excuse moi sa dictature adorée
mais à te lire je me dis :
c'est fou que ce problème de la domination des philosophes professionnels au sein des institutions universitaires (domination dont j'apprends la réalité par tes posts) me parait lointain.
J'ai envie de te dire : est-ce vraiment un problème ?
mais il est vrai que ma propre pratique de la philosophie s'enracine dans cette décision de quitter les territoires professionnels : je suis déjà dans cette philosophie qu'annonce Richard Rorty.
Un des credo de Rorty c'est : la philosophie n'est plus légitimé à dire quoi que ce soit sur la valeur des autres sciences, ou des autres discours. Elle n'a aucun droit rationnel à fonder quoi que ce soit.
Bon
je vais être clair par rapport à Rorty, parce que si un jour vous tombez dessus il y a des tas de choses qui vont vous énerver. Je m'y intéresse disons, en tant qu'exemple de radicalisme, et aussi parce que ça me touche de voir comment il se débat avec ses propres contradictions. C'est pour les mêmes raisons que je m'intéresse à des gens comme Feyerabendt ou Kühn ou Austin.
Il y a une certaine malhonnêteté intellectuelle chez Rorty (on le lui reproche assez et souvent avec raison) mais pas moins que chez Nietzshe
![Smile :)](./images/smilies/icon_smile.gif)
C'est en vertu de ces ratages que je l'apprécie autant que pour son point de vue véritablement moderne : désenchanté
et jouissif.
Bref
Une fois entendu que la philosophie, comme toute discipline s'entend comme le résume très bien LB :
comme d'un ensemble de personnes, de langages, de questions, de dispositifs, d'expériences partagées, qui réunit des membres non pas au nom d'un objectif commun, mais si j'ai bien compris, d'une culture au sens presque anthropologique, même si c'est dans un sens restreint : modes de faire, modes de parler, mode d'être ensemble.
on peut se lamenter que dans la réalité, certains philosophes professionnels s'attachent coute que coûte à se croire encore au XVIIIème siècle.
(ha oui.. dröne please mon ami.. laisse un peu les grecs tranquille !
l'invention de la philosophie professionnelle, c'est KANT. Nul ne sera philosophe - professionnel - s'il n'a lu le Kant : voilà le credo.
Platon et Aristote mon dieu ! n'ont rien à voir avec cela. Pas plus que Pythagore ou Krishna ou Tchouang Tseu...
Il me semblait qu'un des acquis majeur de l'histoire des idées (pour ne pas dire : histoire de la philosophie) et notamment grâce aux travaux des historiens anglo-saxons, c'était d'avoir pris acte de l'intraduisibilité de Platon dans la tradition occidentale post-cartésienne. Alors s'il existe encore des philosophes assez naïfs pour s'imaginer que ce à quoi Platon avait à se préoccuper c'était des mêmes choses dont Kant se préoccupait, hé bien.. c'est attristant.
Par pitié :
Les grecs ne méritent pas qu'on leur tire dessus à cause de quelques guguss qui sévissent dans les univeristés d'aujourd'hui
meiux vaudrait PAR PLAISIR et CURIOSITE les relire ces grecs justement
J'y ai passé six ans de ma vie, durant lesquels à vrai dire je n'ai pas lu une ligne de textes post-cartésiens, et il y a des tas de choses là dedans réellement excitantes : à condition qu'on les lise avec le regard d'un étranger, d'un ethnologue, forcément embarassé de sa propre culture, de son propre langage, de sa propre histoire personnelle, de ses propres préoccupations.
SE nourrir des textes du passé, ce n'est certes pas les comprendre (quelle naïveté !) les forcer dans une histoire illusoire de la Philosophie, mais les écouter comme on écoute une voix lointaine, étrangère, la voix d'un chaman du Tibet par exemple, d'un bouddhiste zen, - et d'une certaine manière les rater toujours - mais c'est dans ce ratage qu'on avance, dans cette différence.
Ce n'est pas parce qu'en traduisant on croit mettre à jour des similitudes que ça parle forcément de la même chose.
Mais bon je vous parle des grecs
je pourrais vus parler de mon voisin
ou des conversations que nous essayons de mener ici
il s'agit de s'écouter, d'écouter la petite voix lointaine, la différence
et d'essayer de construire des ponts (en abandonnant définitivement l'idée qu'on puisse stricto sensu parler de la même chose, ou en admettant que la même chose, c'est ce sur quoi on croit s'entendre, pas plus : ça suffit amplement pour vivre ensemble d'ailleurs, que des croyances convergent - même s'il est illusoire de croire qu'elles convegent vers la vérité
le relativisme soft que je défends mène dans le meilleur des cas vers une jouissance accru de la conversation, et aussi une réhabilitation du désir dans la pensée.
Le désir !
s'il y a bien quelque chose (?) dont les philosophes professionnels se sont bien gardés (en névrosés qu'ils sont, refoulant l'évidence) : c'est du désir.
quand bien même leurs auteurs en font cas !
de toutes façons, instituionnaliser une oeuvre come Nietzsche ou foucault, c'est toujours risquer d'en saper l'énergie propre, de désamorcer les grenades ou les bombes. Comme dans l'art : combien d'artistes contemporains une fois exposés à Beaubourg voient leurs oeuvres "désamorcées" ?
Ce n'est pas une raison pour cesser de lire les philosophes ou cesser de découvrire les artistes contemporains.
le dernier livre de Sibony sur l'art contemporain parle très bien de ça
il dit : l'art contemporain ça me fait jouir
et il essaie de décrire comment
et qu'importe les discours les lamentations les institutions
retour aux oeuvres
mais bon
c'est un homme libre sibony
qui se fout royalement des écoles
et il écrit de manière tout à fait baclée
mais bon
ça fait du bien et c'est frais d'entendre quelqu'un dire pourquoi ça le fait bander non pas "l'art contemporain" (qui n'existe pas), mais tel ou tel oeuvre.