le bordel quotidien / poésie hebdomadaire / 4ème livraison

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konsstrukt
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le bordel quotidien / poésie hebdomadaire / 4ème livraison

Message par konsstrukt »

encore une histoire de branlette
ce matin pendant que vanessa
n’arrivait pas à faire démarrer sa voiture
mais je ne le savais pas encore
j’étais en train de me branler
à genoux dans le lit
face aux oreillers sans tête dessus mais j’imaginais la tête de vanessa
sur le sien
j’imaginais le ventre de vanessa
et mon sperme qui n’allait pas tarder à gicler dessus
et à s’étaler
deux traces blanches et épaisses sur la housse à matelas bleue
et voilà
au printemps dernier on baisait soir et matin
vivement le printemps prochain
et depuis que j’ai écrit ce poème
le printemps est revenu
ensuite je me lave les dents avec valentin
et vanessa revient
la voiture ne démarre pas
donc

***

je suis dans la cuisine
appuyé contre la fenêtre
je regarde courir valentin dehors
vanessa me parle mais je n’arrive pas à écouter
et puis elle bouge
autour de moi
elle m’embrasse mais ça n’a aucun goût
je l’aime mais entre moi et elle
il y a du carton ou tout comme
je tourne la tête lentement
à la manière d’un lézard
et elle est de l’autre côté de la cuisine
d’un coup
alors je reviens à ma position initiale
je me sens entouré de plastique
ou de carton c’est tout comme

***

on fait les courses au supermarché
je révasse en regardant les plats cuisinés surgelés
valentin trottine un peu partout
vanessa vérifie les dates des pots de crème fraîche
il n’y a pas beaucoup de clients
je les regarde
« chers clients, le personnel du magasin va observer une minute de silence à la mémoire de francis, trop tôt disparu. nous vous remercions de votre compréhension »
quand j’écris je mets francis mais en vrai j’ai oublié son prénom
j’ai oublié aussi l’intitulé exact du message
mais il faut bien écrire quelque chose
qui fasse vrai
tout le monde se regarde un peu interloqué
et les bruits de caisse cessent
le brouhaha tombe
je remarque les brassards noirs sur les blouses des caissières
vanessa fait les gros yeux à valentin pour qu’il se taise
quelques bruits de chariots qui roulent
le nôtre aussi
on continue à prendre des trucs sans rien dire et sans faire trop de bruit
ça semble durer longtemps les gens sont recueillis
je pense à ce type mort et je ne pense à rien
je pense juste à lui
comme ça
je lui donne une prière
rien de formulé
rien de précis
mais il est mort et je l’accompagne
comme je peux
dans ce qui lui reste à faire
un autre monde
ou juste les tubes digestifs d’une poignée de bestioles
« merci »
les bruits de caisse reviennent
les bruits des tapis roulants reviennent
les bruits des objets qu’on prend dans les rayons et qu’on dépose dans les chariots et qu’on dépose sur les tapis et qui s’entrechoquent et qui roulent et qu’on met dans les sacs
le bruit froissé de la matière plastique qui compose les sacs
les bips des scanners
reviennent
vanessa qui recommence à parler
valentin qui garde encore un peu le silence
et mes pensées qui s’effilochent et on passe à la caisse
on rentre
je joue un peu avec valentin
repas et puis télé
la vie comme tous les jours
je repense encore un peu à francis mais j’ai oublié son vrai prénom
et au silence étrange
du supermarché
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