Les procès des tortionnaires révèlent l’histoire argentine

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drÖne
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Les procès des tortionnaires révèlent l’histoire argentine

Message par drÖne »

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Stella Buna « Les procès des tortionnaires révèlent l’histoire argentine »
Stella Buna a été séquestrée, torturée à Rosario, en 1977 pendant la « sale guerre » menée par la dictature militaire en Argentine, et son mari a disparu. Trente- trois ans après, ses tortionnaires viennent d’être jugés et condamnés.

Toulouse, correspondance.

Le 15 avril, Stella Buna, qui habite Toulouse, apprenait le verdict du tribunal de 
Rosario dans le procès où elle est partie civile  : au bout de sept mois et demi d’audience, les cinq accusés (quatre militaires et un civil) sont tous reconnus coupables de privation de liberté, tortures et homicides pendant la période de la dictature argentine et condamnés à la réclusion à perpétuité dans une prison pour détenus de droit commun. Les cinq tortionnaires ont pour noms 
Pascual Guerrieri, Daniel Amelong, Jorge Fariña, Eduardo Costanzo et, le seul civil, Walter Pagano.

Qu’avez-vous ressenti en apprenant ce verdict  ?

Stella Buna. Cette sentence me soulage et correspond à ce que les familles des victimes attendaient  : ils ont écopé de la peine maximale. C’est le fruit de la lutte de beaucoup de monde pour que ce procès ait lieu.

Vous êtes allée en Argentine pour témoigner à ce procès. Comment s’est passée votre déposition  ?

Stella Buna. Quand j’ai témoigné, le 29septembre dernier, j’ai demandé de pouvoir faire une reconnaissance visuelle de l’endroit où j’ai été séquestrée en 1977. Les juges ont accepté. Le lendemain le tribunal s’est déplacé jusqu’à un ancien centre clandestin de détention. C’était bien là. J’ai reconnu les lieux, même s’ils étaient presque en ruine. C’était très impressionnant. Quand nous sommes arrivés, je me suis mise à pleurer. Il m’a fallu un petit moment pour me ressaisir.

Quelle est la signification de votre témoignage  ?

Stella Buna. L’important pour moi était de pouvoir dire que les disparus ont payé de leur vie leur engagement pour une société plus juste. Par ce travail de mémoire, il s’agit de donner le plus d’éléments possibles pour que les coupables soient jugés et condamnés. L’un des objectifs de mon témoignage était de pouvoir parler de mon mari disparu.

Dans quelles conditions a eu lieu votre arrestation en 1977  ?

Stella Buna. J’étais militante à Vanguardia comunista à Rosario. Les partis politiques, les syndicats, les rassemblements étaient interdits dans tout le pays. Mon mari, Guillermo White, militant dans la même organisation que moi, avait été arrêté une semaine plus tôt dans une autre ville. Ils sont venus me chercher la nuit, alors que je dormais chez ma belle-mère. On m’a mis une capuche sur la tête, avec les mains et les chevilles attachées. J’ai été séquestrée pendant quarante jours. J’ai été interrogée. L’interrogatoire, c’était la torture, bien sûr. On voulait me faire dénoncer des gens. Ils voulaient des noms. Dans le centre de détention, j’ai reconnu la voix de mon époux, enfermé dans une pièce réservée aux hommes. Quand on m’a dit que j’étais libérée, j’ai pensé que ce n’était pas vrai. Ai-je été surveillée  ? Voulait-on que je serve d’appât  ? Je ne sais pas. Mais j’ai été virée de mon boulot. Le plus dur, après ma libération, c’est quand j’ai réalisé que je ne reverrai plus mon mari. Guillermo avait vingt-quatre ans, j’en avais vingt-six. J’ai quitté l’Argentine en 1979. J’y suis revenue une première fois en 1984, après la chute de la junte militaire.

Quels enseignements tirez-vous de ce procès  ?

Stella Buna. J’ai suivi ce procès depuis Toulouse en lisant les blogs et sites Internet qui lui étaient consacrés. Il a permis de faire avancer la vérité, même si un seul des cinq accusés, Costanzo, a parlé. Le procès a permis non pas de tourner la page mais de produire l’effort de mémoire. C’était une opportunité historique de témoigner. Mais ma belle-mère est morte avant que ce procès puisse avoir lieu.

De nombreux procès de tortionnaires ont lieu dans toute l’Argentine. Permettront-ils de mettre au jour toute la vérité historique  ?

Stella Buna. On compte actuellement 82 procès à travers tout le pays. Pour qu’ils aient lieu, il a fallu un puissant mouvement social, un énorme travail des Mères de la place de Mai. Ces procès, mis bout à bout, montrent qu’il y avait un plan bien organisé de répression et d’élimination de personnes qui n’étaient pas toutes des militants. L’Argentine est le seul pays d’Amérique latine à faire ce travail… même s’il arrive tard. Le gouvernement a ouvert les archives des armées aux avocats. De procès en procès, les avocats arrivent à reconstituer un puzzle dont les pièces s’emboîtent parfaitement. Le travail pour la vérité historique n’est pas terminé, mais ces procès permettent d’apprendre des choses nouvelles. On connaîtra mieux cette période noire de l’histoire de l’Argentine. Du moins ceux qui veulent savoir. Je ne dirais pas que toute la population est intéressée par ces procès, qui dérangent certains. Pour moi, c’est très important de retracer ce qui s’est passé. C’est une façon de croire à la justice et d’honorer la mémoire des disparus. Pour que ça ne puisse plus jamais se reproduire.

La disparition de votre époux va-t-elle aussi déboucher sur un procès  ?

Stella Buna. Oui, mais on n’en connaît pas la date. Ma belle-sœur s’est constituée partie civile.

Entretien réalisé par Bruno Vincens
drÖne
d'où, chose remarquable, rien ne s'ensuit...
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