Je hais les artistes biotech

Réflexions sur la création musicale et graphique, et sur leur symbiose : mix, Vjing, lives machines, etc.

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drÖne
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Je hais les artistes biotech

Message par drÖne »

Pendant que le monde se pose des questions sur le clonage, pendant que des philosophes et des scientifiques tentent d'imaginer des normes "éthiques" pour répondre aux angoisses - légitimes - du public face aux progrès non pas de la science (au sens de connaissance rationnelle d'une portion délimitée du réel) mais de l'industrie, bref pendant que les rares consciences encore éveillées cherchent à poser quelques limites aux pouvoirs du marché et des laboratoires, nombreux sont les artistes dits "biotech" qui foncent tête baissée, sans le moindre recul critique par rapport à leur pratique, dans la brèche de l'expérimentalisme le plus outrancier. On connaissait Orlan et ses ignobles implants sous cutannés, Le Plastinateur et ses trafics internationaux de cadavres pour ses expositions, mais aujourd'hui, voici l'ère des artistes biotech.

Récemment, un collectif d'artistes biotech adeptes de la transformation génétique humaine, Les Mutants, a écrit une lettre ouverte à José Bové, en se félicitant qu'il soit en prison ! C'est tellement facile de tirer sur les ambulances... Cette lettre ouverte est cité par le e-zine La Spirale, qui vire décidément de plus en plus au cyber n'importe quoi (en particulier, La Spirale a donné une large place au néo-faf branché Maurice Dantec, qui prônait l'invasion de l'Iraq).

Voici le lien vers les Mutants, et leur ignoble lettre ouverte :

http://www.laspirale.org/pages/afficheA ... 56&lang=fr

Voici maintenant qu'on nous annonce - et c'est loin d'être la seule "expérimentation" absurde que j'ai pu repérer - qu'une culture de neurones de rats dans un laboratoire, reliée à distance à un bras mécanique, est supposée produire des oeuvres d'art (http://www.transfert.net/a9116)... C'est cité par Transfert.net, qui consacre un dossier complet à ces artistes biotech (http://www.transfert.net/d52).

Comment ne pas être écoeuré, quand on voit comment les ressources (humaines et techniques) de certains laboratoires de recherche sont mises au service de quelques individus, des z'ââârtistes ma brave dame !, qui s'assoient allègrement sur toute interrogation éthiques pour mener à bien leur petite carrière de futures stars du marché de l'art contemporain. Sous prétexte de "lancer un débat éthique", certains (http://www.transfert.net/a8673) n'hésitent pas à mobiliser un labo en pleine période de réduction des budgets de la recherche, au moment même où on nous annonce que de nombreux médicaments et examens pourtant indispensables ne seront plus remboursés par la sécurité sociale, ce qui ne manquera pas de conduire à une dégradation de la qualité de vie de certains malades. Mais ça, nos z'ââârtisses n'en ont rien à foutre ! Le collectif, la société, ils prétendent "l'interroger", mais à leur seul profit, en bons nombrilistes, et surtout car ils savent qu'ils bénéficient ainsi d'une couverture médiatique plus importante que s'ils s'excrimaient à peindre des "carrés blancs sur fond blanc" pour leur habituelles galeries...

Ces apprentis sorciers confondent leur égoïsme de nantis du nouvel académisme pompier (l'art contemporain et ses prétendues "interrogations" du social) avec de l'originalité et de l'audace conceptuelle. Mais si l'art s'inscrit dans la société, tout comme la science, et si des ressources financées par des fonds publics sont utilisées, alors au nom de quoi l'art biotech serait-il épargné par les règles qui s'appliquent aux laboratoires ? L'art contemporain serait-il devenu tellement rentable qu'il en aurait acquis plus de légitimité que la science ?

Je hais les artistes, et en particulier les artistes biotech.

+A+

PS : tiens, ça irait bien dans ma rubrique polémique, ça, non ? Si quelqu'un a des idées, des critiques ou des modifs à suggérer, le débat est lancé !
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oliv
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Message par oliv »

Je suis allé voir les 2 liens que tu cites, et sans avoir approfondi plus que ça, il me semble qu'il ne faut pas amalgammer les néo-fachos que sont les mutants et les gars quibranchent des neurones de rats sur un bras articulé...les premiers me font gerber :sm10: , pas plus, mais pas moins que Le Pen, Mégret ou Sarko...
Perso, les deuxièmes me font rire...comme les oreilles de lapins branchées sur un coeur de souris ' tout ça à partir de cellules souche borgsmile ...Et je crois pas que si on arrête de les subventionner, y aura plus de médocs remboursés...
Est ce de l'art?? smile18 on s'en fout...mais je trouve l'idée de faire bosser des scientifiques, quels qu'ils soient avec des artistes est plutôt intéressante...le seul danger de ces gens là seraient qu'ils se prennent au sérieux...faut que je retourne voir où ils en sont au niveau de l'humour....D'ailleurs, j'y vais tout de suite et je reviens plus tard...
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drÖne
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Message par drÖne »

Moi je trouve que ça relève du détournement de budgets public, et je sais que c'est en train de se généraliser. bien entendu, même si ces artistes arrêtaient de piquer dans les caisses de l'Etat français en se faisant subventionner pour leurs délires idiots, ça ne rendrait pas la recherche française plus riche. Mais il y a quelque chose d'immoral, et de pervers, je trouve, à s'amuser ainsi à faire joujou avec des labos, sans but de connaissance, au moment même où on dit aux Français que c'est à cause de la gabegie de notre système de santé qu'on arrête un certain nombre de remboursements médicaux.

Sinon, oui, tu as raison, les premiers sont de vrais fafs déguisés en branchés biotech, alors que les seconds sont juste des profiteurs du système. Mais ni les uns ni les autres ne me font rire : peut-être suis-je trop impliqué dans ces affaires, pour accepter qu'on se pose aussi peu de questions à propos de santé publique quand on est artiste. Le Lion me raccontait qu'une parente à elle, artriste contemporaine, faisait des pieds et des mains pour squater un labo d'imagerie médicale afin d'obtenir des poses à l'oeil en IRM ou en PEt scan, je ne sais plus. Sachant d'une part que l'exposition à des radiations n'est jamais anodine, et que d'autre part c'est justement certains examens radiologiques de suivi post cancer, par exemple, qui viennent de passer sur la liste des actes médicaux non remoursables, LLB était plutôt choquée que sa parente n'ait aucune réticence éthique à demander une subvention (à la DRAC, je crois), pour financer son projet. Si tu multiplie ces conneries par les miliers d'artistes contemporains de ce pays, et par les subventions qu'ils obtiennent au nom de l'art, je trouve que ça fait tout de même frémir. heureusement, il y a une morale, parfois : la parente de LLB s'est fait envoyer sur les roses par le médecin qu'elle avait contacté, sans doute pour les raisons morales, médicales et économiques que je citais plus haut (LLB pourra confirmer à son retour, si elle passe par Room 101).

Ces privilégiés m'écoeurent : ils bénéficient d'une légitimité institutionnelle, et d'une sorte d'intouchabilité, que même la science dans sa période de gloire, en France (années 80, quand la gauche finançait largement et pensait le redressement économique sur la base du progrès scientifique) n'a jamais eu. Mais en même temps, il y a des artistes qui ont milité pour obtenir le même statut que des enseignants chercheurs, au nom de l'art et de sa gloire, mais bien entendu ils auraient voulu obtenir ce statut sans jamais passer de thèse : ben tiens, pourquoi se fatiguer quand on peut avoir le buerre et l'argent du beurre ? En plus de tout ça, l'art contemporain tient très souvent un discours de type "critique" ou "interrogatif" à l'égard de certains fonctionnements sociaux, mais sans chercher vraiment à les comprendre dans le détail : la science fait partie de ces cibles. Mais c'est vachement facile de jouer les rebelles critiquant les institutions (savoirs, musées, etc.) quand on est financés par ces mêmes institutions et qu'on profite en plus du salaire et des compétences des gens qu'on mobilise (les chercheurs), et que l'on soustrait ainsi à leur travail, qui a souvent des objectif, dans la recherche médicale, liés à la santé publique.

Ce qui m'exaspère dans cette attitude assez générale dans l'art contemporain, c'est cette rhétorique insupportable de l'interrogation (du social, du politique, de la science, etc.), interrogation qui ne dépasse jamais le plus basique sens commun, et qui ne s'encombre pas de réflexion morale ou éthique : mince, quand on travaille à partir de budgets publics, de nos impôts, en détournat de leurs fonctions des scientifiques, je trouve ça scandaleux et j'aimerais bien qu'on ait moins de complaisance, au niveau du ministère de la culture, envers ces artistes-là. Parce qu'en attendant, ceux qui trinquent au quotidien, ce sont les malades qu'on ne rembourse plus autant qu'avant, et les labos de recherche qui ont vu leurs crédits baisser de 30 % cette année ! Qu'on nous tienne un discours de rigueur en direction de la santé publique, c'est déjà fort de café, mais que des artistes ne se posent même pas la question des enjeux de leur attitude dans ce contexte, ça relève d'un tel nombrilisme, et d'un tel mépris pour le social, qu'on comprend mieux le caractère purement rhétorique de leurs interrogations.

+A+
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qweestion_taag
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Message par qweestion_taag »

Rhhaaaaaa !!! :shock:
Drône, ne crois-tu pas que « peindre des "carrés blancs sur fond blanc"», je crois que c’est nécessaire, comme on a besoin d’anarchistes, des philosophes, des guerres et des chamalow ? Il faut de tout pour faire un monde ! On peu faire de l’esthétique avec des choses très simple ! N’as-tu jamais réfléchi à la signification que pouvais avoir un monochrome ?
drone a écrit :Ce qui m'exaspère dans cette attitude assez générale dans l'art contemporain, c'est cette rhétorique insupportable de l'interrogation (du social, du politique, de la science, etc.), interrogation qui ne dépasse jamais le plus basique sens commun, et qui ne s'encombre pas de réflexion morale ou éthique (...)
Qu'on nous tienne un discours de rigueur en direction de la santé publique, c'est déjà fort de café, mais que des artistes ne se posent même pas la question des enjeux de leur attitude dans ce contexte, ça relève d'un tel nombrilisme, et d'un tel mépris pour le social, qu'on comprend mieux le caractère purement rhétorique de leurs interrogations.
Drôle d'interrogation mêlant médecine et art!
J'estime que l'on peu faire de l'esthétique avec tout (y compris le sexe, la mort, le fachisme, et tout ce qui fait hurler les plus bornés et les plus prudes), du moment que se soit réfléchi et sérieux.
Je suis d'accord avec toi pour dire que de plus en plus ce qui se fait aujourd'hui dans l'art contemporain est facile est malheureusement creux... Ainsi je préfère me réfugier au Louvre: je décroche dès l'impressionnisme (dont je ne vois absolument pas l'intérêt).
Mais bon, comment dire si l'idée de tel ou tel artiste est valable? Chacun a son échelle de valeur, je pense.

« culture de neurones de rats dans un laboratoire, reliée à distance à un bras mécanique » ? Super, très bonne idée ! De Vinci faisait bien de l’art avec des proportions mathématiques ! De Vinci, un inventeur (plus ou moins, quand même), un scientifique, a fait de l’art avec des dessins de la physionomie humaine, il fait une œuvre d’art en reproduisant les mécanismes du corps humain… Je ne dis pas que ces œuvres « biotech » sont à l’image de celles de De Vinci, mais j’y vois un parallèle intéressant. Peut être pourrai-je en dire plus après avoir lu le bouquin à son sujet que j’ai acheté avant-hier :D

?Qwees ?
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drÖne
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Message par drÖne »

Oui, mais cette idée d'un "carré blanc sur fond blanc", ça remonte à Malevitch en 1915... C'était en fait un carré noir, et refaire ce genre de chose en 2004 relève de l'académisme. Et surtout, ce n'était qu'une caricature de ma part d'un certain académisme au sein de l'art contemporain. Ce dont on parle ici, c'est d'art "biotech", plus que d'art contemporain ou conceptuel.

Je trouve que l'art biotech ne produit que de la merde pseudo-conceptuelle, mais mon argumentation ne se limitait pas à l'exposé de mes goûts ! Ce que je trouve scandaleux, c'est l'idée d'adopter une posture qui consiste à ne pas se poser de question éthique, économique ni sociale quand on aborde un sujet scientifique qui est borné d'enjeux éthiques, économiques et sociaux. De la part des artistes qui se livrent à ce type de pratique, c'est d'une part du détournement de fonds publics (l'argent de la recherche, sauf à ne travailler qu'avec des labos privés, mais rien n'est explicité ni interrogé de ce point de vue), c'est aussi mépriser la santé de ses concitoyens (les gens qui souhaitent utiliser des IRM ou des Scaner pour le plaisir de l'art doivent, comme tout le monde, se confronter au secret médical et aux règles de santé publique : là aussi, nulle interrogation de la part des artistes, juste un mépris total des règles).

Après, qu'on puisse s'extasier à la vue d'une radio d'un cancer du poumon ou s'éclater en branchant un bras mécanique sur une culture de neurone, je trouve ça pas très original (le coup des radios, c'est le degré zéro de la créativité branchée, quand même ! Tous mes potes des années 80 faisaient ça lors de la période new wave, et je collectionnais également des radiographies), mais ce n'était pas le coeur de mon argumentation : chacun est libre de trouver un intérêt esthétique à n'importe quoi, et les jugement de goût sont non argumentables. Ce qui m'a fait réagir, c'est l'absence de réflexion et de questionnement autre qu'esthétique, justement, de la part d'un champ qui prétend bien souvent (toujours en fait) "interroger le social". Il y aurait effectivement des choses très intéressantes au plan conceptuel à creuser du côté des sciences, mais le moins qu'on puisse dire, et là c'est vraiment un truc que je connais, c'est que c'est plutôt du côté des sciences sociales qu'on se pose des question, pas du côté de l'art biotech.

L'art biotech, d'après ce que j'en ai compris (je peux réviser ma position), se situe dans le "faire", dans la pratique du biotech converti en "nouvelle" esthétique. Je précise au passage que, pour moi ça n'a rien de nouveau : la légitimation de l'anatomie humaine au XVIIème siècle a pu se prpoduire par le biais des artistes (don Titien et son atelier, ouvert à Vesale, lors de la création de son célèbre traité d'anatomie, "de humani corporis fabrica"). Mais "faire", ce n'est pas "interroger". "faire"... c'est faire : on a "fait" des croutes, on a "fait" de la ronde bosse, et aujourd'hui, on "fait" du biotech.
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patman
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Message par patman »

http://vnatrc.net/gvh/

et la plastination vous connaissez :?:


:*Je n'ai d'autre alternative que de m'effondrer sur le sol, pris d'un rire hystérique*: qweestion_taag, manke le jus des pates (application midi et soir) très heuuu, retendant, y parait.... :wink:

++
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Message par drÖne »

[quote="patman"]http://vnatrc.net/gvh/

et la plastination vous connaissez :?:

Ben, vi, j'en parlais plus haut. Y'a même eu un reportage sur Arte là dessus, la semaine dernière. Un procès en vue pour le plastinateur, pour import-export illégal de cadavres humains. C'est fun !

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qweestion_taag
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Message par qweestion_taag »

drone a écrit :Oui, mais cette idée d'un "carré blanc sur fond blanc", ça remonte à Malevitch en 1915... C'était en fait un carré noir, et refaire ce genre de chose en 2004 relève de l'académisme.
On est d'accord.
drone a écrit : Ce que je trouve scandaleux, c'est l'idée d'adopter une posture qui consiste à ne pas se poser de question éthique, économique ni sociale quand on aborde un sujet scientifique qui est borné d'enjeux éthiques, économiques et sociaux.
Un sujet scientifique? Mais si on suit ton idée j'ai l'impression qu'il devient mal placé de faire de l'art avec d'autres sujets... Pourquoi seulement la science? On pourrait bien critiquer Guernica qui fait référence à la seconde guerre mondiale, ou tout oeuvre en rapport avec le sujet: peut on faire de l'art avec fesant référence à une attroce période de l'histoire?

Je suis d'accord avec toi lorsque tu dis que l'éthique médicale est bafouée par des "artistes" qui font de la branlette intello, mais d'après moi il est tout à fait possible de faire des oeuvres esthétiques dans l'art "biotech" sans pour autant que se soit fondé sur un concept tordu. Cela te parrais impossible?

?Qwees?

ps: je connaissais le jus de carotte mais pas le jus de pattes. T'en as d'autres des recettes Patman?? :D
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Message par drÖne »

qweestion_taag a écrit : Un sujet scientifique? Mais si on suit ton idée j'ai l'impression qu'il devient mal placé de faire de l'art avec d'autres sujets... Pourquoi seulement la science? On pourrait bien critiquer Guernica qui fait référence à la seconde guerre mondiale, ou tout oeuvre en rapport avec le sujet: peut on faire de l'art avec fesant référence à une attroce période de l'histoire?

Je suis d'accord avec toi lorsque tu dis que l'éthique médicale est bafouée par des "artistes" qui font de la branlette intello, mais d'après moi il est tout à fait possible de faire des oeuvres esthétiques dans l'art "biotech" sans pour autant que se soit fondé sur un concept tordu. Cela te parrais impossible?
Je n'ai pas dit le contraire. Mais je prends les artistes conceptuels/contemporains au pied de la lettre quand ils disent (en gros, c'est la position dominante) ne plus s'intéresser à la forme, mais au discours sur la société que leur permet de tenir leur pratique artistique. Et l'exemple de Guernica me semble mal adapté : il me semble que Picasso ne représentait pas la guerre pour adopter une posture, mais pour la dénoncer. Il était en plein dans le sujet, pas à côté. Ce que je reproche aux artistes biotech, c'est d'adopter des poses, de faire semblant de s'intéresser à la société dans laquelle ils vivent, mais dès qu'ils ont le moyen de creuser des sujets qui ont un ancrage réellement social (comme les biotechnologies), ils se comportent avec la science comme s'il ne s'agissait que d'un réservoir à esthétiques, ou comme une instance de leur propre légitimation. Pire : ils ont souvent une vision gnan-gnan, à savoir épistémologique, d'un sujet dont la sociologie a bien montré qu'il comportait bien d'autres dimensions qu'une aimable dissertation sur le rapport au réel ou à la vérité ne pourra jamais en extraire. Le fait de faire "comme si", comme s'ils pratiquaient de la science (brancher un bras articulé sur une culture de neurones), c'est réduire la réflexion au "faire" scientifico-technique, c'est mimer la pratique scientifique, sans aller au-delà de ce que n'importe quel labo de neurosciences qui bosserait sur le thème de la cognition et de la motricité pourrait faire.

Mon exemple de Vesale et de l'atelier du Titien montre qu'il a en été possible, à partir de la Renaissance, de créer des formes, de faire de l'esthétisme à partir de thèmes scientifiques liés au corps humain ou à la biologie en général. Les artistes biotech, qui ne disent pas grand chose d'intéressant sur les dimensions sociales des sujets qu'ils abordent, n'ont donc même pas le privilège de défricher un champ neuf, et ils l'abordent en plus avec des outils conceptuels dépassés depuis belle lurette par les sciences sociales. D'où mon énervement quand je vois qu'on nous présente leurs oeuvres comme quelque chose d'important et de nouveau. Je ne juge pas du beau ou du laid : je n'ai jamais cru qu'on puisse dire quoi que ce soit d'argumenté de ce point de vue-là. A la limite, je suis même susceptibe d'apprécier, d'un point de vue esthétique, l'art biotech ! Mais je crois que c'est justement cela qu'il faut mettre en suspens pour discuter d'art, et en particulier d'art contemporain, surtout si on prend ces artistes au piège de leur propre discours.

+A+
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qweestion_taag
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Message par qweestion_taag »

drone a écrit : Et l'exemple de Guernica me semble mal adapté : il me semble que Picasso ne représentait pas la guerre pour adopter une posture, mais pour la dénoncer.
:| Heuuuu... Dénoncer ce n'est pas adopter une posture?
drone a écrit : Le fait de faire "comme si", comme s'ils pratiquaient de la science (brancher un bras articulé sur une culture de neurones), c'est réduire la réflexion au "faire" scientifico-technique, c'est mimer la pratique scientifique, sans aller au-delà de ce que n'importe quel labo de neurosciences qui bosserait sur le thème de la cognition et de la motricité pourrait faire.
:roll:
Je suis absolument d'accord.

La différence entre la Renaissance et l'art dit "biotech" (j'aime pas ce mot) je la vois surtout dans cette histoire de "concept". Je ne crois pas qu'ils en avaient particilièrement à l'âge de la Renaissance. Personellement, je défini l'art d'un point de vue esthétique. Lorsque l'esthétique est délaissée pour le concept, je ne parle même plus d'art.
Bon, je crois que je viens d'énoncer clairement ce qui me pose problème dans le "biotech"! Si devant une oeuvre ou devant la justification de l'artiste devant cette oeuvre je ne vois que du conceptuel, parler d'art "biotech" me parait mal approprié. :?

D'ailleurs, lorsque précédemment je disais que mes goûts, chronologiquement, s'arrétaient à l'impressionnisme, c'est justement car cela m'a toujours géné cette idée de faire des points... j'ai comme l'impression que cette période est plus reconnue pour ce concept technique que pour la nouvelle esthétique obtenue... Il en va de même pour le cubisme (je n'ai jamais rien compris à Picasso et je trouve ces peinture trop laides, sauf Guernica), et tout ce qui suit.
Ce n'était donc pas pour étaler mes goûts, mais pour dire que je préfére l'art purement esthétique à celui qui inclut des concepts.

?Qwees?
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