les poèmes à la con de la vraie vie

[konsstrukt]

nouveau recueil en construction
six textes ici, d'autres sur d'autres sites


dernière fois que je vois le dos d'anaïs que j'entends sa respiration que je touche son épaule nuque crâne
quelques heures plus tard dernière fois que je lui dit bonjour dernière fois que je lui dis à tout à l'heure
et je lui mens forcément
dernière fois que je la vois fermer la porte et que j'entends ses pas s'éloigner
dernière fois que je l'entends quitter l'immeuble
dernière fois que je suis dans cet appart
il est trop cher pour nous cet appart même s'il a la classe et que tous nos potes l'aiment bien
dernière fois que je fais la vaisselle et sans nostalgie ni pincement au coeur ni rien de romantique dans toutes ces dernières fois même si je les énumèrent au fur et à mesure juste parce que ça me rappelle d'autres dernières fois
je suis meilleur en dernières fois qu'en premières fois moi
j'imagine que je ferai un meilleur mort que vivant
supposition à la con
d'autres dernières fois
j'y pense en faisant la vaisselle
dernière fois que je vois ma mère
ça se passe un peu pareil
je me tire un jour en laissant une lettre d'insultes et en piquant tout le liquide
à peu près six cent balles
en chemin je balance les clefs de la maison à la flotte et je prends le train pour toulouse
pourquoi toulouse
parce que c'est la grande ville la plus proche où je ne connais absolument personne
je veux rester seul
à la gare dernière fois que je croise ariane je fais semblant de pas la voir et elle ne me voit pas
j'apprendrai plus tard qu'elle fait semblant elle aussi
salope
vaisselle terminée
la lettre
première fois que je ne termine pas une lettre à anaïs par un petit coeur première fois que je marque je t'embrasse au lieu de je t'aime
ça ça me rend triste
je suis triste de plus l'aimer et puis ça passe
je laisse la lettre les clefs
pas question de jeter les clefs
et un peu de fric pour les factures en cours
dernière fois que je claque la porte
légère hésitation
une fois la porte claquée impossible de revenir en arrière
elle s'ouvre pas sans la clef
merde pourvu qu'elle elle ait les siennes
dernière fois que je descends les escaliers que je franchis la cour que je sors de l'immeuble
porte de l'immeuble claque derrière moi
en une seconde j'imagine que je reste qu'elle revient que je lui dis une connerie j'ai oublié mes clefs ou j'en sais rien et une fois à l'intérieur je me débrouille pour faire disparaître la lettre avant qu'elle la remarque mais non je m'éloigne et dernière fois dans cette rue
dernière fois à cet arret du tram
dernière fois dans le tram
il est encore temps de revenir en arrière mais non
dernière fois dans la gare
j'achète le billet
encore temps mais non
j'achète un bouquin pour la route
de quoi bouffer boire
je monte sur le quai attendre mon train
anaïs rentrera à la maison à peu près au même moment où moi je rentrerai dans mon train
elle va probablement s'effondrer en morceaux
ça me concerne plus
le train arrive
train pour lyon
cette fois je choisis lyon parce que j'y ai plein d'amis qui peuvent m'héberger
j'ai pas envie d'être seul ni à la rue cette fois
je monte dans le train
je marche jusqu'à ma place
là peut-être anaïs sonne et je lui ouvre pas
il faut qu'elle farfouille dans son sac pour retrouver les clefs
le train démarre et c'est le bordel dans son sac
elle ouvre la porte et y'a personne elle comprends pas
c'est la dernière fois que je vois strasbourg elle remarque les clefs boule au ventre le ventre comprend mais le cerveau refuse encore et la lettre
terminé strasbourg campagne et anaïs s'effondre en pleurs
ses larmes vont tacher la lettre qu'elle va lire cinquante fois d'affilée
le bruit du train et j'ai faim
je déballe un sandwich et j'ouvre un magazine et elle ouvre la porte et elle lit la lettre et elle pleure
je lis le magazine mais c'est difficile de se concentrer alors je regarde le décor et je pense à anaïs qui pleure et je me demande si je regrette et je ne regrette pas

j'écris un poème et un an plus tard j'écris encore un poème et derrière moi il y a carine avec qui je viens de faire l'amour et qui n'est pas anaïs

je ne connais pas bien cette maison
la première année avec anaïs je n'ai pas pu écrire
la première année j'étais assis dans un coin de la chambre à la regarder et à faire semblant d'écrire
la dernière année je n'écrivais plus non plus
j'étais assis à l'ordinateur et je faisais semblant d'écrire mais je regardais à la place de regarder anaïs des filles à poils sur des sites de cul

la dernière nuit je n'ai pas dormi
la nuit dernière non plus
la dernière nuit passée avec l'estomac noué d'un côté anaïs qui dort de l'autre côté les cartons pas déballés pas la place pas l'envie pas que ça à foutre empilés et recouverts d'une tenture et au milieu entre anaïs et les cartons mon corps j'ai trop chaud mon sexe qui ne sert à rien et j'ai même pas envie de l'agiter et plus haut vers la tête des yeux et des larmes qui coulent pas
la nuit dernière j'ai fait l'amour et ensuite j'ai eu trop chaud pour dormir et ensuite j'ai fait l'amour et ensuite j'ai eu trop chaud pour dormir
c'était la première nuit que je passais dans cette maison et je m'attendait à n'en passer aucune
là c'est la première fois que j'écris dans cette maison et c'est la première fois que j'écris depuis un moment

il y a onze mois j'avais quitté anaïs depuis un mois
il y a onze mois j'ai quitté anaïs depuis un mois
j'ai quitté anaïs depuis un mois et je marche
je suis seul et je descend un escalier et ça va pas va pas du tout
je suis en train d'essayer de pas pleurer je me demande ce que je fais là

anaïs pleure au téléphone et moi je lutte pour ne pas
anaïs rie au téléphone et moi je rie avec elle
anaïs me parle de cul au téléphone et moi je bande
dans la pièce d'à-côté des amis
dans la pièce où je téléphone des cds
c'est la première fois que je parle à anaïs depuis un mois et je suis bouleversé et je regarde les titres sur les tranches des cd et je prends note mentalement de ceux qu'il faudra que j'emprunte ou que je copie quand je quitterai lyon pour retourner à strasbourg
faut être un peu con
anaïs raccroche et je me sens bien et mal et bien et mal
je vais aux toilettes pour pleurer un bon coup et ça va mieux
nous sommes de nouveau ensemble et tout prend des allures de première fois

première fois que je retourne vers anaïs
le train
lyon strasbourg c'est long presque six heures
pas d'argent ce coup-ci pas de magazine pas d'idée pour écrire rien
juste le paysage qui défile dans l'autre sens mais comme la dernière fois il avait pas marqué ma mémoire ça ne veut rien dire

j'écris ça liquéfié de chaleur dans un cybercafé il n'y a ni anaïs mais j'ai rendez-vous avec elle ni carine mais elle veut mourir et j'essaie de l'en empêcher mais c'est une autre une toute autre histoire

carine veut mourir et je ne veux pas qu'elle meure et à force de parler sur msn elle va juste mourir ce soir en se picolant la gueule jusqu'à l'inconscience et c'est mieux comme ça

j'ai trop chaud quand j'écris ça j'écoute nine inch nails en boucle depuis une demi douzaine d'heures et chaque centimètre carré de ma peau colle et je dois régulièrement m'essuyer le front avec la paume de la main ou avec le tee-shirt
comme je fais à l'instant
ce qui est dégoûtant mais très utile

je suis dans un cybercafé et au lieu d'écrire ce texte je drague par msn trois meufs une très jolie et une autre très jolie et je me dis dieu que j'ai envie de me les faire et dieu que j'ai encore envie de me faire carine mais carine veut mourir et là elle a coupé internet j'espère qu'elle mourra pas et les autres meufs sont retourné à leur vie et moi à mon texte

six heures de train c'est long
je somnole et je somnole plus et je somnole encore et il n'y a rien pour tuer le temps et je suis dans un cybercafé et je ne me souviens pas du tout de ce trajet pas du tout du tout du tout
peut-être que j'ai dormi en fait
je me souviens juste que le train était assez peu rempli
que j'avais pris un billet pour colmar seulement
dans le but d'économiser sept ou huit euros
j'avais vraiment plus un rond
et le controleur a controlé peu après la sortie de lyon
et il est repassé et repassé sans jamais me recontrôler
et après colmar il est repassé encore
sans me recontrôler
et sans se souvenir
et je flippais pas tant que ça
de plus en plus excité
anaïs

juste une image
après colmar justement
je commençais à trouver le temps long
à compter les minutes
la voie fait un large virage
assez large pour voir l'avant du train

six heures de train
je sors du train
anaïs est là
elle a maigri
on se prend dans les bras
elle s'est fait belle
on pleure pas
on attend de rentrer
chez les amis chez qui elle squatte
pour pleurer

je retrouve ce texte
six mois plus tard
et j’ai quitté anaïs
et j’ai quitté carine
et je suis avec vanessa
et carine veut mourir
mais je sais qu’elle n’est pas morte
et qu’elle ne mourra pas
et je m’en fous désormais
et des fois je pense à anaïs
avec nostalgie
des fois avec regrets
mais j’aime vanessa
et des fois quand je suis seul
tout est compliqué
des fois je confonds
un peu tout le monde
comme si c’était des masques
posés sur la même personne
j’écris ça et j’ai faim
j’écoute nine inch nails encore
c’est une coïncidence
je n’ai pas envie de quitter vanessa
et pour aller chez elle
je dois prendre le train

l’image d’anaïs s’estompe
les sentiments se brouillent
carine n’est même plus un souvenir
et je me demande souvent
quelle place prend vanessa
dans tout ça

dans quelques jours on prendra le train ensemble
dans encore quelques jours je prendrai le train tout seul
et bientôt
on se retrouvera
ensemble
et bientôt je la quitterai
ou pas
je ne sais pas

j’ai hâte de reprendre le train
tout seul
ou avec elle

première fois qu’on dort comme deux étrangers
première fois que je me demande si je veux la quitter
première fois que je lui écris une lettre dure à avaler
première fois qu’on se fache
première fois qu’on se réconcilie

première fois qu’elle me ment
première fois qu’elle romp une promesse
et maintenant faire quoi
faire comme si de rien n’était
ou pas

***

à écrire ce que j’écris
j’attire les loosers de tous bords
je pense par exemple à ce type
je sais pas s’il me lit toujours
qui s’appelait azetry sur internet
ou alors à soomiz aussi
tous ces mecs qui n’ont pas d’amis
pas de meufs
pas de fric et des boulots merdiques
ou pas de boulot du tout
se reconnaissent dans mes trucs
et aimeraient bien
j’ai l’impression
que je ressemble à mes personnages
que je leur ressemble à eux
c’est ça que vous comprenez pas les mecs
à partir du moment où j’écris
je ne peux plus être un looser
il est là le truc
du moment que j’écris
je suis un prince
même si ça n’empêche pas l’eau chaude de tomber en panne
juste au moment où je veux laver une casserole ou traîne un fond de chili
et que l’odeur
beurk
l’odeur

***

j’ai encore le goût des lèvres de vanessa sur la bouche
je me retourne pour la mater un dernier coup avant qu’elle ne rentre
dans l’immeuble à la con de son administration à la con
pour faire un boulot que je ne comprends pas tout à fait
j’aime bien son cul
et je passe devant une voiture
dans la voiture à l’avant il y a une meuf arabe d’à peu près quarante ans
je ne vois pas son visage
elle l’a enfoui entre ses mains
elle ne dit rien ne sanglote pas ni rien
et à l’arrière
un gamin
le sien j’imagine
joue avec la portière
il ouvre et ferme la portière avec son bras à l’extérieur
il a failli me heurter
il pourrait se faire mal
mais sa mère s’en fout
elle a le visage caché entre ses mains
je me demande à quoi elle pense

***

je suis en train de me réveiller
la lumière du jour filtre dans la chambre et vanessa dort encore
elle me tourne le dos
tout son dos est hors de la couette
et d’une couleur et d’une texture magnifique
veloutée
je ne peux pas m’empêcher d’admirer sa peau
et non plus de fantasmer sur cette peau
sur ce dos si humain
si charnel
qu’il me donne envie de me branler tout contre
et d’éjaculer dessus
et de me coller contre
et de le lécher
vanessa bouge dans son sommeil
sans que ça rompe le charme
et la lumière bouge un peu elle aussi
son corps est doux et souple
tout son corps est un appel au sexe
et puis elle se réveille
et je cesse de fantasmer

***

ce que je préfère dans la vie c’est attendre
attendre la fin du téléchargement
attendre que vanessa parte travailler
attendre que vanessa revienne
attendre le moment de retourner chez moi
attendre le moment de retourner la voir
attendre le 6 pour toucher le rmi
attendre le 10 pour aller voir anne van derlinden
attendre le 20 avril pour jouer
attendre le premier mai pour aller voir les copains à strasbourg
attendre qu’on s’endorme
attendre qu’elle se réveille
attendre à la caisse du supermarché
attendre le dernier tome d’harry potter
et attendre le prochain tehnikart
attendre le prochain gaspar noé
et aussi le prochain david lynch
et aussi le nouveau current 93
attendre le concert de current 93
et ne pas y aller
attendre que des trucs se produisent
et ne pas les faire
attendre demain
d’aller chercher une lettre à la poste
que j’attends
depuis deux semaines environ
attendre demain pour faire un truc à manger de bien bon
attendre ce soir pour baiser
attendre encore un moment avant d’avoir internet
et attendre d’attendre
la fin du téléchargement
attendre c’est mieux que vivre
le souvenir est toujours un mensonge
le présent est presque tout le temps une arnaque
le futur n’existe pas
il ne reste rien d’autre que la mort
le ventre
et l’attente
la mort ne m’intéresse pas
alors j’attends
et je bouffe
et je pisse
et je baise
et je pense
et il est onze heures cinquante quatre
et j’attends que vanessa revienne
et j’attends la fin de ce disque
et ensuite j’attendrai que vanessa reparte
et j’attendrai le début du prochain
et le moment d’aller chercher valentin
et le repas du soir
et etc
attendre d’avoir envie d’elle
et quand on y est
attendre de jouir


lire les autres :
technikart : http://www.technikart.com/forum5/index.php?board=1
diable vauvert : http://www.audiable.com
x-silence : http://www.xsilence.net/forum-116.htm
la fourmilière : http://forum.aceboard.net/107591-1172-0 ... textes.htm
dröne-zone : viewforum.php?f=17
la phamille poétique : http://forum-de-poesie.forumactif.net
artsolid : http://www.artsolid.net

[drÖne]

L'art d'attendre : intéressant ! Ton style semble évoluer, moins cru il me semble, ou alors c'est le thème. En tout cas j'aime bien ce texte. J'espère que si tu viens un jour à Lyon, tu me feras signe ! J'ai aussi du Nine inch Nails dans ma CDthèque : on pourra attendre avant de l'écouter.

+A+

[konsstrukt]

t'es de lyon, toi ?
bin, justement, normalement, je devrais y passer en juillet !

(je pense que c'est le thème ; le style, lui, oulà.)

[drÖne]

t'es de lyon, toi ?
bin, justement, normalement, je devrais y passer en juillet !

(je pense que c'est le thème ; le style, lui, oulà.)

Vi vi, j'habite actuellement à Lyon, pour mon malheur... N'hésite pas à faire signe en jullet.

+A+

[konsstrukt]

ça roule !

[patman]

je reviens d'auchan et BAM :
lote,
larnak,

je les zai déjaaaa luuuuuuuuu !!!

ps: format pdf, c galère pr rechopper les illustrations konsstrukt, merci d'arranger cela, eau pluvite.

++

[konsstrukt]

ah bé ma copine m'a fait remarquer la même chose, crotte de zut !
(mais après vérification, sur la quarantaine que j'ai balancé ce coup-ci, il y a une douzaine d'inédits complêts, et quelques corrections sur certains autres)

[konsstrukt]

hey, je suis sur lyon à partir du onze. envoie-moi un mail (konsstrukt@hotmail.com) et je te filerai mon téléphone, qu'on se capte un peu.