[MISE A MORT] / roman à suivre / un épisode par jour

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konsstrukt
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[MISE A MORT] / roman à suivre / un épisode par jour

Message par konsstrukt »

je regarde mes parents dormir
je sais qu'ils ne se réveilleront jamais
je savoure cette vision et cet instant
je me tiens debout dans leur chambre
c'est la dernière fois que je la vois
c'est la dernière fois que je les vois
j'éprouve un puissant sentiment de soulagement
c'est la première fois que je fais l'expérience d'une émotion aussi puissante et aussi agréable
allez
il est temps de partir maintenant

(cinq ans plus tard)

je suis avec sophie dans un restaurant chinois
sophie est particulièrement belle ce soir
elle est belle tout le temps mais ce soir en plus elle est élégante
je la trouve pleine de séduction et je l'observe sans vraiment pouvoir détacher mes yeux de son visage et de la partie de son corps qui n'est pas masquée par la table
je convoque la partie manquante dans ma mémoire
je visualise la jupe les bas les chaussures le string le porte jarretelle
je commence à bander
je lui souris tendrement elle me rend mon sourire
alors tu vas prendre quoi elle me demande
ah oui la carte choisir
je ne sais pas encore je réponds
je souris les yeux mouillés
tu as l'air tout amoureux ce soir elle me dit
oui
je sais pas trop quoi répondre d'autre j'ai la voix presque étranglée d'émotion
je pourrais la serrer tellement fort qu'elle s'incorporerait à moi
un calin tellement fort que je l'absorberait
ses yeux se mouillent aussi
elle me sourit d'un sourire radieux tellement radieux j'en ai les larmes aux yeux vraiment
je m'essuie discrètement
elle me dit idiot elle sourit encore plus fort elle sourit aussi
le serveur
vous avez choisi ?
nous
non désolé
sourires crétins de gens heureux adressés au serveur
pas de problème il répond
il sourit aussi j'ai l'impression que ça n'est pas un banal sourire commercial mais une sorte de connivence
il s'éloigne
qu'est-ce que je t'aime je dis à sophie
l'instant de grâce mélodramatique est passé mais je suis transporté d'amour tout de même
un sentiment plus calme maintenant un amour moins débordant mais plein
bon anniversaire elle me dit
merci mon amour toi aussi
ça fait un an je pense
seulement un an et on dirait déjà toute une vie
je me concentre sur la carte
konsstrukt
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Message par konsstrukt »

sophie dort encore
j'ai trop chaud
je suppose que c'est la chaleur qui m'a réveillé
je suis poisseux de sueur
je regarde sophie
elle dort encore
elle n'a pas beaucoup de couette
elle est pelotonnée en position foetale le peu de couette qui lui reste ramassé en boule entre ses cuisses
moi j'ai tout le reste
je m'en débarrasse
j'essaie de la couvrir mais elle grogne elle fait une grimace bouge les pieds et vire la couette
bon
je souris un peu attendri par son attitude
on dirait un petit enfant
quelle confiance
il pourrait se passer n'importe quoi là
je reste plusieurs secondes perdu dans le néant
juste les yeux posés sur elle
elle me tourne le dos
je vois son dos ses fesses ses cuisses
j'aime son corps
je reviens au réel
je me lève
j'ai encore un peu trop chaud
je ramasse mes affaires
elles sont éparpillées sur le sol mélangées aux siennes
j'essaie de ne pas faire trop de bruit
quand je sors la porte grince sophie grogne
je me retourne pour voir si elle est réveillée
non elle est pas réveillée
je vais à la salle de bain
dans le couloir qui mène à la salle de bain je m'attarde un instant à la fenêtre
je regarde dehors
il fait beau
je me demande quelle heure il est
je verrai ça tout à l'heure
pour l'instant il me faut une douche fraîche pour chasser toute cette moiteur
même mes cheveux sont collants de sueur
konsstrukt
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Message par konsstrukt »

on entre dans le supermarché sophie et moi
je n'ai pas l'habitude de faire les courses avec elle mais là ça s'est trouvé comme ça
je suis un peu tendu
nous n'avons pas la même façon de choisir les produits
là c'est elle qui paie
je suppose que ça lui donne un pouvoir supplémentaire
elle passe le tourniquet
je prends un panier et passe moi aussi le tourniquet
elle prend des trucs qu'elle met dans le panier
je me détends
au moins tout est clair
je n'ai pas mon mot à dire j'accompagne juste
peut-être que ça se passera bien
j'espère
on arrive aux légumes
sophie me dit on prend des tomates ?
je réponds non regarde elles sont moches
ah bon mais non regarde
mouais
je regarde les tomates elles sont dans des cagettes de plastique y'a pas une cagette fermée les tomates sont répandues je lui explique ça
elle dit mais non elle prend une cagette la remplit la referme
oui mais y'a pas de scotch les tomates vont se vider dans le sac
elle me dit mais non
je dis bon fais comme tu veux
oui mais toi tu veux les prendre ou pas ?
bof moi non j'en prendrai pas
son visage se ferme
j'ai dit une connerie peut-être je sais pas
elle pose brutalement les tomates et s'éloigne
elle s'interromp au rayon crèmerie
qu'est-ce qui se passe je demande
j'ai une voix un peu tendue
rien elle dit d'un ton aggressif
t'as qu'à faire les courses elle continue puisque j'ai le droit de rien choisir
quoi ?
pas du tout c'est pas la question c'est simplement que moi je les aurais pas pris ces tomates mais tu prends ce que tu veux toi
arrête
mais quoi arrête j'essaie juste de t'expliquer
ma voix devient une espèce de grondement aggressif elle véhicule une haine que j'ai du mal à maîtriser
arrête
mais quoi arrête merde qu'est-ce que je suis sensé faire acquiescer à tout ce que tu dis
arrête
sa voix est un murmure chargé de colère
elle est au bord des larmes
je me tais
le silence nous environne
elle ne bouge pas
je tend un bras vers elle
elle se dégage
je suis triste et en colère
je la regarde
elle est fermée complêtement fermée
j'ai horreur de ça
les gens passent et nous observent
je veux pas imaginer leur cerveau en action
je suis paralysé
je la regarde
bon on fait quoi ?
elle répond pas
on fait quoi ?
elle répond toujours pas
je lui lance un regard assassin je vais vers les rayons j'arrache des trucs à bouffer un poulet de la viande des trucs je jette ça dans le panier sans ménagement je lance à sophie des regards haineux elle bouge pas raide j'ai envie de la taper de l'assomer à coups de poings là devant tout le monde j'ai les mains crispées sur la hanse du panier le regard fixe et haineux elle sont regard est vitreux de colère et de tristesse c'est grotesque consternant ce qui nous arrive
konsstrukt
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Message par konsstrukt »

je pose le panier
voilà je dis
elle répond pas
voilà j'ai fini moi
elle répond pas
je reste là un moment à regarder les fromages
elle je sais pas
les gens nous contournent
je ne sais pas quoi faire
j'ai envie de la tuer
j'ai envie de lui jeter le panier à la gueule et de me casser
je me contrôle pour rien dire rien faire qui porte à conséquence
rien dire rien faire de grave
je sais pas ce qu'elle pense ce qu'elle veut ce qu'elle attend
je veux pas la toucher je veux pas lui parler
la situation est sans issue
je veux juste que ça s'arrête
j'ai envie de pleurer je veux juste être tranquille dans un endroit où je peux pleurer tranquille
je dis bon c'est toi qui a les sous moi j'ai fini les courses on va payer on fait quoi
j'ai la voix tendu acide j'ai du mal à articuler à cause du stress c'est pas normal que je sois stressé comme ça j'ai envie de violence de lui faire mal ou de faire mal à n'importe qui
elle regarde le panier avec mépris
pourquoi tu as pris du poulet on en mange tout le temps du poulet
bon je dis
j'attrappe le poulet
je marche jusqu'au bac réfrigéré
je jette le poulet plus que je le pose
une vieille me jette un regard outré
je la regarde comme si j'allais l'étrangler
dis quelque chose salope vas-y donne moi une occasion
elle dit rien la vieille salope je retourne vers l'autre connasse
putain que je la hais
je pourrais la tuer sur place
je peux pas m'empêcher de la regarder comme si je voulais la tuer
le regard fixe les sourcils froncés les machoires serrées
putain que je la hais cette connasse cette salope putain que je la hais
à la caisse l'ambiance est horrible
on ne parle pas
on avance en silence
les deux paniers sont pleins
je jette à sophie des regards chargés de tristesse
j'ai qu'une envie c'est rentrer et pleurer
elle aussi
elle aussi je le vois
toute haine a disparu
à son égard en tout cas toute haine a disparu
mais j'ai encore du stress de la violence
j'ai encore des sales trucs à évacuer
je vais me calmer
il le faut bien
je sais qu'en pleurant la tension disparaîtra
vivement que je puisse pleurer
là je sens les larmes qui montent déjà la gorge qui se serre
faut pas que je parle
si je parle je vais exploser
c'est notre tour
on range les courses dans les sacs sans se toucher se parler se regarder
sophie paie
on sort
konsstrukt
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Message par konsstrukt »

on marche lentement
à son rythme
je suis légèrement derrière
je porte deux sacs elle un seul
tu veux que je prenne un sac ?
je lui tends sans dire un mot
on marche vers le tram
je vois bien qu'elle galère je me force à n'en avoir rien à foutre
qu'elle crève avec son sac cette connasse
je suis au bord de larmes j'en peux plus
je sens des pulsations à mon visage
j'ai la peau des joues sèche et tendu
j'ai le front et les tempes qui palpitent
spohie s'arrête à mi chemin du tram
elle fout quoi putain cette connasse elle voit pas que je suis pressé de pleurer merde elle veut quoi que je chiale en pleine rue connasse connasse connasse
à chaque connasse c'est comme une occasion de plus d'avoir envie de pleurer
je me déteste d'être en colère comme ça de la haïr comme ça et de pouvoir rien y faire ça me rend encore plus malheureux
elle pose le sac et rentre dans une boulangerie
elle ressort juste après
t'as pas dix centimes ?
je sors la monnaie de mes poches quelques pièces de un et deux centimes je lui fourre le tout dans sa main sans la toucher la regarder lui parler
elle me regarde très triste je suis très triste aussi mais tellement fermé ça se voit pas sauf les yeux mais je lui montre pas mes yeux elle retourne dans la boulangerie
trente secondes passent je lutte contre les larmes
elle ressort une baguette sous le bras elle me rend mes piecettes
y'avait pas assez elle dit d'une voix renfrognée
je prends les pièces je reprends le sac
putain comme j'ai envie de les lui balancer à la gueule
on entre dans le tram
je me poste avec les deux sacs devant la porte debout
elle se faufile jusqu'à un siège
je fais quoi je la rejoins non ça me fait chier mais j'ai envie je fais quoi
le temps de décider deux vieilles prennnent les deux places qui restent le tram démarre
sophie me regarde tristement
je lui lance un regard éteint fermé je détourne les yeux
elle va pleurer je crois si elle pleure je pleure aussi je veux pas pas dans le tram je veux pas de ça
elle se tourne je vois plus son visage c'est mieux
ça me rend terriblement malheureux en cet instant précis je me dis ça y'est c'est allé trop loin elle va me quitter elle va me quitter c'est foutu
j'ai plus que jamais envie de pleurer
le tram arrive à destination
elle sort
je sors par une autre porte
j'en peux plus
je la rattrape
je l'attrape par le manteau
sophie
ma voix est cassé par la tristesse
les larmes jaillissent d'un coup elle moi
on se pleure dans les bras les sacs de course autour en plein dans le passage on fait chier tout le monde mais on s'en fout
on finit de pleurer sur le banc de l'abritram
on sanglote j'ai la respiration saccadée heurtée difficile
je t'aime
moi aussi je t'aime
ses joues sont mouillées son regard dépourvue de toute colère juste abattu vraiment abattu très fatigué très triste ça me rend encore plus triste les larmes jaillissent d'un coup j'en peux plus j'ai envie de pleurer dormir dans ses bras j'en peux plus
allez il faut rentrer elle me dit
elle à raison
je souris mais pas les yeux
il faut rentrer j'aurais tout le temps de pleurer à la maison
konsstrukt
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Message par konsstrukt »

dans la rue je croise une mère avec trois enfants
il fait nuit les enfants sont serrés contre elle
mes chaussures font du bruit elle a pas l'air rassurée
on se croise je me retourne pour la voir s'éloigner
la rue n'est pas rassurante non plus
long boulevard qui suit la façade rouge brique d'une école militaire sur au moins trois cent mètres
la dame ne me regarde pas
le troisième enfant me regarde il s'est un peu attardé sur un truc chaipasquoi il est à mi chemin d'elle et de moi il la rejoint il détourne la tête ça me rappelle des souvenirs
la dernière fois c'était quand c'était genre il y a trois ans
quand j'étais foyer que j'avais pas le rmi qu'il me fallait du pognon
je voulais pas faire la manche je voulais pas braquer
j'avais trouvé ce truc mais c'était un peu aléatoire ça rapportait pas grand chose fallais guetter l'occasion
c'était marrant quand même gamin cutter otage la mère elle raquait toujours
je demandais pas trop trente quarante euros maxi
le gamin serré contre moi son visage effrayé
mon cutter sur sa gorge
la mère qui fouillait le sac
fébrile et souvent au bord des larmes ou en larmes
elle en sortait deux ou trois billets
je prenais aussi ses papiers et son adresse je lui disais que je les lui renverrais par la poste d'ici une semaine si rien ne m'était arrivé et que dans le cas contraire j'avais des amis qui s'occuperaient d'elle
en général c'était bon pour quarante euros personne prend le risque de se faire défigurer par un sdf
j'avais quarante euros je me tirais c'était bon
j'en ai fait des commes ça je sais pas trop
peut-être une quinzaine
ça rapportait assez finalement
pour voir venir
j'avais des primes aussi
l'assistante sociale
c'était une période bizarre et marrante
c'est le silence dans la rue
les seules voitures sont garées
il y a un adolescent qui attend à l'arrêt de bus
je le dépasse
j'arrive devant l'épicerie je rentre
bonjour
bonjour monsieur
c'est une marocaine elle a un joli visage
je la préfère elle à son mari elle est plus souriante
elle est grosse j'aime bien aussi
je vais au bac réfrigéré
je regarde les fromages
merde pas de fromage à raclette
fait chier
je regarde un petit moment ce qui pourrait remplacer
elle s'approche de moi
je peux vous aider monsieur ?
euh peut-être
je cherche du fromage à raclette vous auriez ça ?
ah oui on en a quatre paquets
elle regarde
y'a rien
tiens ?
je vais voir à la réserve peut-être qu'ils y sont je m'en souviens qu'il y en avait quatre ça m'étonnerait qu'on les ait tous vendus aujourd'hui tout de même
je souris
elle va dans la réserve moi je continue à farfouiller
au pire je prendrai un reblochon
elle revient l'air un peu dépité
bon et bien je n'en ai plus
je ne comprends pas pourtant il y en avait
je souris
c'est pas grave je vais prendre ça à la place
d'accord
elle sourit aussi
on va ensemble jusqu'à la caisse
je vais vous prendre aussi un pain rond s'il vous plaît
ce sera tout ?
konsstrukt
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Message par konsstrukt »

bon on est parti ?
attends je suis pas prête
ça y'est ça commence à m'agacer
pas tellement le retard en lui -même
mais c'est systématique merde
elle le sait
elle le sait qu'il lui faut quarante cinq minutes pour se préparer
trouver ses fringues
trouver son portable
changer de fringues changer encore
mettre son portable dans son sac le sortir pour une raison à la con le paumer le retrouver le remettre
mettre les chaussures le manteau enlever le manteau pour aller pisser remettre le manteau chercher les clés alors que c'est moi qui les ait aller à la salle de bain se maquiller avec le manteau ça j'ai jamais compris pourquoi
et à chaque fois elle a le manteau moi j'ouvre le porte je vais sur le pallier je sors elle elle me dit non attends je suis pas maquillée alors je rerentre en montrant bien mon agacement là ça y'est ça commence tension
mais à chaque fois pourquoi à chaque fois c'est pareil
à chaque fois je lui dit une heure avant dans une heure on s'en va prépare-toi
elle rigole
après je lui dis bon là on part dans une demie-heure tu devrais te préparer
elle rigole
après je lui dis bon on part dans dix minutes
ah merde
et là elle se speede et elle perd du temps et moi en chaussure manteau je la regarde je la plombe du regard
je la suis
elle est speed mais je la trouve lente
voilà je pense à ça accoudé à la porte un oeil sur la salle de bain
elle a terminé je sors je suis au bout du couloir
j'ai le doigt bloqué que l'interrupteur
je la regarde aller encore éteindre des trucs
repasser encore un coup à la salle de bain pour rien juste pour se mater
je rappuie sur l'interrupteur
elle sors enfin claque la porte
tu as tes clés elle me demande
je me dis c'est un peu con de demander maintenant que c'est fermé je réponds oui évidemment dans ma poche comme d'habitude
elle me regarde
tension
tu veux pas fermer ?
sa voix est un peu aggressive je me braque un peu
je franchis lentement le couloir je sors ostensiblement la clé j'attend que l'information cruciale lui parvienne à l'esprit
je suis presque arrivé à la porte lorsque elle le dit enfin
ah oui c'est vrai qu'elle marche pas ta clé en ce moment
elle fouille dans son sac
je m'immobilise l'air renfrogné
elle aussi
elle ferme
elle me regarde l'air agacé
pourquoi tu fais ça ?
ça quoi ?
pourquoi tu fais semblant de venir fermer la porte alors que tu sais que tu vas pas le faire ?
ça y'est c'est l'engueulade
je sens la tension envahir mes muscles et ma mâchoire
silence
elle me regarde
tu dis rien ?
je sais pas quoi dire
tu veux pas répondre ?
et bien je ne sais pas pourquoi je fais semblent de venir fermer la porte alors que
respiration
je sais que je ne vais pas le faire
elle me regarde dégoûtée triste en colère
je me demande pourquoi il y a cette tension ça me fait chier maintenant mais je sens de l'aggressivité à libérer
konsstrukt
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Message par konsstrukt »

je soutiens son regard ça dure une seconde et elle parle
je déteste quand tu fais le connard comme ça
je me fige
elle m'a traité de connard
cette pute m'a insulté
cette pute m'a insulte de la même manière que ma mère insultait mon père
pute salope
je la regarde passer devant moi descendre l'escalier
je reste figé une seconde et puis je la suis
je suis rempli de colère
je la sens comme des fourmis dans les bras et les jambes
je suis crispé
j'ai envie de foutre des coups de pieds dans le murs mais je ne fais rien
je descend juste
lentement
lentement de manière ostensible
sophie va plus vite que moi
je l'entends arriver en bas
je descend toujours lentement
toujours envie de fracasser les murs à coups de pieds envie de hurler pour qu'elle se rende compte du mal que ça me fait quand elle me traite de connard
je veux qu'elle se rende compte à quel point ça compte pour moi ce mot et elle qui m'aime qui le prononce mais je sais pas comment je peux pas parler c'est stupide je peux pas casser les murs c'est stupide
je suis rempli de colère et de frustration j'en ai marre
ça fait chier tout le temps tout le temps ça finit comme ça j'en ai marre
je la rejoins elle m'a attendu
je passe devant elle sans un regard
voilà maintenant je sais qu'elle n'est plus en colère
elle est juste triste
c'est bien
une partie de moi est contente
saloperie
je repasse en boucle son insulte
ça me rend triste
je ne suis plus en colère
juste triste
redescente tranquille
on arrive à l'arrêt de bus
on attend le bus en silence heureusement il ne tarde pas
il monte on s'assied face à face en silence
concession de sa part le choix de la place
j'apprécie je montre pas que j'apprécie
elle me regarde l'air triste elle veut se réconcilier
mon regard est vide
je repense encore à l'insulte
c'est dur à avaler excuse-toi merde excuse toi
ça t'écorcherait la gueule de t'excuser
quelques minutes de silence
son visage tourné vers la vitre me regarde dans le reflet je fais comme si rien ne se passait
elle se tourne vers moi
elle attend quelque chose
moi je ne suis plus en colère plus triste non plus
abandonné
par elle par la colère par un peu tout
par le ressentiment
j'essaie de sourire
c'est dur mais j'y arrive
un faux sourire mais on s'en fout
elle sait ce que ça veut dire
elle bouge sa main vers moi de quelques centimères
je fais le reste
sa main est dans la mienne maintenant
elle se penche mais je suis crispé
elle s'excuse elle demande de l'affection avec tout son corps
moi je ne réagis presque pas
des gens montent genre lascar
je regarde autour de moi
elle se dégage
elle est triste et vexée
elle croit que je refuse de me réconciler c'est ce qu'elle me dit
elle ajoute tu veux qu'on se refasse la gueule c'est ça
je dis non
je dis rien d'autre
je lui adresse un sourire crispé
elle comprends pas que c'est pas elle c'est le bus
c'est un piège le bus un traquenard
j'aime pas ça non j'aime pas ça
c'est fermé un bus
on peut pas s'enfuir en cas d'emmerdes
je n'aime pas ça
je suis tendu et cette tension ça va encore nous retomber sur la gueule
je veux dire à sophie et à moi
je la sens déjà qui se crispe et qui se braque
moi je peux rien faire je suis trop occupé à sentir le danger à l'évaluer à chercher des moyens de défense
mais elle se rend pas compte de tout ça
ni du danger ni de la peur que j'en ai ni de l'énergie que je consacre à tout ça
elle voit juste une chose elle voit que j'en ai rien à foutre de me réconcilier que je boude alors qu'on va à une soirée elle voit rien d'autre et elle se renferme et dans cinq minutes c'est trop tard ça va repartir en embrouille et elle sera plus grave
le bus arrive on a de la chance
dehors on se prend dans les bras
je regarde autour de moi
des gens mais je décide qu'ils ne sont pas vraiment hostiles
je serre sophie fort dans mes bras
on s'embrasse
je t'aime je dis
elle s'illumine
sa peau est fraîche
ses lèvres sont fraîches
et c'est vrai je l'aime
konsstrukt
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Message par konsstrukt »

je jette les clefs par terre
les clefs sont entre sophie et moi
elle est estomaquée
je suis muet de rage
elle m'a trop fait chier là trop fait chier
démerde-toi rentre rentre pas je m'en fous
je crie pas ou plutôt je crie à voix basse
les passants nous jettent des yeux je leurs foutrait mon pied dans le ventre
les larmes montent aux yeux de sophie
les larmes montent au mien mais la colère fait barrage
je suis enragé vraiment enragé
j'ai jeté les clefs pour ne pas lui taper la gueule mais j'ai encore envie
je la regarde j'ai le visage fermé verrouillé de haine
je me sens rougir
elle se baisse pour ramasser les clefs je visualise très clairement mon pied partir en avant
il rencontrerait son front elle tomberait la peau de front éclatée les yeux grands ouverts je me jetterai sur elle
ça serait sa fête
je ne bouge pas d'un millimètre
mes pieds sont soudés au sol
mon corps est raide
ma nuque est raide
je la sens raide et crispée
mes bras sont le long du corps inutiles sans fonction
elle me regarde elle est en colère elle aussi maintenant
elle aussi elle pourrait me frapper je le vois bien
elle s'approche de moi trois possibilités elle pleure on se réconcilie mais j'ai pas envie là je suis trop rempli de haine là elle me frappe et c'est fini je la tue devant tout le monde ou elle me dépasse et elle me tire
elle me dépasse et elle se tire
je rentre tu fais ce que tu veux
elle se tire
avec mes clefs
il faudra que je sonne pour entrer
je regarde son dos s'éloigner un petit moment
je pars
je marche vite dans les rues
je croise des arbres et des gens
j'ai envie d'en plomber un
je marche vite des envies violence dans la nuque
j'ai les muscles raides
je suis rouge
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Message par konsstrukt »

je marche et je marche et je marche
je les connais ces rues et elles ne me sont d'aucun réconfort
ça m'empêche pas la colère de battre à mes tempes à mes yeux à ma nuque de marcher
j'ai les yeux secs et entouré de chaleur
j'ai soif
je marche raide
je tourne à droite à gauche à gauche à droite
je marche
j'ai le souffle raide
je passe devant des magasins avec l'impulsion de rentrer dedans acheter des trucs
en général dépenser de l'argent me procure la paix
et puis j'ai envie d'acheter quelque chose pour sophie
quelque chose pour nous réconcilier
cette salope je peux pas croire qu'elle m'ait planté là
qu'elle n'ait même pas pleuré
alors que moi j'avais envie de pleurer
je veux pas lui acheter un truc
rien
j'aurais envie dans un moment
mais là non
putain elle m'a planté la salope
je l'ai regardé partir
même pas elle s'est retourné
si j'avais eu des pierres
si j'avais eu des pierres
si seulement j'avais pas été paralysé par toute la merde dans mon cerveau
ne fais plus mal
ne fais plus mal à ceux que tu aimes
mon cul oui
tiens un attroupement
je m'approche
il y a de tout des gens en cercle approximatif des flics enfin juste quatre des commerçants qui sont sortis de leur boutique accompagnés de quelques clients
j'approche pour voir moi aussi
y'a aussi un car de pompier avec deux pompier qui font rien de plus que les flics
je m'enfonce dans la foule
au centre de la foule il y a un type un clochard on dirait
la gueule en sang
le sang fait des trainées noires au nez et à la bouche
la pluie délave
tiens oui il pleut
le sang en bouillasse rouge
le nez est cassé
les yeux sont ouverts et vitreux
le type est mort
les flics les quatre flics regardent les pompiers
c'est comme un arrêt du temps
les pompiers ont renoncé à secourir le type
les flics ont renoncé à disperser les voyeurs
les gens ont renoncé à partir
moi je me dis que j'ai renoncé à ma colère là d'un coup
voir ce type mort m'a apaisé d'un coup
rendu triste même
et plein d'amour pour sophie
un flic réagit enfin
j'en profite pour sortir mon portable
prendre discrètement plein de photos avec
pas de flash de toute façon y'a assez de lumière
je veux un souvenir de ça
je veux absolument un souvenir
le flics disperse tout le monde
un véhicule du samu arrive
un autre flic recouvre le mort d'une couverture
voilà c'est fini
je regarde pas tout de suite mes photos
je m'éloigne un peu
je suis fébrile
il y en a quelques-unes de bien
je les mets en mémoire
je suis fébrile et triste
maintement sophie me manque
j'ai envie de me réconcilier avec elle
je vais lui acheter quelque chose
quelque chose pour me faire pardonner
elle aura fait pareil
elle est comme ça elle aussi
on va pleurer
ça sera bien
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