[Bolivie] Le projet de constitution adopté

Désobéissances et micro-résistances.

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drÖne
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[Bolivie] Le projet de constitution adopté

Message par drÖne »

Par contraste avec ce que font et pensent les pays européens, et en particulier, la France, voici des extraits du projet de nouvelle Constitution adopté par la Bolivie et qui sera soumis à un referendum :

http://risal.collectifs.net/spip.php?article2379
Le projet de nouvelle Constitution adopté par l’assemblée constituante le 9 décembre 2007

Dans un climat politique et social tendu à l’extrême, une majorité qualifiée de membres de l’assemblée constituante a approuvé le 9 décembre 2007 le nouveau projet de Constitution qui sera soumis en 2008 à un référendum populaire.

La droite a multiplié les obstacles à l’adoption de la réforme constitutionnelle par l’assemblée constituante dans laquelle le MAS dispose d’une majorité simple. La droite a d’abord fait traîné en longueur les travaux, puis a refusé la recherche de compromis acceptables. Ensuite elle a mené la politique de la chaise vide, croyant ainsi empêcher la poursuite des travaux et le début des votes. Elle a aussi soutenu les élites de la ville de Sucre dans leur revendication de « récupération » des pouvoirs législatif et exécutif – c’est ce qui, en dernière instance, a provoqué le blocage de la Constituante sur les derniers mois. La droite veut éviter tous les changements constitutionnels importants. Le sabotage a duré plus d’un an. La situation était tellement bloquée que la Constituante a suspendu ses travaux pendant trois mois. Quand elle les a repris en novembre 2007, la droite était absente. Après deux semaines de travaux, l’assemblée a adopté le projet. Certains députés de droite ont même participé à l’approbation.

Tout cela s’est réalisé au milieu de provocations de l’opposition de droite à plusieurs endroits du pays et d’intenses mobilisations du camp favorable au MAS. La droite a essayé de paralyser sans succès le trafic sur les routes autour de Sucre, la capitale historique du pays où se tenait l’assemblée. Elle a organisé des manifestations contre les organisations indiennes qui étaient venues apporter leur soutien à l’assemblée constituante. Finalement, de nombreuses délégations des mouvements sociaux qui soutiennent le MAS se sont déplacées à Sucre pour protéger l’assemblée constituante. En dernière instance, il a fallu déplacer la constituante dans la ville d’Oruro pour le WE au cours duquel a été votée l’approbation du texte.

La garantie des droits individuels et collectifs est au centre de la proposition de réforme constitutionnelle. Sans prétention de donner une vision d’ensemble et exhaustive, voici quelques aspects de la Constitution à titre d’exemples.

Selon le projet (art. 11 II), la démocratie s’exerce : 1. de manière directe et participative au moyen du référendum, de l’initiative législative et citoyenne, de la révocation des mandats [16], de la réalisation d’assemblées et d’états généraux ; 2. de manière représentative au moyen de l’élection de représentants au suffrage universel, direct et secret, entre autres ; 3. de manière communautaire au moyen de l’élection, de la désignation ou de la nomination d’autorités et de représentants par les moyens et procédures propres à chaque nation et aux peuples d’origine indigène.

Selon l’article 14, l’Etat interdit et sanctionne toute forme de discrimination, qu’elle soit fondée sur le sexe, la couleur, l’âge, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’origine, la culture, la nationalité, la citoyenneté, la langue, la religion, l’idéologie, la filiation politique ou philosophique, l’état civil, la condition économique et sociale, le type d’occupation, le degré d’instruction, le handicap, le fait d’être enceinte, et autres qui auraient pour objectif ou résultat d’annuler ou de diminuer la reconnaissance, la jouissance et l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de toute personne.

L’Etat garantit l’exercice des droits établis dans les traités internationaux des droits humains. En ce qui concerne l’exercice des droits, personne ne sera obligé de faire ce que la Constitution et les lois ne demandent pas, ni de se priver de ce qu’elles n’interdisent pas.
Art 15 : I) Personne ne sera torturé ni ne subira des traitements cruels, inhumains, dégradants ou humiliants. La peine de mort n’existe pas. II) Toute personne, en particulier les femmes, a le droit de ne pas subir de la violence physique, sexuelle ou psychologique tant au niveau de la famille qu’au niveau de la société. III) L’Etat adoptera les mesures nécessaires pour prévenir, éliminer et sanctionner la violence à l’égard des femmes.

Art 16 : I) Toute personne a droit à l’eau et à l’alimentation. II) L’Etat a l’obligation de garantir la sécurité alimentaire.

En matière de santé, l’Etat garantit un ample système de santé publique gratuit. Selon l’article 38, les biens et services publics de santé sont propriétés de l’Etat et ne peuvent être privatisés ni faire l’objet de concession au secteur privé.

Art 41 : II) L’Etat donnera la priorité aux médicaments génériques par le financement de leur production dans le pays… III) Le droit d’accès aux médicaments ne pourra être restreint par les droits de propriété intellectuelle.

Art 45 : I) Toutes les Boliviennes et tous les Boliviens ont droit à la sécurité sociale gratuitement. II) La sécurité sociale sera régie selon les principes d’universalité, d’égalité, de solidarité, d’unité de gestion, d’économie, d’opportunité, d’interculturalité et d’efficacité. Sa direction et son administration sont du ressort de l’Etat, avec contrôle et participation sociale. V) Les femmes ont droit à une maternité sécurisée, avec une vision et une pratique interculturelles ; elles jouiront d’une assistance spéciale et de la protection de l’Etat durant la grossesse, l’accouchement, et les périodes pré- et post-natales. VI) Les services de sécurité sociale publique ne pourront être privatisés.

En matière d’éducation, selon l’article 77 : I) L’éducation constitue une fonction suprême et la première responsabilité financière de l’Etat.

Art 78 : III) Le système éducatif est libérateur et révolutionnaire…

Art 81 : I) L’éducation est obligatoire jusqu’à la fin du cycle secondaire. II) L’éducation est gratuite à tous les niveaux jusqu’au cycle supérieur.

Art 94 : III) L’Etat ne subventionnera pas les universités privées.

Droits des travailleurs. L’article 48 prévoit l’inversion de la preuve en faveur de la travailleuse et du travailleur. IV) Les salaires et les indemnités dus aux travailleurs ont la préférence sur tout autre créance, sont insaisissables et imprescriptibles. V) L’Etat promouvra l’intégration des femmes au travail et leur garantira la même rémunération qu’aux hommes pour un travail égal, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

Art 53 : Le droit à la grève est garanti.

Art 54 : Les travailleurs, afin de défendre leur outil de travail et eu égard à l’intérêt social, pourront relancer et réorganiser des entreprises en liquidation, fermées ou abandonnées de manière injustifiée, et former des entreprises communautaires ou sociales. L’Etat pourra aider l’action des travailleurs.

En matière de propriété, l’article 56 prévoit que « toute personne a droit à la propriété privée individuelle ou collective, pour autant qu’elle ait une fonction sociale. La propriété privée est garantie pour autant que l’usage qu’on en fait ne porte pas préjudice à l’intérêt collectif. Le droit à l’héritage est garanti. »

Selon l’article 57, « l’expropriation pourra se faire pour cause de nécessité ou d’utilité publique ou quand la propriété n’accomplit pas de fonction sociale. » Cela vise évidemment notamment certaines grandes propriétés foncières.

En matière de défense (art. 10), la Bolivie ne pourra accepter aucune base étrangère sur son territoire et ne pourra participer à aucune guerre d’agression.

Si la réforme était adoptée lors du référendum, cela constituerait une avancée importante pour la démocratie politique et pour la garantie des droits économiques, sociaux et culturels de la population.
Bien sûr, l’adoption de cette nouvelle Constitution ne peut pas déboucher immédiatement sur la concrétisation immédiate de toutes ses dispositions en matière de droits collectifs et individuels. Une série d’articles constituent en réalité des objectifs à atteindre à moyen terme. Ce qui est décisif, c’est que l’adoption du texte offrira un cadre légal au gouvernement et au pouvoir législatif pour pousser beaucoup plus loin les réformes déjà entamées depuis 2006. Et corollairement, cela offrira aussi un cadre légal au mouvement social pour exiger du gouvernement qu’il adopte toutes les mesures nécessaires à la concrétisation de la Constitution. L’enjeu est donc de taille.
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
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