiste Yolanda Dominguez explique que "nous voulions affirmer de manière officielle que notre corps nous appartient". Selon elle, le ministre de la justice (ndlr Gallardon) traite les femmes comme une marchandise, comme un objet, alors elles le protégent comme tel... L'artiste est persuadée que la démarche peut créer un précédent juridique.

Sur le formulaire, les femmes ont dû donner la description du bien qu'elles enregistraient. L'une des activistes explique dans El Pais que son corps est "grand, merveilleux. Il fonctionne à la perfection. Son odeur me plaît. Il a deux jambes, deux bras, un utérus, deux ovaires...". Chaque femme a décrit sa propriété avec précision et détermination. L'action se poursuit actuellement dans de nombreuses villes d'Espagne.
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Re: Brisons le silence sur ce qui se passe en Espagne

Message par chris »

Très belle idée ! D'après les derniers sondages ,plus de 70% des femmes espagnoles sont contre cette loi anti-avortement ! Sinon ,pas mal percutant aussi : des centaines d espagnoles se sont assises dans les rues ,comme si elles tapaient la manche , avec une pancarte " quelques pièces pour aller avorter à l'étranger S.V.P
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