[dé]fête de la musique (again, again & again)

Discussions sur les enjeux politiques et socio-culturels des musiques populaires ou savantes.

Modérateur : drÖne

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drÖne
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[dé]fête de la musique (again, again & again)

Message par drÖne »

Yop !

Tous les ans, le 21 juin, se pose la même question autour de la fête de la musique : assiste-t-on à une initiative qu'il convient de soutenir en allant écouter les hordes d'amateurs et/ou de semi-pros qui descendent faire de la musique dans la rue, ou convient-il au contraire de refuser de cautionner cette défaite qui entérine l'absence de politique culturelle le reste de l'année ?

Si on se pose encore cette question, c'est sans doute faute d'un regard historique sur cette fête de la musique : depuis qu'elle existe, et que nombreux sont ceux qui y participent ("succès populaire" diront les journalistes et les politiques), le sort fait quotidiennement à la pratique amateur et aux lieux culturels dédiés à la musique a-t-il évolué dans le bon sens, à savoir celui d'une facilitation de l'accès à la pratique et/ou à l'écoute musicale quotidienne ?

Nous en sommes aujourd'hui à la 23 ème édition de cette "fête" de la musique. 23 ans d'existence ! Si les secteurs institutionnels et subventionnés survivent (et encore... le cas de la musique classique n'est pas si folichon que ça, je le crains. Quant au jazz, il est toujours aussi difficile aujourd'hui d'en vivre), que dire de l'ensemble du champ des musiques dites "populaires" ou "alternatives" ? Que dire du sort fait aux intermittents ? Que dire du sort fait aux free et aux raves, même commerciales ? Les bars et clubs musicaux ferment les uns après les autres dans des centres villes de plus en plus soumis à la politique du "quiet sound", et seules quelques fanfares réussissent encore à occuper régulièrement la rue. Où sont passés les orphéons d'antan ? Comment se fait-il qu'il ne soit plus auitorisé, alors que c'était le cas jusqu'au début du XXème siècle, d'animer les squares avec des orchestres tous les week-end ? Depuis des années, les ministères de la culture successifs, de droite comme de gauche, ainsi que les mairies, préfèrent valoriser et visibiliser des actions ponctuelles, en particulier celle du 21 juin, plutôt que de soutenir une politique ambitieuse qui érigerait le quotidien musical en nécessité culturelle. Evidemment, cela demanderait bien plus de moyens et de réflexion que de se contenter de dresser quelques scènes un jour par an... mais l'intérêt général ne s'en porterait sans doute pas plus mal, de même que le lien social dont on nous serine qu'il se délite, sans pour autant voir que les pratiques culturelles amateurs en sont l'un des facteurs essentiel.

J'ai donc choisi mon camp : comme depuis plusieurs années, je ne participe pas à la [dé]fête de la musique.

Boycottons cette arnaque culturelle !!! Non à la [dé]fête de la musique !!

+A+
drÖne
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morue
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Message par morue »

même si c'est pour moi l'occasion de m'amuser (mais pas cette année concours oblige), je dois avouer que tout comme les teknivaux, cette fête semble être un bon moyen pour la classe politique de se dédouaner par une action ponctuelle d'une veritable reflexion sur l'amélioration de la situation des musiciens ...

je pense aussi que cette dévalorisation de la culture au profit de "l'amateurisme moyen", fait partie de cette mentalité art=fanfreluche qui fait que dès le collège, les cours de musique/dessin sont considérés comme du caca (même par les profs) alors que les maths attention, c'est la matière des dieux. (ce qui est surement l'une des principales causes du manque de spiritualité de notre société, que les gens commencent a compenser par l'extremisme religieux .. argh je m'égare)

J'ajouterais a ta réflexion que je m'aperçois que de plus en plus de parallèles entre le système monarchique pré-révolutionnaire et notre société actuelle peuvent être fait (même si les choses se sont quand meme grandement améliorés) et signe la tendance a la régréssion sociale de ces dernières années, en l'occurence le parallèle est celui ci :

le carnaval, a la base etait une fête populaire, le jour des fous, ou les roles s'inversaient le temps d'une journée, et durant laquelle on authorisait les manants à moquer les puissants, une fois par an. Histoire de désamorcer un peu les haines et les tensions que le peuple pourrait nourrir envers ses dirigeants.

La pratique consistant a limiter les evenement culturels a des dates bien précises, ressemble à s'y méprendre a un désamorçage si ce n'est annuel, ponctuel comme l'etait le carnaval ...
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drÖne
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Message par drÖne »

Intéressante cette analogie. Dans la mesure où je suis présent à divers postes d'observation de la société, tant côté cultures "alternatives" que culture universitaire, j'aurais tendance à penser qu'on a actuellement plutôt affaire à des logiques induites par des changements d'échelles territoriales couplées au principe d'une mise en concurrence généralisée

ces logiques ponctuelles se combinent avec la mode des "regroupements". En ce qui concerne les labos de recherche ou l'enseignement supérieur, à l'université, on n'a plus le droit d'émerger, car il faut déjà avoir été là pour avoir la possibilité d'exister. De même, dans les grandes villes, on regroupe des acteurs culturels tant au plan géographique que temporel : dans les "mises en résidence" (dispositif de regroupement géographique qui permet une centralisation et des économies d'échelles tout en assurant, au moins sur le papier, une visibilité aux actions des politiques) ou dans le cadre des festivals qui ne se déroulent qu'à des dates fixes, rituelles, même si par ailleurs elles tombent à un moment débile de la semaine (ce lundi, par exemple, alors que les gens bossent le lendemain).

Bref, ces dispositifs assurent à mon avis (je surinterprète peut-être !) des fonctions de contrôle des populations considérées comme marginales (artistes et teuffeurs : un endroit de regroupement c'est toujours plus facile à contrôler qu'une multitude de points éparpillés sur le territoire) tout en permettant d'afficher sur les bilans des institutions des séries d'actions marquantes (en termes de marketing politique) plutôt que de devoir gérer du long terme et de l'action culturelle pensée en fonction des usages ou des attentes (qu'il faudrait chercher à comprendre et à connaître, ce qui coûte de l'énergie, du temps, de l'argent et n'est pas très visible). Autre fonction : les villes européennes étant en concurrence au niveau de leur attractivité pour les cadres supérieurs (Lyon tire la bourre à Lille pour les locaux de bureaux, Paris se place par rapport à Londres et Berlin, j'imagine), elles ont besoin d'afficher une activité culturelle à pas cher histoire d'attirer leur clientelle. Or, les échelles territoriales ayant changé avec l'Europe, pour qu'une ville soit visible au sein de la communauté, il lui faut des festivals de prestige : un gros truc, donc, avec des sponsors et des foules, comme c'est le cas à Lille (sacrée "capitale européenne de la culture") ou à Lyon (le festival des Nuits Sonores, par sa nullité vaniteuse et son ampleur communicationnelle, est un symptôme évident de ce type de dérive concurrentielle de l'action culturelle).

En attendant, les missions "musique électroniques" ne fonctionnent pas dans les mairies, c'est toujours aussi difficile de trouver des locaux de répétition pas cher à Paris, les free-parteux se font chasser par les flics chaque week-end, et on n'autorise que les gros tekni...

En bref, je prône une analyse géo-stratégique des politiques culturelles ainsi que des politiques liées à l'enseignement et à la recherche pour comprendre à quel point ce qu'on appelle "la convergence des luttes" est une donnée nécessaire et pertinente (et souvent peu comprise des activistes eux-mêmes, encore moins des syndicalistes, pas du tout par les universitaires toujours aussi mous du bulbe...).

+A+
drÖne
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bituur esztreym
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Message par bituur esztreym »

"qui peut le preux, peut le moindre"

disent-Elles .
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bituur esztreym
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Message par bituur esztreym »

drone a écrit : En bref, je prône une analyse géo-stratégique des politiques culturelles ainsi que des politiques liées à l'enseignement et à la recherche pour comprendre à quel point ce qu'on appelle "la convergence des luttes" est une donnée nécessaire et pertinente (et souvent peu comprise des activistes eux-mêmes, encore moins des syndicalistes, pas du tout par les universitaires toujours aussi mous du bulbe...).
eh be, je relis plus attentivement,
toujours aussi acérée et énervée, la plume de Ö !
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bin
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Message par bin »

bituur esztreym a écrit :
drone a écrit : En bref, je prône une analyse géo-stratégique des politiques culturelles ainsi que des politiques liées à l'enseignement et à la recherche pour comprendre à quel point ce qu'on appelle "la convergence des luttes" est une donnée nécessaire et pertinente (et souvent peu comprise des activistes eux-mêmes, encore moins des syndicalistes, pas du tout par les universitaires toujours aussi mous du bulbe...).
eh be, je relis plus attentivement,
toujours aussi acérée et énervée, la plume de Ö !
oui mais cette phrase est tellement vrai ! je confirme d'apres mon experience avec tous les milieus cités
c'est meme souvent pire, plutot ke convergence , il y a tirage dans les pattes
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